Russia and the Western Far Right (Routledge Studies in Fascism and the Far Right), 1st Edition
by Anton Shekhovtsov (Author), Publisher: Routledge; 1 edition (September 19, 2017)
LA RUSSIE ET L’EXTRÊME-DROITE EUROPÉENNE : UN CHOIX PAR
DÉFAUT
Marie-Thérèse
Straggiotti
Publié le 15 novembre
2017
Les formations
d’extrême-droite en Europe sont utilisées par le pouvoir russe pour saper les
fondements de la démocratie libérale. Chercheur à l’Institue for Euro-Atlantic
Cooperation, Anton Shekhovtsov a publié un livre intitulé Russia and the Western
Far Right. Tango noir (éd. Routledge). Il a présenté ses analyses à l’ECFR de
Paris (European Council on Foreign Relations) au cours d’un débat avec Thorniké
Gordadzé, ancien ministre de Géorgie, conseiller auprès de l’Institut des
hautes études de la défense nationale.
La Russie et
l’extrême-droite sont à la recherche d’une légitimité réciproque mais c’est un
second choix. Vladimir Poutine préférerait s’allier avec des partis
"convenables".
KATEHON.com 2016
Heinz-Christian
Strache, président du FPÖ autrichien, et Vladimir Poutine
Légitimation mutuelle
? Oui, mais… davantage. Les caisses de résonance, comme on disait autrefois,
offertes par les partis d’extrême-droite à l’argumentation de la politique
russe, notamment de sa politique étrangère, sont certainement très utiles pour
asseoir un soft-power russe, et même pour rendre cette politique populaire. Au
Moyen-Orient en particulier Moscou a besoin de montrer que la Russie n’est pas
isolée, que loin d’être marginale elle participe à la construction de la paix.
Pour le faire elle a besoin de commentateurs occidentaux.
La légitimation de
l’extrême droite dans les pays européens par le soutien de la Russie est
peut-être moins directe. Elle passe d’abord par de communes oppositions.
L’anticommunisme
historique de la droite – encore qu’il n’ait plus lieu d’être s’agissant de la
Russie où seul Zyouganov est encore communiste – se fond dans des « contre »
toujours d’actualité : on est contre l’Amérique (même avec Trump, ça ne passe
pas, l’anti-américanisme dans certains partis est parfois indestructible),
contre l’OTAN naturellement, et surtout contre "l’establishment". Et
Poutine depuis toujours est contre l’internationalisme
Mais alors pourquoi
seulement l’extrême droite semble-t-elle concernée ? Lors des élections
présidentielles françaises, trois des quatre candidats retenus après le premier
tour étaient des amis de la Russie, l’un à droite (François Fillon), l’autre à
l’extrême droite (Marine Le Pen) et le troisième à l’extrême gauche (Jean-Luc
Mélenchon).
Une idéologie flexible
Mélenchon, pour les
Russes, ce n’est pas intéressant (Combien de divisions ?) Ce n’est pas une
question d’idéologie. L’idéologie, chez Poutine, est un instrument flexible.
Les « acteurs » russes sur la scène internationale, et même dans le pays, ont
besoin d’un support. On y met ce qu’il faut, avec l’aide de l’idéologue en
chef, Alexandre Douguine, et de quelques autres philosophes ou politiciens
appelés à la rescousse quand c’est nécessaire ; ça n’a pas d’importance, on met
ce qu’il faut.
Les partis
d’extrême-droite ont besoin d’un modèle alternatif par rapport au main stream,
ils ont besoin d’une référence. On leur donne un « patriotic sovereign state », qui en plus défend les valeurs de la
civilisation chrétienne occidentale.
Les gens des partis de
la droite extrême ne connaissent rien à la Russie, et c’est tant mieux. On dit
aussi que ces partis sont soutenus davantage par des entreprises petites ou
moyennes que par les très grandes, et que pour elles le marché russe n’est pas
sans attrait. Cela pourrait jouer un rôle dans l’Italie du Nord par exemple,
pour les partisans de la Ligue.
Il y a un autre
modèle, concurrent, internationaliste, mondialiste, globalisateur : la Chine
est taboue dans le langage du pouvoir russe. On se complimente mutuellement sur
sa force et son attractivité, et on s’en tient là.
Lors de l’élection
présidentielle française, le candidat de la droite ami de la Russie a disparu
rapidement de la scène politique, mis en cause personnellement. Sinon, il eut
parfaitement fait l’affaire des Russes : ce n’est pas un choix délibéré pour
eux que celui des extrêmes-droites, c’est plutôt un choix par défaut. Ils
essaient cependant de s’attirer les bonnes grâces de partis ou de personnalités
établis, en Allemagne avec Gerhard Schröder, en Autriche où ils préféreraient
des liens avec les conservateurs plutôt qu’avec les populistes, mais ça ne
marche pas toujours. Le FPÖ, qui devrait faire partie de la prochaine coalition
à Vienne a passé un accord avec Russie unie, le parti officiel de Vladilir
Poutine. Il n’y a pas de discussion de fond sur l’idéologie, explique Anton
Shekhovtsov : un islamiste pro-régime est bon, un islamiste opposant est
mauvais.
Le rôle de la
corruption
Il faut simplement
réorganiser l’approche. Si on parle de la corruption, un thème tout de même
discriminant lors des élections en Russie ou en Ukraine, et bien sûr en
Géorgie, le message russe est ambigu, explique Thornike Gordadze : 1) la
corruption, c’est mal et on la combat ; 2) il est impossible d’éradiquer la
corruption — c’est une disposition "culturelle" ; 3) on ne peut que
la « discipliner », on la rend civilisée et acceptable (on tue moins, etc.) La
Géorgie a tenté de lutter contre la corruption. Oui, mais c’est plus facile
dans un petit pays et ça ne signifie rien pour un grand pays comme la Russie.
Et ce qui importe
désormais, ce n’est pas la corruption mais la « loyauté » ; la corruption n’a
plus d’importance pourvu qu’on soit loyal envers le pouvoir. Elle sert aussi à
s’attirer le soutien des formations d’extrême-droite européennes à la recherche
de financement que leur refusent parfois les banques nationales. On l’a vu avec
le Front national qui a contracté des emprunts auprès d’une filiale d’une
banque russe établie en République tchèque.
Le seul vrai souci de Vladimir Poutine, dit Anton
Shekhovtsov, c’est de protéger le régime, pas l’Etat, mais le système.
Quand l’extrême droite européenne copine avec le Kremlin
Par : Marion Candau |
EURACTIV.fr 16 nov. 2017 (mis à jour: 21
nov. 2017) https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/quand-lextreme-droite-europeenne-copine-avec-le-kremlin/
Marine Le Pen lors de
sa visite au Kremlin le 24 mars 2017. [@EPA/MICHAEL KLIMENTYEV/SPUTNIK/KREMLIN
/ POOL MANDATORY CRE]
Front national en France, Ligue du Nord en
Italie, ou FPÖ en Autriche, les partis d’extrême droite en Europe bénéficient
largement du soutien de Vladimir Poutine. Et vice et versa.
Les partis du groupe
Europe des nations et des libertés du Parlement européen ont une fâcheuse
tendance à aller chercher du soutien auprès du Kremlin. Quant à Vladimir
Poutine, trouver un allié chez les dirigeants des partis traditionnels en
Europe relève d’un véritable casse-tête. À défaut, il se tourne donc vers les
partis qui l’aideront à déstabiliser l’UE.
« Les partis d’extrême
droite n’ont pas été créés par la Russie, mais ils entretiennent avec elle de
fortes affinités idéologiques », assure Fredrik Wesslau, de l’European Council
on Foreign Relations (ECFR), lors d’une conférence sur le sujet à Paris, le 14
novembre.
En effet la montée du
populisme en Europe depuis quelques années n’est pas le résultat d’une manœuvre
politique de Vladimir Poutine, mais ce dernier sait comment en tirer profit.
« Cette coopération
est utile au Kremlin pour légitimer ses politiques à l’intérieur du pays, pour
montrer que la Russie n’est pas isolée, pour dire ‘regardez, beaucoup d’Européens
adhèrent à nos idées’ », explique quant à lui Anton Shekhovtsov, chercheur à
l’Institut des sciences humaines à Vienne et auteur de Russia and the Western
Far Right : Tango Noir.
L’exemple du FN
Ainsi, en 2014,
Médiapart révélait que le Front national avait obtenu un prêt de 9 millions
d’euros par une banque russe, la First Czech-Russian Bank (FCRB). En soi, rien
d’illégal. Marine Le Pen s’était d’ailleurs justifiée en disant que les banques
françaises n’avaient pas voulu lui accorder de prêts ; et qu’il avait donc bien
fallu aller chercher l’argent ailleurs.
Le scandale a tout de
même débouché sur une résolution européenne, adoptée le 10 juin 2015 pour
demander la réglementation de l’aide financière, politique ou technique fournie
par la Russie à des partis politiques européens.
Une décision qui n’a
pas empêché Marine Le Pen de s’afficher aux côtés de Vladimir Poutine en mars
2017, un mois jour pour jour avant le premier tour de l’élection présidentielle
française. La relation entre le Front national et la Russie n’est donc pas
seulement financière. À l’époque, le président russe comptait d’ailleurs sur la
promesse de Marine Le Pen de reconnaître l’annexion de la Crimée si elle accède
à l’Élysée.
Kiev dénonce la visite
d'un eurodéputé tchèque en Crimée
L’Ukraine a dénoncé le
voyage programmé de Miroslaw Ransdorf, eurodéputé tchèque, en Crimée le 19
juin. Cette visite « discrédite » le Parlement européen selon l’ambassadeur. La
Commission estime que les autorités nationales doivent agir lorsque les
sanctions de l’UE visant le territoire russe sont transgressées.
Au moment du
référendum en Crimée en 2014, une ONG belge pro-russe, l’Observatoire eurasien
pour la démocratie et les élections (OEDE), a pour sa part invité plusieurs
partis d’extrême droite européens en qualité d’observateurs. Officiellement, le
FN et FPÖ autrichien ont décliné l’invitation, mais Aymeric Chauprade, alors
conseiller de Marine Le Pen pour les questions internationales, faisait bien
partie des « experts » internationaux présents lors du référendum.
Quelques mois plus
tard, un eurodéputé frontiste, Jean-Luc Schaffhauser, se rend cette fois dans
le Donbass pour jouer le même rôle lors des « élections » organisées par les
séparatistes pro-russes de cette région d’Ukraine, rapportait alors Le Monde.
Quête mutuelle de
légitimité
FN, Ligue du Nord et
compagnie sont surtout utiles à Vladimir Poutine pour promouvoir et légitimer
la politique russe à l’étranger. A contrario, ces partis pro-russes ont besoin
de la Russie, car le pays représente une puissance mondiale qui partage leurs
idées.
Identité chrétienne,
anti américanisme, anti démocratie libérale, anti mariage pour tous,
nationalisme et anti multiculturalisme sont quelques-unes des idéologies
communes aux partis populistes et à Vladimir Poutine, qui partagent surtout une
ambition: désunir l’Europe.
Poutine soutient
l'extrême droite pour diviser l'Europe
Le vice-président de
la Commission européenne Frans Timmermans estime que le président russe
Vladimir Poutine soutient l’extrême droite et entretient des liens avec Marine
Le Pen dans le but de diviser l’Europe pour l’affaiblir.
Soutien médiatique
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