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dimanche 26 septembre 2021

Arta furata

Le Louvre expose des tableaux spoliés par les nazis, en espérant les restituer

Des tableaux spoliés par les nazis, exposés dans une salle du musée du Louvre, à Paris.

PHOTO : ASSOCIATED PRESS / CHRISTOPHE ENA


Le musée du Louvre expose en permanence 31 tableaux spoliés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, en espérant identifier leur propriétaire légitime.

Deux salles du célèbre musée parisien accueillent depuis décembre ces tableaux, qui font partie des milliers d'œuvres d'art pillées en France par les forces allemandes de 1940 à 1945.

Plus de 45 000 œuvres ont été restituées à leur propriétaire légitime depuis la fin de la guerre, mais plus de 2000 autres n'ont pas été réclamées, dont 296 tableaux confiés au Louvre.

Sébastien Allard, directeur du département des peintures au Louvre, a expliqué à l'Associated Press que ces tableaux n'appartiennent pas au musée, et que l'objectif est de les restituer à leur propriétaire – très souvent des Juifs auxquels les nazis ont pillé les biens.

Les tableaux exposés récemment couvrent tous les styles et sont d'artistes divers. On y trouve notamment une remarquable peinture de paysage de Théodore Rousseau, La source du Lizon.

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ŒUVRES SPOLIÉES : LE GRAND PILLAGE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE DOSSIER PÉDAGOGIQUE L’art sous le regime nazi

Christine Albanel a saluée un "long travail de mémoire et de justice accompli" depuis 1997, dont le point d'orgue était une exposition baptisée A qui appartenaient ces oeuvres?, présentée cette année au Musée d'Israël à Jérusalem puis au Musée d'art et d'histoire du judaïsme à Paris, et qui regroupait 53 tableaux en forme d'interrogation. Le mur rose était des leurs; son histoire est aujourd'hui recomposée, ouvrant ainsi la voie à de possibles restitutions futures. 

Le parcours singulier du Mur rose d'Henri Matisse

Acheté en France en 1914 et ramené à Francfort, il portait de ce fait un tampon des douanes françaises. Harry Fuld Sr. en fait alors l'acquisition. L'oeuvre est confisquée à son fils, émigré en Grande-Bretagne, en 1941. En 1948, le tableau est mystérieusement retrouvé près de Tübingen, dans une cache constituée par l'officier SS Kurt Gerstein, personnage ambiguë s'il en est : chargé de l'approvisionnement des camps en Zyklon B, il avait également cherché à avertir le Pape et les Alliés de ce qui allait devenir la solution finale.  

En 1949, la peinture est ramenée en France en raison du tampon des douanes, et confiée à la garde des musées nationaux en 1951. Cinquante-huit ans plus tard, une historienne allemande, Marina Blumberg, fait le lien entre le MNR R5P et le tableau de Harry Fuld grâce à la base constituée sur Internet et à une photographie fournie par M. Fuld lui-même. Le mur rose peut ainsi être rendu à ses héritiers le 27 novembre 2008. 

Hitler. Sa collection de peintures découverte

Paris Match ||Mis à jour le 
Lucie Dancoing
Un tableau de la collection, exposé aux médias au monastère de Doksany
Un tableau de la collection, exposé aux médias au monastère de Doksany
ABACA/Rembarz Norman

Un historien tchèque a découvert sept tableaux d’une collection qui appartenait à Hitler. Un butin qui serait estimé à plusieurs milliers d’euros.

L’art de se replonger dans l’Histoire. Dans un village perdu au cœur de la Bohême du Nord se cachait un trésor. Entre les murs du monastère de Doksany, fondé au 12ème siècle, un écrivain tchèque passionné a retrouvé des Toiles ayant appartenu au «Führer». Auteur de deux livres sur la collection d’Adolf Hitler, Jiri Kuchar a révélé l’incroyable découverte la semaine dernière, rapporte la chaîne Nova TV.

«Souvenir de Stalingrad»

Les recherches de l’historien l’ont mené jusqu’aux portes de l’abbaye, inaccessible au public. C’est en juillet dernier qu’il a retrouvé sept peintures à l’huile, extraite d’une collection perdue. Des toiles qui complètent une collection de quarante-quatre œuvres –sculptures et autres dessins-, dont seulement neuf avaient été retrouvées et authentifiées. Selon Kuchar, elles pourraient atteindre la somme de 2 millions d’euros lors d’une vente aux enchères.

Parmi ces tableaux figurent un ouvrage du peintre favori du dictateur, Franz Eichhorst, intitulé «Souvenir de Stalingrad», ainsi qu’un travail signé Paul Hermann, rapporte le «Lidové noviny» –«Le Quotidien du peuple». Amateur à la carrière artistique avortée, Adolf Hitler avait accumulé les objets de collection durant la Seconde Guerre mondiale. Ses dépenses pouvaient atteindre jusqu’à 50 000 Reichsmark, une fortune à l’époque.

Le tableau de Franz Eichhorst, «Souvenir de Stalingrad» –«Erinnerung an Stalingrad»- (Photo: ABACA)

Butin de guerre de l'ex-Tchécoslovaquie, ces peintures auraient été déposées vers 1943 au monastère Vyssi Brod, en Bohême du Sud –avec celles de Fritz Mannheimer et de la famille Rothschild, confisquée à Vienne en 1938. Cette année-là, Hitler avait perdu la bataille à Stalingrad, avant le débarquement des troupes Alliés en France. Après la guerre, les œuvres des deux banquiers ont été rapatriés à Munich par les Américains.

Une collection dispersée

Les moines rentrés au monastère se sont ensuite débarrassé des tableaux, souvenir d’un douloureux passé. Certaines toiles ont ainsi été retrouvées à des centaines de kilomètres, à Doksany. Le gestionnaire du monastère a indiqué à la télévision tchèque qu’aucun des ecclésiastiques ne connaissait l’origine de ces toiles.

Durant près de cinq ans, Jiri Kuchar s’est mis en quête de cette collection. Malgré la découverte de quelques statuettes, le spécialiste craint qu’un trafic vers l’Ouest n’ait anéantis son travail…

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Le musée de Hitler sur Internet

Hitler rêvait de construire un musée à Linz et d'y consacrer une galerie à l'art germanique. La liste des oeuvres vient d'être rendue publique par des historiens allemands.

armi les nombreux projets fous d'Hitler, le dictateur caressait celui d'accueillir à Linz, sa ville natale, la plus grande collection d'art germanique ainsi que des chefs-d'oeuvre étrangers. Si le projet n'a jamais abouti, la liste des pièces amassées, connue sous le nom de Linzersammlung (collection de Linz) a, elle, été rendue publique et mise en ligne par le Musée de l'Histoire allemande (Deutsches Historische Museum) en collaboration avec le bureau fédéral pour les services centraux et les questions de propriété non résolues. Pour la première fois, un document exhaustif répertoriant les pièces du dictateur ainsi que toute l'information connue à leur propos est rendu publique.  

La collection de Linz comprend 4 731 toiles, tapisseries, sculptures, porcelaines et meubles. Tous ces objets étaient destinés à un musée qui devait être terminé avant 1950 afin de faire rayonner le Reich. Que découvre-t-on dans cette collection? Des oeuvres de Rembrandt, de Watteau et de Canaletto, un goût prononcé pour les scènes bucoliques et le romantisme allemand. Les artistes contemporains et ''dégénérés'' tels que Emil Nolde, qu'Hitler a censuré pendant son pouvoir, sont absents. 

Le ''Projet spécial Linz''

La collection officielle s'est construite sur les acquisitions qu'Hitler avait fait à titre privé. Le chef du parti Nazi avait mis sur pied une force spéciale chargée de rassembler les oeuvres, la Sonderauftrag Linz, ou ''Projet spécial Linz'', en 1939. Cette unité a bâti la collection jusqu'en 1945. 

Afin de protéger les oeuvres des bombardements alliés, elles avaient été cachés dans des mines de sel à proximité de la ville du nord de l'Autriche. C'est là qu'ils ont été retrouvés par les Américains à la fin de la guerre. Elles figurent depuis dans le Central Collecting Point Archive, une base de données concernant toutes les oeuvres des Nazis retrouvées après leur défaite.  

Ce plan, non daté, a été dessiné par Hitler lui-même. Il aurait servi à construire un opéra à Linz dans le cadre de son projet de musée grandiose.

Un travail d'identification de longue haleine

La coordinatrice du projet du Deutsche Historische Museum, Monika Flake, révèle au Spiegel que le catalogue de 1945 comprend environ 50 000 photos de la Linzersammlung mais que certaines informations telles que le nom de l'artiste ou la provenance de l'oeuvre ont dû être déterminés par son équipe. Un travail d'identification avait déjà été entamé par l'historien Christian Lohr, dans un livre publié en 2005, La maison brune de l'art, en référence à la tristement célèbre "Maison brune" des SA à Munich.  

Les éléments pillés ont été restitués à leurs propriétaires quand cela était possible. Ceux dont on ne pouvait pas identifier l'origine ont été remis en état et sont éparpillés dans divers musées nationaux. D'autres auraient été vendus illégalement.  

Relativement peu d'oeuvres pillées

Depuis leur découverte, l'origine des oeuvres de la Linzersammlung occupe les historiens. Combien d'oeuvres ont été volées par la Gestapo? Parmi les pièces que possède aujourd'hui le gouvernement, combien devraient être rendues à des familles encore vivantes? Aucune réponse définitive pour l'instant, mais Flake estime que ''la proportion de pièces volées ou confisquées est relativement peu importante''.  

En rendant accessible la liste, les chercheurs allemands espèrent recueillir de nouvelles indications sur les oeuvres dont la source est incertaine. 

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Führermuseum 

Le Führermuseum est un projet de musée allemand gigantesque situé à Linz (Autriche) et imaginé par Adolf Hitler pour accueillir les plus grandes œuvres dites de l’« art véritable », par opposition à l’« art dégénéré » de la modernité.

Genèse du projet

Adolf Hitler mûrit pendant plusieurs années l'idée de créer un grand musée. Il choisit pour site la ville de Linz, située non loin de sa ville natale et où il avait lui-même étudié. Le projet comprenait un opéra, dont Hitler dressa lui-même les plans[1]. La construction devait s'échelonner jusque vers 1950. Le site choisi est alors occupé par la gare de Linz, qui aurait été déplacée 4 kilomètres au sud.

La majorité des plans sont dessinés par Albert Speer. Le complexe comprend un théâtre monumental, un opéra et un hôtel, le tout entouré par des boulevards et une esplanade pour les parades. Une bibliothèque devait accueillir 250 000 livres. Le musée devait avoir une face de 150 mètres de long et correspondre plus ou moins à la Haus der Kunst érigée à Munich.

Les œuvres

Le , Hitler met en place le projet spécial Linz (Sonderauftrag Linz), à Dresde, et nomme le docteur Hans Posse directeur de la Gemäldegalerie Alte Meister (galerie de peintures de Dresde), en tant qu'envoyé spécial. Le Sonderauftrag est chargé de collecter des œuvres d'art pour le futur Führermuseum. Basé à Dresde, il se compose d'historiens de l'art travaillant normalement pour la galerie de peintures, par exemple Robert Oertel et Gottfried Reimer. Posse décède d'un cancer en  ; en Hermann Voss, un historien de l'art et directeur de la galerie de Wiesbaden, reprend la direction du Sonderauftrag.

Les méthodes d'acquisition vont de la confiscation à l'achat et comprennent aussi de nombreux cas de vente forcée, par l'utilisation des fonds provenant des ventes de Mein Kampf et de timbres à l'effigie d'Hitler. Les achats sont principalement enregistrés depuis le Führerbau (bureaux d'Hitler à Munich) ; les œuvres d'art acquises sont stockées dans des dépôts en Haute-Autriche. L'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (E.R.R.), créé en 1940 et dirigé par Alfred Rosenberg, qui « lutte contre le judaïsme et la franc-maçonnerie » et se charge également de confisquer les œuvres d'art appartenant aux familles incriminées, dans toute l'Europe ; dès le , Hitler somme la Wehrmacht d'aider ce nouveau service à « transférer en Allemagne les biens culturels qui lui paraissent précieux et à les sauvegarder dans ce pays ». En France, des œuvres d'art destinées au musée transitent par le Jeu de Paume (centre d'art)[2].

L'Agneau mystique de Hubert et Jan Van Eyck aurait été une pièce centrale du musée : cachée au Vatican puis à Pau, le régime de Vichy l'offre aux Allemands avec regret pendant l'été 1942.

Exemples d'œuvres

Après la guerre

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Américains retrouvent les œuvres entreposées dans des mines de sels aménagées, non loin de la ville : elles y avaient été cachées pour les protéger des bombardements. La récupération des œuvres d'art et leur restitution par le gouvernement américain était prévu depuis 1943 avec la création de la Roberts Commission (American Commission for the Protection and Salvage of Artistic and Historic Monuments in War Areas) et de leur agents sur place du Monuments, Fine Arts, and Archives program. Une unité de l'OSSArt Lofting Investigation Unit (Unité d'enquête sur les spoliations d'œuvres d'art) est également chargée de récupérer des œuvres volées en France . Des interrogatoires seront menés et des dépôts seront créés le  par un ordre du Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force (SHAEF).

Devant l'avancée des Alliés, August Eigruber, Gauleiter de Haute-Autriche, donne l'ordre de faire sauter les mines ; Hitler annule l'ordre, annulation confirmée le  par le gradé SS Ernst KaltenbrunnerHermann Goering de son côté transfère vers la Bavière les œuvres d'art de sa résidence de Carinhall, qu'il a fait détruire. Certaines œuvres de l'ERR stockées au château de Neuschwanstein sont récupérées par les Américains le  ainsi que les archives complètes de l'organisation ; plus tard, on saisira également des œuvres auparavant déposées dans l'abbaye de Buxheim et dans des dépôts à Chiemsee ainsi que les œuvres d'art cachées par Goering à Berchtesgaden.

Les œuvres furent listées dans le Central Collecting Point Archive, une base de données sur les œuvres d'art récupérées aux nazis après la guerre, mais ce n'est qu'en 2008 que le musée de l'histoire allemande (Deutsches Historisches Museum) a communiqué le détail de la Linzersammlung (collection de Linz)[1]. Certaines œuvres n'ont néanmoins pas été retrouvées et se trouveraient dans certains musées ou collections privées dans le monde entier. Cette question est abordée dans le documentaire The Rape of Europa.

Il y a débat quant à savoir la proportion d'œuvres achetées ou volées pour le musée. Hanns Christian Löhr affirme dans La Maison de l'Art brun que seule une petite partie de la collection — peut-être 12 % — est issue de pillage. Un autre historien[Qui ?] réduit même ce chiffre à 2,5 %. Toutefois, Jonathan Petropoulos, un historien au collège Loyola à Baltimore, et un expert dans le pillage en temps de guerre, ont fait valoir que la plupart des achats n'avaient pas été forcément réalisés dans des conditions normales. Aalders Gerard, un historien néerlandais, a déclaré que ces ventes étaient somme toute un pillage : par exemple aux Pays-Bas ou dans d'autres pays occupés qui ont été contraints d'accepter des Reichsmarks qui se sont finalement avérés inutiles. Aalders fait valoir que « Si l'agent d'art d'Hitler ou de Goering était à votre porte et vous offrait 10 000 dollars pour une toile qui en valait 100 000, il était assez difficile de refuser ». Aalders ajoute que les nazis n'ont pas hésité à menacer de confisquer tous les œuvres d'art ou d'en arrêter le propriétaire. Birgit Schwarz, une experte sur le Führermuseum, dans une critique du livre de Lohr, a fait remarquer que l'auteur s'est axé sur les achats depuis le Führerbau dans Munich et a ignoré les dépôts d'art pillés en Haute-Autriche (Thürntal, Kremsmünster et Hohenfurt / Vyssi Brod)[3].

En 2012 sont retrouvées à Munich 1 406 œuvres d'art chez Cornelius Gurlitt, fils du marchand d'art Hildebrand Gurlitt. Parmi celles-ci, de nombreuses toiles avaient été considérées comme de l'« art dégénéré » par Adolf Hitler et donc retirées des collections officielles, d'autres venaient de propriétaires juifs spoliés par le Troisième Reich et enfin d'autres étaient réunies pour le projet du Führermuseum. Dans ce dernier cas, il s'agit de tableaux de maîtres provenant de collections privées et publiques, françaises, néerlandaises, belges et suisses[4].

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Des millions d'œuvres d'art volées sous l'occupation : le grand pillage nazi

Le Maréchal Goering offrant à Hitler La Fauconnière d'Hans Makart. Scherl

ENQUÊTE - Entre 1941 et 1945,Hitler ordonna le vol à grande échelle des richesses artistiques privées et publiques en France. Non sans résistances. Récit.

Eté 1940. Après sa victoire foudroyante, à l'ouest, Hitler, qui a déjà successivement annexé, au cours des années précédentes, l'Autriche, la Tchécoslovaquie et la Pologne, occupe la Hollande, la Belgique, le Luxembourg et le nord de la France, en attendant la zone sud du pays. Sans doute l'Angleterre n'a-t-elle pas déposé les armes, mais l'Italie étant alliée au Reich, on peut dire que l'Europe vit à l'heure allemande. Il faudra l'entrée en guerre des Etats-Unis, en 1941, puis le débarquement allié en Afrique du Nord, en 1942, et les premiers échecs de la Wehrmacht en Russie, en 1943, pour que le vent tourne. En France, plusieurs mois et même plusieurs années seront ­nécessaires pour que de Gaulle et la Résistance pèsent sur les événements. Tandis que le gouvernement de Vichy, selon les moments, les hommes et les niveaux de pouvoir, alterne la collaboration avec ­l'occupant et l'opposition à ses exigences, le pays subit la férule du vainqueur.

En vertu de la convention d'armistice, 400 millions de francs sont versés chaque jour aux Allemands. Mais les premières ­réquisitions ont déjà eu lieu pendant la campagne de mai-juin: stocks militaires français, matières premières et machines-outils ont franchi le Rhin. Après l'armistice se met en place un mécanisme d'achats ou de commandes forcées qui sont payés, en réalité, par le trésor français. Des quantités industrielles de produits de toute nature partent pour l'Allemagne: blé, céréales, viande, beurre, fer, cuivre, bauxite, locomotives, wagons, voitures, camions, ­ciment, textile, chaussures, réveils et montres… Sans parler de la déportation raciale, viendra, en 1942-1943, le drame du travail forcé dans le Reich. En plein XXe siècle, on retrouve la vieille finalité des guerres ­médiévales: rançonner et piller le vaincu.

Cette entreprise de pillage sera menée à grande échelle dans le domaine de l'art. Hitler, peintre raté, voulait créer un grand musée de l'art européen, l'art véritable, ­celui qu'il opposait à l'art «dégénéré». Lancé officiellement en mars 1939, le projet devait se concrétiser par la construction, à Linz, en Autriche, non loin de sa ville natale, du Führermuseum, un vaste complexe ­architectural de style IIIe Reich. La guerre, finalement, l'empêchera de voir le jour. En préparant son offensive à l'ouest, Hitler avait pensé à tout: la Wehrmacht possédait la liste des œuvres dont elle devait s'emparer à Amsterdam, à Bruxelles ou à Paris.

Chaque pays, toutefois, avait pris ses précautions dans la mesure de ses moyens: au Louvre ou à Versailles, dès la déclaration de guerre, en août 1939, les œuvres les plus précieuses avaient été emballées et transportées vers des musées ou des châteaux privés de l'ouest et du sud-ouest du pays. Non sans difficulté: le transport du Radeau de la Méduse, tableau de 5 m x 7 m, impossible à rouler parce que Géricault avait utilisé du bitume pour rigidifier la toile, a tenu à lui seul d'une aventure, a fortiori quand, en mai 1940, devant l'avancée allemande, le tableau a dû quitter son premier abri au milieu du flot chaotique de l'exode.

En juillet 1940, quinze jours après l'armistice, le pillage des œuvres d'art commence. Mais les nazis, reportant à plus tard la récupération de ce qu'ils convoitent dans les collections publiques, s'en prennent aux collections privées et aux galeries dont les propriétaires sont juifs. Otto Abetz, ­ambassadeur du Reich en France et fin connaisseur de la vie artistique parisienne, adresse à la Gestapo une liste de premières cibles: Alphonse Kann, Bernheim-Jeune, Paul Rosenberg, Seligmann, Wildenstein, Edouard de Rothschild. Perquisitions (souvent nocturnes), saisies: les œuvres s'entassent à l'ambassade d'Allemagne, rue de Lille, dont les locaux s'avèrent bientôt trop petits. Des salles du Louvre sont alors réquisitionnées, puis le musée du Jeu de paume, place de la Concorde.

A partir de l'automne 1940, la machine tourne à plein. Alfred Rosenberg, théoricien nazi, est placé à la tête d'une émanation du parti national-socialiste, l'Einsatz-stab Reichsleiter Rosenberg für die besetzten Gebiete (ERR), organisme chargé de rafler les œuvres d'art dans les pays occupés par le Reich. A Paris, le ­musée du Jeu de paume lui sert de dépôt central: les œuvres spoliées y sont classées et réparties en fonction de leur destination dans le Reich. Beaucoup sont préemptées pour le futur Führermuseum, mais de grands services de l'Etat nazi sont également servis, sans compter tous les hauts dignitaires du régime, à commencer par le maréchal Göring, collectionneur compulsif, qui se rendra plusieurs fois en personne au Jeu de paume. Pour être des voleurs, les nazis ne sont pas fous: ils s'emparent sans gêne des œuvres que leur discours officiel traite de «dégénérées» (Picasso, Matisse, Van Gogh…), et les stockent au Jeu de paume où elles servent de monnaie d'échange avec des marchands français ou étrangers dénués de scrupules, qui font ainsi des affaires en or.

La législation antisémite de Vichy prévoyait que les biens juifs placés sous ­séquestre seraient vendus au bénéfice du Secours national. Une sordide course de vitesse se tient alors entre le commissariat aux questions juives, organisme vichyste, et l'administration allemande en vue de la saisie des œuvres d'art, l'occupant rejetant toutes les protestations qui lui sont présentées par les Français.

4 000 œuvres appartenant aux Rothschild sont saisies

Le plus gros des saisies se déroule jusqu'en 1941, même si le système se maintiendra jusqu'en 1944. En quelques mois, la plupart des collections appartenant à des Juifs ont été spoliées, mais parfois aussi des biens dont les propriétaires n'étaient pas juifs, et parfois encore des collections ­publiques (comme celles desœœœœ départements d'Alsace). Quelquefois encore, la ­situation se complique du fait que les ­musées nationaux, en 1939, ont accepté, afin de les protéger, de prendre la garde d'œuvres privées appartenant à des Juifs, ce qui est le cas avec les Rothschild.

Plus de 200 collections et près de 30 000 objets sont ainsi volés (tableaux, dessins, gravures, meubles, bijoux, argenterie, objets de valeur), 38 000 appartements privés ayant été ­visités.

La fabuleuse collection de ces derniers, propriétaires de tableaux signés Vermeer, Vélasquez, Rembrandt, Goya ou Rubens, est évidemment emblématique des tribulations des œuvres d'art sous l'Occupation. En 1939, les Rothschild ont dispersé leurs tableaux en province, en ont caché une partie dans leurs propriétés, en ont fait passer une autre partie en Espagne et en ont confié encore une autre au Louvre sous couvert d'une donation. Vichy ayant ­annoncé que les biens des Rothschild ­allaient être saisis et mis en vente, les Allemands de l'ERR se mettent en chasse et s'emparent de 4 000 œuvres appartenant à la célèbre famille. En février 1941, le butin quitte la France pour l'Allemagne: 19 caisses marquées H pour le Führer et 23 caisses marquées G pour Göring.

Collection David-Weill, collection Bernheim, collection Schloss… Plus de 200 collections et près de 30 000 objets sont ainsi volés (tableaux, dessins, gravures, meubles, bijoux, argenterie, objets de valeur), 38 000 appartements privés ayant été ­visités. Entre 1941 et 1944, 29 convois quittent Paris pour le Reich, représentant un total de 138 wagons remplis de 4 170 caisses: le plus grand pillage d'œuvres d'art de tous les temps.

Au Louvre, Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux, déjoue autant que faire se peut les ordres de Vichy et la convoitise des hommes de Rosenberg. Au Jeu de paume, Rose Valland, une attachée de conservation, dresse secrètement un inventaire des collections qui passent par le musée et s'efforce de connaître leur destination: son travail, après-guerre, s'avérera sans prix quand il faudra récupérer les œuvres. Dans le monde de l'art aussi, on trouve des hommes et des ­femmes qui ont dit non.■

A lire: Hector Feliciano, Le Musée disparu. Enquête sur le pillage d'œuvres d'art en France par les nazis, Folio, 2012.

Michel Rayssac, L'Exode des musées. Histoire des œuvres d'art sous l'Occupation, Payot, 2007.

Rose Valland, Le Front de l'art. Défense des collections françaises, 1939-1945, RMN, rééd. 2014.

================CHRISTÈLE DEDEBANT Publié le 16/04/2020 à 13h49 - Mis à jour le 16/04/2020

Hermann Göring constitua sa collection en recevant des cadeaux, en achetant des œuvres et en pillant purement et simplement.

Créer le plus grand musée du monde ? Hitler en a rêvé. Pour l’alimenter, Alfred Rosenberg était chargé de s’emparer des plus belles pièces de « l’art véritable » à travers les territoires occupés. En Europe de l’Ouest, c’est aux collections privées des Juifs ou des francs-maçons que les nazis s’attaquèrent en priorité. Ces « prises de guerre » étaient ensuite réparties selon l’ordre suivant : en priorité, le maître du Reich, ensuite Göring, grand amateur d’art, et enfin les autres dignitaires du parti.

EN IMAGES HIMMLER, GOEBBELS, GÖRING... LES PRINCIPALES FIGURES DU NAZISME

Bundesarchiv, Bild 183-H04810 / Wikimedia Commons
Bundesarchiv, Bild 101II-MW-3491-06 / Buchheim, Lothar-Günther / Wikimedia Commons
Wikimedia Commons

En France, Göring s’intéressa de près au musée du Jeu de paume, à Paris. C’est en effet ici que les œuvres spoliées étaient déposées en transit. Certaines toiles lui servaient de monnaie d’échange auprès de marchands véreux, d’autres étaient expédiées dans son château-musée de Carinhall. Ses préférences ? D’abord l’art « véritable » allemand, avec une attirance marquée pour les Cranach. Ensuite venaient les maîtres du Nord, notamment Vermeer… Il s’appropria aussi la fine fleur de la peinture française – Watteau, Boucher, Chardin – et rafla au passage des spécimens de l’« art dégénéré ». Emmy, sa deuxième épouse, appréciait tout particulièrement Renoir et Monet.

Vers la fin de la guerre, Göring fit mettre son butin à l’abri. Une partie fut expédiée dans la mine de sel d’Altausee, en Autriche, l’autre fut évacuée dans un tunnel de Berchtesgaden, près de la résidence bavaroise d’Hitler. C’est ici qu’en mai 1945 les unités américaines et françaises découvrirent cette extraordinaire moisson stockée dans plusieurs wagons. Dans le lot se trouvait aussi ce qu’ils prirent d’abord pour un « livre de comptes d’épicier ». De la main même de Göring s’y trouvaient consignés 1 376 tableaux, 250 sculptures et 168 tapisseries dérobés par ses soins entre 1933 et 1944…

Hermann Göring constitua sa collection en recevant des cadeaux, en achetant des œuvres et en pillant purement et simplement. Il était friand des tableaux de Cranach l’Ancien, qu’il estimait emblématique de l’identité allemande (Adam et Eve).

📸 En images : Himmler, Goebbels, Göring... Les principales figures du nazisme.➤ Article paru dans dans le magazine GEO Histoire de février - mars 2020 sur le premier cercle d’Hitler

Qui était Hermann Göring, bras droit d’Hitler et pilleur d’art ?
Le 12 janvier 1938, Hitler offre à Göring, pour son anniversaire, un tableau du peintre autrichien Hans Makart : La Fauconnière (1880). Avant même le début de la guerre, le ministre de l’Aviation s’était déjà constitué une belle collection. © akg-images / ullstein bild

Dès 1933, cet as de l’aviation devint le bras droit d’Adolf Hitler. A ce titre, il fit main basse sur les richesses artistiques des pays conquis. Et amassa une immense collection personnelle.

Rien n’était trop flamboyant pour le Gargantua d’outre-Rhin. Les murs de son château regorgeaient de plusieurs centaines d’œuvres inestimables – tapisseries des Gobelins, tableaux de Cranach l’Ancien, toiles de Rubens… – volées dans des musées allemands ou dans les collections privées des pays conquis. Même les chefs-d’œuvre de l’« art dégénéré » y trouvaient leur place : les Deux Tournesols de Van Gogh trônaient dans sa chambre à coucher. Son goût, bien plus averti que celui du Führer, lui avait même permis de s’emparer de certaines pièces – tel le tableauVénus et l’Amour de Boucher – à la barbe de son mentor

Aujourd’hui, il ne reste plus rien de la vaste demeure d’Hermann Göring, baptisée Carinhall en l’honneur de sa première femme (Carin), et située dans la vaste forêt de la Schorfheide, au nord de Berlin. Les tableaux ont été rendus aux collections pillées durant la guerre dans l’Europe occupée. Göring, l’un des dauphins du Führer, sans nul doute l’une des personnalités les plus populaires du Reich, l’une des plus riches aussi, perdit tout lorsqu’il fut contraint de se rendre aux Américains début mai 1945. Condamné à Nuremberg dont il fut la « vedette » incontestée, il se suicida après avoir prononcé ces mots : « Il est impossible de pendre le Reichsmarschall allemand ! Pour l’honneur de l’Allemagne, je ne peux le permettre. En outre, je n’ai nullement l’obligation morale de me soumettre à la justice de mes ennemis. J’ai donc choisi la mort du grand Hannibal. » C’était donc sur ces paroles insolentes que Göring mit fin à ses jours. Une dernière sortie théâtrale qui résume bien le caractère de cet homme « aussi ridicule que redoutable », selon les mots de son biographe François Kersaudy (éd. Perrin, 2009). Cet « homme de la Renaissance », comme il aimait se présenter, n’était pas à un paradoxe près : ancien as de l’aviation, il fut pourtant un ministre de l’Air déplorable. Ayant souvent mauvais goût, il était également un grand amateur d’art. Maréchal décoré à de nombreuses reprises, il n’était pourtant pas un va-t-en-guerre. Nazi de la première heure, il traitait l’idéologue du parti Alfred Rosenberg d’« illuminé ».

Avide d’honneurs et de gloire, Göring n’a pourtant jamais fait preuve d’ambiguïté à l'égard d’Adolf Hitler. Jamais, à aucun moment, le deuxième personnage du Reich n’a été capable de s’opposer au premier. « Dès l’instant où je le vis et l’entendis, je lui fus tout acquis », écrivit-il dans son journal. Pourtant, quand les deux hommes se rencontrèrent en 1922, Göring était un héros de la Grande Guerre, décoré de la croix « Pour le Mérite », la plus haute distinction de l’Allemagne impériale, quand Hitler, le peintre raté, dirigeait ce qui n’était encore qu’un groupuscule. Le chef du parti nazi comprit très vite quel profit il pouvait tirer de cet illustre vétéran. En décembre 1922, Hitler lui confia le commandement des sections d’assaut (SA), mais Göring fut grièvement blessé onze mois plus tard, le 9 novembre 1923, lors du putsch raté de la Brasserie de Munich : les médecins lui administrèrent un traitement à base de morphine qui le rendit dépendant à vie. De plus, un dérèglement hormonal modifia sa silhouette. « A 32 ans, [il] a le corps d’une femme d’âge mûr, avec beaucoup de graisse et une peau d’un blanc laiteux », commentera un médecin.

Une ascension spectaculaire

De retour à Munich en 1927, l’ancien officier reçut un accueil glacial de la part d’Hitler. A son immense déception, le Führer l’expédia à l’autre bout du pays. Sa mission ? Se faire une place dans le monde des affaires à Berlin. Dans la capitale, il devint représentant, notamment pour trois firmes : BMW, Heinkel et Tornblad. Sa faconde naturelle, alliée à l’élégance aristocratique de son épouse, la comtesse Carin von Fock-Kantzow, fit merveille parmi les barons de la finance et de l’industrie. Le vendeur de parachutes entama alors sa spectaculaire ascension. Elu député en mai 1928, il fut nommé, deux ans plus tard, porte-parole du parti nazi et vice-président du Reichstag, avant d’en devenir son président en août 1932. Preuve indéniable de son pouvoir ? Goebbels le détestait. Göring ne manquait certes jamais une occasion de se mettre en avant : en janvier 1933, quand Hitler le nomma ministre de l’Intérieur de la Prusse et commissaire de l’Aviation, il s’empressa d’agrandir sa panoplie. Non seulement il fit de son simple commissariat le plus grand ministère de l’Air du monde – comprenant 4 500 bureaux – mais il l’assortit de redoutables outils, dont un système d’écoutes téléphoniques d’avant-garde. Un système bien utile pour faire fonctionner sa nouvelle police secrète, plus connue sous le nom de Gestapo. Dernier accessoire de cet arsenal répressif ? Un « centre de rééducation » pour « esprits récalcitrants », le tout premier camp de concentration ouvert aux portes de Berlin.

A l'origine de la Nuit des longs couteaux

Aux manettes de sa sinistre machine – service de renseignements, police secrète et camp de « rééducation » –, le ministre de l’Intérieur se livra à une chasse impitoyable contre ses ennemis politiques. Son plus beau coup ? Ernst Röhm, le chef des SA, protégé par Hitler. Fin juin 1934, c’est sur l’action conjuguée de Göring et d’Himmler, que des centaines de SA, dont Röhm lui-même, furent brutalement assassinés durant la Nuit des longs couteaux. Au lendemain de cette boucherie, Göring, Caligula des temps modernes, organisa un fastueux banquet pour célébrer la « purge ».

Cumulard sans scrupule, il se vit aussi confier la direction du plan quadriennal et celle de l’armée de l’air. Mais dans l’économie tout comme dans l’aéronautique, l’ancien as de l’aviation se révéla terriblement incompétent. Pas assez tout de même pour ne pas voir l’impréparation de la Luftwaffe. Par un saisissant paradoxe, le commandant en chef de l’armée de l’air chercha à tout prix à éviter la guerre. Sans doute pour deux raisons : il voulait jouir en paix de ses richesses et avait surtout conscience d’aller à la catastrophe… A plusieurs reprises, lors de l’annexion de l’Autriche et de la prise des Sudètes – respectivement en mars et septembre 1938 –, ses négociations en sous-main évitèrent des effusions de sang. Malheureusement pour lui, ses talents de conciliateur exaspéraient le plus fanatique des bellicistes : Adolf Hitler.

Pourtant, le Führer se garda bien de se séparer de son fidèle paladin. Aux dignitaires du parti qui se plaignaient des frasques de Göring, le chef du Reich répliquait inlassablement : « Laissez-le donc tranquille. C’est le seul qui puisse assumer la représentation. » Fin psychologue, le maître du Reich savait jouer comme personne sur la cupidité et la vanité de son protégé. Hitler détestait les mondanités, Göring en raffolait. Ses multiples châteaux et résidences ne désemplissaient pas de visiteurs étrangers comblés par la prodigalité de cet hôte un rien fantasque et par son incroyable collection de tableaux.

« Le Gros », comme l’appelaient affectueusement les Allemands, présentait la face joviale et fantaisiste d’un régime glaçant. Avant-guerre, les Britanniques l’avaient vu comme un modéré et les Français comme un cabotin : « Il aime trop les hochets pour être très mauvais », avait écrit à son propos l’ambassadeur Robert Coulondre. Voire. Personne n’avait alors compris que Göring était un ogre. Le maréchal aux 130 kilos se gavait d’honneurs, de trophées, d’œuvres d’art et même de bijoux. Stupéfait, le chef d’état-major de l’armée italienne le décrivit en 1942 « jouant avec les pierres précieuses comme un petit enfant avec des billes ». L’étendue de ses possessions donne encore le tournis : plusieurs trains, de nombreux yachts, une demeure dans l’Obersalzberg, sept pavillons de chasse en Poméranie, une somptueuse résidence à Berlin bordée par une rue rebaptisée à son nom, un château à Neuhaus et enfin le Carinhall, musée personnel qui abritait, entre autres « commodités », un jeu de trains miniatures avec 1 800 mètres de voies ferrées et une fosse aux lions garnie de vrais fauves parfumés à l’eau de Cologne.

Accusé de haute trahison, Göring est chassé du parti

Alors qu’en juin 1941, le Führer avait fait de lui son successeur par décret, plusieurs événements allaient faire tomber Göring de son piédestal : le bombardement de Cologne par les avions de la RAF, le 31 mai 1942, et, surtout, la débâcle de Stalingrad, à l’hiver 1943, où le commandant de la Luftwaffe avait échoué à ravitailler les troupes. Au plus fort du conflit, le maréchal du Reich avait beau agiter son bâton de platine et d’or massif, il n’avait plus aucune prise sur les événements. Exemple de son impuissance ? Quand Hitler s’était entêté à privilégier les bombardiers sur les chasseurs, l’ancien aviateur s’était montré incapable de désavouer son maître. Telle une diva sur le déclin, le commandant de la Luftwaffe s’était retranché dans ses châteaux pour y ressasser ses rancœurs. « Cette mauviette se complaît dans la vie domestique », avait tempêté Hitler en mai 1944, alors que l’US Air Force pilonnait l’Allemagne.

Le 20 avril 1945, Göring se rendit pour la dernière fois dans le bunker berlinois pour fêter les 56 ans du Führer. Trois jours plus tard, le 23 avril 1945, il envoya un télégramme demandant à Hitler si le décret du 29 juin 1941, le déclarant son successeur, pouvait désormais entrer en application. Dans le bunker, on sonna l’hallali : accusé de haute trahison, le successeur putatif fut démis de toutes ses fonctions et chassé du parti. Au même moment, le château de Carinhall, l’ancienne vitrine mondaine du Reich, était dynamité sur les ordres de son propriétaire disgracié.

En 1946, au procès de Nuremberg, Göring n’était peut-être plus rien mais il occupait malgré tout la première place. Son chant du cygne fut pathétique : 58 heures de rodomontades au cours desquelles il n’exprimera aucun remords. Condamné à la pendaison, il se distingua une dernière fois en s’offrant une mort antique. Le 15 octobre 1946, une capsule de cyanure eut finalement raison de la prima donna du Reich.

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SPOLIATION NAZIE : TROIS CHEFS-D'ŒUVRES MIRACULÉS, 

DOCUMENTAIRE DE RACHEL KAHN ET OLIVIER LEMAIRE (2015

Genre d'événement: TÉLÉVISION

Notice: Le circuit nazi de spoliation des œuvres d'art était proprement industriel. Alfred Rosenberg, conseiller artistique d'Hitler, dirigeait un service spécialement créé pour la circonstance, l'ERR. Celui-ci avait pour mission de coordonner les centaines de milliers de pillages perpétrés en Europe, puis de faire convoyer le butin à Berlin. Les œuvres maîtresses rejoignaient les bureaux et habitations des dirigeants de haut rang alors que le reste était stocké dans différents lieux. À la fin de la guerre, malgré la diligence d'organismes dévolus à leur restitution, des dizaines de milliers d'œuvres sont toujours portées disparues. Au fil des décennies, certaines d'entre elles ont ressurgi dans l'espace public, donnant lieu à des batailles en propriété.Retour sur ce pillage à travers les incroyables parcours de trois œuvres majeures ayant appartenu à des collectionneurs juifs, depuis leur spoliation par les nazis jusqu’à leur restitution éventuelle : L’homme à la guitare de Georges Braque (collection Alphonse Kann) ; Herbstonne d'Egon Schiele (collection Karl Grunwald) ; Femme assise de Henri Matisse (collection Paul Rosenberg, père d'Anne Sinclair).

Fichier: Peintures, sculptures, dessins, livres… En Europe, les Nazis ont pillé les collections des galeristes, amateurs d’art, souvent Juifs, musées, etc"Génocide artistique"

Le nombre exact des œuvres d’art volées en Europe varie de 100 000 à 400 000. En France, on estime que 100 000 œuvres d’art ont été volées et un million de livres détruits.

 

L’organisme chargé de ce pillage ? L’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), ou Équipe d'intervention du Reichsleiter Rosenberg, dirigée dès 1933 par Alfred Rosenberg (1893-1946), architecte nazi et ministre du Reich aux Territoires occupés de l'Est. Spécialement créée à cet effet, cette agence faisait partie du bureau de politique étrangère du NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, ou Parti national-socialiste des travailleurs allemands). : Hermann Göring, n° 2 du régime nazi, a aussi sélectionné parmi les œuvres d'art volées celles destinées à ses collections, ou à offrir au führer Adolf Hitler. L'Homme à la guitare de Georges Braque est destiné à enrichir sa collection.

 

Le « circuit de spoliation nazi des œuvres d’art était proprement industriel. Alfred Rosenberg, conseiller artistique d'Hitler, avait pour mission de coordonner les milliers de pillages perpétrés en Europe puis de faire convoyer le butin à Berlin. Les œuvres maîtresses rejoignaient les bureaux et habitations des dirigeants de haut rang alors que le reste était stocké dans différents lieux ».

 

"Le "bon art" était destiné à Hitler, à des musées. "L'art dégénéré" était négocié, puis vendu sur le marché parisien... Nul ne pouvait imaginer une spoliation à si grande échelle", explique Hector Feliciano, journaliste auteur de Le musée disparu. Enquête sur le pillage d'œuvres d'art en France par les nazis (1998).

 

Le collectionneur Alphonse Kann se fait voler ses œuvres d'art dans sa maison de Saint-Germain-en-Laye.

 

Le marché de l'art est florissant à Paris. "Tout le monde a profité de la spoliation. Trois jours de ventes aux enchères, c'est des centaines de toiles vendues", résume Me Auguste Compte, avocat de la famille Kann.

 

A Lucerne, les Nazis ont vendu des œuvres d'art moderne.

 

En 1943, à Strasbourg, Soleil d'automne d'Egon Schiele, volé à Karl Grünwald , exilé aux Etats-Unis, est mis en vente.

 

"On est dans la collaboration artistique. Dans les années 1950-1960, il y a une non-mémoire sur cette spoliation", relève Emmanuelle Pollack.

 

Ce pillage est considéré comme un crime de guerre par le tribunal de Nuremberg.

 

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, des œuvres ont retrouvé leurs propriétaires. Au Jeu de Paume (Paris), lieu central de la spoliation, Rose Valland a joué un rôle important. Elle a contribué à préserver des œuvres du patrimoine national convoitées par les nazis, a recueilli des informations sur celles pillées dans les collections de Juifs français. A la Libération, elle a été chargée de retrouver et a permis le rapatriement en France et la restitution aux ayants-droit d’une partie de ces œuvres. La plaque apposée sur une façade du Jeu de Paume en hommage à Rose Valland commence à se dégrader : certaines lettres s'estompent.

 

« Malgré la diligence d’organismes dévolus à leur restitution, des dizaines de milliers d’œuvres ont disparu ».

 

Le monde de l'art était petit à l'époque. Après guerre, le "marché est inondé de tableaux au passé trouble". Le pillage des œuvres d'art est considéré comme crime de guerre par le Tribunal de Nuremberg.

 

Au « fil des décennies, certaines d’entre elles ont resurgi dans l’espace public, donnant lieu à des batailles en paternité ».

 

Divers musées ont rechigné à rendre des œuvres d’art à leurs propriétaires ou à leurs ayants-droit. Leur refus a induit de longs procès, rarement couronnés de succès. « L’affaire Klimt » (Stealing Klimt), documentaire passionnant de Jane Chablani et Martin Smith (2006) retrace le combat difficile, long - 50 ans - et victorieux de Maria Altmann, octogénaire Juive américaine d'origine viennoise, pour récupérer des biens familiaux, dont cinq tableaux de Gustav Klimt (1862-1918) - deux portraits de sa tante Adèle Bloch-Bauer et trois paysages (1900-1907) - ayant appartenu à son oncle, Ferdinand Bloch-Bauer, spolié en 1938 par les Nazis. La femme au tableau ("Woman in Gold”), film de Simon Curtis, fondé largement sur le livre The Lady in Gold d'Anne-Marie O’Connor, évoque le combat de Maria Altmann, interprétée par Helen Mirren, et de son avocat Me Randol Schoenberg joué par Ryan Reynolds.

Pour évoquer « ce scandaleux pillage, ce documentaire retrace l’incroyable parcours de trois œuvres majeures ayant appartenu à des collectionneurs juifs, depuis leur spoliation par les nazis jusqu'à leur restitution : L'homme à la guitare de Georges Braque (collection Alphonse Kann), Soleil d’automne d’Egon Schiele (collection Karl Grünwald) et Femme assise d’Henri Matisse (collection Paul Rosenberg) ».

 

 

Détenu secrètement par Cornelius Gurlitt, ce tableau Femme assise de Matisse a été découvert fortuitement dans son appartement munichois. En 1940, Paul Rosenberg a une collection célèbre d'impressionnistes et d’œuvres d'art moderne. Opposé aux Nazis, "il se replie sur Bordeaux. Il loue un coffre à la BNCI de Libourne. Braque loue un coffre à côté du sien", relate la journaliste Anne Sinclair, sa petite-fille. Paul Rosenberg fuit avec son épouse et leur fille. Il est spolié, et après-guerre, il récupère ses tableaux détenus par des galeristes, ses confrères qui feignent la surprise. En 2012, Femme de profil devant la cheminée de Matisse réapparaît, et est exposé au Centre Pompidou. Il est détenu par la fondation norvégienne Henie-Onstad, qui semble l'avoir acquis de bonne foi, car le tableau avait été prêté pour des expositions. Cette fondation l'a rendu à la famille Rosenberg sans y être contraint par le droit norvégien.


 

En 1998, les héritiers de Alphonse Kann, collectionneur spolié, demandent au Centre Pompidou la restitution du tableau volé L'homme à la guitare de Georges Braque. Jean-Jacques Aillagon, qui dirige ce Centre, refuse, en alléguant que cette oeuvre provient d'André Lefèvre. Celui-ci avait prêté après la guerre L'homme à la guitare de Georges Braque à une exposition à Fribourg. Une manière de blanchir l'opération de spoliation, estime Elisabeth Royer-Grimblat, "engagée dans la récupération des œuvres spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale". Elle détient les photocopies de précieux documents sur la spoliation artistique. La famille spoliée porte plainte pour recel : "La première spoliation date de 1940. La seconde quand le Centre Pompidou refuse de rendre ce tableau", indique  Elisabeth Royer-Grimblat. La plainte pour recel fait l'objet d'une longue instruction. L'affaire a été classée, sans suite. Le Centre a gardé le tableau, et a indemnisé la famille Kann. Il y a eu un protocole d'accord. La valeur de ce tableau, si rare, représentatif d'un mouvement majeur de l'art au XXe siècle : 60-80 millions d'euros.

Peint en 1914, Soleil d’automne d’Egon Schiele (collection Karl Grünwald) est retrouvé dans un appartement à Mulhouse (France). Il est vendu pour 21,7 millions d'euros. Les tournesols se tournent vers nous, et non vers le Soleil, dont les rayons faibles émettent une lumière froide. C'est le symbole du déclin, du vieillissement. Une vision prémonitoire de l'apocalypse de la Première Guerre mondiale. Grünwald était un collectionneur éclairé qui a soutenu l'artiste moralement, artistiquement et financièrement.

On peut regretter qu’aucun visuel pour la presse ne concerne ces trois peintures d’art moderne, si méprisé par les Nazis qui l'appelait "art dégénéré".

 

Les 2, 4, 8 et 14 mars 2016, Histoire diffusa A la recherche de l'art perdu. Les Monuments Men, documentaire de Cal Saville : "Dès l'arrivée d'Hitler au pouvoir, les spoliations se sont multipliées en Allemagne. Pendant toute la guerre, les nazis se sont servis dans les collections des pays européens qu'ils soumettaient. Hitler et Goebbels ont littéralement pillé l'histoire de l'art. Aussi, dès 1943, les Monuments Men, experts d'art, se donnèrent pour mission de parcourir l'Europe à la recherche des œuvres manquantes pour les recenser et les rendre à leurs propriétaires. Des mines souterraines aux châteaux isolés qui les abritaient, ils ont tout fait pour sauver les œuvres. Les recherches continuent encore aujourd'hui, l'ensemble du trésor volé des nazis n'ayant pas été intégralement localisé".

 

« Spoliation Nazie. Trois chefs d'œuvre miraculés », d’Olivier Lemaire

2015, 55 min

Sur Arte le 6 septembre 2015 à 17 h 35, le 25 juin 2017 à 18 h 05



Lien: Programmes de Toute l'Histoire
Date d'affichage: vendredi, 4 janvier, 2019 - 17:00 - dimanche, 3 février, 2019 - 08:15
Date: dimanche, 3 février, 2019 - 07:11
Lieu, date(s), heures: Toute l'Histoire, 55 min.
Titre court: Spoliation nazie : 3 chefs-d'œuvres miraculés, doc. (2015)

Restitution en grande pompe d'un tableau volé par les Nazis

"Le mur rose", une toile d'Henri Matisse datant de 1898 et spoliée durant la Seconde Guerre Mondiale, a été restitué ce jeudi aux héritiers d'Harry Fuld Jr., propriétaire allemand volé par les autorités nazies en 1941. Récit.

"Le mur rose", une toile d'Henri Matisse datant de 1898 et spoliée durant la Seconde Guerre Mondiale, a été restitué ce jeudi aux héritiers d'Harry Fuld Jr., propriétaire allemand volé par les autorités nazies en 1941. Récit.

"Le mur rose", une toile d'Henri Matisse datant de 1898 et spoliée durant la Seconde Guerre Mondiale, a été restitué ce jeudi aux héritiers d'Harry Fuld Jr., propriétaire allemand volé par les autorités nazies en 1941. Récit.

Didier Plowy/MCC

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont commis des milliers de spoliations d'oeuvres d'arts. Le mur rose [de l'hôpital d'Ajaccio] , d'Henri Matisse, fait partie du lot. L'oeuvre, ôtée à son détenteur juif en 1941 en Allemagne et conservé depuis 1951 en France, a été officiellement restitué jeudi à ses héritiers par la ministre de la Culture Christine Albanel. Cette dernière a remis la peinture à Stewart Glyn, président de la branche londonienne de la Magen David Adom, équivalent israélien de la Croix Rouge et héritière du collectionneur Harry Fuld Jr. 

Un tableau estampillé MNR

Le mur rose porte la mention MNR, pour Musées Nationaux Récupération. Cette étiquette signale les oeuvres d'art amenées en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale et volées pour certaines à leurs propriétaires juifs. En 1949, 60 000 d'entre elles avaient été récupérées en Allemange, et 45 000 avaient pu être rendues. Mais qu'allait-il advenir des 15 000 oeuvres restantes? Elles furent examinées par deux commissions qui avaient pour but de déterminer celles qui présentaient le plus d'intérêt afin de les préserver. 2 000 oeuvres furent retenues et remises à la garde des musées nationaux ; les autres furent mis en vente afin de financer l'effort de reconstruction nationale. Les oeuvres retenues sont aujourd'hui réparties dans de nombreux musées français sur tout le territoire, et les plus importantes sont conservées au Louvre, à Orsay et au Musée National d'Art Moderne. Le mur rose se trouvait quant à lui au Centre Pompidou. 

"Un long travail de mémoire et de justice"

Grâce au travail d'une historienne allemande, recoupé avec la base de données MNR, le nom du propriétaire du tableau a pu être identifié. Son héritière, aujourd'hui décédée, n'a "jamais su qu'elle possédait un Matisse". C'est Stewart Glyn, président de la Magen David Adom, qui a récupéré la peinture. Il a remercié la France, et indiqué qu'elle allait être exposée au Musée juif de Berlin, puis à Francfort chez son ancien propriétaire. Il espère qu'elle sera achetée par "un bienfaiteur" et offerte à un musée d'Israël. 

Christine Albanel a saluée un "long travail de mémoire et de justice accompli" depuis 1997, dont le point d'orgue était une exposition baptisée A qui appartenaient ces oeuvres?, présentée cette année au Musée d'Israël à Jérusalem puis au Musée d'art et d'histoire du judaïsme à Paris, et qui regroupait 53 tableaux en forme d'interrogation. Le mur rose était des leurs; son histoire est aujourd'hui recomposée, ouvrant ainsi la voie à de possibles restitutions futures. 

Le parcours singulier du Mur rose d'Henri Matisse

Acheté en France en 1914 et ramené à Francfort, il portait de ce fait un tampon des douanes françaises. Harry Fuld Sr. en fait alors l'acquisition. L'oeuvre est confisquée à son fils, émigré en Grande-Bretagne, en 1941. En 1948, le tableau est mystérieusement retrouvé près de Tübingen, dans une cache constituée par l'officier SS Kurt Gerstein, personnage ambiguë s'il en est : chargé de l'approvisionnement des camps en Zyklon B, il avait également cherché à avertir le Pape et les Alliés de ce qui allait devenir la solution finale.  

En 1949, la peinture est ramenée en France en raison du tampon des douanes, et confiée à la garde des musées nationaux en 1951. Cinquante-huit ans plus tard, une historienne allemande, Marina Blumberg, fait le lien entre le MNR R5P et le tableau de Harry Fuld grâce à la base constituée sur Internet et à une photographie fournie par M. Fuld lui-même. Le mur rose peut ainsi être rendu à ses héritiers le 27 novembre 2008. 



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