Soixante ans après, le témoignage de Julius Margolin sur l'univers des camps soviétiques est republié dans son intégralité. Une oeuvre littéraire capitale. C'est une impression troublante que de tenir entre les mains un probable chef-d'oeuvre. Sans se payer de mots, Voyage au pays des Ze-Ka, de Julius Margolin, récit-fleuve (plus de 700 pages) sur le goulag, mérite sa place aux côtés des écrits d'Alexandre Soljenitsyne, de Varlam Chalamov, de Vassili Grossman, ou du film d'Alexeï Guerman, Khroustaliov, ma voiture !...
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"Mon Occident à moi prenait forme par opposition à la Sibérie, à l'Oméga, l'étoile à cinq branches qui brillait au-dessus du royaume des camps. C'est de là-bas, de la toundra et de la taïga, des fameuses forêts et des baraquements, des salles d'université et des bourgs militaires qu'une ombre se projetait, envahissant le monde entier, et c'est de là-bas qu'une ligne directe menait, se brisant sur la carte, vers l'Occident, la Liberté, la Patrie. Mon Occident à moi était là où je pouvais enfin me redresser, où plus personne ne m'obligerait à mentir". (J.M.)
Julius Margolin
Né (e) à : Pinsk, bielorussie , le 14 octobre 1900 Mort(e) à : Tel Aviv , le 21 janvier 1971
Biographie :
Né dans une famille juive de Pinsk (Biélorussie), Julius Margolin (Юлиус Борисович Марголин) est un philosophe et écrivain.
Après avoir terminé ses études de philosophie à Berlin, il s'installe en Palestine en 1936. En 1939, il est en séjour à Lodz lorsque la Pologne est envahie. ll se réfugie alors dans sa ville natale, à l’est du pays.
Arrêté le 19 juin par le NKVD, il est envoyé dans un camp de travail sur la rive nord du lac Onéga. Ayant survécu par miracle à cinq années de Goulag, libéré en 1945, il écrit "Voyage au pays des Ze-ka" dès son retour à Tel-Aviv, et doit faire face à une opinion internationale incrédule, l’URSS étant encore auréolée de sa contribution à la victoire contre le nazisme. De fait, le manuscrit est rejeté de partout, même en Israël, jusqu'à 1949 ou il sera publié en France.
Il vient à Paris en 1950 témoigner au procès de David Rousset contre Les Lettres françaises, et ne cessera de lutter, jusqu’à sa mort en 1971, pour la libération des Ze-Ka, les prisonniers des camps.
Source : Wikipedia.ru,
Voyage au pays des Ze-Ka
keisha 02 juin 2011
Voyage au pays des Ze-Ka de Julius Margolin
Même si Dominique a déjà tout dit dans son excellent billet, il est de mon devoir d'insister : les 780 pages de ce récit de Julius Margolin, qui passa cinq années dans les camps soviétiques du grand nord soviétique, sont à lire absolument. C'est dur, oui, mais on tient là de l'exceptionnel.
"Le seuil de la maison de la rue Logiszynska une fois franchi, je cessai d'être un homme."
En 1939, rien ne préparait cet intellectuel qui vivait avec sa famille
en Palestine et visitait ses parents et amis en Pologne, à être broyé par la
machine stalinienne. Il se comportait envers l'URSS "sans illusions et
sans hostilités", et quand la guerre éclate, il fait confiance aux
soviétiques pour le laisser rentrer chez lui. Las! Condamné à cinq ans de
redressement par le travail, il va connaître de l'intérieur une entreprise de
déshumanisation à l'échelle d'un état. Des millions d'hommes soumis à un
épuisant travail sans relâche, sans tenir compte des qualifications de chacun
(hormis les médecins), et souffrant de malnutrition. Sans doute des millions de
morts. Lui a eu la chance d'en sortir vivant.
Ce qui frappe, c'est sa façon de se déclarer Occidental, par rapport aux populations soviétiques. Il a connu des pays développés et prospères, et même démocratiques. Au début il reçoit des colis, des lettres de sa mère restée en Pologne. Tout au long de ses années, il analyse son expérience , conscient lorsqu'il risque, dans ce "royaume de la mort", de basculer vers un état sans retour, et réussissant à écrire trois essais (qui seront détruits avant sa libération). Il décrit en détail le fonctionnement de ce système.
Il écrivit ce Voyage au pays des Ze-Ka dès 1947, mais il se heurta "à un deuxième mur de pierre, dressé par la lâcheté et la traitrise." Son témoignage choquait, mais il lutta pendant des années pour faire connaître la vérité sur ces camps (qui ont existé encore des années après).
J'ajouterai que les qualités littéraires de ce Voyage rendent sa lecture non pas agréable, bien sûr, mais tout à fait passionnante.
Voyage au pays des Ze-Ka de
Julius Margolin
Julius Margolin est un intellectuel juif polonais qui a émigré en Palestine à la fin des années 30, l’été 1939 il est en visite en Pologne, du jour au lendemain les frontières se ferment, le pacte Germano-Soviétique va conduire cet agrégé de philosophie à chercher refuge dans sa ville natale de Pinsk où se retrouvent beaucoup de juifs fuyant les nazis.
Pendant une année Margolin va tenter de sortir du pays, faisant valoir son passeport palestinien, lui qui a au cours de sa vie changer plusieurs fois de nationalité au gré des guerres, va se retrouver sans nationalité, toutes ses tentatives échouent et il est finalement arrêté pour infraction aux lois sur les passeports !
Condamné, un voyage interminable aux conditions matérielles épouvantables, va le conduire au fin fond de la Sibérie. Il n’est plus un homme, il est devenu un Ze-Ka terme qui désignait les prisonniers qui creusaient le canal de la mer Blanche à la Baltique : le sinistre Belomorkanal, et qui passa dans le langage des camps. Il passera cinq années au Goulag.
De Varlam Chalamov à Soljenitsyne, de Evguenia Guinzbourg à Gustaw Herling, ils sont nombreux à avoir témoigné sur le Goulag. Qu’est ce qui fait de ce livre un document très particulier ?
Julius Margolin n’est pas Russe, il n’a jamais vécu sous le régime
soviétique, il n’a pas été soumis à l’idéologie communiste, il n’a subi aucune
répression. Il a une très grande capacité d’observation et de réflexion, sa
formation intellectuelle le pousse à s’interroger, à tenter de comprendre le
processus qui est à l’oeuvre au Goulag. Très tôt pendant sa détention il
s’imagine alertant l’opinion publique mondiale, il s’ingénie à décrypter
l’absurde des situations, le phénomène de déshumanisation qui est en oeuvre, il
lutte avec acharnement allant jusqu’à vouloir écrire des traités de la haine ou
du mensonge.
Il décortique pour mieux les analyser les consignes qui régissent le camp : la ration de nourriture est proportionnelle au travail accompli, les jours de repos la ration diminue, si le Zek est malade la ration diminue, s’il fait un travail moins dur la ration diminue.
Il démonte les consignes ridicules sur le rendement attendu des prisonniers, les punitions, les brimades, la terreur que font régner les ourkis prisonniers faisant régner la terreur , les chantiers épuisants et inutiles, les simulacres de justice.
Il décrit les relations entre prisonniers, le grand mélange de nationalités qui exacerbe les sentiments les plus violents, il en est lui même victime et lorsqu’un jour il frappe un de ses compagnons il dit « Parmi toutes les choses que je ne pardonnerai jamais, ni au camp ni à ses sinistres créateurs, ce coup restera dans ma mémoire, car il fit de moi un instant, leur complice, leur élève, leur prosélyte »
Le livre de Julius Margolin est irremplaçable, la traduction de Nina Berberova et Luba jurgenson respecte toute profondeur du texte, font entendre magnifiquement la voix qui s’élève contre la barbarie. Dans la postface vous apprendrez le rôle important qu’à joué jusqu’à sa mort l’auteur pour alerter l’opinion mondiale car dit-il « Chaque crime commis dans le monde doit être appelé par son nom, à haute voix. Sinon, la lutte contre lui est impossible.»
Le procès Eichmann et autres
essais
NonFiction 06 février 2017
Le procès Eichmann et autres essais de Julius Margolin
Quand les intellectuels communistes français soutenaient la politique concentrationnaire de l'URSS.
Le livre du retour
Telerama 12 décembre 2012
Le livre du retour de Julius Margolin
Ce livre, tendu par l'écriture magnifique de Margolin, témoigne d'une période où un homme tente de se reconstruire avec dignité.
Le livre du retour de Julius Margolin
Huit brefs et merveilleux chapitres d’enfance, publiés à la fin du
livre, sont les traces d’une autobiographie avortée.
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