Jacques-Emile Blanche, portraitiste d’un temps perdu
Dans le cadre d’un partenariat avec le musée des Beaux-Arts de Rouen, qui conserve la plus importante collection publique d’oeuvres de Jacques-Emile Blanche (1861-1942), la ville d’Evian a accueilli cet été une exposition rétrospective sur ce peintre que nous redécouvrons depuis une vingtaine d’années. En 2012 déjà, l’exposition organisée à la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint-Laurent autour d’une trentaine d’oeuvres de l’artiste nous avait permis d’admirer le travail de portraitiste de Blanche. L’exposition d’Evian va plus loin en montrant d’autres aspects de l’art et de la personnalité de cet homme qui fut témoin du foisonnement intellectuel de son époque.
Jacques-Emile Blanche était le fils d’un célèbre médecin aliéniste dont la clinique d’Auteuil et le chalet dieppois étaient fréquentés par les peintres et musiciens : Gounod, Berlioz, Bizet, Manet, Renoir, Degas et Ludovic Halévy sont des habitués du salon des Blanche. Cet entourage le décide très tôt à poursuivre une carrière artistique. Hésitant entre la musique et la peinture, il choisit finalement le second domaine. Même s’il fréquente quelque temps l’atelier d’Henri Gervex (1852-1929), Blanche est un autodidacte dont les influences oscillent entre la peinture hollandaise et britannique. Son admiration sans bornes pour Manet est également visible dans ses premières natures-mortes – genre qu’il affectionnera jusqu’à la fin de sa vie. Mais, c’est le Britannique Whistler qui aura une influence déterminante sur le style de ses premiers portraits, tant dans le raffinement des vêtements que dans l’usage de teintes froides (Jeune femme en blanc, 1886, Musée de la vie romantique).
Car Blanche est avant tout un portraitiste, comme il se plait à se décrire lui-même : « Je ne suis qu’un portraitiste qui raconte ce qu’il voit (…). Mes articles, mes études ne sont, à la façon de mes portraits peints, que les paragraphes ou les pages d’une petite histoire de mon temps ». Ami des artistes, Jacques-Emile Blanche a connu la célébrité grâce à son unique portrait de Marcel Proust. Blanche peint aussi les écrivains Henri de Régnier, Robert de Montesquiou, Maurice Barrès, André Gide, Jean Cocteau ou encore François Mauriac, qui deviendront ses amis. Ses portraits sont un reflet de son entourage et de ses intérêts ; Blanche peint en effet par plaisir et non par nécessité. A côté des portraits de famille (surtout des portraits de sa mère), ceux de musiciens (Le Groupe des Six, 1922, Rouen, Musée des Beaux-Arts) et peintres (Le peintre Thawlow et ses enfants, 1895, Paris, Musée d’Orsay)ont donc également une place importante sur les cimaises de l’exposition. Dans ses portraits, il recherche « la vérité dans l’instantané », se concentrant sur le regard de ceux qui prennent pour lui la pose : « Dans un visage, seuls comptent les yeux, le regard, car c’est l’âme que nous avons à exprimer. » (p. 202) Sa sensibilité, Blanche l’exprime en particulier dans le pastel qu’il utilise avec une grande virtuosité, notamment dans ses portraits de femmes (Femme à la robe jaune, galerie Elstir).
Il arrive à Blanche de peindre aussi des inconnus, ses séjours fréquents dans sa résidence d’Offranville en Normandie lui donnant l’opportunité de réaliser des portraits d’habitants des environs, le plus souvent des enfants. Après la Première guerre mondiale, parallèlement à un travail d’écriture, il s’implique dans un grand projet de mémorial pour les soldats morts d’Offranville où, à l’instar de l’Enterrement à Ornans de Gustave Courbet, il représente les habitants de son village. L’esquisse préparatoire ainsi qu’une réplique réduite autographe sont présentées à Evian. Dans le dyptique Une Panne (1901-1905, Lyon, Musée des Beaux-Arts), il réalise un portrait de groupe plein d’humour, où il se représente lui-même.
La plus importante réalisation de Jacques-Emile Blanche, présentée ici, est pour la Biennale de Venise de 1912 où Blanche dispose d’une salle d’exposition entière dont il réalise le décor : une grande frise composée de loggias à l’italienne peuplées de spectateurs alternant avec des natures-mortes. A cette occasion, il expose également des portraits des danseuses des ballets russes, dont deux exemples, conservés à la Bibliothèque-musée de l’Opéra, sont présentés au Palais Lumière (Tamara Karsavina dans le rôle de L’Oiseau de feu et Ida Rubinstein dans Sheherazade).
La rétrospective d’Evian nous présente donc d’autres aspects de la peinture de Jacques-Emile Blanche qui fut bien plus qu’un portraitiste mondain. Les paysages exposés, des vues de Venise ou de Londres, montre aussi son intérêt pour les lieux qu’il habita, autant que pour les gens qui l’entouraient. Le catalogue de l’exposition, très détaillé, se propose d’aborder de nouvelles thématiques liés à la personne de Blanche, comme son activité d’écrivain ou son rapport à la sculpture.
Jacques-Émile Blanche
Naissance | 16e arrondissement de Paris |
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Décès | (à 81 ans) Offranville |
Sépulture | |
Nom de naissance | Jacques Emile Blanche |
Nationalité | |
Activités | |
Maître | |
Représenté par | |
Père | |
Distinction |
Jacques-Émile Blanche né à Paris le et mort à Offranville (Seine-Inférieure) le est un peintre, graveur et écrivain français.
Biographie
Jacques-Émile Blanche bénéficie d'une éducation cosmopolite, ayant été élevé à Passy dans une maison qui avait appartenu à la princesse de Lamballe, acquise par son grand-père, Esprit Blanche, psychiatre qui a compté parmi ses patients Gérard de Nerval. Son père, Émile Blanche, est également aliéniste. Cette maison gardait toujours une atmosphère empreinte de l'élégance et du raffinement du xviiie siècle et a influencé ses goûts et son travail. Élève de Stéphane Mallarmé, son professeur d'anglais au lycée Condorcet à Paris, il se lia d'amitié avec Henri Bergson et André Gide. Excellent pianiste, il hésita à une époque entre la peinture et la musique.
Bien qu'il ait reçu l'enseignement d'Henri Gervex, Jacques-Émile Blanche peut être considéré comme un peintre autodidacte. Il fit ses premiers pas dans le milieu mondain sous la bienveillante protection du comte Robert de Montesquiou. Il a acquis une grande réputation de portraitiste. Son style, vivant et raffiné, porte l'empreinte de sources française et anglaise.
En 1895, il épouse sa confidente et amie d'enfance Rose Lemoinne. Il fut aussi ami des surréalistes et des dadaïstes, parmi lesquels Jacques Rigaut, René Crevel et Jean Cocteau, dont la mère était très liée avec la famille Blanche. On peut compter parmi ses chefs-d'œuvre les portraits de son père, du poète Pierre Louÿs, du peintre Fritz Thaulow et ses enfants, d'Aubrey Beardsley et d'Yvette Guilbert.
Il fréquentait le salon de Geneviève Bizet2, devenue ensuite Madame Straus3, bien connu du Tout-Paris littéraire et artistique (Edgar Degas, Marcel Proust, Georges de Porto-Riche, Paul Bourget, etc.)4. Il fréquente aussi le salon de la comtesse Potocka.
Au début des années 1900, il est nommé chef d'atelier à l'Académie de la Palette. À partir de 1903, il expose au salon organisé par la Société nouvelle de peintres et de sculpteurs dont il est membre5.
En 1926 se crée la Société belfortaine des beaux-arts qui organise chaque année jusqu'à la Seconde Guerre mondiale des expositions importantes aux musées de Belfort auxquelles Jacques-Émile Blanche participe en compagnie de Georges Fréset, René-Xavier Prinet, Jean-Eugène Bersier, Raymond Legueult, Anders Osterlind, Henry de Waroquier et Jules-Émile Zingg6.
Il est élu membre de l'Académie des beaux-arts en 1935. Jacques-Émile Blanche est le neveu de l'architecte Léon Ohnet et le cousin de l'écrivain Georges Ohnet.
De 1902 et jusqu'à sa mort en 1942, il passe de longs moments dans sa propriété du manoir de Tôt à Offranville près de Dieppe. Il fait don de nombreux tableaux et documents pour qu'y soit créé un musée. En 1995, cette commune ouvre le musée Jacques-Émile-Blanche. Le peintre est inhumé à Paris au cimetière de Passy dans le caveau familial.
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