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jeudi 3 décembre 2020

3. La « Belle Époque » de la société et de la culture en France










La « Belle Époque » de la société et de la culture en France

Besançon 11 octobre 2017, par Dominique Lejeune, Prof Dr Dr 

II. 

L’effervescence culturelle 

La Belle Époque, c’est pour la France l’entrée dans la « culture de masse », avec l’ « entrée en culture » du plus grand nombre, la démocratisation par la presse à grand tirage, par le livre à prix modique, l’image davantage présente, la carte postale, le café-concert, le cinéma… Grande est l’importance, mythique, du Paris culturel, du Paris littéraire en particulier, et du « parisianisme », par concentration des moyens et des formes, l’affaire Dreyfus ayant joué le rôle de déclencheur. Paris est capitale des spectacles, de toutes sortes ; la capitale a concentré les salons et la vie musicale ; Paris est capitale des beaux-arts (institutions, production et marché de l’art). Paris est « vitrine du monde », « capitale de la nuit », etc. Paris est une capitale artistique hautement cosmopolite, en témoigne le grand nombre des étrangers qui fréquentent le BateauLavoir à Montmartre. Si les années 1900 ont des avant-gardes littéraires et ce qu'elles qualifient elles-mêmes d' « art moderne », les contemporains ont été très sensibles à la naissance du cinéma et à celles de nouvelles sciences. Paradoxe de la Belle Époque : on voit conjointement la « faillite de la science », l’émergence de nouvelles sciences, le début d'une croissance exponentielle du savoir, l’organisation des sciences selon un véritable réseau et non plus en une classification linéaire. Le XXe siècle est né. Grâce à la découverte de la radioactivité par Becquerel en 1896 et du radium par les Curie, c'est une véritable révolution copernicienne qui s'opère, créant une nouvelle physique qui se substitue à la physique « classique », c'est-à-dire à celle qui traitait de phénomènes directement observables à l'échelle humaine, découvrant des perspectives extraordinaires à l'astrophysique et aux hypothèses sur la structure de l'univers. L'explication newtonienne du monde, la géométrie euclidienne, le déterminisme mathématique, sur lesquels vivait encore le XIXe siècle savant, s'effondrent, la matière apparaît comme discontinue, mais c'est aussi le fait de recherches entreprises à l'étranger : relativité restreinte d'Einstein (1905), relativité générale, théorie des quanta de Max Planck. Toutefois, l'étude par Paul Langevin des masses atomiques des corps simples, la multiplication des articles dans les revues de mathématiques (le plus souvent étrangères) et les déterminations successives du « nombre d'Avogadro », jouent un rôle capital dans la transformation de la science des débuts du XXe siècle. 


En une dizaine d'années, tous les savants sont frappés par l'ampleur des
découvertes : le XXe siècle s'ouvre, sur un monde d'atomes et d'électrons, du fait de
recherches qui annoncent la mécanique ondulatoire de Louis de Broglie (1925,
prononcer [breuil]) et la fission de l'atome d'uranium par Frédéric Joliot-Curie (1938).
Dans le même temps, les chimies physique, analytique, minérale et organique
font des progrès rapides, l'électrolyse devient un procédé courant dans la préparation
des métaux, les premières matières plastiques (galalithe et bakélite) et le duralumin
apparaissent, comme la télégraphie sans fil (TSF) de Branly, mais aussi de Guglielmo
Marconi, et la biochimie progresse surtout à l'étranger. En révélant d'une façon
brutale la supériorité de l'équipement scientifique et technique allemand, la guerre
de 1914 amènera les pouvoirs publics à s'intéresser plus activement à l'organisation
de la recherche.
 
1°) Le cinéma


Des recherches et des progrès nombreux et rapides firent se multiplier à la fin
du XIXe siècle, sous des noms divers (chronophotographe, « théâtre optique »,
zoopraxinoscope, kinétoscope…), les successeurs des « jeux d'optique », tentatives de
ce qui sera le cinématographe. L'éclosion décisive se produisit quand Louis Lumière,
patron d'une grande usine de produits photographiques à Lyon, mit au point son
invention. Le premier film, La Sortie des usines Lumière, fut projeté à titre expérimental
en mars 1895 devant la Société d'encouragement à l'industrie nationale. Louis Lumière
donna une première présentation publique de « photographies animées » en un
véritable programme (Barque sortant du port, Arrivée d'un train en gare de La Ciotat,
Le Déjeuner de Bébé, etc.) au Salon indien du Grand Café, boulevard des Capucines à
Paris, le 28 décembre 1895 : ce fut un triomphe. Les frères Lumière projetèrent ensuite
des scènes de leur vie familiale et des séquences quotidiennes et familières : le cinéma
était pour eux une machine à refaire la vie, et sans intention préconçue ils donnèrent
un tableau pittoresque et révélateur de la vie, des plaisirs et des loisirs de la
bourgeoisie vers 1900. Les Lumière, qui se refusaient à la mise en scène, furent aussi
les créateurs des Actualités, comme le couronnement du tsar Nicolas II, alliance russe
oblige, tournées sur le vif par une équipe d'opérateurs envoyés à la conquête du
monde. Elles renseignent sur les réalités françaises, mais bien sûr de manière sélective.
Dès 1896 furent tournés les premiers documentaires, des films de fiction ou
d'histoire, et l'on eut l'idée d'utiliser des trucages. La courte période des pionniers vit
également l'épopée de Georges Méliès aux studios de Montreuil (son « atelier de
poses ») — il avait fait en 1899 son premier long métrage avec un film hautement
d'actualité, mais de mise en scène et dreyfusard, L'affaire Dreyfus — et celle des Pathé
aux studios de Vincennes, dont les productions furent largement exportées. Mais l'ère
de la concentration et de l'expansion arriva vite : dès 1908, Méliès, qui était un
créateur de génie resté artisan et artiste, succomba, incapable d'affronter les
affairistes qui dès 1903 lui avaient emprunté ses trucs sans vergogne, tandis que
naissait Gaumont et que Charles et Émile Pathé formaient un holding, qui vendait les
films par milliers d'exemplaires, ainsi qu’appareils et pellicules.
Industriel, mais nouvel art, le cinéma évolua des scènes de la vie réelle vers le
vaudeville, la féerie et le grand spectacle, cherchant inspiration historique, sujets
d'anticipation et d'épouvante, et empruntant à la littérature : L'Assassinat du duc de
Guise (1908), les Fantômas de Louis Feuillade (commencés en 1913 pour Gaumont),
Les Misérables et Germinal (Albert Capellani). Dans le même temps, Max Linder
(Gabriel Leuvielle, 1883-1925) devint le premier grand acteur comique français. Mais
les sociétés anglo-saxonnes et italiennes, pourvues de moyens plus puissants,
menaçaient le domaine où la France avait fait figure de précurseur, et le cinéma
français ne faisait plus l'effort de renouvellement artistique nécessaire après l'apogée
de 1908. Les grandes sociétés françaises s'étaient entêtées dans des méthodes de
production périmées et le nombre de salles (moins du tiers du total britannique)
n'était pas en France susceptible d'amortir les films.
 
2°) L’art moderne


L'impressionnisme est caractéristique de l'art des premières décennies de la IIIe
République ; Manet, Berthe Morisot et Sisley sont d'ailleurs morts en 1883, 1895 et
1899. En matière de peinture, l' « art moderne » ce n'est même plus ce qu'on appelle
le post-impressionnisme (Seurat, Signac, Luce), ni même les écoles de Pont-Aven et
de Chatou, mais plutôt les conséquences des découvertes de Cézanne (1839-1906) sur
la simplification, la synthèse des formes et l'appréhension d'un objet ou d'un
personnage sous divers points de vue (Pommes et oranges, 1895-1900), ceci repris,
transformé et renouvelé par fauves et cubistes. Ce sont également les dernières
œuvres de peintres marginaux et originaux comme Toulouse-Lautrec, le Douanier
Rousseau (La Charmeuse de serpents , 1907), Gauguin (à Tahiti depuis 1891, et il
meurt en 1903), les Nabis (Bonnard, Denis, Vallotton, Vuillard, pour lesquels les
années 1900 marquent à la fois la reconnaissance publique et l'évolution vers une
peinture plus douce, voire religieuse dans le cas de Maurice Denis) et les peintres
symbolistes (Eugène Carrière, Henri Martin…).
Le surnom de « fauves » vient du critique Vauxcelles qui, rendant compte du
Salon d'Automne de 1905 parla de « cage aux fauves » pour la salle où exposaient
ces artistes. Réaction contre l'impressionnisme, influencé par les Nabis, le fauvisme de
Derain (1880-1954), Dufy (1877-1953), Matisse (1869-1954), Van Dongen (1877-
1958), et Vlaminck (1876-1958) simplifie les formes, insiste sur les couleurs pures,
voire brutales, exprime sensations et émotions plutôt que la réalité.
Dernière nouvelle école de peinture de la Belle Époque, le cubisme prolonge
des intuitions de Cézanne et réagit contre la sensibilité de l'impressionnisme pour
revenir à une peinture intellectuelle qui ne cherche plus à représenter l'apparence des
sujets, mais leur essence. Il décompose l'objet en volumes et en plans, en sphères et
en cylindres, en cônes et en cubes, d'où son surnom et la principale différence avec
les fauves, la forme étant privilégiée par rapport à la couleur. Le tableau, sans ligne
d'horizon, éclate en un apparent désordre, qui n'est autre que la décomposition de
l'analyse effectuée par l'œil de l'observateur : les différents aspects d'un objet sont
rendus, même ceux qui ne sont pas visibles. Les natures mortes sont en conséquence
préférées à la représentation du mouvement ; des matériaux — papier journal, étoffe,
carton — sont utilisés et servent de points de repère pour la lecture de la toile. Figures
géométriques, plans superposés, tentatives de rendre volumes et relief sur le plan du
tableau sont visibles dans Les Demoiselles d'Avignon (toile fondatrice de Picasso,
initialement titrée… Le Bordel d'Avignon et pour laquelle il fit quelque 700 esquisses
en 1906-1907), dans Le Violon (1913-1914) de Braque (qui avait commencé par être
fauve). La nouvelle école (aussi Delaunay, Gleizes, Gris, Léger, Le Fauconnier,
Metzinger), éminemment subjective, domine le Salon des Indépendants de 1911 et se
continuera après la guerre.
Le Rodin de la Belle Époque, c'est celui de la continuation de la Porte de l'Enfer,
d'un expressionnisme des sentiments des personnages (Les Bourgeois de Calais,
terminés en 1895, Le Penseur, 1902), celui de l'orientation vers un art plus abstrait et
très audacieux (Balzac, 1908, monument commandé par la Société des gens de
Lettres, symbole de la puissance du romancier). Atteignant au faîte de la renommée,
devenant le père de la sculpture moderne, Auguste Rodin (1840-1917) dut s'entourer
de nombreux praticiens dont plusieurs menèrent ensuite une carrière. Les uns,
comme Jules Desbois (1851-1935), restèrent marqués par l'influence du maître. En
revanche, Lucien Schnegg (1864-1909) et Antoine Bourdelle (1861-1929) s'intégrèrent
à ce mouvement qui au début du XXe siècle tenta de retrouver les qualités de force,
d'équilibre, de clarté dont la sculpture antique avait donné le modèle. Bourdelle
renoua avec l'archaïsme dont il fit une discipline : Tête d'Apollon, Pénélope (1912), et
surtout l'Héraklès archer (1909) dans lequel il fit preuve d'une grande maîtrise dans
la composition et l'indication de l'effort et des tensions.
Aristide Maillol (1861-1944) commence à sculpter vers 1895, il entreprend en
1900 la première de ses grandes figures, la Méditerranée, dont le modèle fut exposé
au Salon d'Automne de 1905. Il y démontre que la beauté réside dans l'harmonie,
l'équilibre des gestes sans passion d'un corps en pleine maîtrise de soi ; il travaille
ensuite dans le sens de la taille directe du bois ou de la pierre.
 
3°) L’Art nouveau


Le dernier tiers du XIXe siècle avait vu s'élaborer un profond renouvellement
de l'architecture et des arts du décor. Partout en Europe, s'était manifesté un besoin
d'émancipation et d'inédit d'où naquit dans les années 1900 l'Art nouveau, marquant
la volonté d'un style radicalement neuf, faisant table rase des répertoires antérieurs.
Rompant avec la tradition académique et avec les styles du passé, l’Art nouveau
rejette toute grammaire décorative faisant référence à l’Antiquité ou à la Renaissance
et prône un nouveau naturalisme. Il utilise un répertoire de formes et d’ornements
fondé sur une observation minutieuse du monde naturel. Il développe un goût pour
l’asymétrie et pour la ligne « en coup de fouet », qui doit beaucoup au Japon, dont
les créations avaient été largement diffusées en Europe par les expositions
universelles, à partir de celle de 1867.
Cet Art nouveau s’appelle ainsi en France et en Belgique ; il est nommé Modern
Style en Grande-Bretagne, Jugendstil en Allemagne, Modernisme en Catalogne dans le
cadre de la Renaixença. Le modernisme de ces artistes est sensible dans les meubles,
les bijoux, les éventails, les décorations d'hôtels particuliers (Alexandre Charpentier
pour le banquier Bénard), et il triomphe avec Hector Guimard (1867-1942), qui se
définit comme « architecte d'art » et remporte son premier succès avec la
construction du Castel Béranger (1894-1898, un immeuble populaire de la rue La
Fontaine, à Paris, qui surprit : « castel dérangé »… ). L'expression de « style Guimard »
apparaît cinq ans plus tard et signifie prédilection pour l'asymétrie, les volutes,
l'arabesque, les convulsions de la ferronnerie et la richesse des longues courbes
végétales qui s'insinuent sur les matériaux les plus divers.
On a en quelque sorte une réapparition du baroque, par la surabondance de
la décoration, parfois très férue de documentation florale ou zoologique. L'Art
Nouveau — à ne pas confondre avec l'Art déco, des années vingt — est européen, et
Antoni Gaudí (1852-1926) bâtit à Barcelone la demeure d'un « bourgeois éclairé ».
Guimard et Jules Lavirotte l'appliquent à d'autres constructions du XVIe
arrondissement de Paris (parfois jetées bas par la cuistrerie prétentieuse du second
XXe siècle), dans des quartiers populaires du nord et de l'est qui accueillent des
édifices modestes, des logements sociaux — il y a donc un Art nouveau du pauvre,
qui reste encore aujourd'hui trop mal connu — et quand Guimard répond à la
commande d'édicules couvrant (cf. Porte Dauphine, le seul vestige complet…) ou
encadrant les entrées des stations du métropolitain parisien.
L'Art nouveau triomphe aussi avec l'École de Nancy, « Alliance provinciale des
industries d'art » qui associe des artistes dans des domaines très variés : mobilier,
ébénisterie et marqueterie de Majorelle et de Gallé, le fondateur de l'école,
céramique, verrerie et vitraux de ce dernier, d'Antoine Daum et d'Albert Besnard,
« pâtisseries » des plafonds bourgeois, voluptueuses lignes courbes des demeures
que se font construire, par des architectes comme Émile André, des industriels
fortunés ou de nouvelles brasseries. Cet art baroque, qui opère un retour à
l'imaginaire coïncidant avec la vogue de l'art japonais et la diffusion de la philosophie
bergsonienne de l' « élan vital », dure jusqu'à la Grande Guerre. Il n'est pas exclusif,
au moins en architecture, qui voit apparaître les bâtiments quadrangulaires et les
façades planes du béton armé, le « ciment armé » de l'époque, comme dans divers
théâtres de la capitale : des Champs-Elysées (plans de Henry Van de Velde, modifiés
par Auguste et Gustave Perret), Récamier (Blondel), salle Gaveau (Hermant). En 1901,
Tony Garnier a scandalisé l'Académie des Beaux-Arts avec son projet de « Cité
industrielle ».
L'Art nouveau, c'est enfin Alphonse Mucha (1860-1939), qui a accédé à la gloire
avec la commande en 1894 par Sarah Bernhardt d'une affiche pour son nouveau
spectacle, Gismonda, de Sardou. Affichiste, décorateur de livres et de calendriers,
artiste au service de la publicité, Mucha exalte tout en courbes le corps féminin et la
flore. D'une manière générale d'ailleurs, l'art s'approprie l'affiche, en fait un nouvel art
et transforme la « réclame » en publicité : le parti pris esthétique des
chromolithographies est évident, et les peintres « sérieux » (ou moins : ToulouseLautrec et Steinlen !) 
ne dédaignent pas de faire de l'affiche. Des réussites
s'enregistrent, qui défieront le temps, comme le trio Ripolin de Vavasseur (1898), « le
Thermogène » de Cappiello (1909) et Bibendum de Marius O'Galop (1910).
 
4°) Musique
 
Le tournant du siècle coïncide avec une grande effervescence musicale dans
toute l’Europe. Le romantisme éloigne son influence, les grands musiciens de la
seconde moitié du XIXe siècle meurent, Wagner en 1883, Liszt en 1886, les derniers
chefs-d’œuvre de Brahms sont de 1896. Par contre, la modernité musicale apparaît
avec le Prélude à l’Après-midi d’un faune (1894) de Claude Debussy et encore la
Symphonie Du Nouveau Monde de Dvorak (1892).
Claude Debussy (1862-1918) unit étroitement musique, poésie et inspiration
tirée de la peinture impresionniste comme de la musique russe ; il surprend beaucoup
plus que Fauré le goût des contemporains. Il avait emprunté à Mallarmé en 1894 les
thèmes du Prélude à l'après-midi d'un faune, et en 1913 il lui consacre Trois Poèmes ;
en 1902 le drame musical de Pelléas et Mélisande est tiré de Maeterlinck (exact
contemporain de Debussy) ; cela suscite une véritable bataille. Ses mélodies sont
nombreuses, depuis les Chansons de Bilitis (1898), comme ses poèmes symphoniques
(La Mer,1905, Images, 1909, etc.), bouleversant les règles traditionnelles, inventant
des procédés nouveaux et des sonorités inédites : une véritable révolution, à l'échelle
européenne, et l'émotion suscitée par sa mort sera grande à l'étranger.
Maurice Ravel (1875-1937), déjà célèbre par des œuvres pour piano (Habanera,
1895), en écrit d'autres (Pavane pour une Infante défunte, 1899, Ma Mère l'Oye, 1908,
orchestrée en 1912), écrit de la musique de chambre, des mélodies (Shéhérazade,
1903), de la musique symphonique (Rhapsodie espagnole, 1907), des œuvres
dramatiques (L'Heure espagnole, 1911). Son esthétique trouve son inspiration dans
la musique populaire ibérique, dans l'atmosphère de l'enfance — il y a quelque
convergence avec Le Grand Meaulnes d'Alain-Fournier (1913) — , s'éloigne de
l'impressionnisme et exprime une sensualité raisonnée.
Ne publiant plus après 1912, sinon des articles de critique, Paul Dukas (1865-
1935) compte avec les musiciens précédents parmi les gloires du temps, ce que
justifie son écriture éblouissante et la couleur de sa musique. Mais les années 1900 —
on pourrait évoquer aussi les premières œuvres d'Albert Roussel et Florent Schmitt —
font un scandale aux créations d'Igor Stravinsky : avec L'Oiseau de feu (1910) et
surtout Le Sacre du Printemps (1913), le musicien russe (il ne sera naturalisé qu'en
1936, et pour peu de temps) apparaît comme l'un des fondateurs de l'art moderne.
L'époque voit enfin l'introduction d'une musique qui rompt totalement avec la
tonalité classique, comme le cubisme est une césure : c'est l'atonalité et la polytonalité
de l'Autrichien Arnold Schönberg (1875-1951), première tentative de « musique
concrète », guère suivie en France avant 1914.


 5°) Architecture


L'utilisation de la fonte et du fer n'a donc été qu'un épisode sans lendemain, comme
l'expérience du béton à Saint-Jean-l'Évangéliste de Montmartre (1894) et encore dans
l'entre-deux-guerres la basilique de Lisieux sera toute traditionnelle et scolaire.
L'orfèvrerie et le mobilier religieux sont marqués par le même éclectisme
historique, constant rappel des styles du passé conforté par le développement des
musées et des grandes collections privées, les travaux et recueils d'archéologues,
d'historiens ou d'érudits, les désirs d'une clientèle nouvelle, peu sûre de son jugement
artistique et à la recherche de légitimité. Des firmes industrielles s'intéressent à ce
marché et s'entourent d'ailleurs d'artistes reconnus.
En matière d’architecture civile, la fièvre de construction urbaine du Second
Empire se poursuit, et les architectes en profitent, avec moins de retenue et de
conformisme que dans le domaine religieux, bien qu'ils aient été globalement
enchaînés à l'histoire et à l'archéologie : la brique se mêle parfois à la pierre dans des
cadres traditionnels, fruits du dessin de prix de Rome. Construits pour l'Exposition de
1900 à proximité du pont Alexandre III, le Grand et le Petit Palais sont caractéristiques
de l'architecture pompeuse du temps. Architecture en fer et grandiloquentes façades
en pierre y symbolisent la glorification par la République de l'Art français, la Ville de
Paris est représentée au tympan de la façade du Petit Palais, entourée des Muses et
de la Seine.
Bâtis en moins de deux ans pour l'Exposition de 1900 également, la gare et
l'hôtel d'Orsay, œuvre de Victor Laloux (1850-1937) corrigée par les ingénieurs,
illustrent bien une architecture fonctionnelle, classique et luxueuse, qui dissimule tout
en l'autorisant (avec une séparation complète du départ et de l'arrivée) le trafic
ferroviaire, ne heurte pas le goût des clients et se hausse au niveau de richesse de
l'élégant quartier environnant. Le grand hall, imité de l'architecture basilicale et
thermale, et inutile puisqu'il n'y a pas de fumée à évacuer, impressionne le voyageur,
et il connaîtra une grande fortune aux États-Unis, où le procédé sera repris dans trois
des plus grandes gares. Laloux avait dessiné jusqu'au moindre détail de la décoration
du fastueux hôtel de 370 chambres, mêlant les styles néo-Louis XIV, Louis XV et Louis
XVI dans une débauche de stucs dorés, de lustres et de boiseries.
Quant au Palais rose, témoin des fastes mondains de la Belle Époque édifié en
1896 pour Boni de Castellane et stupidement détruit en 1970, son célèbre escalier de
marbre rouge à rampe de marbre noir était la réplique de l'escalier des Ambassadeurs
à Versailles. 

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https://hal.archives-ouvertes.fr/cel-01615634/document

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