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la Belle Époque
L'expression « Belle Époque », utilisée après 1918, désigne les années avant la Première Guerre mondiale.
1. UNE EUROPE EN CRISE
Matériellement ruinée, l'Europe était meurtrie moralement : l'impression confuse d'une sorte de recul général de la civilisation dominait. Or, les circonstances présentes ne consolaient guère des épreuves passées : un peu partout et de plus en plus surgissaient des dangers nouveaux pour la France républicaine et bourgeoise. La naissance des totalitarismes européens, la crise économique et les effondrements sociaux qu'elle provoquait, les risques d'une nouvelle guerre formaient un tableau peu réjouissant. Rien n'était comme avant dans la politique et dans l'économie ; les mœurs, les façons d'être se transformaient. Avec les débuts du cubisme, du surréalisme, la littérature et les arts effrayaient.
2. NOSTALGIE D'UNE ÉPOQUE RÉVOLUE
Tant de changements dans un pays aussi conservateur que la France, avec une population vieillissante, déterminèrent en réponse la nostalgie du temps de l'avant-guerre, décoré du nom flatteur de « Belle Époque ». À quoi pouvait penser la mère qui avait perdu son fils à la guerre ou la femme son époux ? L'ancien combattant mutilé ou diminué ? Le paysan dont les terres avaient servi de champ de bataille ? Le rentier ruiné ? Aux heures heureuses de l'avant-guerre. C'était un sentiment universel répandu à travers toutes les classes sociales, mais surtout aux niveaux les plus élevés de la société. Beaucoup avaient l'impression d'avoir vécu, matériellement et moralement, d'une façon privilégiée, avec un certain bonheur. Le temps, qui efface les souvenirs désagréables, avait fait oublier les mauvais côtés.
De 1917 à 1928 l'œuvre romanesque la plus goûtée du moment fut celle de Marcel Proust parti À la recherche du temps perdu. Or, la Belle Époque apparaissait comme un temps de stabilité, de paix et de bonne conscience. La stabilité était d'abord monétaire et économique. Si la classe ouvrière souffrait, luttait pour la journée de dix heures, pensait à peine à la protection sociale, le franc avait une valeur fixe, s'échangeait à volonté contre de l'or ; les prix augmentaient peu. Le rentier qui détachait les coupons de ses titres de rente, le propriétaire foncier qui encaissait ses fermages étaient sûrs du lendemain. Ils pouvaient mener tout à loisir une vie sans travail et s'adonner aux divertissements mondains.
Les images les plus populaires de la Belle Époque sont toujours restées celles du faste et du décorum des réceptions, de la splendeur des équipages qui circulaient au bois de Boulogne, de l'éclat des beaux uniformes militaires et de la cavalerie défilant sur l'hippodrome de Longchamp le 14 juillet. Un certain panache, un air d'aristocratie étaient appréciés d'autant plus que l'Europe était alors monarchique. La paix semblait assurée : les experts les plus qualifiés assuraient que la complexité et le coût des armements rendaient impossibles les guerres longues. Les moralistes ajoutaient que les progrès scientifiques toujours croissants amélioreraient, à la fin, les caractères moraux de l'humanité. On rêvait à la paix universelle et à l'harmonie des peuples. Dans un monde que l'Europe dominait, la Belle Époque était celle des belles illusions qui incitent au regret.
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Belle Époque
Après la grande dépression des années 1880, la France connaît l'apogée de sa prospérité, de sa puissance et de son prestige : un âge d'or précédant le carnage.
C'est, du moins, la vision idyllique que se font les esprits après l'hécatombe de la Grande Guerre. L'expression « Belle Époque » s'impose alors, estompant les convulsions, les contradictions et les remises en cause d'une période qui a accouché du XXe siècle.
Naissance d'un mythe
« Qui n'a pas connu la France vers 1780 n'a pas connu le plaisir de vivre », disait Talleyrand à la fin de sa vie. Quelque cent ans plus tard, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'opinion publique, hantée par les traumatismes de la Grande Guerre et confrontée aux incertitudes du présent, se tourne à son tour vers un passé qu'elle est d'autant plus portée à idéaliser qu'elle le sait disparu à jamais avec l'hécatombe de 1914 et le franc germinal. L'expression « Belle Époque » n'est due ni à un écrivain ni à un journaliste ; elle apparaît spontanément dès 1919 dans un climat où, « par tous ses noyaux pensants, [l'Europe] a senti qu'elle ne se reconnaissait plus, qu'elle avait cessé de se ressembler » (Paul Valéry, la Crise de l'esprit, 1919). En tant qu'expression, « Belle Époque » en dit donc plus long sur les représentations que se font alors les Français de leur passé immédiat et de leurs peurs présentes - instabilité économique, crise idéologique, incertitude politique... - que de la réalité vécue par les contemporains des années 1895-1914. Elle révèle une conception statique de la société et de ses valeurs, que les récents bouleversements de l'histoire confinent au niveau d'une mémoire recomposée. Pour ceux-là même qui l'ont vécue, la Belle Époque n'apparaît plus alors que comme un instant figé, contenant toutefois en germe les malheurs futurs. Comme le remarque Paul Morand en 1930 : « Je me promène dans 1900 comme dans le Musée Grévin, égaré parmi des figures de cire. » Des Mémoires, des récits écrits par des témoins, surtout de la haute société, viennent alimenter dès l'après-guerre cette conscience d'une époque - et d'un monde - révolue, en tout cas pour eux : les uns participent à la construction de la légende dorée qui voudrait que la France n'ait été peuplée que de sportmen juchés sur des De Dion-Bouton et de femmes habillées par Worth et Fortuny. À la recherche du temps perdu de Proust ne serait qu'une évocation minutieuse des rites et fastes de la mondanité ; un temps véritablement perdu où les Guermantes et les Verdurin incarnaient deux constellations inconciliables. D'autres mémorialistes accréditent la légende noire, qui n'est pas incompatible avec l'autre : celle du « stupide XIXe siècle » (Léon Daudet), avec ses pieds sales et sa naïveté hygiéniste, sa foi en la science et sa croyance en l'occultisme, ses revues militaires et ses gauloiseries. En somme, dans l'entre-deux-guerres, une mémoire sélective et euphorisante répand sur la Belle Époque son vernis uniforme, pour mieux conjurer les réalités souvent douloureuses d'une période profondément travaillée par des contradictions toujours à vif.
La seconde révolution industrielle
« En revenant de l'Expo ».
• Avec ses 48 millions de visiteurs, son palais de l'Électricité et de l'Automobile, avec la première ligne du Métropolitain et le Cinéorama, l'Exposition universelle de Paris, inaugurée le 14 avril 1900 par le président Loubet, apparaît comme l'événement fondateur de la Belle Époque : un pays - la France et son empire -, un régime - la République -, contemplent et célèbrent leur propre gloire, manifestent leur rayonnement dans le monde et attestent un dynamisme économique retrouvé après la « grande dépression » (1870-1895).
Aussi, à côté de l'image emblématique du rentier thésaurisant ses francs or, s'affirme celle d'un capitalisme d'entrepreneurs audacieux. La reprise de l'investissement génère des taux de croissance inégalés, en particulier dans les secteurs industriels novateurs. Elle provoque également la recomposition de l'ensemble de l'appareil de production, même si plus de la moitié des salariés travaillent encore dans des entreprises de moins de cinq employés.
Certes, il reste encore de beaux jours aux bricoleurs de génie avant qu'ils ne soient relégués à la gloire improbable du concours Lépine (créé en 1901). Le tissu morcelé de l'industrie en petits ateliers favorise d'ailleurs la mise au point et la fabrication de ces produits de luxe que sont l'automobile et l'aéroplane. Mais, désormais, accompagnant l'idéologie scientiste, les mutations techniques sont soumises à une évaluation scientifique qui permet la promotion de la figure de l'ingénieur.
L'effervescence technologique.
• En moins de trente ans, la France passe de l'âge du fer, du charbon et de la vapeur à celui de l'acier, du pétrole et de l'électricité. Si la machine à vapeur est le symbole de la première révolution industrielle, le moteur à combustion interne (Daimler, 1889 ; Diesel, 1893) et la dynamo sont ceux de la seconde. Car la prospérité retrouvée est liée à de spectaculaires innovations technologiques qui feront dire à Péguy, en 1913, que « le monde a moins changé depuis Jésus-Christ qu'il n'a changé depuis trente ans » (l'Argent). De ce point de vue, la Belle Époque est pionnière : premier moteur à explosion, première automobile, premier film, premier aéroplane, premier essai de TSF, premier réseau électrique... De sorte que des commodités largement répandues après guerre sont, en 1900, des prodiges qui émerveillent les Français. Mais ce sont des prodiges auxquels ils n'ont pas tous accès ; l'éclairage domestique est encore largement tributaire de la bougie, du pétrole et, au mieux, du gaz. L'Exposition universelle de 1900 voit sans doute l'illumination par l'électricité de la tour Eiffel, et Paris devient la Ville Lumière ; c'est toutefois plus une prouesse technique que la preuve des bienfaits dispensés à tous par la « fée électricité ».
La France « d'avant l'orage »
La passion nationale.
• Électrique, l'atmosphère politique et sociale de la Belle Époque l'est également. Politiquement close en 1899, l'affaire Dreyfus l'est juridiquement en 1906, mais elle a provoqué une profonde redistribution, voire une fixation durable des comportements idéologiques et des doctrines au tournant du siècle : deux France se trouvent clairement face à face, et pour longtemps. À droite, l'affaire marque l'acte de naissance d'un parti nationaliste, autour des ligues et de l'Action française (créée en 1899), fort d'une doctrine - élaborée conjointement par Maurras et Barrès - qui mêle exécration de la démocratie et antisémitisme, enracinement dans « le culte de la terre et des morts » et exaltation des ardeurs bellicistes. À gauche, des regroupements s'opèrent également, concrétisés par la création de deux grands partis : le Parti républicain radical et radical-socialiste (1901) et la SFIO (1905). Dénonçant l'« alliance du sabre et du goupillon », le Bloc des gauches vote les lois sur les associations (1901) et sur la séparation des Églises et de l'État (1905). Lutte contre le « parti noir » à gauche, antisémitisme à droite : l'exacerbation des passions militantes trouvera bientôt un exutoire dans l'exaltation belliciste.
Belle Époque (suite)
La question sociale.
• La « journée de huit heures pour tous » : le mot d'ordre, souvent repris, révèle les réalités concrètes de la condition ouvrière. Malgré la progression du pouvoir d'achat des ouvriers, les effets conjugués de l'exode rural, de la mécanisation et de la concentration industrielle rendent encore plus précaires des conditions de vie souvent épouvantables. La journée de travail est généralement de douze heures - dix pour les femmes en 1900 -, le repos hebdomadaire n'est rendu obligatoire, mais sans paiement, qu'en 1906. Les retraites des ouvriers sont faibles, et peu de travailleurs atteignent l'âge d'en bénéficier. Les années 1904-1907 voient donc se succéder la « révolte des gueux » du Languedoc, les grèves longues et massives des cheminots, des électriciens : 1 024 grèves sont dénombrées pour la seule année 1904, toujours violemment réprimées. La nouveauté réside dans le relais pris par les syndicats pour organiser de mieux en mieux les grèves. Avec la création en 1895 de la CGT, véritablement structurée en 1902 et dont les orientations sont précisées par la Charte d'Amiens en 1906, les composantes modernes de la lutte sociale sont constituées.
La crise de la raison
Le positivisme contesté.
• Aux bouleversements qui affectent le terrain social et politique s'ajoute, au même moment, une crise de la raison universelle, qui constitue un véritable abcès de fixation pour toute la période. En apparence, le positivisme se trouve doublement légitimé par le discours d'État et la reconnaissance universitaire : Léon Brunschvicg proclame « la capacité indéfinie de progrès » de l'intelligence par la science (les Étapes de la philosophie mathématique, 1912). La découverte des rayons X et de la radioactivité semble accréditer cette confiance. Mais la « révolution copernicienne » qui bouleverse les sciences exactes avec la théorie des quantas (Max Planck, 1900) et celle de la relativité (Einstein, 1907), en remettant en cause les modèles physiques et mathématiques hérités de Newton, provoque également un profond désarroi devant une réalité disloquée, une impuissance à dominer une diversité qui croît à mesure qu'on l'explore.
L'anti-intellectualisme.
• L'inconscient et l'intuition sont les mots clés de la Belle Époque. Mais là ou Bergson, exaltant l'intuition dans l'Évolution créatrice (1907), parle « d'élan vital » où le moi ne se saisit que dans la durée, Gustave Le Bon, dans la Psychologie des foules - un « best-seller » de l'époque -, fortifie l'idée d'un déterminisme racial originel fondé sur l'inconscient hérité des ancêtres. Traduit en termes politiques, c'est le fondement même des théories de Georges Sorel, du nationalisme organique de Barrès et de l'antisémitisme d'Édouard Drumont ; autant de composantes d'un nationalisme qui attise les haines. Car ce n'est pas seulement l'idéologie progressiste, élevée au rang de projet social, qui est ainsi visée, mais bien une conception globale de l'homme héritée de la philosophie des Lumières et de la société industrielle. À l'image « mécanique » de l'individu et de la société se substitue un principe « organique » qui postule l'origine inconsciente des actions, la puissance de la vie sur la raison et, dans sa visée sociale, la survie des plus aptes. Cet anti-intellectualisme pèse d'un poids particulièrement lourd dans le devenir des idéologies. Sans ce vaste mouvement, on ne saurait comprendre ni les enjeux profonds de l'affaire Dreyfus ni, surtout, son retentissement sur la genèse du fascisme européen : au tournant du siècle, les thèses qui verront leur accomplissement dans l'entre-deux guerres sont déjà fermement constituées.
Diversité culturelle et uniformisation des modes de vie
L'unité par l'instruction.
• Ce qui frappe dans cette France qui compte 56 % de ruraux en 1911, c'est l'inachèvement de l'unité linguistique. Certes, l'alphabétisation des petits Français est quasi générale, mais les bacheliers représentent, autour de 1900, à peine 1 % d'une classe d'âge : l'effort porte sur la scolarité primaire, qui voit naître le mythe du « certif ». Les « hussards noirs » de l'instruction publique poursuivent donc leur offensive conquérante au nom de la raison, de la République et de la patrie. L'enseignement confessionnel s'est vu théoriquement interdit d'exercice par la loi Combes (1904), mais l'« anticléricalisme d'État » n'a que des effets limités : les affrontements entre écoliers « culs bénis » et « culs rouges » de la Guerre des boutons (Louis Pergaud) peuvent se poursuivre malgré la vague de fermetures d'écoles congréganistes en 1904. Chaque écolier dans chaque village lit donc le Tour de la France par deux enfants (G. Bruno) et y apprend l'unité du pays dans sa diversité. Les provinces perdues, voilées de noir sur les cartes géographiques, seront reconquises par ces futurs bataillons d'écoliers entretenus dans le culte du sacrifice pour la patrie et la croyance dans le progrès indéfini de l'humanité.
Diversité culturelle.
• Cependant, une large tranche d'âge n'a pas fréquenté l'école ou a échappé à la scolarisation rendue obligatoire en 1881. En 1900, bien des Français ne parlent ni ne comprennent que le patois ou le dialecte. On voit ainsi de nombreux tribunaux recourir à des interprètes. L'harmonie de l'Hexagone tant vantée par les manuels scolaires de l'époque, telle l'Histoire de France d'Ernest Lavisse, se révèle l'alibi géométrique d'une idéologie fédératrice. En réalité, la diversité n'est pas uniquement sociale dans la France de la Belle Époque, elle est également culturelle et fait coïncider dans un même espace des groupes aux traditions, aux valeurs, aux rites différents. Néanmoins, les formes de cultures traditionnelles se dissolvent progressivement dans des usages et des modes de vie uniformisés. Ainsi, le 14 Juillet tend à se substituer à des fêtes patronales, qui se vident de leur sens. L'urbanisation et la déchristianisation ont leur rôle dans cette uniformisation ; mais aussi la production de masse et l'accroissement réel des revenus des salariés. La plupart d'entre eux partent à la conquête, sinon d'un bien-être, du moins d'un mieux-vivre.
Belle Époque (suite)
Vers une culture de masse.
• À côté des couches sociales traditionnelles - bourgeois, ouvriers, paysans -, dont les conditions de vie demeurent peu ou prou semblables à ce qu'elles furent dans les décennies antérieures, des couches nouvelles se consolident : cadres d'entreprise, fonctionnaires de l'instruction publique et des PTT (les deux seules administrations ouvertes aux femmes...), commerçants de détail. Ils constituent peu à peu l'ossature d'une société urbaine qui impose ses styles de vie. Si les valeurs de la bourgeoisie, liées au travail, à l'épargne et à la famille - le thème nataliste est alors une obsession -, demeurent prégnantes, les dépenses ostentatoires se font plus nombreuses, en particulier celles liées au développement des loisirs.
Du caf' conc' où l'on chante - et l'on chante beaucoup - au music-hall où s'exhibent des nudités plus ou moins chastes - Ô Colette ! Ô Polaire ! -, en passant par le théâtre de boulevard, les lieux de spectacle connaissent un développement considérable ; leur succès n'est pas sans lien avec la niaiserie ou la polissonnerie mises en scène et qui accréditeront la part sulfureuse du mythe. Par ailleurs, les moyens de transport dits modernes permettent l'accès à des loisirs nouveaux, mais surtout à des loisirs de masse. Le « train de plaisir » puis l'auto entraînent avec eux un développement certain du tourisme : Michelin publie son premier guide en 1900, l'Office national du tourisme est créé en 1910. Bien avant les congés payés (1936), les vacances pénètrent jusque dans la petite bourgeoisie. Dans les milieux moins favorisés, l'usage de la bicyclette, qui devient autant un moyen de locomotion populaire qu'un sport, s'accompagne d'une large promotion à la fois commerciale et idéologique, ce dont témoigne le succès immédiat du Tour de France, créé en 1903. Le discours hygiéniste, qui recoupe aussi bien l'idéologie républicaine que celle de l'extrême droite, rencontre les moyens matériels de sa promotion : les thèmes de la santé par le sport, de la chasse aux miasmes, de l'aération, accompagnent l'essor de la pratique sportive - et, avec elle, d'une presse spécialisée - et constituent un trait culturel original de la Belle Époque.
L'avènement du cinéma et celui de la presse populaire en sont deux autres. Comique avec Max Linder, fantaisiste avec Méliès, mélodramatique avec Zecca, ce « divertissement forain », en se sédentarisant rapidement, devient un phénomène culturel de masse. Sous l'impulsion de Pathé et de Gaumont, c'est bien déjà le cinéma moderne qui commence, tel le Fantômas de Louis Feuillade (1913), à « allonger son ombre immense sur le monde et sur Paris ». Belle, l'époque l'est aussi pour la presse, qui connaît un véritable âge d'or - qu'elle ne retrouvera plus après 1914. On sait le rôle de l'Auroredans l'affaire Dreyfus : de fait, la presse constitue un vecteur d'opinion plus puissant que jamais. Modestes par leurs titres, le Petit Parisien et le Petit Journalfournissent chacun quotidiennement à plus d'un million de lecteurs des nouvelles rapides, « à l'américaine ». Reporter-détective, le journaliste de la Belle Époque, c'est Rouletabille et c'est Fandor. Mais la véritable originalité réside dans la multiplication des titres spécialisés : instruction primaire oblige, la presse enfantine est la mieux servie, et on assiste à la naissance des journaux imagés - on ne dit pas encore « bande dessinée » - qui proposent les aventures des Pieds Nickelés dans l'Épatant (1908), tandis que les adultes lisent le Vélo ou son concurrent, l'Auto-Vélo, qui est à l'origine du Tour de France.
De l'Art nouveau à l'avant-garde
S'il est un domaine où la Belle Époque coïncide avec le mythe qu'elle a inspiré, c'est incontestablement celui de l'art. Dans les quelques années qui séparent l'Exposition universelle et la guerre se produit un brassage esthétique exceptionnel, qui touche tous les domaines de la création et en redistribue profondément les enjeux. Au tournant du siècle, l'Art nouveau, qui est un phénomène européen, s'impose comme la réponse radicalement nouvelle à l'industrialisation et aux formes traditionnelles en matière d'art décoratif et d'architecture. Les meubles de Majorelle, les verres de Gallé, les bijoux de Lalique, les affiches de Mucha, expriment la revendication de la volupté dans les formes végétales et les féminités serpentines : il s'agit de faire plier la matière, d'exalter une nature stylisée dans les objets manufacturés. Considéré comme l'expression du progrès dans l'art, l'Art nouveau se voit en quelque sorte consacré dès 1900 par la commande passée à Hector Guimard par la très officielle Compagnie du métropolitain.
Mais, au moment où l'Art nouveau s'officialise et où les impressionnistes se voient enfin reconnus, l'art moderne se construit dans l'exaltation du rythme, du mouvement, de la déconstruction des formes et des perspectives. « À la fin tu es las du monde ancien », proclame Apollinaire dans Alcools (1913) : l'irruption du concret, les pulsations et les saccades du monde moderne investissent largement le champ de la création. Au Salon d'automne de 1905, les « fauves » (Matisse, Derain, Vlaminck) radicalisent le message de Gauguin, et les cubistes (Braque, Picasso, Gris) tirent les conséquences des leçons de Cézanne. L'art nègre impressionne Picasso, qui peint les Demoiselles d'Avignon (1907). Debussy trouve la formule musicale pour se libérer du drame wagnérien (Pelléas et Mélisande, 1902) ; les Ballets russes renouvellent l'idée de spectacle total. L'année 1913 représente, de ce point de vue, un moment de grâce : Proust publie Du côté de chez Swann (à compte d'auteur !), Apollinaire Alcools ; Braque expose la Femme à la guitare ; Stravinski crée le Sacre du printemps. Il s'agit là d'une avant-garde dont le ressort, brisé en août 1914, ne sera retendu qu'après la guerre. Mais le XXe siècle est né.
Retour au mythe
Si la capacité de survie d'une époque se mesure aux images qu'elle suscite rétrospectivement dans la mémoire collective, la Belle Époque est, de toutes les périodes courtes - à peine vingt ans -, celle qui provoque aujourd'hui encore une intense nostalgie quand elle n'est pas une référence pour notre propre fin de siècle.
Belle Époque (suite)
Plusieurs facteurs semblent avoir contribué à une telle élaboration légendaire. D'abord, elle participe du mythe de l'âge d'or portant avec son écume brillante les raisons mêmes de son déclin : les âges d'or sont toujours crépusculaires ; vers 1890, personne n'aurait songé à revendiquer son appartenance à une « belle époque » ; en revanche, l'expression « fin de siècle », alors largement répandue, suscitait elle-même sa propre imagerie et dévoilait ses hantises. Ensuite, des motifs - « l'Expo », la « fée électricité », « l'aéroplane » ou « l'année 1900 » - constituent quelques-unes des représentations à forte charge symbolique facilitant l'assimilation collective du caractère heureux, voire frivole, de la Belle Époque, saisie à la fois dans son dynamisme novateur et dans sa désuétude. Cette condensation se retrouve également dans les traces toujours perceptibles qu'a laissées la période : la tour Eiffel, les ferronneries « nouille » des stations de métro de Guimard, les affiches de Mucha, définissent et figent un style, l'Art nouveau, au mépris d'autres formes élaborées conjointement. Enfin, l'usage généralisé de la photographie et de la carte postale, à partir de 1889, et l'invention du disque phonographique (1893) et du Cinématographe (1895) permettent, pour la première fois dans l'histoire, d'enregistrer et de conserver durablement les empreintes du temps. Celles-ci sont rétrospectivement perçues comme des chromos nostalgiques couleur sépia, étranges par leurs images aux mouvements saccadés et leurs voix nasillardes. Ainsi, parce qu'ils coïncident avec l'ère de la reproduction technique, les poncifs de 1900 s'alimentent au moins autant aux archives traditionnelles de la mémoire qu'à ces sources jusqu'alors inconnues, offertes non plus seulement au chercheur mais au plus grand nombre ; expliquant par là même, quoique en partie seulement, la popularité du mythe de la Belle Époque.
Art and literature
In 1890, Vincent van Gogh died. It was during the 1890s that his paintings achieved the admiration that had eluded them during Van Gogh's life, first among other artists, then gradually among the public. Reactions against the ideals of the Impressionists characterised visual arts in Paris during the Belle Époque. Among the post-Impressionist movements in Paris were the Nabis, the Salon de la Rose + Croix, the Symbolist movement (also in poetry, music, and visual art), Fauvism, and early Modernism. Between 1900 and 1914, Expressionism took hold of many artists in Paris and Vienna. Early works of Cubism and Abstraction were exhibited. Foreign influences were being strongly felt in Paris as well. The official art school in Paris, the École des Beaux-Arts, held an exhibition of Japanese printmaking that changed approaches to graphic design, particular posters and book illustration (Aubrey Beardsley was influenced by a similar exhibit when he visited Paris during the 1890s). Exhibits of African tribal art also captured the imagination of Parisian artists at the turn of the 20th century.
Art Nouveau is the most popularly recognised art movement to emerge from the period. This largely decorative style (Jugendstil in central Europe), characterised by its curvilinear forms, and nature-inspired motifs became prominent from the mid-1890s and dominated progressive design throughout much of Europe. Its use in public art in Paris, such as Hector Guimard's Paris Métro stations, has made it synonymous with the city.
Prominent artists in Paris during the Belle Époque included post-Impressionists such as Odilon Redon, Gustave Moreau, Maurice Denis, Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Paul Gauguin, Henri Matisse, Émile Bernard, Henri Rousseau, Henri de Toulouse-Lautrec (whose reputation improved substantially after his death), Giuseppe Amisani and a young Pablo Picasso. More modern forms in sculpture also began to dominate as in the works of Paris-native Auguste Rodin.
Although Impressionism in painting began well before the Belle Époque, it had initially been met with scepticism if not outright scorn by a public accustomed to the realist and representational art approved by the Academy. In 1890, Monet started his series Haystacks. Impressionism, which had been considered the artistic avant-garde in the 1860s, did not gain widespread acceptance until after World War I. The academic painting style, associated with the Academy of Art in Paris, remained the most respected style among the public in Paris. Artists who appealed to the Belle Époque public include William-Adolphe Bouguereau, the English Pre-Raphaelite's John William Waterhouse, and Lord Leighton and his depictions of idyllic Roman scenes. More progressive tastes patronised the Barbizon school plein-air painters. These painters were associates of the Pre-Raphaelites, who inspired a generation of aesthetic-minded "Souls".
Many successful examples of Art Nouveau, with notable regional variations, were built in France, Germany, Belgium, Spain, Austria (the Vienna Secession), Hungary, Bohemia, Serbia and Latvia. It soon spread around the world, including Brazil, Argentina, Mexico and the United States.
European literature underwent a major transformation during the Belle Époque. Literary realism and naturalism achieved new heights. Among the most famous French realist or naturalist authors are Guy de Maupassant and Émile Zola. Realism gradually developed into modernism, which emerged in the 1890s and came to dominate European literature during the Belle Époque's final years and throughout the interwar years. The Modernist classic In Search of Lost Time was begun by Marcel Proust in 1909, to be published after World War I. The works of German Thomas Mann had a huge impact in France as well, such as Death in Venice, published in 1912. Colette shocked France with the publication of the sexually frank Claudine novel series, and other works. Joris-Karl Huysmans, who came to prominence in the mid-1880s, continued experimenting with themes and styles that would be associated with Symbolism and the Decadent movement, mostly in his book à rebours. André Gide, Anatole France, Alain-Fournier, Paul Bourget are among France's most popular fiction writers of the era.
Among poets, the Symbolists such as Charles Baudelaire remained at the forefront. Although Baudelaire's poetry collection Les Fleurs du mal had been published in the 1850s, it exerted a strong influence on the next generation of poets and artists. The Decadent movement fascinated Parisians, intrigued by Paul Verlaine and above all Arthur Rimbaud, who became the archetypal enfant terrible of France. Rimbaud's Illuminations was published in 1886, and subsequently his other works were also published, influencing Surrealists and Modernists during the Belle Époque and after. Rimbaud's poems were the first works of free verse seen by the French public. Free verse and typographic experimentation also emerged in Un Coup de Dés Jamais N'Abolira Le Hasard by Stéphane Mallarmé, anticipating Dada and concrete poetry. Guillaume Apollinaire's poetry introduced themes and imagery from modern life to readers. Cosmopolis: A Literary Review had a far-reaching impact on European writers, and ran editions in London, Paris, Saint Petersburg, and Berlin.
Paris's popular bourgeois theatre was dominated by the light farces of Georges Feydeau and cabaret performances. Theatre adopted new modern methods, including Expressionism, and many playwrights wrote plays that shocked contemporary audiences either with their frank depictions of everyday life and sexuality or with unusual artistic elements. Cabaret theatre also became popular.
Musically, the Belle Époque was characterised by salon music. This was not considered serious music but, rather, short pieces considered accessible to a general audience. In addition to works for piano solo or violin and piano, the Belle Époque was famous for its large repertory of songs (mélodies, romanze, etc.). The Italians were the greatest proponents of this type of song, its greatest champion being Francesco Paolo Tosti. Though Tosti's songs never completely left the repertoire, salon music generally fell into a period of obscurity. Even as encores, singers were afraid to sing them at serious recitals. In that period, waltzes also flourished. Operettas were also at the peak of their popularity, with composers such as Johann Strauss III, Emmerich Kálmán, and Franz Lehár. Many Belle Époque composers working in Paris are still popular today: Igor Stravinsky, Erik Satie, Claude Debussy, Lili Boulanger, Jules Massenet, César Franck, Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré and his pupil, Maurice Ravel.[7] According to Fauré and Ravel, the favoured composer of the Belle Époch was Edvard Grieg, who enjoyed the height of his popularity in both Parisian concert and salon life (despite his stance on the accused in the Dreyfus Affair). Ravel and Delius agreed that French music of this time was simply 'Edvard Grieg plus the third act of Tristan." [8]
Modern dance began to emerge as a powerful artistic development in theatre. Dancer Loie Fuller appeared at popular venues such as the Folies Bergère, and took her eclectic performance style abroad as well. Sergei Diaghilev's Ballets Russes brought fame to Vaslav Nijinsky and established modern ballet technique. The Ballets Russes launched several ballet masterpieces, including The Firebird and The Rite of Spring (sometimes causing audience riots at the same time).
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