ARTUR SI LISE LONDON

Artur London

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Artur London, né le  à Mährisch-Ostrau et mort le  à Paris, est un homme politique communiste tchécoslovaque, notamment connu pour sa condamnation lors des procès de Prague en 1952 et pour la publication de son ouvrage L'Aveu en 1968 adapté au cinéma par Costa-Gavras en 1970.

Biographie

Artur London est né dans une famille juive, quatrième des cinq enfants d'Emil London, un ouvrier qui fut plus tard un membre fondateur du Parti communiste de Tchécoslovaquie. Sous l'influence de son père, il est impliqué dans des activités politiques dans les rangs de la jeunesse communiste depuis les premières années de sa jeunesse. À l'âge de quatorze ans, il est emprisonné, puis à nouveau trois ans plus tard. Par la suite, suivant l'ordre du Parti communiste, il entre dans l'illégalité et, en 1934, il se rend secrètement à Moscou. Il travaille ensuite dans les rangs de la section jeunesse de l'Internationale communiste. Il y rencontre la sténographe Élizabeth Ricol, qu'il épouse en 19351. Ensemble, ils ont eu une fille Françoise et deux fils Gérard et Michel.
En mars 1937, les époux London sont envoyés en Espagne pendant la guerre civile rejoindre les Brigades internationales. D'avril 1937 à janvier 1938, London travaille dans les services de sécurité de Valence et de Barcelone, puis dans le personnel des Brigades internationales d'Albacete en tant que chef du département balkano-slave du SIM (Servicio de Investigación Militar) sous le contrôle du NKVD soviétique. Plus tard, il est promu au rang de commandant adjoint du SIM. Depuis juillet 1938, il devient membre de la division des cadres du Comité central du Parti communiste d'Espagne et effectue des purges dans la branche catalane du Parti socialiste unifié de Catalogne (PSUC). Il n'a jamais combattu au front en Espagne, n'ayant eu d'activités que dans les arrières2. Selon les historiens Annie Kriegel et Stéphane Courtois, en Espagne, il est chargé par le NKVD d'éliminer les trotskistes et les anarchistes. Ils le qualifient ainsi de « bourreau des déviationnistes »3,4.
Après la défaite des républicains, les époux London s'enfuient en France. En août 1940, après que le PCF clandestin et la Main-d'œuvre immigrée (MOI) furent un temps désorganisés par la débâcle française, London fut désigné par le PCF, avec ses aînés les Polonais Louis Grojnowski et Jacques Kaminski, comme un des membres du triangle de direction de la MOI, chargé de la propagande et particulièrement des ressortissants tchécoslovaques, yougoslaves, roumains et hongrois 5. Son pseudonyme était « Gérard ». Il fut chargé à partir de l'été 1941 du travail anti-allemand (TA), c'est-à-dire de la propagande en direction de la Wehrmacht et de recueillir des renseignements5. Dans un témoignage déposé au Dokumentatioarchiv des Österreichischen Widerstandes (DÖW), il décrit l'organisation du TA au moment de son arrestation6. Arrêté le 12 août 1942, il est condamné en mai 1943 à 10 ans de travaux forcés et déporté à Mauthausen. Libéré des camps, les époux London reviennent en France avec le consentement du PCF et du Parti communiste tchécoslovaque. London est engagé à l'ambassade tchécoslovaque. En raison d'une tuberculose récurrente, il passe plusieurs mois de guérison en Suisse en 1947. A son retour, il devait prendre la place du Conseil de la Légation de l'Ambassade tchécoslovaque à Paris. Il est cependant accusé par les presses française et suisse d'être un agent des renseignements tchécoslovaques et le visa d'entrée français lui est refusé. Selon l'historien Karel Bartošek, London aurait effectivement organisé, après la Seconde Guerre mondiale, un réseau d'espionnage en France, au profit de Prague et ce, sans en référer au PCF4. À la fin de 1948, lui et sa famille retournent en Tchécoslovaquie1.
Dès le début de 1949, il est nommé vice-ministre des Affaires étrangères du régime communiste tchécoslovaque. A cette position, il a sous sa direction le département des cadres. Dans son livre Les Aveux des archives, publié en 1996, Karel Bartošek soutient qu'avant d'être victime de l'appareil répressif stalinien, Artur London avait lui-même tenu un rôle dans cet appareil, attirant en 1949 à Noel Field, communiste dissident, dans un procès-spectacle qui marqua l'ouverture des célèbres « purges »7.
Au tournant des années 1940 et 1950, la recherche des « ennemis internes » a commencé dans les rangs du Parti communiste. London, en tant que juif et Interbrigadiste avec des liens à l'étranger, devient l'un des suspects. Depuis la fin de 1949, il est interrogé à plusieurs reprises et surveillé par les services de sécurité de l'État. Il est arrêté en 1951 et devient l'un des quatorze accusés du procès de Prague (1952), à qui l'on arrache sous la torture des aveux de « conspiration contre l’État », qui, par la suite, se révèleront fabriqués. Artur London échappe à la peine de mort, mais il est condamné à la prison à perpétuité.
Dans un premier temps, il était censé être le principal accusé dans le procès prévu des anciens interbrigadistes, mais finalement il devient coaccusé dans le procès mené contre Rudolf Slánský, qui a lieu en novembre 1952. Lise London, persuadée de la culpabilité de son mari, demande le divorce1. Après l'avoir vu en prison pour la première fois en avril 1953, elle apprend la vérité et retire sa demande. En automne 1954, elle voyage avec ses enfants en France pour se battre pour la libération de son mari. Finalement, en février 1956, London est acquitté par le jugement de la Cour suprême, et son jugement est levé. Le Parti communiste tchécoslovaque lui renouvelle son adhésion en juillet 1956.
En 1963, Artur London quitte la Tchécoslovaquie et s'installe en France. Il y publie Espagne…8, ouvrage consacré à la guerre civile, ce qui est pour lui une façon de réhabiliter les anciens des Brigades internationales emprisonnés ou exécutés à l'issue des procès de Prague, Budapest et Sofia, puis en 1968, L'Aveu9, adapté au cinéma par Costa-Gavras sous le même titre en 1970 ; son rôle est interprété par Yves Montand. La publication de ce livre et la réalisation du film qui en est tiré, provoquent une violente polémique en France, qui accroît l'isolement du PCF vis-à-vis des intellectuels. En 1980, il est cité par Jean Ferrat dans sa chanson contre le stalinisme intitulée Le Bilan : « Vous aviez nom Kostov ou London ou Slánský ». Quand il meurt en 1986, le Parti communiste français envoie une délégation à ses obsèques.
Sa femme, Lise London, née Lise Ricol, était la belle-sœur du dirigeant du PCF Raymond Guyot. Elle est décédée en 2012. Une place Lise-et-Artur-London, inaugurée en 2017, leur rend hommage à Paris.
Le réalisateur Chris Marker a présenté en 1971 son film sur Artur London : On vous parle de Prague : le deuxième procès d'Artur London.
Artur London est inhumé en compagnie de son épouse Lise (1916-2012) et de ses beaux-parents, Frédéric (1884-1959) et Françoise Ricol, née Lopez (1883-1972), dans le petit cimetière parisien d'Ivry.
En 1996, la publication du livre de Karel Bartošek Les Aveux des archives, qui après l'étude des archives tchécoslovaques, déboulonne celui qui était devenu une « figure emblématique de la lutte antistalinienne » pour montrer sa participation tant aux purges durant la guerre civile espagnole que sa participation aux premiers procès-spectacles organisés en Tchécoslovaquie, déclenche une violente polémique médiatique4.
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L'Aveu
RéalisationCosta-Gavras
ScénarioJorge Semprún
Acteurs principaux
Sociétés de productionFilms Pomereu
Pays d’origineDrapeau de la France France
Drapeau de l'Italie Italie
GenreDrame
Thriller
Politique
Durée140 minutes
Sortie1970

L'Aveu

L'Aveu est un film franco-italien réalisé par Costa-Gavras, sorti en 1970. Il est adapté du livre du même nom d'Artur London.
Synopsis
En 1951 à PragueArtur Ludvik, un haut responsable du régime communiste tchécoslovaque se retrouve accusé d'espionnage au profit des États-Unis. Tout est fait pour lui extorquer des aveux de crimes qu'il n'a pas commis. Brisé par la torture et les privations — on l'empêche de dormir, de manger et on l'oblige à marcher sans arrêt lors de son interrogatoire —, il finit par avouer au tribunal des crimes qu'il n'a pas commis, récitant un texte d'aveux que ses bourreaux lui ont fait apprendre par cœur. On veut notamment l'obliger à se dire partisan de Tito, dirigeant communiste yougoslave, ou de Trotski, tous deux étant des ennemis notoires de Staline.
Après sa réhabilitation en 1956, Artur émigre en France et, s'il condamne le stalinisme, reste fidèle à l'idéal communiste de sa jeunesse. Mais il se rend compte que, même après la mort de Staline, l'URSS et les démocraties populaires ne sont pas aussi libres qu'il l'imaginait et qu'il le voulait. Revenant en Tchécoslovaquie à l'occasion du Printemps de Prague, il assiste le jour même de son arrivée à l'invasion du pays par les forces du Pacte de Varsovie.

Production

Genèse et développement

C'est lors du montage du film Z, au cours du dîner de Noël, que Claude Lanzmann parle à Costa-Gavras de Lise et d'Artur London, ancien vice-ministre des Affaires étrangères de Tchécoslovaquie, un des trois rescapés des procès de Prague. Ces procès, dont l'un des accusés est Rudolf Slansky, secrétaire général du PCT, s'étaient tenus en 1952.
Beaucoup d'intellectuels de sa génération s'étaient enthousiasmés pour le communisme parce qu'il leur semblait ouvrir des perspectives formidables, jusqu'à ce que, peu à peu, il y ait une prise de conscience de l'envers du décor.
Yves Montand, ancien compagnon de route du parti communiste, adhère aussi au projet et les financements se débloquent grâce au succès de Z.

Tournage

Au début des années 1970, le poids de l'idéologie communiste est énorme ; le Parti communiste français est le premier parti de gauche en France et la ligne politique du parti suit celle du « grand frère » soviétique.
Costa-Gavras racontera par la suite qu'il a subi de nombreuses pressions, plusieurs techniciens ou acteurs du film lui enjoignant de ne pas faire celui-ci : Sur les plateaux, les relations avec l'URSS ou le PC constituaient un débat permanent. Dans les équipes de tournage, il y avait des techniciens communistes. Des types très bien, mais dès que l'actualité internationale ou sociale s'emballait, on devenait des ennemis du prolétariat !2
Le tournage s’effectue dans la quasi continuité de l'action. Yves Montand maigrit de dix-sept kilos, afin de bien montrer à l'écran les effets produits par les mauvais traitements qu'avaient subi les accusés de ce procès truqué. Il déclare notamment : Il y avait dans ce que je m'imposais [pour ce rôle] quelque chose d'un acte d'expiation3.

Accueil

Avec ce film, Costa-Gavras est accusé d'attaquer la gauche, après avoir été accusé de s’attaquer la droite avec le film Z. Costa-Gavras répond qu'il ne voulait que dénoncer les totalitarismes. Par la suite, certaines personnes ne lui pardonnèrent pas d'avoir levé le voile sur le stalinisme et l'évitèrent ostensiblement.
Le journal L’Humanité publie une critique incendiaire du film. Néanmoins, L'Aveu, sorti en , connaît un succès considérable et devient un véritable phénomène politique et culturel, bouleversant son époque. Le film réunit en effet en France plus de deux millions de spectateurs2.

Distinctions

Le film reçoit notamment en 1971 une nomination pour le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère. Il est également nommé aux United Nations Awards lors des British Academy Film Awards 19714.

Autour du film

  • Le film se termine sur un plan montrant deux jeunes gens en train d'écrire à la peinture sur un mur : Lénine, réveille-toi ! Ils sont devenus fous. Ce slogan était répandu à Prague lors de la répression du printemps de Prague en .
  • Lors de sa sortie, L'Aveu était précédé par le court-métrage animé Le Diamant de Paul Grimault.
  • Lorsqu'Artur arrive en prison au début du film, il se remémore des souvenirs de la Révolution russe et de la Seconde Guerre mondiale sous forme d'images d'archives.
  • Lors du printemps de Prague, une coproduction franco-tchécoslovaque avait été envisagée, que les événements ultérieurs (invasion de la Tchécoslovaquie par les armées du Pacte de Varsovie) rendirent impossible. Le film fut tourné dans la métropole lilloise : la nouvelle bourse de Lille représente un ministère à Prague. Lors de la sortie d'Yves Montand (Artur London) de cette administration, on aperçoit une rame ancienne du tramway Mongy. Les déplacements en voiture (Tatra et Citroën traction) se déroulèrent dans des rues de Roubaix5. La rencontre entre Montand et son bourreau a lieu sur la Grand-Place d'Arras.
  • En 1981, peu après l'arrivée de la gauche au pouvoir, Yves Montand et Artur London se rencontrèrent à la Maison de la Mutualité à Paris pour se dire Plus jamais l’Aveu6. (W. fr.)
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  • L'Aveu

    . Dans l'engrenage du procès de Prague
    Adapt. de l'anglais par Artur et Lise London
    Collection Témoins, Gallimard
    Parution : 04-12-1968