Deux portraits bien différents de Staline. Ces deux photographies de
Staline montrent à quel point les photographies de Staline sont retouchées. La
photographie de gauche date de 1924, le fonds est estompé mais le visage est
peu retouché. Cette photo est réutilisée à l’occasion du 60ème anniversaire de
Staline en 1939. Sa peau est enduite de fonds de teint, ses cheveux et sa
moustache sont lissées. Plus aucun défaut n’apparaît sur la peau du visage. La
retouche est impressionnante, le portrait retouché est très éloigné de
l’original. Les photographies retouchées dans les journaux sont souvent de
mauvaise qualité, sans doute pour que la retouche ne soit pas visible. David
King essaye d’interpréter les raisons de la mauvaise qualité des retouches: «
Les staliniens voulaient-ils que leurs lecteurs se rendent compte de cette
élimination avait eu lieu, qu’ils y voient la menace d’une redoutable mise en
garde ? Ou bien la moindre trace d’un commissaire quasiment disparu,
délibérément laissé là par le retoucheur, pouvait-elle passer pour le rappel
spectral que le refoulé pouvait encore revenir ? » Selon Alain Jaubert, il
existe plusieurs catégories de retouches. Les retouches « protocolaires »
servent à effacer les faux pas, les postures ridicules des hauts dignitaires.
Les portraits officiels des dirigeants sont retouchés pour donner les mettre en
valeur. « Les dignitaires voient chaque année leur portrait officiel au visage
lisse, aux silhouettes décidées, débordantes de la fausse santé d’une maturité
depuis longtemps révolue. Sur les photos soviétiques, le point n’y est jamais
repérable, ni sur les yeux, si sur la peau des joues, ni sur le nez, ni sur la trame textile du costume. Les traits du
visage sont précis, et chaque portrait possède sa propre personnalité, est
immédiatement reconnaissable. Tous ces détails sont noyés dans une brume légère
qui, comme dans un rêve, brouille la perception. Les ombres sont à peine
marquées. La peau n’a jamais de grain, elle est toujours uniformément satinée.
Retour délibéré au « flou artistique », au « glamour » des portraits
hollywoodiens de 1930. Les bustes flottent sur un fond uniforme, sans référent,
une sorte de vide gris perle, crépusculaire, une couleur entre le jour et la
nuit ». Au cours de la période stalinienne, la retouche des photographies
devient une véritable institution. Des retoucheurs talentueux s’appliquent à
mettre en valeur Lénine et Staline, à supprimer certains individus gênants et à
falsifier l’Histoire. La retouche des photographies en Union soviétique prend
une importance sans précédents ; aucune image, aucun livre n’échappe aux
autorités. L’Histoire et l’image de l’Union soviétique sont totalement dictées
par le régime stalinien.
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