Vivaldi, vous avez dit...
opéras ?
Vivaldi et sa perruque masquant ses cheveux roux
L'italien Antonio Vivaldi (1678-1741), qui naquit au sein de la République de Venise et mourut à Vienne dans le cadre du Saint-Empire romain, fut ce compositeur et virtuose du violon et prêtre catholique - surnommé "Il Preto Rosso" (ou "Le Prêtre roux"), en raison de la couleur naturelle de ses cheveux, est, comme on le sait, l'un des plus connus parmi les musiciens de l'époque dite "baroque". Il est d'ailleurs célèbre bien au-delà des milieux férus de musique classique (ou "savante") en général. En effet, qui n'a pas déjà écouté depuis bien longtemps, en se déplaçant en voiture (sur Radio Classique ou France Musique), ses célébrissimes concertos des "Quatre Saisons", ainsi que, mais d'une oreille moins attentive, l'un de ses très nombreux concertos écrits pour une grande diversité d'instruments ? Mais, une certaine forme de gloire, due à une partition (ou à un ensemble de pages), auprès du public le plus large, peut contribuer à occulter des aspects très importants d'une œuvre ; et ce fut le cas pour Vivaldi... Il est vrai que celui-ci composa plusieurs centaines de concertos, ce qui fit dire au compositeur Igor Stravinski - avec une part de malice, mais aussi de sarcasme - que le vénitien avait composé "600 fois le même concerto"... Or, rien n'est plus faux, ou du moins tout dépend de quoi l'on veut parler. Ce qui est vrai, c'est que Vivaldi privilégia toujours les couleurs, la mélodie, ainsi que le rythme (il disait souvent qu'il lui fallait "moins de temps pour composer un concerto que pour un copiste de le noter"), au détriment de l'art du contrepoint ; d'où cette fausse impression de non-renouvellement. Mais, le plus dommage dans cette affaire, ce fut que tous les autres pans de l'oeuvre immense de Vivaldi furent occultés pendant le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle (et même au-delà), notamment dans les domaines de l'opéra et de la musique sacrée. Dans cet article, c'est donc d'opéra dont il s'agit ; alors, que dire à propos des opéras vivaldiens ?
La redécouverte des opéras de Vivaldi commença dès le début de la décennie 1970 (avec par exemple le pionnier que fut le chef d'orchestre italien Claudio Scimone - 1934-2018 - et son ensemble I Solisti Veneti). Puis, ce mouvement s'affirma de plus en plus, en fonction des recherches accomplies dans des bibliothèques universitaires (et autres), avec, à partir des années qui suivirent, ce qui se produisit dans le domaine de la "révolution baroqueuse". J'ajoute que, très rapidement, les interprétations que l'on donna des opéras vivaldiens (et pour les compositeurs de musique baroque en général) se fit sur instruments anciens. Les chefs "baroqueux" voulurent également mettre en valeur les voix de ces chanteurs solistes, qui devinrent de plus en plus à la mode (et assez nombreux), les contreténors (à la tessiture - non "naturelle" - d'alto), afin d'approcher le plus possible de ce qu'avait été "l'art des castrats" italiens aux XVIIe-XVIIIe siècles. Cet art du chant, dont le public venait écouter les performances, quasi-uniquement pour les projections vocales des stars de l'art lyrique , explique le fait que, comme ce fut généralement le cas pour les opéras de l'époque baroque, le contenu des livrets ait été peu intéressant, avec des histoires souvent répétées de nymphes, de bergers, de divinités antiques, etc... On se trouvait bien sûr à mille lieux de la qualité littéraire et dramatique de ce que deviendraient par exemple les contenus des drames wagnériens de la seconde moitié du XIXe siècle... Au total, en près d'une cinquantaine d'années, les "baroqueux" nous firent connaître des dizaines d'opéras composés par Vivaldi, qui furent montés sur scène et enregistrés sur disques ; ce qui fut facilité par la vogue (déjà signalée) d'un public assez large envers la tessiture des voix de contreténors ou de très rares sopranistes naturels...
Vivaldi n'aborda pour la première fois le domaine de l'opéra qu'à partir de l'année 1713 (il avait alors trente-cinq ans). Or, il faut savoir que l'art lyrique était la grande affaire de tout compositeur de renom dans l'Italie du début du XVIIIe siècle. Le compositeur lui-même disait avoir écrit et créé près de 100 opéras... Si un certain nombre de ces derniers ont été perdus, parmi les quelques dizaines que l'on peut trouver aujourd'hui en coffret CD (ou en DVD et Blu-ray), je citerais, pour une première approche, et dans l'ordre chronologique des compositions et créations, avec un exemple d'interprétation par cas : "Tito Manlio" (1719), par l'Accademia Bizantina, sous la direction d'Ottavio (réédité en 2017) ; "La Verita in cimento" (1720), par l'Ensemble Matheus, sous la direction de Jean-Christophe Spinosi (publié en 2003) ; "Ercole sul Termodonte" (1723), par Europa Galante, sous la direction de Fabio Biondi (publié en 2015) ; "Dorilla in Tempe" (1726), par I Barrochisti, sous la direction de Diego Fasolis (publié en 2017) ; "Orlando furioso" (1727), par I Solisti Veneti, sous la direction de Claudio Scimone (publié en 1977) ; "Farnace" (1727), par I Barrochisti, sous la direction de Diego Fasolis (publié en 2011) ; "L'Olimpiade" (1734), par le Concerto Italiano, sous la direction de Rinaldo Alessandrini (publié en 2002) ; "La Griselda" (1735), par l'Ensemble Mattheus, sous la direction de Jean-Christophe Spinosi (publié en 2006) ; "Bajazet" (1735), par Europa Galante, sous la direction de Fabio Biondi (publié en 2005) ; et bien d'autres encore...
Je vous propose d'écouter à présent trois extraits issus de certains de ces opéras composés par Antonio Vivaldi... Extrait 1 : "L'Ouverture" de "Orlando furioso", d'un rythme, d'un mélodisme, et d'une fluidité très affirmés...https://www.youtube.com/watch?v=5r_sDaLGivU Extrait 2 : "Agitata da due venti" de "La Griselda", un air (ou aria) devenu assez célèbre depuis une dizaine d'années, habillé par le "chant fleuri" (ou les "fioritures"), ici interprété par la mezzo-soprano américaine Vivica Genaux...https://www.youtube.com/watch?v=dtAYymNK4LY Extrait 3 : "Piangero" de "Orlando furioso", un autre air (aria), mis en valeur par le contreténor Philippe Jaroussky, qui nous fait ressentir les extraordinaires progrès techniques réalisés par ce type de tessiture - depuis l'époque d'Alfred Deller et James Bowman -, dont le timbre est devenu d'une déconcertante facilité et la tessiture proche de ce que représentait celle des castrats italiens du type du napolitain d'origine qu'avait été le célèbre Farinelli... https://www.youtube.com/watch?v=YJoalfIaOz0
La primavera
20032008
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