Fernando Pessoa, inépuisé
- 22 DÉC. 2019
- PAR PATRICE BERAY
- BLOG : INSPIRE, CE N’EST RIEN
Unique d’être plurielle, l’œuvre de Fernando Pessoa demande une attention extrême au dialogue instauré par le poète entre différentes voix à travers lui. Fort de cet enseignement, «Le Livre de l’intranquillité» a connu l’an passé une métamorphose éditoriale stupéfiante. Laquelle incline à se nourrir de ce «drame en personnes» revendiqué par Pessoa pour la lecture de sa poésie.
Nul ne saurait dire probablement ce que le mot « intranquillité », ou le sentiment, l’état d’« intranquillité », a pu au juste éveiller, toujours est-il que pour beaucoup cette trouvaille lexicale évoquait immanquablement l’écrivain lisboète Fernando Pessoa. Jusque l’an passé, c’est ainsi du moins que l’on pouvait se référer à l’œuvre narrative qui fit tant pour la renommée en France de son auteur à sa parution en 1988, Le Livre de l’intranquillité.
Mais voilà que trente ans plus tard, le mot « inquiétude » lui est préféré, et que le titre original Livro do desassossego est désormais traduit, à l’enseigne du même éditeur Christian Bourgois, Livres(s) de l’inquiétude. La raison avancée par l’ordonnatrice de cette nouvelle édition, Teresa Rita Lopes, paraît évidente : le mot desassossego est d’usage courant en portugais, ne justifie donc pas en français le néologisme « intranquillité », et qui plus est « inquiétude » a une connotation « pascalienne », laquelle, en l’occurrence, n’est pas malvenue.
En soi, ce choix de traduction – empreint de philologie – peut être jugé bien peu convaincant au regard d’une œuvre qui avait été proprement révélée un demi-siècle après la disparition du poète, la rareté (pour le moins) du terme « intranquillité » en renforçant (en français) le caractère inédit, voire la nouveauté créatrice dans l’œuvre même de Pessoa.
Cette discussion, qui a sa légitimité dans l’acte d’appropriation intime dont relève tout fait culturel d’un point de vue anthropologique, ne doit néanmoins en rien cacher le plus important, à savoir que Teresa Rita Lopes, spécialiste parmi les plus affirmés de Pessoa, est parvenue à concevoir cette nouvelle édition, profondément bouleversée, comme un tout « organique », conformément selon elle au desiderata de son auteur plurivoque, le créateur des fameux hétéronymes.
Pour mémoire, à sa mort en 1935, Fernando Pessoa avait laissé une malle remplie de documents (plus de 27 000), dont l’inventaire puis le classement (sujet à bien des controverses) n’avaient été réalisés que tardivement, à partir de 1968. De son vivant, il n’a fait paraître qu’un seul livre de poèmes, Mensagem (Message), signé de son nom – en fait, un nom d’auteur parmi d’autres pour lui, avec cette particularité, intrinsèque pourrait-on dire, de signifier une « personne », de désigner toute personne en portugais. Nombre de ses poèmes toutefois ont vu le jour dans des revues (Orpheu, la revue qu’il anime avec son ami poète tôt disparu Mário de Sá-Carneiro, Athena qu’il dirige avec le peintre Ruy Vaz…).
Livre(s) de l’inquiétude est le journal d’une vie et à ce titre, il était certainement trop tentant d’associer à cet « amas de fragments » (selon Pessoa lui-même) un seul auteur. C’est le parti que prirent en 1982 les éditeurs portugais du Livro do desassossego por Bernardo Soares, qui a servi de matrice pour sa traduction. Choix éditoriaux mis à part pour l’établissement de la parution française de 1988 (sélection et ordonnancement des extraits publiés, en particulier), il est surtout apparu à Teresa Rita Lopes en explorant minutieusement les documents conservés de Pessoa à la Bibliothèque nationale de Lisbonne que deux autres voix d’emprunt n’avaient pas été prises en compte pour ces éditions, et originellement dans l’édition portugaise, alors qu’elles figuraient dans le dossier du Livro do desassossego constitué par Pessoa. Si l’une n’avait pas été « identifiée » et s’était glissée dans les textes mêmes de Bernardo Soares, l’autre avait été laissée de côté.
Comme l’assure Teresa Rita Lopes dans son « Introduction à Livre(s) de l’inquiétude », ce « magnum opus » de Pessoa n’échappe pas davantage que sa poésie à l’expression d’une pluralité de voix. Deux autres « auteurs-personnages » (Vicente Guedes et le baron de Teive) ont précédé le « semi-hétéronyme » Bernardo Soares dans l’écriture de ce journal d’une vie dont il était donné comme le seul « auteur », et « il est important de ne pas les confondre : chaque auteur vit sa propre vie qui est, à son tour, celle de son créateur ». Précisant : « Leurs biographies, toutes différentes, sont clairement établies par Pessoa, qui a doué aussi chaque personnage d’un style propre. »
Voilà bien posée en quelques lignes par Teresa Rita Lopes cette théorie des masques – l’hétéronymie – dont Pessoa a pu dire : « On dirait que tout s’est passé, et continue à se passer, indépendamment de moi. » À ceci près que le rapport qu’il a tissé avec Bernardo Soares a pu en troubler un peu le cadre, tant il a pu lui prêter sa propre biographie, tant le récit de ce « semi-hétéronyme » donc est soutenu par un phrasé intime, est imprégné de la « prose des vers » de Pessoa, et ce dès le premier texte du « Livre de l’inquiétude » signé Bernardo Soares : « Le cœur, s’il pouvait penser, s’arrêterait. »
Les « Œuvres complètes » d'Alberto Caeiro aux éditions portugaises Tinta da China.
Si Teresa Rita Lopes privilégie le Brésil pour publier le fruit de ses recherches, ce sont de récentes éditions au Portugal de poèmes établis sur manuscrit et comportant des variantes qui ont motivé une nouvelle traduction de la poésie d’Alberto Caeiro, le « maître » des hétéronymes poétiques de Pessoa. C’est à lui que l’on doit l’expression « prose de mes vers ».
Dans la vie brève que lui a imaginée Pessoa, Caeiro est surtout connu comme étant l’auteur du Gardeur de troupeaux. Il est le poète de la sensation immédiate, des choses, du monde naturel. Les incessantes tautologies dont il use ne se heurtent – tout en la dévoilant – qu’à une chose indéfinie derrière le néant de l’être ainsi creusé en soi : l’expérience, l’empirisme de la sensation, de toutes les sensations ressenties, que seule la vue, le fait de voir, lui permet de matérialiser :
« L’essentiel est que nous sachions voir,
Voir sans penser, voir quand on voit
Et non pas penser quand on voit,
Ni voir quand on pense. »
Pas la moindre abstraction ne tente ce poète, ni quelque dessein esthétique :
« Une fleur aurait-elle de la beauté ?
Un fruit aurait-il de la beauté ?
Non : ils ont une couleur et une forme
À peine une existence.
La beauté est le nom qu’on donne à ce qui n’existe pas,
Que je donne aux choses en échange du plaisir qu’elles me donnent.
Ça ne signifie rien. »
Patrick Quillier, traducteur et maître d’œuvre du volume de la Pléiade consacré à Pessoa, est tout à fait fondé à voir dans ce livre de poèmes écrit comme sous la dictée en 1914 une opération nette et sans bavure de table rase par rapport à l’héritage symboliste européen. Les Poèmes jamais assemblés d’Alberto Caeiro en poursuivent le contour qui va aller grandissant : « Ressentir, c’est avoir l’esprit ailleurs. » Non sans mise en abyme existentielle qui vaut pour toute l’œuvre à venir :
« Si, après ma mort, on veut écrire ma biographie,
Il n’y a rien de plus simple.
Il n’y a que deux dates – celle de ma naissance et celle de ma mort.
Entre l’une et l’autre tous les jours sont à moi. »
Fernando Pessoa a dit de lui qu’il était un poète dramatique. Parmi les voix essentielles qui participent à ce « drame en personnes », qui se pressent autour d’Alberto Caiero, il y a Ricardo Reis, Pessoa lui-même, l’orthonyme, qui figure au même titre que les hétéronymes dans ce « drama en pessoas », et sans doute le plus connu d’entre eux, Álvaro de Campos. Un passage des Poèmes jamais assemblés souligne cette promesse de dialogue, qui est au cœur de la poésie de Pessoa :
« J’aimerais avoir la tranquillité et le temps suffisants
Pour ne penser à rien,
Pour ne même pas me sentir vivre,
Pour ne me connaître que dans le regard des autres, réfléchi. »
C’est au point que les hétéronymes, les poètes inventés par Pessoa se répondent dans les œuvres qui leur sont respectivement attribuées. Exemplairement, le « futuriste » Álvaro de Campos, dans sa veine la plus moderniste, trouve une issue aux visions d’Alberto Caiero dans la rythmique visuelle qu’il éploie dans ses grandes odes, à travers l’ordonnancement même de l’espace de la page : « Je veux vivre libéré dans l’air. Je veux bouger hors de mon corps », s’écrie-t-il dans son « Salut à Walt Whitman » que Pessoa projetait de publier en 1915 dans le numéro 3 d’Orpheu.
Fernando Pessoa qui chérissait la littérature de langue anglaise rencontre ici la prodigieuse défense et illustration (la connaissait-il ?) du vers-libre qu’a laissée D. H. Lawrence dans la préface de l’édition de ses New Poems en 1919 (traduite notamment par Loránd Gáspár dans le recueil Sous l’étoile du Chien, paru dans la collection Orphée de La Différence). La poésie « ne veut aller nulle part », y relatait Lawrence. « Simplement elle a lieu. »
Quel autre sentiment ou état de l’art de la circonstance poétique aurait bien pu animer l’auteur mémorable de Tabacaria – Bureau de tabac ?
« […] Vou à janela
O homem saiu da Tabacaria (metendo troco na algibeira das calças ?)
Ah, conheço-o : é o Esteves sem metafisica.
(O dono da Tabacaria chegou à porta.)
Como por um instinto divino o Esteves voltou-se e viu-me.
Acenou-me adeus gritei-lhe Adeus ô Esteves !, e o universo
Reconstruiu-se-me sem ideal nem esperança, e o dono da Tabacaria sorriu. »
Ici traduit par Max de Carvalho :
« […] Je vais à la fenêtre.
L’homme est ressorti du Tabac (glissant la monnaie dans sa poche de pantalon ?).
Mais oui ! je le connais… C’est l’Estève-sans-métaphysique.
(Le patron du Tabac s’encadre dans la porte.)
Mû par quel divin instinct, Estève s’est retourné et il m’a vu.
Il m’a fait signe de la main et je lui ai lancé : “Salut, Estève !” Alors l’univers
S’est reconstitué pour moi sans idéal, sans espoir, et le patron du Tabac a souri. »
*
Fernando Pessoa, Livre(s) de l’inquiétude, traduit du portugais par Marie-Hélène Piwnik, édition établie et présentée par Teresa Rita Lopes, Christian Bourgois éditeur, 2018, 558 p., 27 euros.
—, Poèmes jamais assemblés d’Alberto Caeiro, traduit du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade et Fabienne Vallin, Éditions Unes, 2019, 56 p., 16 euros.
—, Le Gardeur de troupeaux – Poème d’Alberto Caeiro, nouvelle traduction du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Rémy Hourcade et Fabienne Vallin, Éditions Unes, 2018, 17 euros.
—, Bureau de tabac & autres textes d’Álvaro de Campos, traduit et présenté par Max de Carvalho, éditions Chandeigne, 2019, 120 p., 12
Un siècle plus tard : que faisait et qu’écrivait Fernando Pessoa en 1919 ?
JANUARY 30, 2019 5:00 PM
L’année 1919, année importante dans la vie de Fernando Pessoa, marque, au niveau international et notamment en Europe, l’officialisation de la fin des hostilités de la Première Guerre Mondiale (1915-1918), à travers le Traité de Versailles, signé en juin, quelques jours après que Pessoa ait atteint l’âge de 31 ans. Voici comment l’écrivain vivait à cette époque et ce qu’il écrivait, il y a exactement un siècle, à Lisbonne.
INQUIÉTUDE POLITIQUE
Malgré une solution pacifique au premier conflit mondial, l’inquiétude des civilisations et des nations persistait, et le Portugal, dans ce contexte, ne fut pas une exception. En effet, ce n’est pas un hasard si, au cours de cette année, Fernando Pessoa a suivi très attentivement l’instabilité politique de son pays, qui a été à l’origine, littérairement, entre autres, d’une partie de la « biographie » de l’hétéronyme Ricardo Reis. Médecin et poète classique, auteur des célèbres Odes et partisan absolu de la monarchie, Reis s’est exilé au Brésil le 13 février, date à laquelle les forces républicaines vainquirent les militants qui, en janvier, proclamèrent la Monarchie au Nord du Portugal, notamment à Porto, ville « natale » de Reis. Ce n’est pas que dans les fictions hétéronymes que Pessoa dialogue avec l’actualité lusitanienne puisque, entre mai et août 1919, l’écrivain publie deux essais politiques intitulés Comment organiser le Portugal et L’Opinion Publique dans la revue Acção, qui soutenait les idées du Président Sidónio Pais, récemment décédé. Jusqu’à ce jour, ce sont les deux seules publications connues de Pessoa au cours de cette année.
L’ANNÉE DE L’AMOUR
Dans la biographie de Pessoa, l’année 1919 est surtout connue à cause d’un sujet qui n’est ni politique ni strictement littéraire, mais très intime et personnel. Il s’agit de sa rencontre avec Ofélia Queiroz, la seule femme avec laquelle Pessoa ait eu, tout au long de sa vie, une relation sentimentale relativement durable et certainement marquante, à différents niveaux. Ils se sont rencontrés dans le centre historique de Lisbonne, en novembre, au sein de la société Félix, Valladas & Freitas, Lda, située au 2ème étage du nº 42 de la Rua da Assunção et qui fut l’une des très nombreuses sociétés pour lesquelles le poète travailla en tant que traducteur. Pendant la courte période de temps au cours de laquelle ils ont travaillé ensemble, Fernando et Ofélia sont tombés amoureux l’un de l’autre et ont entamé une relation amoureuse, faite de lettres, de promenades à travers la ville de Lisbonne, de trajets en tramway et… de beaucoup de tendresse.
«Je suis devenu fou, je suis devenu sot,
J’ai perdu le compte de mes baisers,
Je l’ai serrée contre moi,
Je l’ai enlacée de mes bras,
Je me suis énivré d’étreintes,
Je suis devenu fou, et ce fut ainsi.»
(Pessoa, in Lopes, 1990, p. 60)
« Nininho » et « Bébé » ont vécu une relation amoureuse à deux moments différents, approximativement 1919 et 1920 et entre 1929 et 1930 . Cette relation n’a pas abouti à un mariage car Pessoa n’avait ni de conditions matérielles ni de conditions psychologiques pour s’adonner à un projet familial. D’autre part, Pessoa se savait un génie et il avait déjà compris (ou décidé ?), depuis longtemps, que sa mission littéraire ne pouvait laisser de place à un aucun autre « mariage ». Il y a beaucoup à dire au sujet de cet amour qui fut authentique et marquant pour tous les deux. Et les occasions de célébrer, en 2019, le centenaire de cette page importante dans la vie de ce grand auteur ne manqueront certainement pas…
SITUER LA CHINE… À BENFICA
En ce qui concerne la vaste œuvre inédite au moment du décès de Pessoa (1935), l’année 1919 a été particulièrement prolifique en ce qui a trait à la production de l’hétéronyme Alberto Caeiro, qui, cette année-là, « écrivit » les Poèmes Désassemblés, une œuvre que Pessoa a rétrodatée afin de l’insérer dans la biographie fictice de Caeiro, le maître des hétéronymes qui, dans le drame selon Pessoa, est décédé en 1915. Voici l’un de ses poèmes produits en 1919 :
“Berger de la montagne, si loin de moi avec tes moutons —
Quel est donc ce bonheur que tu sembles posséder — le tien ou le mien ?
La paix que je ressens lorsque je te vois, m’appartient-elle ?
Non, ni à toi, ni à moi, berger.
Elle n’appartient qu’au bonheur et qu’à la paix.”
(Pessoa, 1925, p. 200)
Toujours au sujet de la production en vers de Pessoa, datent de cette période divers poèmes orthonymes et relativement peu de poèmes des hétéronymes Álvaro de Campos et Ricardo Reis. Nombreux sont les vers d’une grande profondeur sur l’une des dimensions qui ont le plus fasciné l’âme philosophique de Pessoa, à savoir se pencher sur l’unicité et la multiplicité, sur le fini et l’infini, et sur leurs liens paradoxaux :
«Tout chemin mène partout.
Tout point est le centre de l’infini.»
(Pessoa, in Lopes, 1990, p. 121)
En ce qui concerne le Livre de l’Intranquillité, que Pessoa a produit entre 1913 et 1934, date de 1919 un extrait dans lequel l’auteur, lors de l’une de ses rêveries, plonge « dans un rêve où je suis un commandant à la retraite dans un hôtel en province » (Pessoa, 2013, p. 207). Ceci est l’une des images d’« hôtel » que Pessoa a produite tout au long de sa vie, dans son œuvre. Il convient de noter qu’en 1919 la vie de Pessoa était toujours, en quelque sorte, une vie itinérante, puisque le poète n’avait pas encore d’adresse fixe et sautait d’un appartement à un autre entre l’Avenue Almirante Reis et le quartier de Benfica. C’est sans doute au fait qu’il ait vécu dans ce quartier, périphérique si on le compare au centre de la capitale, que se doit l’inspiration pour un passage du Livre de l’Intranquillité, produit quelques années après et qui révèle la pensée de Pessoa sur les voyages et la liberté :
«Qu’est-ce que voyager, et à quoi cela sert ? Un soleil couchant est un soleil couchant : il n’est nullement besoin d’aller l’admirer à Constantinople. La sensation de liberté, qui naît des voyages ? Je peux l’atteindre en quittant Lisbonne, direction Benfica, et la ressentir encore plus intensément que celui qui va de Lisbonne jusqu’en Chine, car si la libération n’est pas en moi, elle ne sera pas en moi où que ce soit.»
(Pessoa, 2013, pp. 366-367)
En 1920, Pessoa s’installera finalement dans celle qui a été sa dernière demeure, et où il vécut le plus longtemps : le nº 16 de Rua Coelho da Rocha, où se trouve actuellement le siège de la Maison Fernando Pessoa. Au début, il y vécut avec sa mère, Maria Magdalena Pinheiro Nogueira, devenue alors veuve de João Miguel Rosa, le beau-père de Pessoa, décédé en 1919.
Cette année fut, comme nous l’avons vu, une période d’intranquillité et d’amour pour le poète et penseur portugais. Ce fut une année importante et marquante de sa vie, en particulier en raison de la relation amoureuse entretenue avec Ofélia. Aujourd’hui, cent ans après, les fragments, les vers et les lettres de Pessoa continuent à troubler et à passionner de plus en plus de lecteurs, de voyageurs et d’érudits, dans un monde anxieux en quête de paix.
Textes cités:
LOPES, Teresa Rita (1990), Pessoa por conhecer: textos para um novo mapa, II, Lisboa, Estampa.
PESSOA, Fernando (2013), Livro do Desassossego, ed. Jerónimo Pizarro, Lisboa, Tinta-da-china.
PESSOA, Fernando (1925), «Escolha de poemas de Alberto Caeiro (1889-1915)», Athena: revista de arte, 5, 197-204.euros.https://pessoa.luxhotels.pt/blog/?p=222&lang=fr
Fernando Pessoa: 3 poèmes ésotériques
Je suis arrivé à cet auteur portugais par la lecture des ouvrages de Antonio Tabucchi qui, par moment, sembles presque parler par la voix de Pessoa lui-même.
L'oeuvre poétique de Pessoa est très complexe.
Les trois poèmes ci-après sont extraits de "POEMES EXOTERIQUES ET METAPHYSIQUE"
Dans un prochain article je proposerais trois autres poèmes ayant trait au paganisme et publiés sous l'hétéronyme Ricardo Reis.
J’ai utilisé l’ouvrage PESSOA ŒUVRES POETIQUES, Bibliothèque de la Pléiade
NOEL
Venue, n’est pas partie : l’Erreur seule a changé.
Nous avons maintenant une autre Eternité.
Toujours était meilleur ce qui est achevé.
Aveugle, la Science laboure la boue vaine.
Démente, la Foi vit le rêve de son culte.
Un dieu nouveau n’est jamais rien qu’une parole.
Ne cherche pas et ne crois pas : tout est occulte.
INITIATION
Non, tu ne dors pas sous les cyprès :
Il n’est pas de sommeil en ce monde.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le corps est l’ombre des vêtements
Qui dissimulent ton être profond.
La nuit survient, qui est la mort :
L’ombre s’est dissipée sans être.
Tu t’en vas dans la nuit, épure de toi-même,
Semblable à toi sans y penser.
Puis les Archanges de la Voie
Te dépouillent, te laissent nu.
Tu n’as plus d’habits, tu n’as rien :
Tu n’as que ton corps, que tu es.
La profonde Caverne, enfin,
Cesse ton corps, âme extérieure,
Mais tu vois qu’ils sont tes semblables.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
C’est l’ombre de tes habits qui
Resta chez nous prise au Destin.
Non, tu n’es pas mort, parmi des cyprès.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Néophyte, il n’y a pas de mort.
Extrait des poèmes posthumes :
Sans titre
La lumière qui des étoiles vient,
Dis-moi, est-ce qu’elle leur appartient ?
Et l’arôme qui vient de toute fleur,
Est-il à elle ? Dis-le moi, mon amour.
Chaque chose en soi même, mon trésor,
Contient de nombreux et vastes problèmes,
En pensant clair on finit bien par voir
Que tout ce que l’esprit arrive à lire
En chaque chose de la vie est peu,
Est le point de départ
D’une route qui n’a jamais de fin.
En face à ce rêve éternel
Parler de Dieu, de ciel, d’enfer…
Ah quel dégoût de voir le monde
Penser si peu profondément.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire