Georg Friedrich Händel
ou Georg Friedrich Haendel
Dict. Larousse de la musique
Compositeur allemand naturalisé britannique en 1726 (Halle 1685-Londres 1759).
Avec l'œuvre de Händel se clôt l'ère du baroque européen en musique. Son langage, qui fit du compositeur un maître de l'oratorio et de l'opéra italien, exprime grandeur et lyrisme : il est à la mesure de sa vie, où se mêlèrent les influences germaniques, italiennes et anglaises.
DES DÉBUTS PRÉCOCES EN MUSIQUE
Georg Friedrich appartient à une famille en mal d'ascension sociale, qui le voit plus en magistrat qu'en musicien. Dès l'âge de 7 ans, cependant, il se produit à l'orgue à la cour du duc de Saxe, qui encourage ses dispositions. Dès lors, son père se sent obligé de lui faire fréquenter le collège de Halle, qui dispense un enseignement général tout en assurant la formation musicale de ses élèves. Dans un cahier daté de 1698, Händel recopie les œuvres de vieux maîtres allemands de la polyphonie – auxquels il devra sa science contrapuntique. Inscrit en 1702 à la faculté de droit, il ne renonce pas pour autant à l'amour de la musique et devient organiste à la cathédrale de Halle.
CARRIÈRE ALLEMANDE ET INFLUENCES ITALIENNES
Händel n'a que 18 ans quand il décide de se rendre à Hambourg. Violoniste à l'Opéra, il sera aussi l'un des maîtres de musique du fils de l'ambassadeur d'Angleterre. C'est à Hambourg qu'il écrit et fait jouer son premier oratorio, la Passion selon saint Jean (1704), et ses premiers opéras en italien, Almira et Nero (1705). Séjournant en Italie de 1706 à 1710, il en assimile de plus en plus le style (Agrippina, 1709), tandis que les oratorios Il Trionfo del Tempo et la Resurrezione, élaborés en 1708, contribuent à asseoir sa notoriété.
UNE NOUVELLE PATRIE : L'ANGLETERRE
C'est cependant de l'Angleterre que Händel, en 1712, va faire sa patrie d'adoption – malgré le poste de maître de chapelle qu'il a obtenu en 1710 à la cour de Hanovre. Peut-être songe-t-il à occuper la place laissée vacante dans l'opéra par la mort de Purcell (1695) ? Dans l'immédiat, Händel répond à la bienveillance des Stuarts en faisant exécuter un Te Deum pour célébrer la paix d'Utrecht et une ode pour l'anniversaire de la reine Anne.
Lorsque George de Hanovre est appelé à monter sur le trône et devient Georges Ier (1714), Händel renoue avec son ancien protecteur et lui destine la Water Music (1717), suite de pièces, surtout dansées, qui sont jouées lors d'une promenade sur la Tamise. Entré ensuite au service du comte de Carnarvon, futur duc de Chandos, il compose les douze Chandos Anthems (1717-1719), cantates religieuses, Acis and Galatea (1720), oratorio profane, ainsi que huit suites de pièces pour le clavecin.
UNE ŒUVRE PROLIFIQUE, JUSQU'À LA FIN
Revenu à Londres en 1720, il y est nommé directeur de la Royal Academy of Music. Avec Radamisto (1720), il inaugure une série d'œuvres lyriques qui tentent d'imposer l'opéra italien en Angleterre.
Naturalisé anglais en 1726, Händel a le privilège d'écrire les quatre Coronation Anthems pour le couronnement du roi George II (1727). Suivront les quinze sonates pour flûte traversière, violon ou hautbois (vers 1731). Si Händel continue à se battre sur le terrain si difficile de l'opéra italien, il a également l'idée d'utiliser des livrets en anglais (Ezio et Sosarme, 1732). De plus en plus, cependant, il va cultiver le genre de l'oratorio biblique (Deborah, 1733), sans délaisser l'oratorio profane (Alexander's Feast, 1736, sur une ode de John Dryden). À ses six concertos grossos pour orchestre (1734), il ajoute de célèbres concertos pour orgue (1738), qu'il interprète en intermèdes à ses oratorios. Son Messie, qui est l'un des sommets de la musique sacrée, est créé en 1742.
Bien qu'on reproche à Händel d'introduire des textes sacrés au théâtre, il reste fidèle à l'oratorio profane (Semele, 1744 ; Hercules, 1745). Il se fait aussi un devoir des pièces de circonstance (Judas Maccabaeus, 1747, célébrant la victoire du duc de Cumberland à Culloden ; Music for the Royal Fireworks, 1749). Privé presque complètement de la vue (1752), Händel n'en continue pas moins, pendant neuf ans, à composer (The Triumph of Time and Truth, 1757), à interpréter et à diriger ses œuvres. À sa demande, il sera inhumé à Westminster.
UN HOMME D'EXCEPTION
À plus d'un titre, Händel eut une existence exceptionnelle. À une époque où la durée moyenne de vie se situe entre 25 et 30 ans, il atteint l'âge de 74 ans et, jusqu'à ses derniers jours, cultive le goût du voyage. Il est aussi le Saxon d'origine qui décida de se soustraire à la protection d'un prince pour venir faire carrière en Angleterre, sans se douter qu'il y travaillerait à nouveau pour ce même prince une fois celui-ci devenu roi !
Dans ce milieu anglais qu'il adopta et qui l'adopta, Händel élabore un art dont le fondement même repose sur le mélange des genres. Sur le plan de l'esthétique musicale, on peut parler de lui comme d'un romantique avant la lettre, auteur d'une œuvre qui annonce celle de Liszt, un siècle plus tard.
LES ŒUVRES DE HÄNDEL
LES ŒUVRES DE GEORG FRIEDRICH HÄNDEL
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Musique instrumentale
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Environ 24 suites pour clavier | ||
6 fugues pour clavier | vers | |
20 sonates, dont : 15 sonates pour une flûte traversière, un violon ou hautbois, opus 1 (vers 1 pour viole de gambe 6 pour deux hautbois | ||
Pour orchestre
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6 concerti grossi, opus 3 | ||
12 concerti grossi, opus 6 | ||
3 concerti pour deux orchestres | vers | |
6 concerti d'orgue | ||
6 concerti d'orgue | ||
Musique vocale
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Mélodies variées sur des textes allemands, italiens, français et anglais. | ||
21 duos italiens. | ||
30 cantates italiennes environ | ||
Psaumes latins | ||
Oratorios bibliques
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Oratorios profanes
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Opéras
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CITATIONS
« Il est notre maître à tous. »
Joseph Haydn, en 1794, après avoir entendu des oratorios de Händel à Westminster.
« Händel est le plus grand, le plus solide des compositeurs ; de lui, je puis encore apprendre. »
Ludwig van Beethoven, en 1826.
Händel (Georg Friedrich)
ou Georg Friedrich Haendel
Encycl. Larousse
Compositeur allemand,
naturalisé anglais en 1726 (Halle 1685 – Londres 1759).
Fils de Georg Händel
(1622-1697), chirurgien-barbier, et de Dorothéa Taust (1651-1730), épousée en
secondes noces en 1683, Georg Friedrich Haendel montra très tôt, pour la musique,
des dons exceptionnels que seules sa mère et sa tante devinèrent. Ayant décidé
de faire de lui un juriste, son père, homme tenace et sévère, refusa que le duc
de Saxe, vers 1694, puis le roi Frédéric Ier de Prusse, rencontré à Berlin en
1696, prissent soin de son éducation musicale. Il accepta toutefois de confier
l'enfant à Zachow, remarquable musicien de Halle, qui lui enseigna fugue,
contrepoint, composition, ainsi que la pratique de plusieurs instruments
(clavecin, orgue, violon, hautbois, peut-être violoncelle). Zachow lui fit
surtout découvrir les maîtres contemporains, allemands et italiens (Froberger,
Kerll, Ebner, Alberti, Strungk, Krieger).
Au contact des milieux
musicaux de l'époque
Fidèle à la promesse
faite à son père et pour complaire à sa mère (deux traits de caractère majeurs
du musicien), Haendel poursuivit ses études au lycée, devint organiste de la
cathédrale de Halle en mars 1702 ; mais, avide de plus larges horizons, il
résilia dès 1703 son contrat et se rendit à Hambourg. Mattheson l'introduisit
alors dans les milieux musicaux et cultivés de la ville, notamment chez le
consul d'Angleterre, à Sainte-Marie-Magdeleine, où il tint l'orgue, et surtout
à l'orchestre de l'Opéra, où, après avoir joué comme violoniste et
claveciniste, il produisit une Passion selon saint Jean (carême 1704), puis son
premier opéra, Almira, créé avec succès le 8 janvier 1705, et bientôt suivi de
Nero (25 février 1705). Devant l'échec de cette pièce et mécontent de la
situation musicale à Hambourg (notamment faillite frauduleuse de Krieger,
directeur de l'Opéra), il se rendit, sur l'invitation de Gian-Gastone de
Medici, à Florence (octobre 1706), puis à Rome (début janvier 1707), où il se
lia avec l'élite intellectuelle : à l'Accademia d'Arcadia que fréquentaient mécènes
(cardinaux Pamfili, Ottoboni) et musiciens (Corelli, A. et D. Scarlatti,
Pasquini, Marcello). De cette époque datent de nombreuses compositions
religieuses (l'extraordinaire Dixit Dominus, 1707) ou profanes (une centaine
d'admirables cantates italiennes), où Haendel déploie tout son talent de
mélodiste et qui sont autant d'essais pour maîtriser mieux une forme qui le
requiert. L'opéra Rodrigo fut précisément créé à Florence en 1708, avant que le
compositeur ne se rendît à Naples, où il écrivit la cantate Aci, Galatea e
Polifemo et surtout un nouvel opéra, Agrippina, créé à Venise (26 décembre
1709). Triomphe difficile à renouveler, qui rendit Haendel prudent et lui fit
accepter de devenir Kapellmeister de l'Électeur de Hanovre (juin 1710-automne
1712), mais qui le vit faire aussi un voyage à Londres (décembre 1710-juillet
1711), où Rinaldo obtint un large triomphe. Déçu de ne pouvoir monter son œuvre
à Hanovre, et ayant continué d'entretenir des relations en Angleterre (avec le
poète Hughes, par exemple), Haendel retourna à Londres, en novembre 1712.
L'Angleterre, une
nouvelle patrie
D'abord logé chez le
comte Burlington, où il fréquenta Pope, Gay, Swift, Arbuthnot ou Pepusch,
Haendel écrivit là quelques œuvres profanes (Il Pastor fido, Teseo, etc.), qui
le feront devenir compositeur officiel de la couronne. Après l'Ode pour
l'anniversaire de la reine Anne (février 1713), il allait écrire, en effet,
l'Utrecht Te Deum and Jubilate (mars 1713), qui devint partition officielle,
puis un autre Te Deum en ré, lorsque l'Électeur de Hanovre devint roi
d'Angleterre en juin 1714, et enfin un nouvel opéra, Amadigi, d'après Houdar de
la Motte. Suivant son souverain à Hanovre, Haendel retourna en Allemagne au
cours de l'été 1716 et y composa une Passion sur un texte de Brockes (que
devaient également utiliser Keiser, Telemann, Mattheson et J.-S. Bach), donnée
à Hambourg lors des carêmes de 1717 et 1719. Il n'entendit pas son œuvre :
depuis fin décembre 1716, il était de nouveau à Londres où l'accueillit, cette
fois, le duc de Chandos (été 1717). Après avoir écrit pour le roi la célèbre
Water Music (créée en juillet 1717), il composa pour la chapelle du duc les
admirables Chandos Anthems, psaumes sur paroles anglaises qui allaient être aux
oratorios futurs ce qu'avaient été les cantates italiennes par rapport à ses
opéras, à savoir des « galops d'essai ». Mais, pour l'heure, Haendel ne chercha
pas à créer des oratorios, même après le succès d'Haman and Mordecai (Esther I,
1720).
La création d'une
académie : joies et vicissitudes
Tourné vers la scène,
attiré uniquement par l'opéra, il se jeta à fond dans une entreprise éprouvante
: la création d'une académie, sorte de société par actions, placée sous
patronage du roi (d'où le nom de Royal Academy) et chargée de monter des
opéras. Dès lors, la vie de Haendel devint l'histoire de ses succès, de ses
revers, de ses luttes pour imposer, moderniser, harmoniser l'opéra, en faire,
parfois contre l'avis même du public, une œuvre totale où la musique exprime,
dans un langage d'une exceptionnelle force évocatrice, le drame vécu par des
personnages d'exception, placés dans des situations d'exception. La première
académie (1720-1727) se déroula comme une tragi-comédie en cinq actes. Acte
premier (1720-1722) : après une entrée triomphale (Radamisto, avril 1720),
Haendel se vit opposer Bononcini par ses protecteurs mêmes (Burlington et le
conseil d'administration de la Royal Academy). Acte II (1722) : le parti de
Bononcini l'emporta avec la Griselda de ce dernier. Acte III (1723) : Haendel
donna un coup d'arrêt avec Ottone et la publication de ses Sonates pour flûte
et violon op. 1 et 2, renouvelant ainsi le succès de ses huit Pièces de
clavecin (Recueil I, 1720). Acte IV (1724-25) : reprise du terrain perdu avec
un brelan de chefs-d'œuvre (Giulio Cesare et Tamerlano, 1724 ; Rodelinda,
1725), défaite de Bononcini. Acte V (1726-1728) : consécration de Haendel avec
Scipione, Alessandro, Admeto, mais débâcle de la Royal Academy, due à la
cabale, aux difficultés financières, aux nombreuses jalousies et, en
particulier, aux querelles entre les sopranos vedettes, la Bordoni et la
Cuzzoni, qui, en juin 1727 et en présence du prince de Galles, en vinrent aux
mains sur scène. Scandale que ne pouvaient effacer les créations et succès
de Riccardo Io (novembre 1727) ou de Siroe (février 1728).
Affranchie de l'ancien conseil
d'administration où dominaient officiels et gens de cour, sous la seule
conduite de Haendel et de son associé Heidegger, la Nouvelle Académie
(1729-1733) connut les mêmes vicissitudes que la précédente, malgré le
recrutement de nouveaux chanteurs, ce qui amena Haendel à se rendre en Italie
(mars-mai 1728) et en Allemagne (juin-juillet), où il vit pour la dernière fois
sa mère devenue aveugle, mais où il ne put se rendre à l'invitation de J.-S.
Bach à Leipzig. De décembre 1729 à février 1732, il assura la création de
Lotario, Partenope (un chef-d'œuvre), Poro (1731), Ezio et Sosarme (janvier et
février 1732). Malgré l'appui et la subvention du roi (1 000 livres), malgré
les reprises de pièces à succès (Giulio Cesare, notamment), Haendel lutta pour
assurer la survie de son entreprise. En 1732, le succès d'Esther, l'invitation
de Haron Hill à écrire sur des textes anglais eussent pu l'amener à délaisser
l'opéra. C'eût été, à ses yeux, abdiquer. Le succès d'Orlando en janvier 1733
l'ancra d'ailleurs dans cette idée. Pourtant, le public accourut et fit fête à
Deborah, oratorio sur texte vernaculaire, ainsi qu'à Athalie créé à Oxford. Par
goût, orgueil ou volonté de vaincre, Haendel continua donc à écrire des opéras,
ne fût-ce que pour faire face au Nobility Opera, entreprise concurrente
suscitée par le prince de Galles et soutenue par la gentry qui patronnait Hasse
et Porpora. Combat incessant, semé d'embûches (rupture du contrat de Heidegger,
ce qui obligea Haendel à transporter sa troupe chez John Rich à Covent Garden),
semé d'échecs ou de victoires (Arianna, janvier 1734) ; Il Parnasso in festa,
mars 1734 ; Ariodante, janvier 1735 ; Alcina, avril 1735). Händel (Georg
Friedrich)
ou Georg Friedrich
Haendel (suite)
Des opéras aux
oratorios
Épuisé par ces luttes
incessantes, par son travail de « compositeur-chef d'orchestre-impresario », il
se rendit aux eaux de Turnbridge Wells (été 1735), prépara la saison suivante
(Alexander's Feast, Wedding Anthem), écrivit au cours de l'été 1736 Giustino,
Arminio, Berenice et Didone abbandonata. Il ne put, toutefois, en assurer la
création, le 13 avril 1737, ayant eu quelques heures plus tôt une attaque
(infarctus ? congestion cérébrale ?), qui le laissa à demi paralysé. Mais le 11
juin, quatre jours avant le sien, le Nobility Opera fermait. Si Haendel
entraînait dans sa chute l'entreprise concurrente, il demeurait également sans
force. Finalement, il consentit à se rendre aux eaux d'Aix-la-Chapelle (septembre
1737). Remède miracle qui le rétablit incontinent. Le 28 octobre, le London
Daily Post annonçait son retour. Immédiatement, Haendel composa deux nouveaux
opéras : Faramondo (dont la création fut retardée par le décès de la reine
Caroline, ce qui nous vaut l'admirable Funeral Anthem), puis Serse en avril
1738, tandis que paraissait chez Walsh ses opus 4 (Six Concertos pour orgue) et
5 (Sept Sonates en trio à 2 violons ou 2 flûtes), qui rencontraient un éclatant
succès. Haendel eût-il été, dès lors, boudé pour ses seuls opéras ? S'avouant
invaincu, il donna alors Imeneo (novembre 1740), suivi de Deidamia (janvier
1741). Devant la froide réaction du public, hostile à la forme, au livret
italien, au style
même de l'opéra, il abandonna alors
définitivement la scène (10 février 1740), et, dans la fièvre, composa
immédiatement deux oratorios : le Messie en août-septembre, Samson en octobre.
Puis, à l'invitation de William Cavendish, il se rendit à Dublin, où allait
triompher précisément son Messie (13 avril 1742). Revenu à Londres fin août, il
se tourna alors résolument vers l'oratorio, souvent joué avec un succès
qu'avivaient les Concertos pour orgue donnés aux entractes et où il improvisait
d'éblouissantes cadences. Ainsi, virent le jour Samson (février 1743), Semele
(février 1744), Joseph et ses frères (mars 1744), Hercules (janvier 1745),
Belshazzar (mars 1745), qui connurent des fortunes diverses en dépit de leur
extrême qualité. À partir de là, Haendel abandonna le système des souscriptions
favorisant trop la gentry sans pour autant l'assurer du succès et joua
désormais « à bureaux ouverts ».
Les derniers
chefs-d'œuvre
Peu à peu, un
retournement allait se faire en sa faveur, le public anglais ayant admiré son
courage dans l'adversité (une nouvelle attaque l'avait frappé en 1743) et sa
fidélité lors de la révolte jacobite. Haendel fit alors de plus en plus figure
de héros national, même si son œuvre resta discutée ce qui l'obligeait à
reprendre ses pièces les plus « rentables » et ses derniers oratorios (Judas
Maccabeus, avril 1747 ; Alexander Balus, mars 1748 ; Joshua [id.] ; Solomon,
mars 1749 ; Susanna, février 1749) connurent une faveur croissante que porta à
son comble la Fireworks Music commandée par le roi pour célébrer la paix
d'Aix-la-Chapelle. Malheureusement ni Theodora (mars 1750) ni Jephta (février
1752) ne rencontrèrent l'estime méritée. En fait, le public n'avait point
compris ni partagé sa propre ascension spirituelle. Dès lors, ses dernières
années, en dépit de nombreuses reprises et auditions de ses œuvres, tant en
Angleterre et en Irlande que sur le continent, furent fortement attristées,
d'autant que ce grand « musicien visuel » perdit la vue en 1753, malgré
l'intervention de deux célèbres praticiens dont Taylor, qui avait déjà opéré
J.-S. Bach.
Le premier moment d'abattement passé,
Haendel se remit pourtant au travail, suivant toujours de près la production
musicale contemporaine, dictant son courrier, modifiant certaines œuvres
antérieures. Mais sa santé déclinait. Le 6 avril 1759, il parut en public pour
la dernière fois, lors d'une exécution de son Messie que dirigeait J. C. Smith.
Il désirait mourir le vendredi saint comme le Christ. Son vœu de chrétien
allait être (presque) exaucé : il s'éteignit en effet le samedi saint 14 avril
1759. Le 20 avril, trois mille personnes lui rendirent un dernier hommage à
l'abbaye de Westminster, où désormais il repose.
Un puissant
organisateur
Grand, fort, plein de
feu, impétueux, péremptoire, parfois brutal, sinon violent dans l'expression,
mais d'une extrême bonté et d'une constante générosité, Haendel se montrait
indomptable, prenant comme Beethoven « le destin à la gueule », et travailleur
acharné. On le trouvait sans relâche à son clavecin, dont il usa les touches,
et à son écritoire : un jour Noël 1737 sépare Faramondo de Serse ; trois
jours séparent Saül d'Israël. Travaillant vite, mais raturant beaucoup, il
composa Theodora en cinq semaines, le Messie en vingt-quatre jours, Tamerlano
en vingt. Il laissa une œuvre immense, capitale, tant sur le plan de la
diversité (il a abordé tous les genres) que de la spiritualité. Dès lors, il
est éminemment regrettable que, par la faute d'artistes ou de critiques
médiocres et de chefs d'orchestre trop peu curieux, cette œuvre demeure en
grande partie cachée au public.
Usant de la langue de son époque comme
Bach , Haendel se montra moins révolutionnaire qu'évolutionnaire. Mais, à
avoir fréquenté sous différents cieux l'élite intellectuelle et sociale de son
temps, il apparut comme un puissant organisateur, comme un merveilleux
instrument de synthèse de l'art européen. L'Allemagne lui inculqua la solidité
des plans, la carrure des rythmes, une certaine piété intérieure, jamais
démentie. L'Italie développa ses dons de mélodiste, sa verdeur, son
ingéniosité, son goût aristocratique, son sensualisme pour les couleurs et les
sonorités. De la France, il écouta les leçons de clarté, d'élégance,
d'équilibre. L'Angleterre, enfin, lui enseigna la poésie des virginalistes, la
spontanéité de Purcell, ses ambiguïtés modales et ses audaces rythmiques.
Fruit de cultures diverses, il ne cessa
cependant de rester lui-même, demandant à son métier irréprochable, à sa
fécondité, à son imagination d'exprimer sa pensée. Or celle-ci est, à la fois,
inventive et d'extrême noblesse. Inventive, car Haendel, le tout premier,
introduisit des contrebassons à l'opéra (Tamerlano), libéra les basses de leur
statisme (op. 5), pressentit la forme cyclique, la forme de quatuor (op. 5
également), de la symphonie (op. 6). Premier compositeur à vivre de sa plume,
il vécut dangereusement et se battit contre tout et tous pour imposer sa vision
d'un opéra infléchi vers une dramaturgie psychologique ici, on perçoit
l'admirateur de Corneille et de Racine , dont la musique exprime alors les
moindres inflexions. En cela, il préfigure Haydn et plus encore Mozart ; il eut
même la prescience du leitmotiv. Enfin, il donna à l'oratorio une dimension et
une signification jusque-là insoupçonnées. Pensée novatrice, donc, mais
également d'une extrême noblesse. Son théâtre, ses oratorios mettent en scène
les grands héros de l'Histoire (Giulio Cesare, Tamerlano), de la littérature
(Alcina, Orlando), des livres saints Saül, Solomon, Belshazzar. Attiré par
ces immenses figures que sa fertilité d'invention, son aisance narrative surent
élever à la hauteur du type et du mythe, il n'apparaît, en fait, jamais aussi génial
que lorsqu'il lui fallait se mesurer avec ces êtres d'exception qu'il scrutait
dans leur vérité profonde quand, victimes de forces supérieures, ils se
retrouvaient face à eux-mêmes, à leur destin. Leur grandeur fut la sienne.
Une confondante
ascension spirituelle
On assiste d'ailleurs,
chez Haendel, à une ascension spirituelle qui, dans les derniers oratorios,
mène aux profondes méditations sur l'orgueil (Sal), sur la jalousie (Heraklès),
sur l'amour plus fort que la mort (Alexander Balus), sur la fin des
civilisations (Belshazzar), sur la tolérance, politique et religieuse
(Belshazzar, Theodora), enfin sur la religion (le Messie) et sur la place de
l'homme dans l'univers (Jephta). Dans cet ultime ouvrage, testament de sa
pensée musicale et spirituelle, Haendel inscrivit son propre credo dans les
premiers (What ever is, is right) et derniers mots (Hallelujah ! Amen). Il
laisse ainsi, image de sa propre existence, une leçon d'indépendance, de
liberté de l'esprit, d'acceptation de la volonté divine et de soumission à la
grande loi de l'univers. Mais aussi une leçon de courage, de défi que l'homme
se lance à lui-même, opposant à une attitude démissionnaire la force de sa
ferveur et de son espérance, de son courage, de sa lucidité, de son optimisme.
Ainsi Haendel apparaît-il comme le dernier des grands humanistes de la
Renaissance, mais aussi comme un éminent représentant du siècle des lumières.
On comprend mieux, dès lors, les jugements de Haydn déclarant : « Haendel est
notre grand maître à tous » ; de Beethoven confiant au soir de son existence :
« C'est le plus grand compositeur qui ait jamais existé ; je voudrais
m'agenouiller sur sa tombe » ; de Liszt, enfin, proclamant sans ambages : «
Haendel est grand comme le monde. »
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