La peste noire : les conséquences sur l’art
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L’époque relativement sereine des Neuf s’interrompt brutalement avec l’explosion de la peste noire – dite « Mort Noire » – qui s’était abattue sur l’Europe et qui, à Sienne, tua plus de la moitié de la population pendant l’été 1348. Les années qui suivirent la terrible épidémie furent les plus sombres de l’histoire de Sienne et de Florence, et peut-être de toute l’Europe. La peste noire de 1348 a été qualifiée par les démographes comme « l’un des faits les plus importants de l’histoire de nôtre millénaire » ; ils l’ont quelquefois jugée comme « une mortalité bien plus grave pour l’humanité occidentale que les grandes guerres du XXe siècle ». La littérature de l’époque, comme la peinture, est pénétrée d’un pessimisme profond, qui va jusqu’au dégoût de la vie. Pendant tout le Moyen Age, la pensée religieuse avait longuement insisté sur la brièveté de la vie et la certitude de la mort, mais aucune période n’en eut une conscience plus aiguë. C’était un thème traité par les peintres, dans les retables comme dans les peintures murales. Les effets économiques de la peste furent tout aussi dévastateurs : au fur et à mesure que les impôts augmentaient, les Neuf devinrent de plus en plus impopulaires et, en 1355, Charles IV du Saint Empire – qui s’était établi à Sienne avec une grande armée – précipita leur renversement. Les travaux du Nouvo Doumo furent abandonnés; selon le chroniqueur siennois Agnolo di Tura, c’est parce qu’il « restait peu de monde à Sienne, en proie à la mélancolie et au chagrin ». Ce qui est sûr, c’est que le projet paraissait soudain trop ambitieux, et les problèmes liés à la construction de la voûte de la vaste nef difficiles à résoudre. Aucun peintre formé par Pietro ou Ambrogio Lorenzetti n’a jamais été identifié. On suppose que tous leurs collaborateurs – ferment de la future génération de peintres siennois – trouvèrent la mort à peu près en même temps qu’eux, en 1348, et que Lippo Memmi, fut le seul maître établi à leur survivre.
Crucifixion, scènes du Nouveau Testament, peintre anonyme, nommé Barna da Siena (San Gimignano, Collégiale)
Vers le milieu du siècle, les grands styles qui s’étaient succédé au cours du demi-siècle précédent – ceux de Duccio, de Simone Martini, de Pietro et d’Ambrogio Lorenzetti – présentent, dans leur diversité, de nombreuses ressemblances et une certaine communauté de vues. Le processus de leur évolution est assez ordonné, les jeunes peintres, dans chaque cas, développent tel ou tel aspect de la manière de leur maître. Mais, vers 1350, cette continuité semble s’interrompre. Bien que l’influence de la tradition persiste, nombre d’éléments fondamentaux sont abandonnés, et d’autres se recomposent en des combinaisons différentes, entièrement nouvelles. Un seul des artistes actifs à cette époque, le peintre nommé Barna, approche de la stature des grands maîtres des années précédentes ; il appartient à une génération plus âgée et, malgré son originalité, il demeure, à bien des égards, plus imprégné que les autres de la tradition de la première moitié du siècle. Les peintres plus jeunes, tels Bartolo di Fredi, Luca di Tommé, Andrea Vanni, pourtant moins doués, créent des formes spécifiques, très semblables les unes aux autres et apparentées à celles de leurs contemporains de Florence sans en avoir subi l’influence.
Passage de la mer Rouge, 1367, Bartolo di Fredi, (San Gimignano, Collégiale). Cet épisode de la Bible traité par Bartolo dut émouvoir profondément ses contemporains et remuer en eux d’amers souvenirs de familles entières déplacées (les ravages causés par la peste et les compagnies de mercenaires accélérèrent le vaste mouvement d’émigration des habitants des bourgs et des fermes vers les cités) : l’histoire des Juifs fuyant l’Égypte et poursuivis par l’armée du pharaon, qui fut engloutie par la mer Rouge. En 1362, quelques années avant d’exécuter ces fresques, Bartolo avait lui-même rédigé, sur les mouvements des troupes de maraudeurs dans les campagnes, un rapport pour la Seigneurie de Sienne.
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Représentations et significations
Art pictural
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Les mystères entourant l'épidémie, la mort et l'influence des récits antiques et bibliques sur les croyances populaires ont largement inspiré les auteurs et artistes jusqu'à la Renaissance. À partir des textes bibliques, Nicolas Poussin représente dans La Peste d’Ashdod (1630) les Philistins frappés par la peste en transformant l'anecdote en mythe. Le châtiment de David (retraçant le choix du roi entre la guerre, la famine et la peste dans Livre II, Samuel), est figuré dans la peinture classique du XVIIe siècle. Sébastien Bourdon réalise une gravure intitulée Peste de David. Castiglione grave Les Trois Jours de peste[67].
Les « danses macabres » constituaient des représentations d’épisodes de peste, notamment celle de l'église de Lübeck (1460), aujourd'hui disparue.
Les peintures murales de l'église romane Saint-Martin de Jenzat sont de très rares représentations médiévales de malades présentant les stigmates de la peste bubonique ou peste noire[68]. Il existe également de nombreuses représentations de saints anti-pesteux, comme celles de saint Roch, à vocation apotropaïque.
Le thème de la peste inspira de nombreux artistes notamment tels que David (Saint Roch intercédant auprès de la Vierge pour les malades de la peste, 1780), Michel Serre, Raphaël, Antoine-Jean Gros (Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa), Jules-Élie Delaunay et Jean-François de Troy).
En littérature
- Boccace, dans son recueil de cent nouvelles Le Décaméron (1349-1353), décrit l'impact de la peste noire sur la vie sociale à Florence entre 1349 et 1353.
- Daniel Defoe, dans son Journal de l'année de la peste (1722), donne la parole à un narrateur, H. F., qui expose sous forme de compte rendu le visage de Londres durant l'épidémie de peste de 1665, qui a fait plus de 100 000 victimes.
- Alexandre Dumas consacre le chapitre 16 de la quatrième partie du Comte de Moret (1865) à une description saisissante de la peste de Lyon en 1629-1630.
- Albert Camus, dans son roman La Peste (1947), décrit la vie quotidienne à Oran durant une épidémie fictive de peste vers 1940. Dans sa pièce L'État de siège (1948), la peste est l'antagoniste qui prend le contrôle d'une ville en Andalousie.
- Fred Vargas, dans Pars vite et reviens tard (2001), envisage une menace d'épidémie de peste à Paris.
- Bernard Werber, dans le roman d'anticipation Demain les chats (2016), imagine aussi une peste qui s'installe à Paris à la faveur d'une dévastation générale causée par une guerre civile.
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