Joseph Brodsky
Joseph Brodsky (Iossif
Aleksandrovitch Brodski) est un poète russe né à Léningrad le 24 mai 1940 et
mort à New York le 28 janvier 1996. Il est lauréat du prix Nobel de littérature
en 19871.
Biographie
Brodsky est issu d'une
famille juive russe démunie de Leningrad. Son père est photo-reporter pour la
marine russe et sa mère interprète. Il interrompt ses études à l'âge de 16 ans
et vit de petits métiers. Il apprend seul le polonais et l'anglais dans le but
de traduire Czesław Miłosz et John Donne, puis s'initie en autodidacte aux
sciences humaines, à l'histoire, à la littérature, à la philosophie et à la
mythologie. Il intègre les cercles littéraires de l'Union des républiques
socialistes soviétiques où il rencontre Evgueni Reïn et Anna Akhmatova.
Impressionnée par la force de ses premiers textes, cette dernière le pousse à
persévérer comme poète.
Alors que sa
popularité ne cesse de croître en Union soviétique, il est arrêté en 1964 et
condamné pour « parasitisme social » à cinq ans de déportation dans l'oblast
d'Arkhangelsk. Libéré un an plus tard, il rentre à Leningrad, mais n'arrive pas
à faire publier ses ouvrages.
En 1966, il se rend en
Lituanie, où il fait connaissance de Tomas Venclova à qui il dédiera son poème
Lithuanian Nocturne (1973)2,3.
Constamment surveillé,
il est expulsé d'URSS en juin 1972. Après un bref séjour à Vienne, où il est
accueilli par W. H. Auden, il s'établit aux États-Unis. À l'instar de Vladimir
Nabokov, il écrit des articles en anglais, regroupés plus tard dans le recueil
Loin de Byzance.
Brodsky entame ensuite
l'écriture de poèmes en langue anglaise et traduit du russe certaines de ses
compositions, arrivant à retrouver les acrobaties rythmiques et verbales des
versions originales. Il publie par ailleurs ses travaux dans les plus grandes
revues littéraires des États-Unis.
Accédant à la
citoyenneté américaine en 1977, il enseigne à l'Université du Michigan et
devient une figure marquante des milieux intellectuels new-yorkais. Ce statut
accroît son prestige international et lui permet de donner des conférences dans
le monde entier.
Dans son discours de
réception du prix Nobel en 1987, il cite quatre auteurs dont l'influence a été
déterminante: Akhmatova, Auden, Marina Tsvetaïeva et Robert Frost. D'autres
influences se lisent dans sa poésie parmi lesquelles T.S. Eliot, Constantin
Cavafy, les poètes-philosophes russes schellingiens du xixe siècle (Fiodor
Tiouttchev, Ievgueni Baratynski) ou encore Ossip Mandelstam et Nikolaï
Zabolotski.
L'œuvre de Brodsky
doit beaucoup à la tradition pétersbourgeoise des acméistes et plus encore à la
poésie anglophone (particulièrement les poètes métaphysiques tels que John
Donne) à qui il emprunte l'inquiétude métaphysique, la préciosité de la forme
et la versification savante. La prosodie, la métrique et la rythmique de ses
compositions se veulent plus libres au fil du temps. On retrouve dans ses
strophes alambiquées un hommage à la poésie élisabéthaine dont il reprend le
jeu des rejets et contre-rejets et de rimes finales ou intérieures. Il a aussi
souvent recours à l'enjambement et aux métaphores. Sa poésie fait de la parole
la preuve absolue de l'existence humaine. Elle constitue une réflexion dense
sur la langue (syntaxe, versification, étymologie, symbolique, musicalité) et
conjugue inspiration du quotidien, méditation, vision éthique, épique et
cosmogonique.
En 1990, il épouse une
étudiante russo-italienne, Maria Sozzani, rencontrée alors qu'il donne un cours
à Paris, dont il aura une fille, Anna.
Joseph Brodsky meurt à
New York, le 28 janvier 1996, des suites d'une crise cardiaque. Il est enterré
sur l'île de San Michele, l'île-cimetière de Venise. Joseph Brodsky aimait
particulièrement l'Italie et trouvait la traduction en italien de ses poèmes
excellente, celle-ci utilisant le même système de rimes que celui de la poésie
russe.
Parmi ses recueils de
poèmes, on note La Procession (1962), Collines (1962), Isaac et Abraham (1962),
Élégie à John Donne (1963), Gortchakov et Gorbounov (1965-1968), La Partie du
discours (1977), Nouvelles Stances (1983), Uranie (1987). Il est également
l'auteur de pièces de théâtre telles que Le Marbre (1984) et Démocratie (1990).
Il a aussi signé quelques essais critiques comme Loin de Byzance (1988) puis
une Histoire du xxe siècle (1986).
Joseph Brodsky semble
avoir très mal supporté l'indépendance de l'Ukraine, survenue en 1991 après
l'éclatement de l'URSS. Dans un virulent poème, Sur l'indépendance de l'Ukraine
(На Независимость Украины), poème dont l'authenticité a longtemps été mise en
doute par les fans de Brodsky, il s'en prend avec violence aux « khokhly »
(хохлы, terme méprisant utilisé par les Russes à l'encontre des Ukrainiens). Il
avait été filmé déclamant ce poème au Jewish Center de Palo Alto, le 30 octobre
1992, devant une assistance de près de mille personne.(W.fr.)
=========================================================
Works
Poetry collections
- 1967: Elegy for John Donne and Other Poems, selected, translated, and introduced by Nicholas William Bethell, London: Longman
- 1968: Velka elegie, Paris: Edice Svedectvi
- 1972: Poems, Ann Arbor, Michigan: Ardis
- 1973: Selected Poems, translated from the Russian by George L. Kline. New York: Harper & Row
- 1977: A Part of Speech
- 1977: Poems and Translations, Keele: University of Keele
- 1980: A Part of Speech, New York: Farrar, Straus & Giroux
- 1981: Verses on the Winter Campaign 1980, translation by Alan Myers.–London: Anvil Press
- 1988: To Urania : Selected Poems, 1965–1985, New York: Farrar, Straus & Giroux
- 1995: On Grief and Reason: Essays, New York: Farrar, Straus & Giroux
- 1996: So Forth : Poems, New York: Farrar, Straus & Giroux
- 1999: Discovery, New York: Farrar, Straus & Giroux
- 2000: Collected Poems in English, 1972–1999, edited by Ann Kjellberg, New York: Farrar, Straus & Giroux
- 2001: Nativity Poems, translated by Melissa Green–New York: Farrar, Straus & Giroux
Essay and interview collections
- 1986: Less Than One: Selected Essays, New York: Farrar, Straus & Giroux. (Winner of the National Book Critics Circle Award)
- 1992: Watermark, Noonday Press; New York: Farrar, Straus & Giroux
- 1995: On Grief and Reason: Essays. Farrar, Straus and Giroux.
- 2003: Joseph Brodsky: Conversations, edited by Cynthia L. Haven. Jackson, Miss.: University Press of Mississippi Literary Conversations Series.
Plays
- 1989: Marbles : a Play in Three Acts, translated by Alan Myers with Joseph Brodsky.–New York: Farrar, Straus & Giroux
- 1991: Democracy! in Granta 30 New Europe, translated by Alan Myers and Joseph Brodsky
- .=============
L'horizon est en feu : cinq poètes russes du XXe siècle : Blok, Akhmatova, Mandelstam, Tsvétaïéva, Brodsky
Cinq poètes russes du XXe siècle
Date de sortie le 01 février 2007
Ces cinq poètes représentent à eux seuls la moitié de la ligne de crête de la poésie russe du XXe siècle. Les quatre premiers sont nés entre 1880 et 1892, sous le règne du tsar Alexandre III, tandis que Joseph Brodsky est né en 1940. Leurs poèmes dégagent un climat existentiel dominé par une certaine atonie.
Le 11/05/2018
Au gré de déambulations dans les rayonnages tassés de mon bouquiniste, j'ai découvert ce petit ouvrage (97 pages) de poésie russe. Animée actuellement par des envies de découvertes littéraires étrangères, j'ai feuilleté quelques pages, lu quelques vers... Rapidement séduite, je n'ai pas hésité longtemps à ajouter ce petit bijou à mes achats du jour! Je ne connaissais pas du tout la poésie russe. Je me doute que l'on ne peut totalement savourer la poésie que dans la langue d'origine et que, justement, le travail du traducteur est important. Mais cela n'empêche pas d'apprécier les images, les idées, les émotions... Je ne regrette pas de me tourner vers d'autres horizons! A lire absolument!
L’Horizon est en feu est un recueil de poèmes réunis par Jean-Baptiste Para et composés par cinq poètes russes: Alexandre Blok, Anna Akhmatova, Marina Tsvétaïéva, Joseph Brodsky, et probablement le plus connu de tous Ossip Mandelstam. En moins de quatre-vingts pages, ce petit livre concentre «la moitié de la ligne de crête de la poésie russe du XXè siècle ».
Le 22/05/2012
un tout petit livre (96 pages) d'une vision enfammée de la Russie.
===============================================================
Nobel pentru un poet renegat
1987 Iosif Aleksandrovici Brodski primeşte Nobelul literar pentru volumele de poezii scrise în mare parte în exil, fiind al cincilea nativ rus deţinător al prestigioasei distincţii. Scriitorul a fost recompensat pentru „scriitura sa atotcuprinzătoare, inundată de claritatea gândirii şi de intensitate poetică“.
La 24 mai 1940 se năştea, la Leningrad, Iosif Alexandrovici Brodski, poetul rus care avea să fie expulzat din ţara natală şi avea să găsească faima şi recunoaşterea în Occident. La scurt timp după ce micul Iosif împlinea un an, Uniunea Sovietică era invadată de trupele lui Hitler.
Războiul l-a ţinut pe viitorul poet departe de tatăl său, mobilizat pe front imediat după izbucnirea conflictelor, şi a impus o blocadă oraşului în care copilul rămăsese doar cu mama.
Peste un an, Maria Brodskaia şi fiul ei au fost evacuaţi la Cerepoveţi, revenind în oraş doi ani mai târziu. Alexandr Brodski s-a întors din război în 1948, astfel că micul Iosif şi-a început viaţa departe de tată. Însă a învăţat arta fotografiei de la acesta, care fusese corespondent de presă înainte de război.
Poetul mărturisea, mai târziu, că fusese un „elev slab". Detestase sistemul de învăţământ instituţionalizat şi abandonase liceul. Optând, în schimb, pentru autoinstruire, tânărul Brodski citise enorm şi învăţase singur engleză, sârbă, croată şi polonă, din care a tradus ulterior în rusă opere literare semnificative.
La 16 ani, vârsta la care începea să scrie versuri, se angaja la Fabrica de Armament cunoscută în oraş sub numele de „Arsenal".
Poetul neînscris
În următorii opt ani, în paralel cu primele încercări literare, a avut nenumărate slujbe, fiind, pe rând, ajutor de medic legist la morgă, fochist, paznic de far, fotograf şi traducător. În martie 1964, după ce schimbase mai mult de treisprezece locuri de muncă, a fost arestat pentru „parazitism", intentându-i-se un proces, din care s-a păstrat un schimb de replici celebru dintre Brodski şi judecător: „Care e specialitatea dumneavoastră?" - „Sunt poet. Poet-traducător." - „Şi cine v-a recunoscut ca poet? Cine v-a înscris la poeţi?" - „Nimeni. Dar cine m-a înscris la specia umană?"
Întrebarea rămâne retorică. Brodski este condamnat la cinci ani de exil intern şi obligat să efectueze muncă fizică. Mulţi oameni de cultură din toată lumea reacţionează la condamnare, printre care Dmitri Şostakovici, Evgheni Evtuşenko, Jean-Paul Sartre şi Anna Ahmatova, care spunea că versurile tânărului „au ceva magic", fiind o susţinătoare ferventă a acestuia încă de la primele poezii publicate.
Recunoaşterea în ţara adoptivă
Brodski a fost exilat din Uniunea Sovietică la 4 iunie 1972. S-a stabilit în America, unde a primit cetăţenia în 1977. Toate volumele sale de eseuri au fost publicate în exil, în limba engleză: „Less than one" (1986), „Watermark" (1992) etc. Poetul a continuat să scrie versuri în limba maternă, acestea fiind apoi traduse în engleză: „To Urania" (1988), „So forth" (1996), „Discovery" (1999).
Brodski a fost invitat să predea la instituţii de învăţământ de prestigiu din America şi din Marea Britanie. În 1978, Universitatea Yale i-a conferit titlul onorific de Doctor în Litere şi a fost numit membru al Academiei Americane şi al Institutului de Arte şi Litere în 1979.
17 Mai 2010
======================================
BIBLIOTHECA
UNIVERSALIS
LEO BUTNARU
Iosif Brodski
Iosif Brodski
(1940-1996). Născut în Leningrad. În anul 1958, ziarul „Vecernii Leningrad”
(„Leningradul de Seară”), publică foiletonul„Un trântor de la periferia
literaturii”, după care începe o perioadă de urmărire a poetului. În februarie
1964, este arestat. În urma unui proces aranjat, este trimis la o expertiză
medicală, apoi internat la psihiatrie. În iunie 1964, este condamnat „pentru
parazitism social”, deportat temporar în regiunea Arhanghelsk. În 1972
emigrează în Austria, în acelaşi an stabilindu-se în SUA. A predat la
universităţi americane şi britanice. În 1987 a fost distins cu Premiul Nobel,
iar în 1991 i s-a acordat titlul de poet laureat al SUA. Înmormântat la
cimitirul San Michele din Veneţia.
=====================================================
Din poezia lumii
Iosif BRODSKI (1940–1996)
În traducerea lui Leo
BUTNARU
S-a născut la 24 mai,
în Leningrad. Tatăl său, căpitanul Aleksandr Ivanovici, a fost
corespondent-fotograf de război, apoi a activat la Muzeul Marinei Militare din
Leningrad și în redacțiile mai multor ziare. Mama, Maria Moiseievna Volpert. a
fost contabil.
În perioada 1947-1953
Iosif studiază în trei școli leningrădene, în 1953 rămânând repetent. Depune o
cerere de a fi admis elev al Școlii Baltice de Marină, însă este respins.
Învață în clasa a 7-a, o începe pe cea de-a opta, însă abandonează școala, angajându-se
ucenic de strungar la uzina „Arsenal”. Încearcă fără succes să se înscrie
într-o școală de marinari de submarine, la 16 ani se aprinde de ideea de a
deveni medic, o lună de zile fiind ajutor de prosector la morgă, face disecții
și autopsii. Apoi mai lucrează fochist, paznic de far.
După propriile
mărturii, primele poeme le scrie în 1956-1957. Este muncitor într-o expediție
arheologică la Marea Albă, Siberia Orientală, Nordul Iakutiei (1957–1960). În
februarie 1960 are loc prima apariție publică importantă a lui Iosif Brodski
într-un recital de poezie, unde citește și poemul „Cimitir evreiesc”, care
declanșează un adevărat scandal.
La Samarkand,
împreună cu prietenul său Oleg Șahmatov, aviator, schițează planul deturnării
unui avion, pentru a zbura în Occident. Însă renunță. Peste un an, Șahmatov
este arestat de KGB, divulgând planul respectiv.
Pe 29 noiembrie 1963
în ziarul „Vecernii Leningrad” („Leningradul de Seară”) este publicat
foiletonul „Un trântor de la periferia literaturii”, acuzându-l pe Brodski de
parazitism social. Începe o lungă perioadă de urmărire a poetului.
La începutul anului
1964 i se întâmplă primul acces cardiac, după care, întreaga viață, avea să
sufere de angină pectorală. Este trimis forțat la expertiză psihiatrică într-un
ospiciu, unde se va afla trei săptămâni („cele mai groaznice din viața mea”,
avea să menționeze poetul). Pe 13 martie 1964 este condamnat la cinci ani de
muncă forțată în regiunea Arhanghelsk.
Înregistrările de la
procesul intentat lui Iosif Brodski, făcute de Frida Vigdorova, apar în
influentele publicații occidentale „New Leader”, „Encounter”, „Figaro
Litteraire”, sunt transmise de BBC. Cu susținerea activă a Annei Ahmatova, se
declanșează o campanie socială întru apărarea lui Iosif Brodski. Scrisorile de
susținere sunt semnate de D. Șostakovici, S. Marșak, K. Ciukovski, K.
Paustovski, A. Tvardovski, Iu. Gherman ș. a. Sub presiunea opiniei publice
mondiale, mai ales după intervenția specială a lui Jan-Paul Sartre, termenul de
deportare al lui Iosif Brodski este redus la minimum.
În ziua de 10 mai
1972, Iosif Brodski este convocat la Biroul de Pașapoarte pentru Străinătate,
fiind pus în fața dilemei: sau emigrează urgent, sau pot urma „zile fierbinți”,
inclusiv internarea în ospiciu. Privat de cetățenie sovietică, pe 4 iunie
Brodski zboară la Viena cu „viză de Israel”. Încep anii de exil.
Se stabilește în SUA,
unde i se oferă postul de „poet invitat” (poet-in-residence) al Universității
din Michigan. Din acel moment, ex-cetățeanul sovietic, care nu avea la activ
decât 8 clase neterminate, are o existență de profesor, invitat mai apoi la
șase universități americane și britanice, predând istoria literaturii ruse,
poezia rusă și universală, teoria versificației, ținând prelegeri și conferințe
în biblioteci și universități din SUA, Canada, Anglia, Irlanda, Franța, Suedia,
Italia.
Brodski se dedică
activ eseisticii, pe care o cultivă până la sfârșitul vieții. În SUA îi apar
cărțile de eseuri „Less Than One” (Mai puțin de unul), 1986 (declarată cea mai
bună carte de critică pentru 1986 în SUA); „Watermark” (Cheiul
incurabililor),1992, și „On Grief and Reason” (Despre suferință și rațiune),
1995.
Părinții săi au depus
de 12 ori cereri de a-și vizita fiul, însă toate au fost respinse în pofida
adresărilor oficiale a mai multor congresmeni și altor politicieni americani.
În 1987 a fost
distins cu Premiul Nobel, iar în 1991 i s-a acordat titlul de poet laureat al
SUA. Se căsătorește cu Maria Socciani, aristocrată italiană, rusoaică pe linie
maternă.
1996. Noaptea de 27
spre 28 ianuarie. În urma unui infarct, Iosif Brodski se stinge din viață.
Provizoriu, este înmormântat în cimitirul de pe lângă biserica Sfânta Treime de
pe malul Hudsonului, iar la 21 iunie 1997 este reînhumat în cimitirul San
Michele din Veneția.
În memoria lui Fedea
Dobrovolski
Noi continuăm să
trăim.
Scriem sau trimitem
răvașe.
Privim amănunțit
femeile frumoase
care-i zâmbesc lumii
de pe copertele lucioase
ale revistelor ilustrate.
Noi ne tot gândim la
prieteni,
străbătând orașul
întreg când revenim spre casă
în tramvaiul friguros
și trăncănitor:
continuăm să trăim.
Uneori vedem arborii
care
cu brațele lor negre
și goale
sprijină infinita
greutate a cerului
sau se frâng sub
greutatea ei.
Vedem arborii
doborâți la pământ.
Și continuăm să
trăim.
Noi, cei cu care tu
discutai îndelung
despre pictura
contemporană
sau cu care
la colțul
bulevardului Nevski
beai bere, – noi
rareori ne amintim de
tine.
Iar când ne amintim,
totuși,
prindem a ne jelui și
a ne jeli pe noi înșine,
a jeli spatele
noastre gârbove,
inima noastră ce
muncește execrabil,
abia de cum urcăm
treptele până la etajul trei
deja începând să se
aricească
în cutia toracică.
Și ne trece prin cap
că într-o bună
sau doar într-o
anumită zi oarecare
cu ea – cu această
inimă –
se va întâmpla cine
știe ce dănănaie
și atunci unul dintre
noi
la opt mii de
kilometri depărtare
la vest de tine
se va întinde pe
asfaltul murdar al trotuarului
scăpându-și cărțile
din mână
și ultimul lucru,
ce-i va fi dat să-l vadă,
vor fi întâmplătoare
fețe neliniștite,
întâmplătorul perete
de piatră al casei
și bucățile de cer
atârnând pe fire electrice –
bucăți din cerul
ce se sprijinea chiar
în arborii pe care
noi uneori se-ntâmpla
să-i observăm...
1960
http://leo-butnaru.blogspot.com/2019/01/orizontul-poemelor-lui-iosif-brodski.html
======================================
MORT À L'ÂGE DE 55 ANS BRODSKY, POÈTE BANNI DE LA VIE. AMÉRICAIN D'ADOPTION, IL N'AVAIT JAMAIS CESSÉ D'ÊTRE RUSSE.
Washington,
de notre correspondant En 1964, un jeune homme de 24 ans est traduit en justice pour «parasitisme social» devant un tribunal de Leningrad, en URSS. «Quel est votre métier?», lui demande le juge. «Poète», répond-il. «Quelle est votre occupation permanente?», corrige le juge, excédé. «Je croyais que c'était une occupation permanente», répond le jeune homme, qui sera condamné à cinq ans d'exil dans le grand nord pour avoir notamment exercé le métier de poète «sans les qualifications nécessaires». Après une campagne de protestations internationales en faveur de sa libération, il en reviendra finalement au bout de dix-huit mois.
Joseph Alexandrovitch Brodsky a exercé jusqu'au bout le métier pour lequel il n'avait pas les «qualifications nécessaires», mais qui lui valut le prix Nobel de littérature en 1987. Il est mort dans la nuit de dimanche à lundi dans sa petite maison de Brooklyn, à New York, d'une crise cardiaque à 55 ans. La semaine dernière, il avait révisé les épreuves d'un recueil de poèmes chez son éditeur américain. Et un recueil de ses essais, On Grief and Reason (Du chagrin et de la raison) venait de paraître aux Etats-Unis.
«Je suis dans la situation idéale: poète russe, essayiste anglais, citoyen des Etats-Unis», a-t-il dit un jour. Depuis son arrivée aux Etats-Unis, en 1972, il s'était en effet mis à écrire en anglais la plupart des essais qui lui étaient commandés par de nombreuses revues internationales, mais c'est en russe uniquement qu'il composait sa poésie, qu'il lui arrivait de traduire lui-même en anglais. Cette aisance dans les deux langues évoquait évidemment la grande ombre de Vladimir Nabokov, un autre représentant de la créativité moderne pétersbourgeoise réfugié aux Etats-Unis, comme Stravinski ou Balanchine.
Brodsky avait été le plus jeune récipiendaire du prix Nobel, après Albert Camus. Mais si les honneurs et les prix littéraires s'étaient multipliés, rien n'égalait à ses yeux l'intensité du moment de sa jeunesse où il avait appris, alors qu'il vivait encore à Leningrad, que son éditeur britannique préparait une édition de ses poèmes préfacée par W.H. Auden un des poètes de son panthéon personnel. Tout le reste, avait-il confié un jour, n'avait été ensuite dans sa vie littéraire qu'un «anticlimax».
Car il était avant tout poète et c'est comme tel que son deuil sera porté en Russie, dont il était devenu, par le samizdat d'abord, par l'exil forcé, puis par le livre enfin, à la faveur de la glasnost et de l'effondrement soviétique, le plus grand poète vivant. Brodsky avait commencé de publier ses premiers poèmes à l'âge de 15 ans et, dans la ville qu'il a toujours comme tant d'autres appelé «Pieter», ses vers avaient vite trouvé le chemin des feuilles imprimées à la diable et transmises à la sauvette, qui donnèrent naissance, dans les années 60, à la littérature clandestine. Remarqué par la grande poétesse russe Anna Akhmatova, il fit partie du petit groupe de jeunes poètes qu'elle appelait son «choeur magique». Il avait quitté le lycée très vite «avant tout parce que j'en avais assez de la tête de mes professeurs», confia-t-il plus tard. Il exerce divers travaux manuels notamment assistant pour les autopsies à la morgue de Leningrad et continue d'écrire ses poèmes, à défaut de pouvoir les publier. Il apprend lui-même le polonais pour pouvoir lire Czeslaw Milocz et l'anglais pour comprendre John Donne.
Sa poésie est l'héritière de la tradition du modernisme pétersbourgeois et la ville y occupe une place centrale et dominante. Les thèmes de la solitude, de la séparation, du départ y occupent très tôt une place majeure. Au bout de la Russie, bâtie de force sur les marécages, «Pieter», expliquait Brodsky, était, posée au bord de la Baltique, le commencement du nouveau monde, l'appel à l'aventure. Il avait consacré à sa ville natale un de ses essais les plus souvent cités, Chronique d'une ville re-nommée (paru dans son premier recueil, Loin de Byzance).
Devenu symbole inévitablement politique de la dissidence littéraire, Brodsky n'était pourtant pas un écrivain «politique». Ses démêlés avec les autorités soviétiques de l'époque viennent de sa vision fondamentale du poète qui revendique la liberté pour elle-même. C'est en cela qu'il représentait d'une certaine manière la pure essence de la dissidence, le poète contre l'empereur, moins par ses idées ou par ce qu'il écrit que par son existence même. Avec l'humour très britannique qu'il apportait à sa conversation, il expliquait sa violente hostilité à Lénine moins par une opposition à sa politique que par une raison quasi esthétique: le fait que «son portrait était partout». C'est pour la même raison que Brodsky, après son exil, avait toujours refusé de se poser en martyr de la raison d'Etat ou du régime soviétique. Il avait ainsi vigoureusement protesté contre la publication, à l'Ouest et en Russie, de la sténographie de son fameux procès de 1964 qui avait été à l'époque un des best-sellers du samizdat, tout comme sa lettre à Leonid Brejnev, protestant contre sa déportation: «Cessant d'être un citoyen de l'URSS, je ne cesse pas d'être un poète russe. Je sais que je reviendrai. Les poètes reviennent toujours. En personne ou sur le papier.» Littérairement, et dans ce rapport dédaigneux avec le pouvoir et la raison d'Etat, il était par bien des côtés l'anti-Soljenitsyne.
Depuis l'effondrement du communisme, l'URSS était redevenue la Russie et Leningrad, Saint-Pétersbourg. Brodsky y était retourné sur le papier la première édition russe officielle de ses poèmes, en 1990, avait vu ses 200.000 exemplaires arrachés en quelques jours. Mais il avait choisi de ne pas y retourner physiquement, d'abord en raison d'une santé fragile (trois crises cardiaques et deux opérations à coeur ouvert), ensuite parce que, nous confiait-il chez lui en novembre 1994, il ne voulait pas se sentir «touriste» dans la ville qui avait été la sienne et qu'il avait de fait emportée avec lui en 1972. Depuis son exil, les autorités soviétiques avaient refusé tout visa à ses parents, qu'il n'avait pu revoir avant leur mort. Dans un de ses derniers textes, parus dans le New Yorker, consacré à la mort de son ami le poète anglais Stephen Spender, Brodsky décrit son arrivée à l'aéroport de Londres, quand le douanier lui demande s'il est là «pour le plaisir ou pour affaires». «Qu'est-ce qu'un enterrement?», demande-t-il.
Ouvrages de Joseph Brodsky traduits en français Poésie: Colline et autres poèmes (Seuil, 1966); Poèmes 1961-1987 (Gallimard, 1987); Verumne et autres poèmes (Gallimard, 1993).
Essais: Loin de Byzance (Fayard, 1988); la Mer de jouvence, avec Andréi Platonov (Albin Michel, 1988); Leningrad (Autrement, 1988); Acqua alta, (Gallimard, 1993).Pierre BRIANCON
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire