Venise fécondée par l’Orient
Au xixe siècle, on avait coutume de dire que Venise était la plus orientale des villes d’Occident, à cause de sa position géographique, de sa tradition de commerce séculaire, et parce que le dédale de ses ruelles, l’architecture de ses façades et sa tradition décorative évoquaient les pays lointains en un temps où les artistes, jusqu’à l’Atlantique et à la mer du Nord, étaient fascinés par ces rives de la Méditerranée. Ceux qui y séjournaient en ramenaient des souvenirs exotiques et s’en inspiraient dans leurs œuvres. Aujourd’hui, la fascination de l’Orient et la reconnaissance d’une dette culturelle à son égard ne pèsent pas lourd face aux discours sur le choc des civilisations.C’est pourquoi l’exposition Venise & l’Orient que présente l’Institut du Monde Arabe (IMA), à Paris, rappelle opportunément qu’il est difficile de tracer les frontières culturelles. Avec quelque 200 objets, elle montre que l’art, l’artisanat et la culture vénitienne en général ont assimilé les styles des pays dans lesquels allaient s’ancrer les navires de la Sérénissime. Pour cette manifestation, l’IMA a collaboré avec le Metropolitan Museum de New York, qui est en train de rénover ses salles d’art islamique. Il est significatif qu’un musée américain s’associe à une institution financée en grande partie par les pays arabes, et que cette association se noue pour une exposition qui exalte la manière dont les cultures d’Orient ont fécondé la culture d’une ville européenne.En observant les personnages en turban des peintures, les motifs décoratifs ou les enluminures, on comprend que les commerçants ne ramenaient pas que des épices et des tissus, ils importaient des styles, des modes et, avec eux, une certaine manière d’être au monde. Une grande partie du luxe matériel (celui des palais, de la table, de l’habillement) et des techniques (le travail du verre ou le détail de l’architecture) a été directement apportée par les navires et par les voyageurs vénitiens. Dans la Venise du xive, du xve et du xvie siècles, la grandeur et le rayonnement de la Sérénissime sont fêtés par la richesse des brocards, des tapis ou des tissus, mais aussi par la présence dans la ville de personnages caractérisés par leur habillement.Cette histoire n’est pas celle de commerçants et d’individus cultivés paisibles, c’est une histoire de guerres, de conquêtes, de victoires et de défaites, une histoire d’habileté diplomatique soutenue par l’argent que payaient les Vénitiens pour pouvoir continuer de commercer quand un territoire leur échappait. Tout commence par un mythe fondateur, le vol à Alexandrie des reliques supposées de saint Marc en 828, un an après l’élection du premier doge. Ce transfert met Venise sous une sainte protection. Il lui confère aussi symboliquement le rôle de passeur entre l’Orient et l’Occident. Derrière la beauté des objets et des œuvres exposées à l’IMA, on devine un autre message, moins culturel et de notre temps : les échanges et l’ouverture économique seraient le meilleur moyen d’assurer l’harmonie entre les civilisations.On devine aussi les limites de ce message. L’exposition de l’IMA donne l’impression que la Venise des xive, xve et xvie siècles s’empare des signes de l’Orient pour les transformer en symboles de sa propre puissance, et pour les consommer dans un échange inégal. On n’y trouve pas grand-chose, sinon dans le magnifique catalogue qui l’accompagne, sur l’autre versant de cette influence, celui de Venise sur l’Orient, sur les conflits profonds que provoque la rencontre de deux cultures et, plus précisément, de deux systèmes de représentation, ou sur la manière dont l’histoire des relations Orient/Occident éclaire la situation d’aujourd’hui.Les conflits politiques, les tensions internationales et les guerres, les débats sur l’élargissement de l’Union européenne, notamment à la Turquie, et la crainte de l’uniformisation par la mondialisation, ont mis ces relations au cœur de nos préoccupations. Les trésors présentés à l’IMA en donnent une image rassurante, car les objets sont muets sur les tragédies humaines. Ils ont la sérénité des paysages sous lesquels sont enterrés des morts. Cet Orient, vu de Venise, n’est que luxe, calme et volupté. Il est filtré par ce qu’on en a pris. Pour en savoir plus, il faut interroger l’histoire et les récits que peuvent en faire ceux d’en face, c’est-à-dire ceux dont l’identité et la tradition sont menacées par le commerce entre les civilisations.Presque au moment où s’ouvrait l’exposition de l’IMA, le prix Nobel de littérature était attribué au romancier turc Orhan Pamuk, dont une partie de l’œuvre est consacrée aux relations entre l’Orient et l’Occident. On peut voir à l’IMA le portrait du sultan Mehmet II attribué à Gentile Bellini (1429-1507), l’un des plus grands peintres vénitiens, qui fit un long séjour à Istanbul quelques décennies après la prise de Constantinople. Ce portrait a profondément bouleversé la vision des peintres et des enlumineurs des pays musulmans. Il fut souvent imité. Il est au cœur d’un des plus impressionnants livres d’Orhan Pamuk, publié en Turquie et 1998 et en France en 2001, Mon nom est Rouge*.S’il fallait le définir à la manière occidentale, on pourrait dire que ce livre est un thriller qui se passe dans les ateliers de peinture d’Istanbul à la fin du xvie siècle. On y trouve : le cadavre d’un peintre habile et admiré jeté dans un puits ; des intrigues amoureuses ; des violences organisées par les sectes intégristes ; et un conflit sanglant autour du rôle de l’art et de l’influence de ce qu’on appelait là-bas la « manière vénitienne ». Faut-il peindre ce qu’on voit ? Faut-il que l’artiste exprime à la fois l’individualité de celui dont il fait le portrait et sa propre individualité ? Ou doit-il, comme l’exige la tradition islamique, s’absenter de la peinture pour laisser place à l’expression du regard divin, seule façon de contourner l’interdit de la représentation ?Mon nom est Rouge est un thriller lent, une succession de miniatures à la manière persane, mais vues par chacun des protagonistes ; miniatures qu’il faut se donner le temps de contempler (de lire) pour en saisir tous les détails. C’est un livre sur ce qui est à perdre, sur la douleur de la perte quand on cherche à intégrer dans sa propre vision ce qui vient d’ailleurs et la met en péril. Le Sultan demande à un maître d’atelier de réaliser en secret un livre d’enluminures en s’inspirant des peintres de Venise qui, au xvie siècle, ont été à l’origine du succès du portrait dans toute l’Europe. Il veut que la célébration de sa puissance et de la puissance ottomane soit démontrée par la capacité de ses artistes à faire mieux que ce que font ses plus proches ennemis. Le déchirement est au bout.Orhan Pamuk ne conclut pas. Il montre, dans son récit et dans son écriture, l’opposition entre le projet réaliste de la peinture européenne et la vision lointaine, irréaliste (le réel est laissé à Dieu), de la peinture persane ou arabe ; il pénètre au cœur du conflit, là où ce dernier détruit l’essentiel, le rapport au monde que révèle notre manière voir. Il montre la perte et la souffrance que cette dernière engendre, le raidissement des idées, et la violence sourde déchaînée par les échanges que se contente de célébrer l’IMA à travers la splendeur vénitienne.* * *https://www.revue-etudes.com/article/venise-fecondee-par-l-orient-21703
La Méditerranée, échanges et confrontations (XI-XIIIe siècle)
Auteur : Thibault
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Modifié : 28/02/2015 à 17h34
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Le carrefour de trois civilisations
Un monde musulman morcelé
A la fin du XIe siècle, les rives Sud et Est de la Méditerranée appartiennent au monde musulman dont l'expansion a été foudroyante aux VIIe et VIIIe siècles. Le monde musulman, s'il est uni culturellement et linguistiquement par l'arabe, est fragmenté politiquement. Trois grandes entités politiques voient le jour : en Afrique occidentale, le sultanat almoravide (vers 1039-1147) qui s'étend de la Libye au Maroc et à l'Espagne. En Orient émerge la nouvelle puissance turque (prise de Bagdad en 1055, victoire de Mantzikert en 1071 sur l'Empire byzantin et conquête de l'Asie mineure, conquête de Jérusalem en 1076 par Malik Shah). Au centre, vers l'Egypte, s'étend le califat fatimide qui se distingue notamment par son shi'isme. Les Arabes mènent une politique de piraterie et de razzias qui gène fortement le commerce occidental et byzantin.
L'Empire byzantin fragilisé
Malgré la piraterie musulmane, Byzance contrôle le grand commerce maritime en Méditerranée. Afin de contrer la piraterie, les Byzantins créent des thèmes maritimes sur le modèle des thèmes terrestres, stratégie qui se révèle assez efficace. L'Empire dispose alors d'une flotte puissante qui assure une bonne défense (on parle de « thalassocratie byzantine »). Constantinople est une plaque tournante pour le grand commerce et notamment les produits de luxe, qui entretient des liens avec l'Occident (en particulier Venise), l'Orient et l'espace slave.
Au milieu du XIe siècle, l'Empire est à son apogée, contrôlant les Balkans, l'Asie mineure, Chypre, la Crète et la côte dalmate. Il ne sait cependant pas faire face à l'offensive turque : la défaite catastrophique de Mantzikert (1071) entraîne la perte de la quasi-totalité de l'Asie mineure. Dans les années 1090, l'Empire très affaibli appelle les Occidentaux à venir le soutenir.
Un Occident chrétien en pleine expansion
L'Occident chrétien aux XI-XIIe siècles connaît une grande phase d'expansion au niveau politique, économique, démographique. La population européenne double entre 1050 et 1250. Les défrichements, le développement des outils en fer et de la charrue accroissent les productions agricoles. Politiquement, la société occidentale est régie par les liens féodo-vassaliques, liant les seigneurs entre eux dans une relation hiérarchique, et la division sociale en trois ordres : ceux qui prient (clercs), ceux qui combattent (nobles et chevaliers) et ceux qui travaillent (paysans, artisans, marchands). Au niveau religieux, les XIe et XIIe siècles voient une autorité grandissante du pape (à l'origine simple évêque de Rome), un renouveau du monachisme et la multiplication des églises et édifices religieux. Dans la maîtrise du grand commerce, les marchands occidentaux supplantent les Orientaux. Les Italiens établissent leur présence en Orient : à Constantinople, en Syrie, en Egypte. Certaines villes italiennes cultivent des liens particulièrement forts avec Byzance du fait de leur passé impérial au Haut Moyen-Âge : Venise, Amalfi, Bari, Salerne, Gaète. De leur côté, Pisans et Génois entretiennent des relations commerciales avec les Arabes.
Les croisades en Orient
La première croisade
Les Etats latins d'Orient
A la suite de la prise de Jérusalem, quatre entités politiques voient le jour : le royaume de Jérusalem (confié à Godefroi de Bouillon), la principauté d'Antioche (Bohémond de Tarente), le comté d'Edesse (Baudoin) et le comté de Tripoli (famille de Toulouse). Ces Etats latins rentrent en guerre permanente contre leurs voisins musulmans qui n'acceptent pas cette intrusion. Ils vont perdurer pour la plupart un siècle et demi.
Le système qui se met en place est un système féodal importé d'Occident. Dans chaque Etat, le pouvoir est héréditaire et confié à un prince, entouré de ses vassaux auxquels il concède des fiefs. La pyramide féodale est créé ex nihilo, à partir de rien, la rendant plus solide et plus logique qu'en Occident. Les colonies italiennes réussissent à obtenir une grande autonomie (privilèges fiscaux).
L'Orient latin compte deux types de populations différentes : Occidentaux chrétiens de religion catholique (arrivants) et Orientaux musulmans, juifs ou chrétiens soumis à une capitation (impôt par tête). Les relations entre ces deux types de population sont dès le départ très difficiles. Les vainqueurs compensent leur faiblesse numérique par la fortification des villes et l'édification de grands châteaux sur collines, dont le plus connu est le Krak des chevaliers. Des ordres militaires se créent, dont les deux principaux représentants sont les Hospitaliers et les Templiers, chargés de faire régner la sécurité sur les routes de pèlerinage mais aussi de constituer des garnisons dans les forteresses. A vocation militaire et monastique, ils deviennent rapidement indispensables aux princes locaux.
La reconquête musulmane
Dans les décennies qui suivent, les problèmes sociaux et les divergences d'objectif entre Chrétiens fragilisent les Etats latins. Vers 1130, l'initiative passe du côté musulman. Zanqî, gouverneur turc de Mossoul, reprend Edesse en 1144. La chute de la ville suscite une deuxième croisade, cette-fois ci menée par des rois (Louis VII pour la France et Conrad III pour la Germanie) qui se solde par un échec militaire flagrant. La défaite des Francs a un impact psychologique considérable : les Croisés ne sont plus considérés comme invincibles. Nûr al-Dîn, qui succède à Zanqî en 1146, et Saladin entreprennent d'unir les musulmans et de réveiller l'esprit de djihâd. Saladin écrase les Croisés à Hattin le 4 juillet 1187 et reprend Jérusalem en octobre. La reconquête de la Ville sainte par les musulmans suscite une grande émotion en Occident ; une troisième croisade est lancée et rassemble les souverains Richard Coeur de Lion, Philippe Auguste et Frédéric Barberousse. Leurs armées reprennent quelques places fortes mais n'obtiennent pas de succès décisifs. Néanmoins, les Etats latins se retrouvent en position de perdurer, la croisade leur ayant accordé un temps de répit. La quatrième croisade est détournée sur Constantinople et aboutit au pillage de la ville (1204) et à la constitution d'un Empire latin d'Orient. Les croisades qui suivent ne sont au mieux que des demi-succès (sixième croisade : rétrocession de Jérusalem) mais le plus souvent des échecs (Saint Louis trouve la mort sous les murs de Tunis durant la huitième croisade).
Dans la seconde moitié du XIIIe siècle apparaissent deux nouveaux pouvoirs forts en Orient : les Mongols (prise de Bagdad en 1258 et chute du califat abbâside) et les Mamelouks (anciens esclaves turcs des sultans qui prennent le pouvoir en Egypte, conquièrent la Syrie et arrêtent les Mongols en 1260).
En 1291, le dernier bastion latin, Saint-Jean d'Acre, tombe aux mains des musulmans.
La Méditerranée, espace de rencontres et d'échanges
L'ascension des républiques italiennes
Les républiques commerciales italiennes sont les premières bénéficiaires des croisades grâce aux frais de transport des troupes, l'obtention de privilèges commerciaux auprès des Etats latins d'Orient, et l'établissement de nombreux comptoirs. Les voyages maritimes en Terre Sainte ont stimulé les chantiers navaux. Les cités italiennes rivalisent entre elles : des affrontements éclatent périodiquement dans les comptoirs (Constantinople, ports du Levant). Venise se voit privée de ses privilèges commerciaux, obtenus en 1082, auprès de Byzance en 1171 par Manuel Comnène mais prend sa revanche lors du sac de Constantinople de 1204. Gênes est la grande rivale de Venise et aide les Grecs à reconstituer leur Empire (reprise de Constantinople en 1261). A la fin du XIIIe siècle, Gênes supplante Pise en Méditerranée occidentale.
Le commerce en Méditerranée
Malgré des affrontements quasi-permanents, le commerce entre Orient et Occident n'a jamais été interrompu. Ainsi l'on retrouve dans les testaments de nobles catalans de nombreux objets issus de l'artisanat musulman. Les emprunts à l'Orient (fruits, légumes, papier, techniques d'irrigation, astrolabes, cartes nautiques,...) sont légions. Les Italiens, forts de leur domination commerciale en Méditerranée, construisent des navires de plus en plus grands et plus faciles à manoeuvrer. Les monnaies d'or italiennes (le florin en 1252 puis le ducat au XIVe siècle) évincent les anciennes monnaies byzantines et musulmanes.
D'autre part, les croisades obligent les Italiens à perfectionner leurs techniques commerciales et financières (assurances, emprunts, lettres de change,...). Les bénéfices donnent naissance à de grandes compagnies bancaires dotées de nombreuses filiales. Les Italiens importent des matières premières et exportent des produits finis (textile, armes, verre,...) demandés dans toute la Méditerranée. Aux XIII-XIVe siècles, les marchands italiens sont partout : de l'Europe du Nord à l'Extrême-Orient.
Des apports culturels ?
Les échanges culturels entre les trois civilisations sont plus discutables. La quatrième croisade et la colonisation latine de l'Empire laisse des traces indélébiles entre Byzance et Occident (plus que 1054, le vrai schisme date de 1204). Dans les Etats latins, si l'on tente de cohabiter avec les autochtones musulmans, on ne cherche pas à les comprendre. Les croisades n'ont pas entraîné de véritables apports culturels ou échanges intellectuels.
La situation est toute autre en Sicile ou en Espagne. La Sicile, sous la coupe des grandes familles normandes au XIe siècle, constitue un lieu emblématique de rencontre entre les trois cultures du monde méditerranéen. Le roi Roger II, régnant de 1130 à 1154, se fait représenter en empereur byzantin et prend parfois des ministres grecs ou arabes. Il fait venir à lui le grand voyageur al-Idrisi qui réalise le premier atlas connu de l'Occident. A Palerme se rencontrent érudits musulmans, chrétiens et juifs.
L'Espagne est le lieu d'une meilleure connaissance de l'Islam par les Chrétiens. Vers 1140, Pierre de Tolède, à la demande du clunisien Pierre le Vénérable, procède à une traduction du Coran en latin. De grands textes de l'Antiquité sont traduits à Tolède, mais l'importance et l'influence de ces apports sont encore discutées par les historiens.
Le bilan général des croisades est très négatif. L'objectif de libération des lieux saints n'a pas été atteint, et d'un point de vue culturel ou intellectuel, aucune retombée majeure n'eut lieu. Seules les cités italiennes tirent profit de ces expéditions par l'établissement de nombreux comptoirs ou le perfectionnement des techniques bancaires. Le pape voit son pouvoir considérablement renforcé et se pose en véritable chef de la Chrétienté. Mais la plus grave conséquence reste la rupture complète entre l'Occident et l'Empire byzantin : 1054 (schisme) ne devient crucial qu'à partir de 1204 (prise de Constantinople).
Histoire Venise
Fondation
Dès 1300 av. J.-C., les Vénètes, un peuple indo-européen, sont installés dans les îlots de la lagune et vivent tranquillement en petites communautés. Après s’être repliés sur la terre ferme, les Vénètes sont contraints d’y revenir sous la pression des invasions barbares.
Nous sommes au Ve siècle, l’Empire romain, christianisé depuis la conversion de Constantin en 315, commence à battre de l’aile. L’instabilité règne. Du coup, les habitants de la Vénétie trouvent tout naturellement refuge sur ces lagunes. Ils vont s’y installer progressivement. Ils choisissent 2 sites stratégiques : Torcello, au nord, et Malamocco, au sud.
Dans le même temps, les Byzantins, qui avaient réussi à prendre le contrôle de toute l’Italie dès 563, reconnaissent en eux des alliés de confiance. Du coup, la situation se stabilise et les églises fleurissent un peu partout. Un site appelé le Rivo Alto (le Rialto), facilement accessible, est élu comme centre d’échanges. Il préfigurera l’actuelle Venise qui, elle, verra le jour au seuil du IXe siècle alors que les armées de Charlemagne débouleront dans la région.
Nous sommes au Ve siècle, l’Empire romain, christianisé depuis la conversion de Constantin en 315, commence à battre de l’aile. L’instabilité règne. Du coup, les habitants de la Vénétie trouvent tout naturellement refuge sur ces lagunes. Ils vont s’y installer progressivement. Ils choisissent 2 sites stratégiques : Torcello, au nord, et Malamocco, au sud.
Dans le même temps, les Byzantins, qui avaient réussi à prendre le contrôle de toute l’Italie dès 563, reconnaissent en eux des alliés de confiance. Du coup, la situation se stabilise et les églises fleurissent un peu partout. Un site appelé le Rivo Alto (le Rialto), facilement accessible, est élu comme centre d’échanges. Il préfigurera l’actuelle Venise qui, elle, verra le jour au seuil du IXe siècle alors que les armées de Charlemagne débouleront dans la région.
À partir de cet embryon de ville, une cité marchande se développe rapidement, tirant profit de sa situation, entre les empires franc et byzantin, entre Occident et Orient. Habiles diplomates, les Vénitiens, bien qu’inféodés à Byzance, ne tardent pas à affirmer leur autonomie. Enrichis grâce à l’exploitation du sel des salines de Chioggia (au sud de la lagune), ils établissent des comptoirs un peu partout autour de la Méditerranée, mais aussi en Europe occidentale, et s’affirment, à l’instar des Génois et des Pisans, comme les 1ers marchands d’Europe.
Mais l’empire de Byzance commence à s’effriter, les Normands sont en pleine expansion ; peu sûre et difficile à tenir, la terre ferme n’offre aucune perspective de conquête. C’est donc vers la mer que se tournent les Vénitiens. Idéalement placés sur l’Adriatique, ils dopent leur flotte marchande au cours du XIIe siècle en créant l’Arsenal. Ce dernier alimentera la machine de guerre économique pendant plusieurs siècles.
Mais l’empire de Byzance commence à s’effriter, les Normands sont en pleine expansion ; peu sûre et difficile à tenir, la terre ferme n’offre aucune perspective de conquête. C’est donc vers la mer que se tournent les Vénitiens. Idéalement placés sur l’Adriatique, ils dopent leur flotte marchande au cours du XIIe siècle en créant l’Arsenal. Ce dernier alimentera la machine de guerre économique pendant plusieurs siècles.
La quatrième croisade (1201-1204)
Le passage d'une dimension régionale à la dimension mondiale (du moins à l'échelle du monde connu au Moyen Âge) se fait par un véritable hold-up : la 4e croisade. Les Vénitiens feront des affaires en or : moyennant un paiement d’avance, ils vont louer leur flotte aux croisés afin qu’ils puissent se rendre en Terre sainte.
Le seul problème, c’est que les soldats du Christ n’ont pas un sou en poche. Qu’à cela ne tienne ! Sous la gouverne d’Enrico Dandolo, un doge rusé comme un renard, Venise intime l’ordre aux croisés d’aller piller Byzance, rien que ça ! Et non sans s’être fait la main auparavant sur la ville croate de Zara (l’actuelle Zadar). Les croisés en oublieront même la Palestine... La rupture est désormais consommée entre l’Orient et l’Occident chrétien.
La 4e croisade est l'occasion pour les Vénitiens de faire des affaires en or : les croisés étant dans l'obligation de louer leurs bateaux pour se faire transporter jusqu'en Terre sainte, les Vénitiens ont la brillante idée de les faire payer avant le départ. N'ayant pas assez en poche, les croisés se font ainsi forcer la main pour aller piller Zara (l'actuelle Zadar en Croatie), une malheureuse ville qui n'avait rien demandé. Sur leur lancée, les croisés se détournent de leur but initial, l'Égypte et la Palestine, pour mettre le cap sur Constantinople et pillent la ville en avril 1204. Celui qui tire alors les ficelles est le vieux doge Enrico Dandolo qui voit parfaitement le bénéfice que Venise peut retirer de l'opération.
Le seul problème, c’est que les soldats du Christ n’ont pas un sou en poche. Qu’à cela ne tienne ! Sous la gouverne d’Enrico Dandolo, un doge rusé comme un renard, Venise intime l’ordre aux croisés d’aller piller Byzance, rien que ça ! Et non sans s’être fait la main auparavant sur la ville croate de Zara (l’actuelle Zadar). Les croisés en oublieront même la Palestine... La rupture est désormais consommée entre l’Orient et l’Occident chrétien.
La 4e croisade est l'occasion pour les Vénitiens de faire des affaires en or : les croisés étant dans l'obligation de louer leurs bateaux pour se faire transporter jusqu'en Terre sainte, les Vénitiens ont la brillante idée de les faire payer avant le départ. N'ayant pas assez en poche, les croisés se font ainsi forcer la main pour aller piller Zara (l'actuelle Zadar en Croatie), une malheureuse ville qui n'avait rien demandé. Sur leur lancée, les croisés se détournent de leur but initial, l'Égypte et la Palestine, pour mettre le cap sur Constantinople et pillent la ville en avril 1204. Celui qui tire alors les ficelles est le vieux doge Enrico Dandolo qui voit parfaitement le bénéfice que Venise peut retirer de l'opération.
Du coup, avec ses nouvelles possessions (la côte dalmate - actuelle Croatie -, la plupart des îles grecques, dont la Crète qui sera, avec Chypre plus tard, son grenier à blé), Venise s’impose sur le commerce mondial de l’époque. Et cela va durer 3 ou 4 siècles !
Venise, une puissance mondiale au XVe siècle
Devant tant d'enjeux, Venise doit adapter ses institutions. Le système complexe qui régule l’administration de la cité, avec la place prépondérante du Grand Conseil (émanation de l’aristocratie vénitienne), est amélioré au XIIIe siècle. La cause ? L’importance que prend Venise sur le plan international. La Sérénissime est devenue quasiment un empire colonial et donc militaire, même s’il n’y a pas eu de vraies colonies de peuplement.
Politiquement, ce n’est pas une monarchie ni un royaume mais une république aristocratique dotée d’un pouvoir collégial. Le doge est élu par ses pairs (démocratie) et sa place ne s’hérite pas. Il est au service de Venise.
Politiquement, ce n’est pas une monarchie ni un royaume mais une république aristocratique dotée d’un pouvoir collégial. Le doge est élu par ses pairs (démocratie) et sa place ne s’hérite pas. Il est au service de Venise.
Au XVe siècle, la puissance vénitienne est à son apogée. Les Vénitiens ont à la fois un empire maritime unique qui s’étend jusqu’à Chypre (annexée en 1488) et des possessions terrestres qui vont jusqu’à la basse vallée du Pô. La mer Méditerranée est leur mère ! « Cultiver la mer et laisser la terre en friche », cette devise leur a permis de s’enrichir et de gagner le 1er rang parmi les nations ! L’ensemble de ses revenus annuels la place au même rang que le duché de Bourgogne ou encore les royaumes de France et d’Angleterre. Venise est enviée et honnie par ses voisins
Le commerce et la finance sont florissants, les Vénitiens sont les 1ers banquiers du monde et ils attirent un grand nombre de nationalités, ce qui fait de la République un carrefour culturel.
Mais le vent va tourner. L’arrivée, en provenance de Chine, de la boussole et du gouvernail va permettre aux Portugais de révolutionner leur marine à voile. Du coup, sous l’impulsion d’Henri le navigateur, les Portugais entament leur circumnavigation de l’Afrique et finissent par ouvrir de nouveaux comptoirs en Asie. Après la découverte par Vasco de Gama de la route des Indes, plus facile, moins onéreuse, la route terrestre des épices (ouverte au XIIIe siècle, du temps de Marco Polo) échappe désormais au contrôle de Venise. C'est une perte énorme !
Dans le même temps, les Espagnols découvrent le Nouveau Monde (1492), tandis que l’Empire ottoman s’empare de presque la totalité des possessions vénitiennes. Bref, ça va mal...
Mais le vent va tourner. L’arrivée, en provenance de Chine, de la boussole et du gouvernail va permettre aux Portugais de révolutionner leur marine à voile. Du coup, sous l’impulsion d’Henri le navigateur, les Portugais entament leur circumnavigation de l’Afrique et finissent par ouvrir de nouveaux comptoirs en Asie. Après la découverte par Vasco de Gama de la route des Indes, plus facile, moins onéreuse, la route terrestre des épices (ouverte au XIIIe siècle, du temps de Marco Polo) échappe désormais au contrôle de Venise. C'est une perte énorme !
Dans le même temps, les Espagnols découvrent le Nouveau Monde (1492), tandis que l’Empire ottoman s’empare de presque la totalité des possessions vénitiennes. Bref, ça va mal...
Le déclin dans la splendeur (XVIe et XVIIe siècles)
L’expansion ottomane porte un coup sévère à la grandeur de la Sérénissime qui va littéralement s’épuiser à batailler sur tous les fronts. Les marchands doivent se faire guerriers, ce n’est pas vraiment leur métier...
Curieusement, la vie intellectuelle de la cité est de plus en plus brillante, les arts sont à leur sommet et son prestige culturel fascine l’Europe entière. Le XVIe siècle est celui des grands maîtres de la peinture vénitienne : Titien, Tintoret, Véronèse.
Dans le même temps, on redistribue les cartes en Méditerranée. Sous le règne de Charles Quint, l’Europe est dominée par la dynastie des Habsbourg d’Espagne. L’empereur du Saint Empire reprend le contrôle du commerce en consolidant son protectorat dans la Botte italienne. Venise doit s’allier avec la France pour se battre à Marignan en 1515 contre les impériaux. La Sérénissime a des ennemis sur la terre ferme mais aussi sur mer. Elle doit affronter une force redoutable : les Turcs. Depuis la chute de Constantinople en 1452, les Ottomans n’ont cessé d’accroître leur empire. Ils viennent d’achever leur mainmise sur le Moyen-Orient, et étendent leur influence vers les Balkans et l’Europe centrale. La guerre est déclarée entre la chrétienté et le monde musulman. Venise se tourne alors vers le pape pour former une Sainte Ligue et s’allier aux Espagnols dans le but d’enrayer la poussée ottomane.
Curieusement, la vie intellectuelle de la cité est de plus en plus brillante, les arts sont à leur sommet et son prestige culturel fascine l’Europe entière. Le XVIe siècle est celui des grands maîtres de la peinture vénitienne : Titien, Tintoret, Véronèse.
Dans le même temps, on redistribue les cartes en Méditerranée. Sous le règne de Charles Quint, l’Europe est dominée par la dynastie des Habsbourg d’Espagne. L’empereur du Saint Empire reprend le contrôle du commerce en consolidant son protectorat dans la Botte italienne. Venise doit s’allier avec la France pour se battre à Marignan en 1515 contre les impériaux. La Sérénissime a des ennemis sur la terre ferme mais aussi sur mer. Elle doit affronter une force redoutable : les Turcs. Depuis la chute de Constantinople en 1452, les Ottomans n’ont cessé d’accroître leur empire. Ils viennent d’achever leur mainmise sur le Moyen-Orient, et étendent leur influence vers les Balkans et l’Europe centrale. La guerre est déclarée entre la chrétienté et le monde musulman. Venise se tourne alors vers le pape pour former une Sainte Ligue et s’allier aux Espagnols dans le but d’enrayer la poussée ottomane.
Néanmoins, les dangers militaires en Méditerranée, les menaces extérieures n’empêchent pas Venise de briller de sa glorieuse flamme.
La bataille de Lépante en 1571
L’année 1565 sème la mort à Venise où la peste fait des ravages. Un malheur n’arrivant jamais seul, les Turcs prennent Nicosie et Famagouste. Chypre est bientôt perdue.
Le 7 octobre 1571, les Vénitiens et la coalition européenne affrontent les Turcs. C’est la fameuse bataille de Lépante (aujourd’hui Naupacte, au nord-est de Patras, en Grèce). Ce sera la bataille navale la plus sanglante et la plus meurtrière que la Méditerranée n’ait jamais connue. Les Turcs, battus, perdent 116 navires. Mais, après cette défaite, ils en reconstruisent pas moins du double.
Cependant, cette bataille de Lépante ne débouche sur aucune conquête territoriale. Et quand bien même les Ottomans consolident leurs positions, raflant à Venise quelques belles possessions comme la Crète (on l’appelait Candie), ils perdent leur suprématie sur la mer. Désormais, la porte de la Méditerranée est ouverte aux navires de commerce anglais, français et scandinave.
XVIIIe siècle : la capitale galante de l’Europe
Retour de la peste à Venise en 1630-1631 avec 46 490 morts, soit le quart de la population ! Le 22 août 1645, les Turcs prennent La Canée (Crète) et en 1650 tous les Vénitiens de Constantinople (Istanbul) sont expulsés par le sultan. Après des années de combat en Méditerranée pour consolider ses positions, Venise finit par céder la Crète (elle fut vénitienne pendant 450 ans) à l’Empire ottoman victorieux (1668). L’orgueil des Vénitiens est atteint. La richesse de Venise n’est plus qu’une façade car la ville s’endette pour maintenir son train de vie fastueux.
Pourtant, malgré l’adversité, les vicissitudes et les malheurs, Venise insouciante et heureuse reste la capitale européenne des plaisirs. Au XVIIIe siècle, le Carnaval peut durer jusqu’à 6 mois ! Venise ne cesse de rayonner à travers toute l’Europe. La cité n’a jamais été aussi belle, aussi joyeuse, on n’y a jamais connu une telle douceur de vivre. Malgré la présence du tribunal de l’Inquisition, aucune cité au monde ne jouit d’une telle liberté. Résolument tournée vers les plaisirs, la Sérénissime affirme ses tendances pour le libertinage.
Casanova et Goldoni épanouissent leur génie, l’un dans le libertinage, l’autre dans la comédie, au cœur de cette Venise pétillante, galante, voluptueuse et raffinée.
Mais force est de constater qu’en tournant le dos au monde de la sorte, l’aristocratie vénitienne se coupe des réalités qui l’entourent. Le monde change, elle va s’en apercevoir mais trop tard...
Casanova et Goldoni épanouissent leur génie, l’un dans le libertinage, l’autre dans la comédie, au cœur de cette Venise pétillante, galante, voluptueuse et raffinée.
Mais force est de constater qu’en tournant le dos au monde de la sorte, l’aristocratie vénitienne se coupe des réalités qui l’entourent. Le monde change, elle va s’en apercevoir mais trop tard...
Qui a dit que Venise n'était pas en Italie ?
Le dernier doge, 120e de la série, Ludovico Manin, démissionne quand Bonaparte déclare la guerre à Venise. Finie, l'indépendance que les Vénitiens avaient toujours connue. Le traité de Campo-Formio (1797), donne Venise à l'Autriche qui, à l'exception des années 1805-1814 (retour de Napoléon qui puise dans les trésors de la cité) et 1848-1849 (insurrection conduisant à la création éphémère de la 2de république de Venise), met la ville au pas. Celle-ci n'est plus alors que l'ombre de ce qu'elle fut.
Petit à petit, les Vénitiens se tournent vers l'avenir : le train relie bientôt Venise au reste de l'Italie. Grâce à Napoléon III, qui organise une consultation en 1866, les Vénitiens choisissent le rattachement au nouvel État italien.
Nouveau port (la Marittima), nouveau pont routier, travaux visant à rendre la ville plus salubre, tout est fait pour que la Sérénissime retrouve une nouvelle jeunesse. Le tourisme va réveiller la belle endormieComment visiter la capitale de la Vénétie, "Reine de l'Adriatique" ? Voici notre mini guide de voyage !
Nouveau port (la Marittima), nouveau pont routier, travaux visant à rendre la ville plus salubre, tout est fait pour que la Sérénissime retrouve une nouvelle jeunesse. Le tourisme va réveiller la belle endormieComment visiter la capitale de la Vénétie, "Reine de l'Adriatique" ? Voici notre mini guide de voyage !
Samuel
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Comment visiter la capitale de la Vénétie, "Reine de l'Adriatique" ? Voici notre mini guide de voyage !
Comment visiter la capitale de la Vénétie, "Reine de l'Adriatique" ? Voici notre mini guide de voyage !
6 janvier 2020 ∙ 13 minutes de lecture
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Italien
Quels Sont les Différents Quartiers de Venise ?
Chapitres
San Marco, le centre historique
Dorsoduro, la Venise bohème
Les quartiers de San Polo et de Cannaregio
Le Castello, plus vaste quartier de Venise
Santa Croce, le quartier populaire de Venise
Giudecca, un quartier vénitien à part
Les îles environnantes de Venise
Mestre, la banlieue de Venise
La construction de Venise et de ses quartiers
"Venise, c'est un songe posé sur le bord de la mer" Maxence Fermine (né en 1968)
Ville portuaire située sur les rives nord de la mer Adriatique, Venise, surnommée "la Cité des Doges", "la Sérénissime", "la Reine de l'Adriatique", "la Cité des Eaux", "la Cité des Masques", "la Cité des Ponts" ou "la Cité flottante", est une des villes les plus visitées du monde.
Avec plus de 20 millions de touristes venant visiter Venise chaque année, la capitale vénitienne de 261 905 habitants permanents est victime de son attractivité et souffre du tourisme de masse.
Destination incontournable des romantiques, Venise incarne tellement la ville des amoureux que c'en est un cliché.
Car les quartiers de la ville de Venise ont bien d'autres choses à offrir. Voici notre présentation des quartiers de Venise.
San Marco, le centre historique
Que voir dans la partie historique de la cité des Doges ?
Le quartier de San Marco : un musée à ciel ouvert !
San Marco, c'est le centre historique de Venise, le centre névralgique de la fréquentation touristique de la ville.
Il concentre les monuments historiques les plus célèbres de la ville de Venise et est donc le plus foulé.
C'est donc logiquement un quartier très animé tous les jours de l'année, à inclure immanquablement dans son programme de trois jours ou plus.
Voici notamment les incontournables de San Marco :
La Place Saint Marc,
La basilique Saint Marc,
Le pont des Soupirs,
Le Campanile homonyme,
Le Palais des Doges,
Le musée Correr,
La Tour de l'Horloge,
Le théâtre de la Fenice,
Le Grand Canal de Venise.
A noter que l'ensemble de la lagune de Venise, qui englobe le centre-ville et les 121 îlots de l'agglomération vénitienne, est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Commencez par la Place San Marco.
Autrefois centre politique, religieux et économique de la République de Venise, elle est aujourd'hui un lieu historique, architectural et touristique.
Installée au bord du Grand Canal, elle représente le cœur du centre-ville, et se trouve jalonnée de la basilique, du campanile et du palais des Doges.
Elle est bordée d'arcades et de monuments, dont les Procuraties - ancien lieu de résidence des procureurs de Venise -, et est parsemée de cafés et de boutiques de souvenirs.
Le Palais des Doges accueillait autrefois le siège de la République de Venise, pendant sept siècles.
A proximité, ne manquez pas de passer sur le pont des Soupirs, l'un des ponts les plus célèbres de la ville, construit en 1602 pour relier le Palais des Doges à la nouvelle prison de Venise.
Vous aimez l'histoire ?
Durant ce voyage à Venise, visitez le musée Correr.
Il expose des œuvres vénitiennes, des documents, objets et cartes retraçant l'histoire de la vie quotidienne de la ville depuis plusieurs siècles.
Reconnaissable à ses cinq coupoles ornées de mosaïques dorées, la basilique Saint-Marc est un autre joyau incontournable du quartier : construite dans un style à la fois byzantin et occidental en 828, elle est la principale église de Venise.
Poursuivez votre visite de Venise par le Campanile, une tour de 98,6 mètres de haut édifiée entre 1511 et 1514, effondré en 1902 et reconstruit entre 1903 et 1912.
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Dorsoduro, la Venise bohème
Que voir dans la partie méridionale de la cité des Masques ?
Dorsoduro : ici, vit l'âme artistique de l'agglomération vénitienne !
Si vous avez plutôt une âme de bohème, mettez le cap au sud, en accostant sur Dorsoduro, le quartier artistique et bohème de la ville.
Bordé par le Grand Canal au sud du centre-ville, il abrite de nombreuses galeries d'art, des palais et des musées.
Une large quantité de bars et des restaurants se trouvent concentrés autour du Campo San Barnaba et du Campo Santa Margherita.
Visitez-y la Gallerie Dell'academia.
Elle abrite une collection de peintures signées par les plus grands peintres vénitiens : notamment Véronèse, Titien et Tintoret.
Dorsoduro abrite également la Collection Peggy Guggenheim.
Si vous aimez l'art contemporain, cette galerie expose les œuvres de Picasso, de Braque, Duchamp, Mondrian et Chagall.
L'ambiance du quartier est beaucoup plus calme qu'à San Marco. Même si l'animation est très perceptible, c'est une petite vie de quartier bohème que vous y trouverez.
A l'entrée du Grand Canal, se trouve la Basilica di Santa Maria della Salute, un des édifices religieux de Venise que l'on ne peut manquer.
Il s'agit de deux chapelles hérissées de coupoles, abritant les fameuses "noce de Cana" de Le Tintoret.
Enfin, outre les musées principaux de Venise, c'est également le quartier où faire la fête.
Où ça ?
Rendez-vous sur le Campo Santa Margherita.
C'est une place très animée où l'on peut sortir dans de nombreux bars et des restaurants où goûter aux spécialités culinaires vénitiennes.
Le district de Dosoduro englobe aussi l'île de la Giudecca, à voir également.
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Les quartiers de San Polo et de Cannaregio
Après avoir foulé le pont du Rialto en quittant San Marco, vous débouchez sur le quartier de San Polo.
Faut-il visiter tous les quartiers ? Voici les incontournables !
Autre immanquable de la Cité des Eaux : le Cannaregio !
San Polo
C'est l'un des plus anciens quartiers de la ville.
D'ailleurs, le pont du Rialto est l'un des plus vieux ponts de Venise : il aurait été construit une première fois au 14ème siècle !
Il est assis sur plus de 6 000 pilotis, est muni de trois rampes d'escaliers et d'une double rangée de boutiques.
Pour goûter aux produits locaux, faites un tour au marché du Rialto.
On s'y immergera dans la vie locale vénitienne qui, depuis plus de 700 ans, se rencontre et échange les meilleurs produits de saison.
Côté monuments culturels dans le quartier de San Polo, on trouve :
La Scuola Grande di San Rocco,
L'église I Frari,
Le musée d'histoire naturelle de Venise.
Juste de l'autre côté de ce dernier musée, se trouve un autre quartier incontournable de Venise.
Retrouvez tous nos cours d'italien.
Le Cannaregio
Le Cannaregio, jouxtant Santa Croce et San Polo, est connu pour abriter le ghetto et plusieurs synagogues, rappelant la funeste déportation des Juifs de Venise.
Ancien quartier juif, il est pourtant le moins bien connu et le moins fréquenté du centre-ville.
On peut flâner et errer dans les ruelles du quartier, sans subir l'effervescence et l'agitation des quartiers voisins.
Les deux synagogues - Scuola Spagnola et Scuola Levantina - sont un mélange d'art vénitien et d'art hébreu.
Dans le Cannaregio, on peut y faire la visite du palais Ca' d'Oro. C'est l'un des palais les plus connues de la ville, notamment grâce à la finesse de ses décorations extérieures en façade.
Le palais, construit entre 1421 et 1434, représente la transition entre le Gothique féodal et la Renaissance italienne.
Le tourisme à Venise se concentrant majoritairement à San Marco et dans les innombrables îles de la lagune, le Cannaregio est un endroit idéal pour visiter Venise de façon insolite, authentique et paisible.
Dégustez-y un spritz, des cicchetti ou de la charcuterie locale dans un des nombreux bacari (bar à vins) du quartier !
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Le Castello, plus vaste quartier de Venise
Le Castello, situé au sud-est de Venise, est le plus vaste des quartiers (sestiere) de la ville.
Il comprend l'Arsenal - emblème de la domination navale de Venise entre les 7ème et 18ème siècles -, le Campo Zanipolo, l'église Chiesa di San Francesco della Vigna, les jardins Napoléoniens et les rives du Grand Canal, avec la Riva dei Partigiani.
L'un des immanquables du quartier est la basilique Santi Giovanni e Paolo (ou Zanipolo, la basilique des Saints Jean et Paul).
On la compare au Panthéon pour son nombre important de doges - des haut-magistrats des républiques de Venise et de Gènes - et de personnalités influentes qui y furent inhumées à partir du 13ème siècle.
C'est la plus grande église de la ville.
Pour découvrir l'histoire militaire et navale de la ville, il faut aller au Museo Storico Navale (Musée de l'histoire navale), car l'Arsenale n'est pas ouvert au public pour la visite.
Vous ne savez plus que faire durant votre séjour à Venise ?
Allez flâner aux Jardins Napoléoniens !
Petit poumon vert en face de l'île du Lido, ce parc abrite des allées boisées où se ressourcer et la Biennale de Venise (un festival d'art contemporain, de danse, de musique, de cinéma et d'architecture).
Une vue imprenable sur la rive sud et la basilique San Giorgio Maggiore attend ses badauds.
Santa Croce, le quartier populaire de Venise
Dans quel quartier séjourner à Venise ?
Venise est perçue comme la ville des amoureux, mais elle comporte bon nombre de quartiers qui en font une ville encore plus riche que ça !
Parce que oui, Venise, comme toutes les villes, comporte aussi ses quartiers plus populaires. En l'occurrence, ce quartier, c'est bel et bien Santa Croce, qui est un coin un peu moins touristique de la ville, mais aussi la seule partie de Venise où le trafic routier est autorisé.
De plus, Santa Croce est un quartier qui comporte un élément notable, qui s'avère également être un avantage on ne peut plus pratique lorsqu'on visite la ville : la gare routière. Et oui, c'est notamment d'ici que la liaison entre Venise et l'aéroport se fait en bus, alors notez le bien ! Son petit nom ? La gare Santa Lucia.
À Santa Croce, il y a donc moins d'activités si on compare au centre historique. Toutefois, il n'en reste pas moins que le quartier grouille de pépites en tous genres, à voir, à faire, à manger, ainsi que d'une vie de quartier riche et très plaisante à observer.
Son nom provient de l'église et du monastère de San Croce. Aujourd'hui, ces édifices ont été détruits, mais ils font un pied de nez à la croix sur laquelle Jésus fut crucifié.
Situé à l'extrémité ouest de Venise (dans le Luprio), à l'origine, ce quartier se composait de marais salants. Il est relié à la terre ferme par un pont, le pont de la Liberté ! Les rues sont en réalité le Venise auquel on peut s'attendre, à savoir des petits canaux, arpentés par les fameuses gondoles.
Mais concrètement, que trouve-t-il dans le quartier de Santa Croce ? Voici quelques exemples :
Le palais Ca' Pesaro, dont la façade en marbre vaut le coup d'oeil, de même que le musée d'art moderne qu'il abrite. Au programme : Klimat, Matisse, Chagall, que du beau monde. Le musée d'art oriental est également ici,
Le musée d'histoire naturelle de Venise, qui porte bien son nom, et qui se loge dans l'entrepôt des Turcs, qui lui même servait autrefois d'entrepôt pour les commerçants ottomans,
L'église San Stae, l'abréviation de Saint Eustache, dont la façade de style baroque est à ne pas manquer, au même titre que l'intérieur, rempli d'oeuvres d'art vénitiennes,
Et bien d'autres encore !
En bref, Santa Croce est un très bon quartier de Venise, moins plébiscité par le tourisme, qui s'avère aussi être un bon endroit pour dormir à un bon prix, à quelques minutes du centre, mais préservé de l'agitation et de la foule.
Un dernier bon plan pour la route ? Les glaces bio de chez Alaska (Calle Larga dei Bari 1159), on ne vous dit que ça !
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Giudecca, un quartier vénitien à part
Quel est le meilleur quartier de Venise ?
Que l'on soit en week-end ou en voyage plus long à Venise, ses quartiers sont une mine d'or à découvrir sans plus attendre !
En réalité, Giudecca peut être considéré comme un quartier à part entière, mais on l'assimile souvent au quartier de Dorsoduro qui lui fait face. C'est en tout cas le cas de manière administrative.
Cette petite île du sud de Venise se compose en réalité de huit îles différentes. Au bout, se situe l'île de San Giorgio Maggiore, dont la basilique vaut le détour. Le nom de "Giudecca" était auparavant "Spina Lunga", inspiré par la forme courbe et un peu allongé que prend l'île.
On accède au quartier de Giudecca en vaporetto (ligne 2, 4.1, 4.2, et 8). Qu'on se le dise, lorsqu'on y est, la vue sur le reste de Venise est à couper le souffle. De plus, on apprécie particulièrement cette île pour la multiplicité des choses à faire, à voir, mais aussi pour son ambiance chaleureuse et un peu plus décontractée.
En quelques années, l'intégralité de l'île a été modernisée, accueillant désormais des hôtels plus luxueux, notamment l'hôtel Hilton, qui était à l'époque le moulin Stucky, ou encore des ateliers d'artistes, qui ont remplacés des anciens chantiers navals.
Mais ne vous y méprenez pas, si on vient à Giudecca, c'est aussi parce qu'on peut y dormir pour moins cher que dans le centre de Venise. Le calme constitue un avantage non négligeable, pour ce quartier qui a su se réinventer après le déclin de l'industrie des chantiers navals.
Petit supplément d'âme, le long quai situé au nord, qui donne accès à une superbe promenade, pour les adeptes du calme vénitien. Et la vue vaut le coup d'oeil !
Parmi les choses à voir sur l'île, on pourrait citer l'église Zitelle, l'église du Redentore (du rédempteur), construite afin de célébrer la fin de l'épidémie de peste, ou encore la Casa dei Tre Oci. Cette dernière est donc la traduction littérale de "la maison à trois yeux", et abrite un centre d'art et de photographie.
Bref, à 10 minutes en vaporetto du centre de Venise, il n'y a pas de quoi s'ennuyer à Giudecca, et encore moins de quoi bouder son plaisir !
Les îles environnantes de Venise
Vous venez pendant le Carnaval de Venise ?
Si les quartiers du centre sont bondés, offrez-vous une échappée ressourçante en embarquant à bord d'un vaporetto - bateau taxi de Venise - pour sillonner les canaux, dépassant les gondoles, et accoster sur une des îles de la lagune (Lido, Burano, etc.).
Quels îlots privilégier en prenant un vaporetto ?
Les îles de Venise : Lido, Burano, Murano : on est au calme, sans être trop loin de San Marco !
Ne manquez pas d'aller voir l'île de Burano.
A voir, m'église San Martino, le musée de la Dentelle, le marché aux poissons et les façades bariolées des bâtiments.
C'est l'une des îles les plus visitées donc mieux vaut l'arpenter en matinée ou dans la soirée.
On peut également prendre un billet pour une excursion combinée sur Murano, Burano et Torcello.
A Murano, vous apprendrez l'histoire des souffleurs de verre qui alimentaient toute l'Europe en verre, du Moyen-Âge à l'époque contemporaine.
Incluez aussi une visite de l'île de Torcello dans vos vacances à Venise : les Romains la choisirent comme lieu de villégiature pour la haute noblesse. L'île fut la première à être habitée par les Vénètes, fuyant la terre ferme après les invasions Huns et la chute de l'Empire Romain d'Occident.
Mestre, la banlieue de Venise
Combien y a t il de quartiers à Venise ?
Car Venise, ça n'est pas que les ponts et les canaux, certains quartiers moins connus valent le détour, ne serait-ce que pour s'y loger !
Car étudier une ville et ses quartiers, c'est aussi savoir aller au-delà, Mestre peut être considérée comme une extension de Venise, à plusieurs égards. Faisant face à a lagune, cette petite ville se situe sur la terre ferme, dans le nord est, à quinze minutes seulement de Venise. Pour se loger à petit prix, c'est l'alternative idéale !
On peut considérer Mestre comme étant la continuité de Venise, au croisement des autoroutes (pour Milan, Bologne, ou encore Trieste). Un passage obligé donc, qui s'avère être plus charmant qu'il n'en a l'air. Si la circulation y est autorisée, le centre est en revanche préservé par les voitures, nous donnant la possibilité de se balader en toute détente.
On pense l'origine de Mestre à 994 sous le règne de l'Empereur Otton III. L'évolution citadine date, quant à elle, des années 1960, ce qui lui a donné le statut de première ville de Vénétie, et onzième d'Italie.
Mais que faire à Mestre ? La ville ne manque pas d'activités, pour voir Venise sous un nouveau jour. Et parmi ces activités, on retrouve :
La place centrale, la Piazza Ferretto, dont la tour Terre dell'Orologio offre une belle vue sur la ville,
Le parc San Giulliano, où se jouent régulièrement des concerts,
Les promenades en bateau, véritable attraction phare de la ville,
La Bissaula, une grande étendue de verdure, où bon nombre de jeux sont construits, notamment pour les enfants,
L'église de St. Lorenz, construite au 17ème siècle, et située dans le quartier historique de la ville,
Le théâtre historique Toniolo, à la décoration restée "dans son jus",
Et bien d'autres encore !
On l'aura compris, Mestre est donc une ville, mais aussi et surtout un quartier supplémentaire à Venise. Le gros atout ? Il st possible d'y loger pour 30% moins cher, ce qui est non négligeable lorsqu'on visite la région. L'inconvénient ? L'aspect moins touristique, qui rend la vie parfois mal éclairée, ce qui n'est pas toujours un détail !
Bienvenue à Venise !
La construction de Venise et de ses quartiers
Quel quartier est le plus beau à Venise ?
La Venise que nous connaissons aujourd'hui avec ses quartiers n'est pas celle qui existait auparavant !
Totalement entourée d'eau, Venise est une ville à part dans le monde. Cette exclusivité et ce caractère unique l'ont donc naturellement rendue très touristique, mais aussi très agréable. Par sa beauté sans pareil, elle a été catégorisée comme étant la ville des amoureux, entre ses fameuses gondoles et ses 400 ponts.
Positionnée entre l'Orient et l'Occident, Venise a profité de cette position unique à l'époque des grand palais vénitiens. Entre le 9ème et le 12ème siècle, Venise était une vraie puissance navale, qui comptait dans le monde.
Entre le 2ème et le 9ème siècle, certains endroits comme la plaine du Pô, ont été attaqués par les barbares, puis par les Francs. Venise s'est alors imposée comme le refuge idéale, de par sa lagune, cependant déjà occupée par les pêcheurs ou les producteurs de sel.
À l'époque, l'île la plus sûre était l'île de Rivo Alto, que l'on connaît aujourd'hui comme "Rialto", le pont le plus célèbre de la ville.
Un autre événement marquant dans l'histoire de Venise, c'est bel et bien l'enlèvement du corps de Saint Marc, qui donna naissance tout simplement... à la ville que l'on connaît aujourd'hui ! Ramené en 828 d'Alexandrie, ce corps entraîna la construction de la basilique San Marco, ainsi que le développement de la ville.
Si Venise semble flotter sur l'eau, si elle fut pendant près de quatre siècle le plus grand port du Moyen Âge, Venise est construite sur une centaine d'îlots boueux, reliés par des canaux, et dont les fondations sont mise en place grâce à des pilotis.
Sur 4 mètres de long et 20 centimètres de diamètre, ces pilotis ne sont pas toujours très bien construits, ce qui rend certains bâtiments un peu tordus, voire peu sûrs. Fort heureusement, la boue qui les entoure les protègent un minimum. Alors, ces quartiers de Venise, ça donne envie n'est-ce pas ?
Vous aimez les plages de l'Adriatique ?
Terminez par des jours de farniente sur Lido, la station balnéaire réputée de Venise !
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Christian Bec retrace ici toute l’histoire de Venise. En voici une synthèse s’attardant sur quelques centres d’intérêt.
Née à l’époque romaine, VENISE émerge au sein d’une lagune, vaste étendue d’eau calme, peu profonde mais soumise aux aléas des marées. Elle a pour voisines plusieurs îles (Murano, Burano, Torcello,…) et un archipel (Rialto) d’une soixantaine d’îlots, à peine émergés, groupés autour du méandre d’un fleuve qui deviendra le Grand Canal. Peu accessible, si ce n’est en barque, elle bénéficie d’une relative sécurité.
Après des incendies, la reconstruction de la cité recourt souvent à la brique et à la pierre d’Istrie. De tout temps, le centre de la ville demeure le quartier Saint-Marc.
Architecture et urbanisme
La Basilique, reconstruite en 1063, mais sans être encore revêtue de marbre à l’extérieur, recueille les reliques de saint Marc, qui devient le patron de ce qui va être la Civitas Veneciarum, apportées vers le milieu du IXe siècle. C’est un bel exemple d’architecture byzantine (prise de Constantinople en 1204) : Venise proclame pendant des siècles sa double appartenance à l’Orient et à l’Occident, par le biais de son commerce maritime entre autres. Edifiée selon un plan en croix gecque à cinq coupoles et supportée par de grands piliers reliés par des arcs, elle est décorée demosaïques. Les gables gothiques qui ornent sa façade sont du XVe siècle.
Au XIVe siècle, le rapprochement avec l’occident permet à l’art gothique de pénétrer dans Venise : cela donnera entre autres le palais des Dosges, reflet de l’art gothique vénitien, qui, au contact de l’art byzantin devient le gothique fleuri, exubérance hyperbolique de motifs, de courbes et de lignes.
Demeure du chef de l’Etat et siège des principales magistratures, le palais voit le jour à partir de 1340, plus modeste à l’origine, puis agrandi en 1422. A l’époque, les institutions originales qui gouvernent la cité paraissent idéales aux yeux de l’opinion locale et étrangère. Séparant l’Eglise de l’Etat, elles mêlent le pouvoir d’un seul (le doge), au comportement princier, à celui d’une élite (le Sénat) et de tous (le Grand Conseil, en fait un cercle très restreint de l’aristocratie marchande d’ancienne origine). Durant 500 ans cette Constitution va être conservée, autre raison d’admiration.
La Ca’d’oro, construite entre 1424 et 1434, constitue un bel exemple de palais privé du XVe siècle, mélange d’art roman et d’art gothique.
Elu doge en 1523, Andrea Gritti voudra faire de Venise une nouvelle Rome, en particulier le complexe politique et religieux de Saint-Marc. Aux différentes influences existantes s’ajoute alors un classicisme nouveau, comme celui de la piazza Saint-Marc. Fleurissent alors de somptueux palais et maisons (case) (rez-de-chaussée réservé au commerce et habitation à l’étage).
Histoire culturelle (quelques notes)
Pétrarque y séjourna durant 5 ans à partir de 1362.
La comédie y est introduite au début du XVIe siècle à Venise par les Compagnie della Calza
Constituent des points forts de la production littéraire vénitienne au XVIIe siècle : le roman, fruit d’une bonne dizaine d’auteurs, vénitiens ou non, publiés à Venise, et le théâtre, avec 17 théâtres publics. En 60 ans près de 400 pièces sont représentées : commedie dell’arte, tragédies et mélodrames.
Monteverdi y acquiert une renommée internationale, tout comme Venise fut l’une des capitales de la musique européenne avec Vivaldi, Albinoni, Benedetto Marcello, Galuppi et d’autres.
De nombreux écrivains, comme Casanova, homme aux moeurs libres, Goldoni, qui dépeint la vie du peuple, y séjournèrent. Plus tard ce seront Gautier et Chateaubriand qui descendront à l’Hôtel d’Europe, Sand, Musset, Louise Colet à l’Hôtel Daniel.
Dans tous les domaines artistiques – architecture, musique, peinture, littérature, théâtre -, Venise reste incontournable.
Histoire économique
Venise connaît un fort développement économique grâce à son commerce maritime, vers lequel se tournent très vite les habitants, au vu de l’insuffisance de leurs ressources. A partir de l’an mil et durant des siècles, marins, marchands et armateurs créent un vaste empire en Méditerranée. Mais, dès la découverte de l’Amérique, les trafics maritimes se déplacent lentement de la Méditerranée vers l’Atlantique. Peu à peu Venise décline économiquement, les banques font faillite, et politiquement, perdant ses territoires à l’Orient.
L’économie se tourne alors vers l’industrie lainière et l’imprimerie. Au XVIe siècle la cité compte une cinquantaine d’éditeurs-imprimeurs. Chacun d’entre eux publie une vingtaine d’éditions et une dizaine en met plus de quarante sur le marché : soit trois fois plus que Florence, Milan et Rome réunies. Au XVIe siècle, Venise devient donc l’un des plus grands centres éditoriaux d’Europe.
En 1630-1631 la peste fauche plus de 46 000 Vénitiens…
Au 18e siècle Venise attire un tourisme culturel considérable. Avec ses cafés (dont le célèbre Florian), ses concerts, ses théâtres, ses maisons de jeu et de rendez-vous, ses fêtes (songez au carnaval), elle est la capitale européenne du plaisir.
Elle sera alors la Sérénissime, grand carrefour d’influences et de commerce européen.
Mais, en 1797, à raison de sa faiblesse et de l’incapacité de ses dirigeants, Venise tombe sous la coupe de Bonaparte, qui la cède 6 mois après à l’empire d’Autriche, pour la reprendre, etc. Elle passe ainsi de main en main étrangère jusqu’en 1866 (à part l’éphémère IIe République de 1848). Son tourisme, son industrie et son commerce s’écroulent, sa noblesse ruinée fuit, et sa vie culturelle décline.
Rejoignant enfin l’Italie en 1866, Venise passe d’abord par une phase de dépression et, devenue provinciale, semblera incapable de retrouver son rang. En revanche, elle retrouve son rayonnement culturel, notamment avec ses Biennales à partir des années 30 dans les domaines de la musique, du cinéma et du théâtre.
A l’heure actuelle, Venise ploie sous les menaces de la submersion, de la destruction du patrimoine, de la pollution et d’une forte chute démographique (taux de natalité, migration de la population), et s’interroge sur son avenir : réside-t-il seulement dans la difficile conservation de son site et de ses chefs-d’œuvre ou bien dans une adaptation obligée aux exigences de la modernité ? Est-elle vouée à rester une cité-musée, avec la plus forte concentration de musées d’Italie, dont la fondation Peggy Guggenheim, ou va-t-elle s’ouvrir à la modernité, bien qu’aient été abandonnés des projets tels que ceux de Franck Loyd Whright, Le Corbusier ou Kahn ?
Telle est évidemment la question que l’on se pose, noyé dans la foule admirant cette ville-musée, mais presque stéréotypée, dont ne se réjouissent que les commerçants exclusivement tournés vers le tourisme de masse, et les gondoliers, et n’y voyant quasiment plus les signes d’une vie quotidienne moderne possible.
Un petit Que sais-je comme toujours bienvenu pour appréhender l’histoire de cette ville extraordinaire, plus rêvée et fantasmée qu’ancrée dans la réalité.
BEC, Christian. – Histoire de Venise. – Paris : PUF, 2005. – 125 p.. – (Que sais-je). – 978-2130528364 : 9 euros.
Vue du bassin San Marco : gravure représentant l'arrivée des navires
Un chantier naval vénitien
c. Une conjuration contre le doge en 1310
Seigneurs de la nuit : police chargée de la sécurité de Venise
Source : Philippe Braunstein, Venise, L'Histoire n° 208, 1997
Pour réduire les risques du grand commerce maritime, les marchands vénitiens forment des « sociétés de mer » ou colleganza. Ces associations unissent un marchand à un homme qui se contente de participer au financement en prenant des parts sur un bateau.
Christian Bec retrace ici toute l’histoire de Venise. En voici une synthèse s’attardant sur quelques centres d’intérêt.
Née à l’époque romaine, VENISE émerge au sein d’une lagune, vaste étendue d’eau calme, peu profonde mais soumise aux aléas des marées. Elle a pour voisines plusieurs îles (Murano, Burano, Torcello,…) et un archipel (Rialto) d’une soixantaine d’îlots, à peine émergés, groupés autour du méandre d’un fleuve qui deviendra le Grand Canal. Peu accessible, si ce n’est en barque, elle bénéficie d’une relative sécurité.
Après des incendies, la reconstruction de la cité recourt souvent à la brique et à la pierre d’Istrie. De tout temps, le centre de la ville demeure le quartier Saint-Marc.
Architecture et urbanisme
La Basilique, reconstruite en 1063, mais sans être encore revêtue de marbre à l’extérieur, recueille les reliques de saint Marc, qui devient le patron de ce qui va être la Civitas Veneciarum, apportées vers le milieu du IXe siècle. C’est un bel exemple d’architecture byzantine (prise de Constantinople en 1204) : Venise proclame pendant des siècles sa double appartenance à l’Orient et à l’Occident, par le biais de son commerce maritime entre autres. Edifiée selon un plan en croix gecque à cinq coupoles et supportée par de grands piliers reliés par des arcs, elle est décorée demosaïques. Les gables gothiques qui ornent sa façade sont du XVe siècle.
Au XIVe siècle, le rapprochement avec l’occident permet à l’art gothique de pénétrer dans Venise : cela donnera entre autres le palais des Dosges, reflet de l’art gothique vénitien, qui, au contact de l’art byzantin devient le gothique fleuri, exubérance hyperbolique de motifs, de courbes et de lignes.
Demeure du chef de l’Etat et siège des principales magistratures, le palais voit le jour à partir de 1340, plus modeste à l’origine, puis agrandi en 1422. A l’époque, les institutions originales qui gouvernent la cité paraissent idéales aux yeux de l’opinion locale et étrangère. Séparant l’Eglise de l’Etat, elles mêlent le pouvoir d’un seul (le doge), au comportement princier, à celui d’une élite (le Sénat) et de tous (le Grand Conseil, en fait un cercle très restreint de l’aristocratie marchande d’ancienne origine). Durant 500 ans cette Constitution va être conservée, autre raison d’admiration.
La Ca’d’oro, construite entre 1424 et 1434, constitue un bel exemple de palais privé du XVe siècle, mélange d’art roman et d’art gothique.
Elu doge en 1523, Andrea Gritti voudra faire de Venise une nouvelle Rome, en particulier le complexe politique et religieux de Saint-Marc. Aux différentes influences existantes s’ajoute alors un classicisme nouveau, comme celui de la piazza Saint-Marc. Fleurissent alors de somptueux palais et maisons (case) (rez-de-chaussée réservé au commerce et habitation à l’étage).
Histoire culturelle (quelques notes)
Pétrarque y séjourna durant 5 ans à partir de 1362.
La comédie y est introduite au début du XVIe siècle à Venise par les Compagnie della Calza
Constituent des points forts de la production littéraire vénitienne au XVIIe siècle : le roman, fruit d’une bonne dizaine d’auteurs, vénitiens ou non, publiés à Venise, et le théâtre, avec 17 théâtres publics. En 60 ans près de 400 pièces sont représentées : commedie dell’arte, tragédies et mélodrames.
Monteverdi y acquiert une renommée internationale, tout comme Venise fut l’une des capitales de la musique européenne avec Vivaldi, Albinoni, Benedetto Marcello, Galuppi et d’autres.
De nombreux écrivains, comme Casanova, homme aux moeurs libres, Goldoni, qui dépeint la vie du peuple, y séjournèrent. Plus tard ce seront Gautier et Chateaubriand qui descendront à l’Hôtel d’Europe, Sand, Musset, Louise Colet à l’Hôtel Daniel.
Dans tous les domaines artistiques – architecture, musique, peinture, littérature, théâtre -, Venise reste incontournable.
Histoire économique
Venise connaît un fort développement économique grâce à son commerce maritime, vers lequel se tournent très vite les habitants, au vu de l’insuffisance de leurs ressources. A partir de l’an mil et durant des siècles, marins, marchands et armateurs créent un vaste empire en Méditerranée. Mais, dès la découverte de l’Amérique, les trafics maritimes se déplacent lentement de la Méditerranée vers l’Atlantique. Peu à peu Venise décline économiquement, les banques font faillite, et politiquement, perdant ses territoires à l’Orient.
L’économie se tourne alors vers l’industrie lainière et l’imprimerie. Au XVIe siècle la cité compte une cinquantaine d’éditeurs-imprimeurs. Chacun d’entre eux publie une vingtaine d’éditions et une dizaine en met plus de quarante sur le marché : soit trois fois plus que Florence, Milan et Rome réunies. Au XVIe siècle, Venise devient donc l’un des plus grands centres éditoriaux d’Europe.
En 1630-1631 la peste fauche plus de 46 000 Vénitiens…
Au 18e siècle Venise attire un tourisme culturel considérable. Avec ses cafés (dont le célèbre Florian), ses concerts, ses théâtres, ses maisons de jeu et de rendez-vous, ses fêtes (songez au carnaval), elle est la capitale européenne du plaisir.
Elle sera alors la Sérénissime, grand carrefour d’influences et de commerce européen.
Mais, en 1797, à raison de sa faiblesse et de l’incapacité de ses dirigeants, Venise tombe sous la coupe de Bonaparte, qui la cède 6 mois après à l’empire d’Autriche, pour la reprendre, etc. Elle passe ainsi de main en main étrangère jusqu’en 1866 (à part l’éphémère IIe République de 1848). Son tourisme, son industrie et son commerce s’écroulent, sa noblesse ruinée fuit, et sa vie culturelle décline.
Rejoignant enfin l’Italie en 1866, Venise passe d’abord par une phase de dépression et, devenue provinciale, semblera incapable de retrouver son rang. En revanche, elle retrouve son rayonnement culturel, notamment avec ses Biennales à partir des années 30 dans les domaines de la musique, du cinéma et du théâtre.
A l’heure actuelle, Venise ploie sous les menaces de la submersion, de la destruction du patrimoine, de la pollution et d’une forte chute démographique (taux de natalité, migration de la population), et s’interroge sur son avenir : réside-t-il seulement dans la difficile conservation de son site et de ses chefs-d’œuvre ou bien dans une adaptation obligée aux exigences de la modernité ? Est-elle vouée à rester une cité-musée, avec la plus forte concentration de musées d’Italie, dont la fondation Peggy Guggenheim, ou va-t-elle s’ouvrir à la modernité, bien qu’aient été abandonnés des projets tels que ceux de Franck Loyd Whright, Le Corbusier ou Kahn ?
Telle est évidemment la question que l’on se pose, noyé dans la foule admirant cette ville-musée, mais presque stéréotypée, dont ne se réjouissent que les commerçants exclusivement tournés vers le tourisme de masse, et les gondoliers, et n’y voyant quasiment plus les signes d’une vie quotidienne moderne possible.
Un petit Que sais-je comme toujours bienvenu pour appréhender l’histoire de cette ville extraordinaire, plus rêvée et fantasmée qu’ancrée dans la réalité.
BEC, Christian. – Histoire de Venise. – Paris : PUF, 2005. – 125 p.. – (Que sais-je). – 978-2130528364 : 9 euros.
SOCIÉTÉS ET CULTURES URBAINES AU MOYEN AGE L'EXEMPLE DE VENISE
1. VENISE, UNE RÉPUBLIQUE INDÉPENDANTE AUX INSTITUTIONS ORIGINALES
Venise d'après le Livre des Merveilles (Marco Polo)Vue du bassin San Marco : gravure représentant l'arrivée des navires
Un chantier naval vénitien
a. Plan de Venise vers 1300 (fin du XIII' siècle)
Née dans un milieu hostile, entre terre et eau, la ville, abritée par le Lido, la ville a pu s’étendre en asséchant une partie de la lagune. Elle est divisée en six quartiers et compte alors environ 100 000 habitants.
Venise est une République avec des institutions précises permettant à divers conseils d’éviter que le Doge ne développe un pouvoir personnel fort.c. Une conjuration contre le doge en 1310
Choquées par la mise en place d’un régime aristocratique qui refuse toute participation des citoyens, quelques familles prennent l’initiative d’une conjuration, que le doge parvient à déjouer.
« Marco Querini rassembla ses fidèles devant qui il fit un sombre tableau de la situation avant de conclure : toute réforme est inutile si on ne supprime pas d’abord le doge Gradenigo, le vrai coupable, auteur de toutes les nouveautés apportées au Grand Conseil […] : « Comment rester insensible au fait que [le doge] avait avec la Serrata du conseil, exclu tant d’excellents et vertueux citoyens ? […] »
[…] On convint que, le dimanche 14 juin à l’aube, les conjurés rassemblés durant la nuit au palais Querini feraient mouvement de Rialto vers la place San Marco […]. Le doge, informé par Marco Donà avait accru le nombre de gardes du palais, envoyé de pressants ordres aux podestats de Chioggia, Torcello et Murano pour qu’ils accourussent avec des gens armés, rassemblé ses conseillers, les seigneurs de la nuit, les chefs des Quarante, les avocats de la commune et tout ce qu’il put de son parti ; il fit aussi que chacun arma ses serviteurs, ordonna aux travailleurs de l’arsenal de se tenir prêts. […]. Les rebelles, surpris, firent demi-tour mais beaucoup périrent. »
Source : Chroniques vénitiennes, Bibliothèque Marciana, Venise
Serrata : réforme de 1297 qui limite l’accès au Grand Conseil
Podestat : magistrat chargé d’administrer les cités dépendantes de VeniseSeigneurs de la nuit : police chargée de la sécurité de Venise
2. VENISE, CITE PIVOT DU GRAND COMMERCE MARITIME
A. Le commerce vénitien à la fin du XIIe siècle :
a. Carte du grand commerce de Venise au Moyen Age
b. Le commerce vénitien à la fin du XIIe siècle :
[…] Venise joue le rôle d’intermédiaire entre l’Orient et l’Occident. En Orient, les Vénitiens achètent les produits des pays de Nord, les fourrures, les produits de la steppe russe, céréales et esclaves ; les produits de l’Asie centrale et tropicale (Perse, Inde, Chine), épices, bijoux, pierres précieuses, soies et étoffes de luxe ; les produits du monde byzantin et de l’Asie antérieure (Asie Mineure) : fruits, alun, soieries, tous objets de luxe. Tous ces produits sont revendus en Italie et dans tout l’Occident, où les Vénitiens achètent les draps de laine et les toiles de Flandre et de France, les métaux d’Angleterre et d’Europe centrale, les bois de Dalmatie, les esclaves du monde slave, qu’ils revendent en Orient, à l’Egypte en particulier, qui manque de bois, de fer et d’hommes. C’est vers l’Orient que Venise a surtout développé ses établissements ; ils jalonnent les routes maritimes de l’Orient, qui […] par Modon et Candie, se dirigent soit vers Nègrepont, Constantinople, […] soit vers Beyrouth ou Alexandrie, c’est-à-dire vers les points d’aboutissement des caravanes et de la navigation asiatique.
Source : Yves Renouard, Les villes d’Italie de la fin du Xe siècle au début du XIVe siècle, SEDES, 1969
B. Venise et l’Empire byzantin :
a. Marchands et navigateurs vénitiens à la conquête de la Méditerranée :
Venise a assuré très tôt grâce à ses navires un service de transport, d’abord à petite échelle dans la lagune, puis dans le golfe adriatique. Ensuite, au Dès le milieu du IXe siècle, les Vénitiens ont commencé à traiter avec les deux grands empires entre lesquels ils sont situés, l'Empire carolingien et l'Empire byzantin, tout en se reconnaissant comme partie intégrante de ce dernier. En 993 puis en 1082, ils obtiennent de Byzance des droits et des positions de commerce privilégiées, ce qui leur permet d'asseoir de manière durablement les bases de leur prépondérance en Méditerranée[…]. En 1082 Venise loué sa flotte aux Byzantins afin qu'ils empêchent les Normands de s'installer à Durazzo. En se mettant dans cette situation, Byzance renonce à sa situation d'intermédiaire entre l'Orient et l'Occident, ce qui avait fait sa puissance économique. Venise profite également des divisions du monde arabo-islamique et de la faiblesse des Etats latins d'Orient qui ont besoin d'être ravitaillés par mer. […]
Venise a des possessions outre-mer. […] Des quartiers de villes où les Vénitiens ont obtenu des droits particuliers qui leur permettent de reconstituer de petites Venise : c'est le cas à Constantinople, à Alexandrie, et dans le royaume de Jérusalem. […] Dans ces fondouks, les Vénitiens jouissent de la liberté de commerce mais ils ont aussi la possibilité de s'installer, de construire des églises.
Mais les relations de Venise avec ses concurrentes italiennes (Gênes en particulier) et Byzance ne sont pas toujours faciles : en 1171, le quartier vénitien de Constantinople est mis à sac par les Génois et les Byzantins. L'Empereur fait arrêter tous les Vénitiens dont les biens sont confisqués. En 1189, menacé par les Pisans et les Normands, l'Empereur rétablit par un traité les Vénitiens dans leurs droits. Venise et sa flotte de guerre sont indispensables à la sécurité de l'Empire Byzantin.
Source : Philippe Braunstein, Venise, L'Histoire n° 208, 1997
b. Les accords privilégiés avec Byzance :
Anne Comnène (1083-1148) est la fille du basileus Alexis Ier Comnène et elle raconte un épisode important de l’histoire de Byzance, l’Alexiade, l’histoire du règne de son père. Elle rapporte ici les accords de 1082 entre Byzance et Venise.
« Celui-ci (Alexis) en retour les combla de dons et de dignités ; […] il ordonna qu’une forte somme d’or fût versée chaque année sur le trésor impérial à toutes les églises de Vénétie. Il fit tributaire de l’église de l’apôtre évangéliste Marc tous les Amalfitains qui tenaient boutique à Constantinople, et il lui céda les boutiques situées entre l’ancien quai des Hébreux jusqu’à Bigla, y compris les quais situés dans ces limites ; il ajouta beaucoup d’autres immeubles dans la ville impériale, à Dyrrachium, et partout où les Vénitiens le demanderaient. Mais le principal fut la franchise accordée à leur commerce dans toutes les régions qui relevaient de l’empire romain, de sorte qu’ils purent exercer librement le commerce à leur guise, sans donner même une obole ni pour la douane ni pour toute autre taxe imposée par le trésor. »
Source : Anne Comnène, L’Alexiade, Société d’édition Les Belles Lettres, Paris, 1989
Les techniques commerciales :
a. Une colleganza vénitienne
Pour réduire les risques du grand commerce maritime, les marchands vénitiens forment des « sociétés de mer » ou colleganza. Ces associations unissent un marchand à un homme qui se contente de participer au financement en prenant des parts sur un bateau.
« Au nom de notre seigneur Dieu et de notre notre sauveur Jésus-Christ, l’an de l’incarnation dudit Rédempteur 1073, au mois d’août, au Rialto, moi, Giovanni Lissado de Luprio, ensemble avec mes héritiers, ai reçu en colleganza de toi, Sevasto, orfèvre, fils de Ser Trudimondo, et de vos héritiers 200 livres. Et moi-même y ai investi 100 livres. Avec cet avoir, nous avons pris deux parts dans le bateau dont est capitaine Gosmiro da Molino. Et je me suis engagé à porter le tout avec moi en taxegium (1) à Thèbes […].
J’ai promis de faire fructifier tout cet avoir et d’en tirer le plus que je peux. Puis, capital mis à part, nous aurons à partager le profit que le Seigneur peut nous accorder en deux moitiés exactes sans fraude et sans malhonnêteté. Et tout ce que je peux gagner avec ces biens par ailleurs, je suis obligé de l’investir dans la colleganza. Et si tous ces biens sont perdus par suite de la mer ou des hommes et qu’on ne peut le prouver, ce qu’à Dieu ne plaise, aucune des parties n’a à demander quelque chose à l’autre […]. Cette colleganza existe entre nous aussi longtemps que nos volontés sont entièrement d’accord. »
(1) Voyage commercial (mot byzantin)
b. Le contrat de change
« Au nom du Seigneur […] (en l’an) 1167, en juillet […] à Constantinople. Moi, Romano Mairano […], je fais savoir que […] j’ai reçu de toi, Domenico Dalondo […] 88 hyperpères d’or, vieilles et pesantes, que maintenant j’ai investi dans le commerce dans un navire dont Bartolomeo Juliano est le capitaine […]. Le navire doit se rendre en Crète puis à Alexandrie avec la mude. Dans les vingt jours suivant le retour du navire à Constantinople, je devrai […] te donner […] en capital comme en profit, 129 hyperpères d’or vieilles et pesantes. Etant entendu que ton avoir devra voyager au péril de la mer et des hommes. Si je n’observe pas toutes choses comme il est prescrit ci-dessus, je devrai, et mes héritiers avec moi, te restituer […] toutes choses en double sur mes terres et maisons.
Moi, Romano Mairano, j’ai souscrit de ma main […]
Moi, Giliano Damiano, notaire, j’ai complété et corroboré »
Source : Extrait de Lombardo Camp; Morozzo della Rocca, Documents du commerce vénitien des XIe-XIIe siècles, 1940 (traduit du latin)
Hyperpère : monnaie byzantine
Mude : Convoi de bateaux protégé par des navires de guerre
Corroboré : Confirmé
Questions de l’ensemble documentaire
1. Venise, une république indépendante aux institutions originales :
Document a
- Quels sont les avantages et les handicaps propres au site de Venise ?
- Complétez le plan à partir du document projeté sur l’écran
Document b
- Comment peut-on résumer les institutions de cette cité ? En quoi sont-elles originales ?
Document c
- Quelles sont les conséquences des réformes du doge Dandolo ?
- Que révèle la conjuration qui s’en suit ?
2. Venise, cité pivot du grand commerce maritime :
A. Le commerce vénitien en Méditerranée à la fin du XIIe siècle
Document a
- D’après la carte, pourquoi Venise a-t-elle une position privilégiée ?
- A partir du texte b et de la carte a, vous réaliserez sur le fond de carte distribué un croquis représentant le commerce vénitien en méditerranée en utilisant les indications de la légende
B. Venise et Byzance :
Document b
- Quelles sont les causes des relations privilégiées de Venise avec l’empire byzantin au XIIe siècle ?
- Quelles sont les principales conséquences du traité de 1082 ?
- Quels sont les changements politiques qui expliquent l’expansion vénitienne au XIIe ?
- A quelles oppositions Venise se heurte-t-elle ?
- Pourquoi peut-on dire que Venise devient un véritable empire maritime ?
C. Les techniques commerciales :
Documents a et b
- Quels sont les avantages de la colleganza et de la lettre de change ?
Document c
- Présentez la nature et l’auteur du texte
- Où et en quelle langue a-t-il été rédigé ?
- Qui est Romano Mairano ?
- Dans quel but a-t-il emprunté de l’argent ?
- Pourquoi Dalondo lui prête-t-il de l’argent ? Appuyez votre réponse sur un calcul
- Quels sont les risques pris lors de cette opération ?
- Quelles sont les précautions prises ?
- Que pouvez-vous en conclure sur les techniques commerciales des Vénitiens ?
© CG
Domenico Selvo et l'essor de Venise
L'affirmation, depuis une trentaine d'années, de la puissance économique de nouveaux géants tels que la Chine et l'Inde s'est faite en partie grâce à l'essor de leur commerce extérieur, selon un mode de développement largement "extraverti". Un bon exemple du rôle des échanges lointains dans l'enrichissement d'une économie nous est fourni par la ville de Venise.
Cette cité-Etat est née d'un déplacement de populations de l'Italie du Nord qui cherchaient à fuir les invasions barbares du Ve siècle qui mirent un terme à l'Empire romain d'Occident.
Elles trouvèrent refuge dans la région marécageuse et difficile d'accès qui se situe à l'embouchure du Pô et s'y mêlèrent aux Vénètes qui occupaient les îles et le bord de mer. Ces derniers vivaient de la pêche, de l'extraction du sel et du transport maritime.
Théoriquement soumis au lointain empereur byzantin, les Vénitiens établirent une indépendance de fait, en parvenant, par ailleurs, à ne pas dépendre de Charlemagne et de ses successeurs, quand ceux-ci étendirent leur emprise sur la Lombardie aux IXe et Xe siècles.
Les grandes familles qui contrôlaient la ville ne s'inscrivirent pas dans le système féodal qui s'imposait alors en Europe. Si certaines possédaient de grands domaines, elles firent du commerce maritime, et non de la propriété foncière, la source première de leur enrichissement. Venise exportait vers l'Orient du sel, du bois, des esclaves, des produits textiles, et importait des épices, des soieries, du coton, des fils d'or, des teintures...
Ce fut à l'époque de Domenico Selvo (mort en 1087) que Venise acquit une place particulière dans le commerce méditerranéen.
Devenu, en 1071, le trente-et-unième doge (duc élu par le Conseil des dix), il fut sollicité par l'empereur Alexis Ier Comnène, pour combattre Guiscard et les Normands de Sicile, qui cherchaient à contrôler le détroit d'Otrante (sud de l'Adriatique) et à prendre Durazzo et Corfou, possessions byzantines.
Selvo envoya une flotte d'une soixantaine de navires et parvint à chasser les Normands qui menaçaient de bloquer l'accès de la Méditerranée aux bateaux vénitiens.
En récompense, l'empereur accorda par une "bulle d'or" des privilèges commerciaux importants à Venise. La cité obtint le droit d'ouvrir des magasins et de contrôler plusieurs quais à Constantinople, de disposer de trois postes d'ancrage sur la Corne d'Or, de commercer librement avec la plupart des ports relevant de la zone d'influence byzantine, à l'exception de la mer Noire et de quelques îles grecques.
De plus, les droits de la ville à l'autonomie politique furent renforcés, et l'empereur lui-même faisait des offrandes aux églises vénitiennes et à sa basilique Saint-Marc.
Venise put alors contrôler le commerce en Adriatique et développer son implantation en Méditerranée orientale. Et si la Sérénissime ne participa pas autant que sa grande rivale Gênes à la première croisade (1095-1099), elle s'empara de Rhodes aux dépens de Pise, supplanta Amalfi, obtint des privilèges commerciaux à Haïfa, mit la main sur Tyr (1124), reçut un quartier à Saint-Jean d'Acre, et un autre à Jérusalem.
Le formidable enrichissement de la cité, dotée dès 1099 d'un marché international le long du Grand Canal, devenait possible. La république de Venise resta indépendante jusqu'à sa conquête par l'armée française, en 1797.
Pierre Bezbakh, maître de conférences à l'université Paris-Dauphine
ENTRETIEN AVEC JACQUES LE GOFF
ENTRETIEN AVEC JACQUES LE GOFF
En tant qu'historien du Moyen Age, vous vous êtes beaucoup penché sur la ville de cette période, son importance, son rôle. Était-elle la continuatrice de la cité antique ?
La ville change profondément en passant de l'Antiquité au Moyen Age. Dans l'Antiquité, la cité avait trois rôles principaux. D'abord, une fonction militaire puisque, dans l'Empire romain, le déploiement de l'armée s'appuyait sur les cités. Ensuite, une fonction administrative et politique. Enfin, une fonction de consommation économique sans liens avec la production, celle-ci étant réservée aux grands domaines ruraux, les villae.
Mutation, dans la première partie du Moyen Age, avec le développement de la féodalité. La vocation militaire de la ville décline au profit du château fort, devenu centre de la puissance et implanté, surtout en France du Nord, dans les campagnes. La ville alors ne joue plus, ni dans le recrutement ni dans l'organisation militaire, le rôle qui était le sien. Les armées médiévales, longtemps non permanentes, étaient levées au printemps, essentiellement parmi les hommes de la campagne.
De même, sur les plans administratif et politique, les villes vont-elles perdre de leur importance. Du moins pendant un certain temps.
Mais les choses vont subir un bouleversement lors de la période que l'on a appelée, fort justement, « la genèse de l'Etat moderne », à partir du XIIe et surtout du XIIIe siècle. D'abord, dès Philippe Auguste, l'intégration des villes dans le système monarchique national. C'est sous son règne que Paris devient la capitale du royaume. Ensuite et surtout - c'est à mon avis le principal changement - au lieu d'être essentiellement des centres de consommation, les villes sont devenues aussi des centres de production. Ce qu'elles n'étaient pas dans l'Antiquité. Le Moyen Age voit ainsi se développer - et c'est une de ses caractéristiques - l'artisanat. Une activité qui, même s'il existe un artisanat dans les villages, va se répandre essentiellement dans les villes et utiliser - pour broyer les grains, pour fouler les draps de laine - la première machine qui se développe en Occident : le moulin. Puissants moulins à eau, les premiers et les plus importants, qu'animent ruisseaux, rivières et fleuves ; moulins à vent ensuite, et seulement à partir de la fin du XIIe siècle. La vocation du moulin, il faut le souligner, est loin d'être surtout rurale, comme on pourrait le croire aujourd'hui. C'est le moulin qui a fourni à certains artisans (meuniers, foulons) l'énergie nécessaire à l'augmentation des productions.
Cette ville nouvelle a modelé une société nouvelle. De quelle façon ?
Dans ce domaine, la ville a joué deux rôles très importants. Le premier, c'est qu'elle a permis l'apparition d'une nouvelle catégorie sociale, celle qui a bénéficié des franchises et des libertés urbaines, la bourgeoisie. Ce qui est important - même si, dans la réalité, il y a une hiérarchie au sein de la nouvelle classe -, c'est que théoriquement les bourgeois forment une société égalitaire.
Il faut à cet égard modifier quelque peu l'image que l'on a généralement de la société féodale qui est, elle, une société hiérarchisée comprenant deux catégories de personnes : les nobles et les non-nobles, les roturiers. Mais, dans la première catégorie, il y avait beaucoup plus d'égalité qu'on ne l'a dit. Dans cette noblesse, classe dominante, le plus important est que seigneurs et vassaux sont, d'une certaine façon, sur un pied d'égalité : un seigneur ayant des vassaux pouvait être lui-même le vassal d'un autre seigneur.
Et l'acte qui fait entrer les hommes adultes dans la couche supérieure de la féodalité - l'hommage - est une combinaison d'inégalité et d'égalité : le vassal place d'abord ses mains entre celles de son seigneur, ce qui signe son allégeance et marque la supériorité de ce dernier. Mais ensuite, il y a le baiser, preuve de l'égalité des deux hommes. Dans les villes, à l'instar de ce modèle égalitaire noble, vient d'apparaître un modèle égalitaire urbain, bourgeois.
Et cela instaurera dans toute la société un modèle qui prendra des formes diverses mais ne cessera de croître en France jusqu'à la Révolution. On peut dire, par conséquent, que les villes ont été le foyer de la démocratie. C'est un point essentiel.
Mais il y a un second point : dans les villes s'est développée une institution, également fondamentale, très différente celle-là aussi de ce qui existait dans l'Antiquité, l'école. Le christianisme avait créé des écoles dans ses centres de pouvoir du haut Moyen Age : les monastères et les évêchés (écoles monastiques, écoles épiscopales). Mais ce qui apparaît au XIIe siècle, ce sont des écoles urbaines que nous dirions, aujourd'hui, primaires et secondaires. On les oublie souvent. Elles ont joué, pourtant, un rôle capital. Des études montrent, à l'exemple de Reims au XIIe siècle, une importante scolarisation des enfants, filles comprises.
Dans tous les milieux ou seulement dans la bourgeoisie ?
Dans tous les milieux urbains.
Et la noblesse ?
Elle recevait, dans son château fort, une éducation et une instruction différentes : religieuse et militaire. Il s'agissait, au prix d'un très dur apprentissage, de former des guerriers, des chevaliers. Et des chevaliers chrétiens, lecteurs de la Bible. Leur livre de lecture c'était « Les psaumes ». En ville, les écoles avaient d'autres objectifs. Elles apprenaient aux enfants la lecture, l'écriture, le calcul.
Tout cela dans une perspective marchande et économique ?
Exactement. Mais pas seulement. Le souci d'une bonne administration était également présent. Le marchand médiéval est un homme qui lit, qui écrit, qui calcule, mais aussi qui voyage et s'informe.
Alors les villes sont devenues des foyers d'alphabétisation, d'instruction. Et cela, voyez-vous, a longtemps échappé aux hommes du passé qui ont vu le Moyen Age comme une période d'obscurité. Certes, il n'a pas tout réalisé, mais il a engendré des processus essentiels et irréversibles vers la démocratie, vers l'instruction généralisée qui sont à la base de la vie moderne. Et je crois que l'alphabétisation lancée par les villes du Moyen Age a été l'une des principales raisons du succès de l'Occident à partir des XVe et XVIe siècles. Les Amériques et l'Afrique ne s'étaient pas développées. Entre Inde et Méditerranée, l'Islam, qui avait été une très grande civilisation que l'on pourrait dire « progressiste », s'est endormi. Et dans l'extrême Asie, la Chine, la plus grande, la plus populeuse puissance du XVe siècle, n'a pas cherché à essaimer, s'est repliée sur elle-même.
Le grand enthousiasme pour l'école n'est sans doute pas étranger à la naissance des universités.
La ville a, en effet, suscité la métamorphose des écoles monastiques ou épiscopales où se dispensait, en latin, l'enseignement supérieur. Dès la fin du XIIe siècle vont poindre les premières universités. Elles resteront peu nombreuses jusqu'au XVe siècle, où elles se multiplient dans tout l'Occident, de Roskilde (Danemark) à Coimbra (Portugal), de Cracovie (Pologne) ou de Prague (Tchéquie) à Saint Andrews (Écosse) en passant par Bologne, la plus ancienne (milieu du XIIe), Oxford, Paris et bien d'autres. Ce réseau intellectuel est très important. Il constitue une préfiguration de l'Europe unie.
L'usage du latin, langue commune des intellectuels, va permettre de fructueux échanges.
Il ne faut pas exagérer cela. Ce latin-là, éloigné du latin classique, est une langue particulière, proprement scolaire et intellectuelle, très analogue à ce « pidgin » anglo-américain qui s'impose aujourd'hui dans le monde des affaires, de l'économie et de la politique. Et la vigueur avec laquelle les statuts universitaires ont cherché à réprimer chez les étudiants l'usage des langues vulgaires montre bien qu'en fait la population estudiantine pensait, agissait et avait des relations non à travers le latin, mais à travers les langues vulgaires. Et le résultat sera la promotion de ces langues vulgaires à la dignité de langues littéraires. Les coutumes urbaines, c'est un exemple, sont généralement libellées chez nous en deux ou trois rédactions : latine, française et langue régionale.
Une des caractéristiques de la ville du Moyen Age, c'est son enceinte, une puissante muraille ponctuée de tours et de portes fortifiées.
Ces villes, contrairement à celles de l'Antiquité romaine, n'avaient pas de rôle agressif. Il fallait d'abord protéger les habitants, leurs églises, leurs maisons, leurs entrepôts, leurs outils de travail. Ces gens-là n'étaient pas des guerriers mais des clercs - prêtres, moines et nonnes très nombreux -, des bourgeois, riches marchands possesseurs de belles maisons et d'opulents celliers, des artisans et leurs précieux outillages, et tout un petit peuple.
Cette protection, c'était la muraille qui l'assurait. Mais cette muraille - comme toute construction monumentale - avait aussi un rôle symbolique. A travers ses murs, ses créneaux et ses tours, mais aussi les clochers de ses églises, ses beffrois, voire, comme en Italie, à San Gimignano ou à Bologne, et comme en France, à Toulouse, les tours « privées » de ses riches bourgeois, la ville médiévale impose une image de puissance et de richesse. La muraille est signe de pouvoir. Et il n'est pas étonnant que, au moment où Paris devient la capitale de la France et où la monarchie française, résidant à Paris, étend son pouvoir à l'ensemble du royaume, le roi Philippe Auguste fasse édifier la grande muraille parisienne qui portera son nom.
D'autre part, ces murs délimitent un espace démographique et, à mesure que la population croît, il faut les repousser, en construire de nouveaux. Un phénomène qui avait beaucoup impressionné Dante, qui opposait l'ancienne Florence, où, derrière une muraille restreinte, régnait la moralité, à la Florence nouvelle dont l'espace agrandi devenait celui de la débauche et de la richesse corruptrice.
Mais les murailles, cela coûte cher...
L'impact économique est considérable. Plus encore que les palais, les églises et les cathédrales, les fortifications nécessitent des quantités énormes de matériaux, de pierres notamment, qu'il faut faire venir de plus ou moins loin. Et c'est souvent dans les pires conditions et les pires moments - comme la guerre de Cent Ans - qu'il faut relever un rempart, reconstruire une tour, édifier de nouvelles murailles pour protéger un bourg qu'on vient d'agréger à la ville. On a, alors, moins d'argent, moins de ressources, puisque les mouvements des armées et les déprédations et les pillages des bandes d'aventuriers, routiers et autres grandes compagnies interrompent les échanges, ruinent le commerce, l'artisanat et le paysan. L'entretien des murailles a été un élément important de la crise des XIVe et XVe siècles.
Quant au canon et ses boulets, c'est lui qui signera - mais pas tout de suite - la fin des murailles et des tours. Mais pas celle des fortifications.
Le bourg et la banlieue sont des « inventions » du Moyen Age. A quoi correspondaient-ils ?
Le bourg est malheureusement bien difficile à définir, car le mot est employé dans des sens différents selon les régions et les langues. Il est tiraillé entre deux significations principales. L'une est la fortification, le château, le bourg germanique, le burg. L'autre, dont dérivera plus ou moins notre faubourg, décrit un espace, un lieu où des mesures particulières permettent le développement d'un certain commerce. Ce bourg-là, en général, dans un premier temps, est tout proche de la cité, telle qu'elle était aux XIe-XIIe siècles, une cité souvent gouvernée par un comte ou un évêque. Le bourg est né à la même époque, créé par la volonté d'un seigneur, je dirais « nouveau style », un seigneur « sorti du rang » de la féodalité, désireux d'attirer dans certain lieu, pour son intérêt propre, une population nouvelle d'artisans et de marchands. Pour cela, il fallait séduire, donc accorder des avantages, accepter des « coutumes », des « libertés ». Très tôt la notion de privilèges fut associée aux bourgs et à leurs habitants, les bourgeois. Par la suite, les choses vont changer. La plupart des cités vont ouvrir leurs remparts, les agrandir, les prolonger pour y inclure le bourg. Du coup, plus ou moins rapidement, le pouvoir va devoir évoluer, se partager entre celui de la cité et celui du bourg. Le seigneur de la ville, comte quelquefois, évêque le plus souvent, va confirmer les libertés de la communauté urbaine, voire en ajouter de nouvelles.
La banlieue est d'une autre nature. En fait, la ville du Moyen Age est une seigneurie et dispose, à ce titre, d'un pouvoir de commandement : le ban. Ce ban, au départ, est une notion militaire. Les hommes d'une seigneurie étaient répartis en ban et arrière-ban, un peu comme l'étaient les mobilisables et les réservistes de notre défunte conscription lors d'une déclaration de guerre. Et la ville exerce donc ce pouvoir de commandement, ce ban, sur les populations de la campagne jusqu'à une certaine distance de ses murailles : en gros, une lieue (soit 4 kilomètres) - d'où banlieue. Et parmi les ressources qu'elle tire de la campagne alentour, il y a des ressources fiscales par le prélèvement de certaines redevances. La banlieue est donc alors un espace juridique et fiscal.
Vous évoquez dans vos ouvrages deux catégories sociales aux appellations piquantes, les « gros » ou « gras » et les « menus ». Qui sont-ils ?
Il s'agit d'une distinction assez générale dans les villes du Moyen Age, surtout en Italie. L'évolution de la société urbaine a conduit, au XIIIe siècle, à un amalgame de bourgeois et de non-bourgeois qu'on a appelé le peuple (latin populus), une notion qui s'est structurée en deux ensembles : les « gros » (qu'en Italie on nommait popolo grasso ou grosso) et les « menus », les petits (popolo minuto). Une bonne partie des conflits qui ont eu lieu dans les villes au XIIIe et surtout au XIVe siècle ont opposé les « menus » et les « gros ».
J'ai cru comprendre qu'une distinction entre ces deux groupes était qu'ils payaient plus ou moins d'impôt.
Les « gros », qui dominaient le gouvernement des villes, en profitaient pour s'offrir des exemptions formidables. C'est d'ailleurs une des causes du conflit entre les deux groupes, les « menus » voulant obliger les « gros » à se taxer eux-mêmes. C'est ce qui a fait dire à Saint Louis que les villes étaient de grands centres d'injustice, puisque les plus riches payaient moins d'impôts que les moins riches. Phénomène récurrent.
Paris fut la plus grande ville d'Occident. Pourquoi ce succès ?
Ce que l'on peut dire d'abord, c'est que la réussite urbaine s'est incarnée pleinement dans Paris. La ville a acquis au Moyen Age l'importance exceptionnelle qu'elle a gardée pendant longtemps et qui fait encore partie de son image et de son mythe. C'est une ville qui a été, véritablement, le centre du monde. Les rois de France ont fait de Paris leur capitale d'une façon beaucoup plus nette que les rois d'Angleterre ne l'ont fait de Londres, ou les rois de Castille et des divers pays espagnols ne l'ont fait de Valladolid.
Donc il y a eu cette volonté politique de la monarchie française. D'autre part, la prospérité économique de la ville a été exceptionnelle. Il est vrai que Paris était située dans une région favorable et riche, disposant de bonnes routes et de voies fluviales orientées vers divers pôles économiques (Champagne, Bourgogne, Flandre). Mais le succès tient aussi à deux facteurs : le dynamisme spontané des Parisiens d'abord, mais aussi - n'en déplaise aux anti-étatiques - la réglementation stricte des corporations voulue et réalisée par Saint Louis. Le prévôt qu'il avait nommé, Etienne Boileau, a publié en 1260 le « Livre des 101 métiers » qui réglementait l'activité de chaque profession, organisant ainsi la prospérité de tous. Cela est confirmé par l'essor extraordinaire de la démographie parisienne. Les plus grandes villes du Moyen Age, à l'apogée du XIIIe siècle, les flamandes Bruges et Gand, les italiennes Milan, Florence, Gênes et Venise, culminaient autour de 100 000 habitants. Paris en avait 200 000. Il y a là un saut quantitatif impressionnant.
Par rapport aux villes actuellement françaises de l'époque, c'est encore plus énorme. Rouen, la plus grande ville après Paris, devait tourner autour de 50 000 habitants...
Moins, 30 000 ou 40 000. Son importance était liée à l'Angleterre, d'une part, et à Paris, dont elle était l'avant-port, d'autre part.
Quel rôle jouait la place publique dans la société médiévale ?
C'est le Russe Mikhaïl Bakhtine qui a très bien étudié cet espace de sociabilité qui a vu la renaissance du théâtre. Ce dernier, prospère pendant l'Antiquité, avait été condamné comme plaisir diabolique par l'Eglise. Ses premiers balbutiements s'expriment lors de la « Fête des fous », puis, vers le milieu du XIIIe siècle, il explose sur les places publiques où l'on dresse ses tréteaux. Et ce renouveau du théâtre trouvera son apogée vers 1276-1280, à Arras, l'une des villes les plus actives sur le plan intellectuel, avec le « Jeu de la Feuillée » d'Adam de la Halle. Mais je crois que Bakhtine exagère un peu lorsqu'il fait de la place publique le lieu où prend naissance l'esprit de dérision qui aboutira à Rabelais et qu'il oppose cette place publique, « espace du rire », au monastère, « espace de pleurs ».
L'art avait-il sa place dans la ville médiévale ?
Il est probable - et je suis heureux de savoir que mon ami Umberto Eco partage mon avis - que les villes ont joué un rôle important dans le développement d'un esprit esthétique. Le beau n'était pas une valeur bien définie au début du Moyen Age. Il se confondait plus ou moins avec l'utile. Mais le beau se développe, devient une qualité, à partir du XIIIe et au début du XIVe siècle, que l'on constate dans deux domaines. Le premier est celui du portrait, au début du XIVe, qui met en valeur l'individualité des sujets par la ressemblance afin qu'on puisse les reconnaître mais aussi souligner la beauté de certaines personnes, surtout des femmes bien entendu.
Le second domaine est l'image de la ville. Les gens du Moyen Age, anti-écolos à cent pour cent, trouvaient la campagne hideuse, les montagnes affreuses et la mer haïssable. Seule la ville était belle. Et cela, pas seulement parce qu'elle apportait la sécurité mais aussi pour des raisons purement esthétiques. C'est une des dernières fonctions, si l'on peut dire, des murailles, des tours, des portes. Elles sont belles, on les trouve belles. Un des meilleurs exemples de cela nous est donné en Italie du Nord et du Centre, la région la plus urbanisée du XIVe siècle, par le grand peintre siennois Ambrogio Lorenzetti, dans deux œuvres qui magnifient la beauté de la ville. La première, gigantesque, est constituée de deux fresques qui ornent les murs du Palais public de Sienne, face à la Grand-Place, la Coquille. Elles représentent « Le bon gouvernement » et « Le mauvais gouvernement », et sont un chant d'amour à la ville en opposant ville et campagne. La seconde œuvre de Lorenzetti est une miniature qui se trouve à la pinacothèque de Sienne et qui représente la ville idéale, une Manhattan médiévale qui dresse ses murailles, ses tours, ses portes au bord de la mer.
Propos recueillis par François Giron
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