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vendredi 28 février 2020

Claude Lorrain



Claude Gellée ou Gelée, dit Claude Lorrain

Claude Lorrain, Port de mer au soleil couchant

Peintre français (Chamagne, diocèse de Toul, 1600-Rome 1682).

LA VIE ET LA CARRIÈRE




Né en Lorraine d'une pauvre famille de cinq enfants, orphelin assez tôt, Claude Gellée (ou Gelée) entra dans la vie comme apprenti pâtissier. Il suivit peut-être en Allemagne l'un de ses frères qui était ouvrier en marqueterie. On ne sait dans quelles conditions il partit pour l'Italie, où il dut arriver très jeune. Naples fut sa première étape ; Claude y serait devenu valet, puis assistant du peintre Agostino Tassi (vers 1580-1644), paysagiste et élève du peintre flamand Paulus Bril (1554-1626).
Les témoignages du peintre et historien d'art allemand Joachim von Sandrart (1606-1688), puis de l'Italien Filippo Baldinucci (1624-1696) – les deux sources auxquelles on a coutume de puiser – se contredisent souvent, et beaucoup d'incertitudes planent encore sur la vie du Lorrain. En 1625, après avoir traversé Venise et la Bavière, il retourna en Lorraine, où son compatriote le peintre Claude Deruet (1588-1660) l'appelait à travailler à la décoration d'une église. La vie à Nancy, centre artistique actif en ce temps, ne le satisfit apparemment pas, car il regagna Rome et ne la quitta plus que pour de courts voyages aux alentours. Il ne se maria pas et mena une vie de travail en compagnie d'amis italiens et flamands dans ce quartier situé entre la piazza di Spagna et la piazza del Popolo, que l'on a comparé au Montparnasse des années folles, tant les artistes y affluaient de tous pays. Il passa les dernières années de sa vie avec sa fille naturelle et deux neveux venus le rejoindre de Lorraine.
Les commandes ne lui manquèrent pas. L'attirance que Rome exerçait alors sur les artistes de l'Europe entière tenait certes à sa grandeur monumentale, à ce qu'elle était devenue, dans les imaginations, le théâtre obligé des fables mythologiques. Mais la Ville était aussi le centre du commerce d'art. Parmi les clients du « seigneur Claude » figurent les grands noms de l'aristocratie romaine, les Barberini, les Pamphili, les Chigi, les Rospigliosi, les Colonna, qui, parfois, furent ses intermédiaires auprès de la papauté, ainsi que les souverains étrangers, par l'entremise de leurs ambassadeurs. Claude vendait beaucoup et cher, mais il avait la réputation de peindre lentement, sans que le succès le fît céder à la facilité. Son train de vie était plus que confortable ; c'était un homme bon et de commerce agréable, autodidacte, mais non ignorant. Dans ses notes, les références fréquentes aux textes classiques, à des passages précis de l'Énéide ou des Métamorphoses prouvent qu'il partageait l'héritage dont se nourrissaient ses contemporains.



Le paysage, dans son œuvre, tient une place exclusive, alors même qu'il sert de cadre à une scène biblique, historique ou mythologique ; les personnages y sont presque toujours de petite taille, même situés au premier plan. Comment Claude s'est-il consacré à un genre encore considéré comme mineur ? Ses débuts de peintre décorateur l'expliquent en partie. Vers 1630, il orna de fresques les palais Crescenzi et Muti à Rome. La mode était au décor à paysage, spécialité des Flamands de Rome, avec lesquels Claude était très lié. Paulus Bril avait réalisé une sorte de synthèse entre le paysage nordique de la Renaissance, panoramique et souvent fantastique, et la vision plus « naturelle » des Carrache, selon laquelle l'horizon est placé à hauteur de l'œil. Les lois du décor étant fondées sur la symétrie, les paysages étaient généralement composés par paires ; le Lorrain peignit de même ses paysages sur toile. Non seulement leur taille est identique, mais les tableaux se complètent, exprimant parfois deux moments de la même action ; l'Histoire d'Agar en est un bon exemple : le tableau consacré à l'expulsion d'Agar est éclairé par une lumière matinale, la rencontre d'Agar avec l'Ange a lieu au crépuscule, et les deux paysages se suivent, de la gauche du premier à la droite du second.
L'influence des Nordiques se fait encore fortement sentir dans les œuvres du début : celle des paysagistes flamands et hollandais surtout ; dans une moindre mesure celle des Lorrains, Claude Deruet, avec l'élongation de ses personnages, et Callot, dont la composition en écrans se retrouve dans la Vue du Campo Vaccino à Rome. Pourtant, considéré déjà comme le plus grand peintre de paysages d'Italie, le Lorrain, dès cette époque (1635-1640), élaborait un style très personnel, qui tenta les contrefacteurs. Pour lutter contre les faux, il commença à tenir son Liber veritatis, document de première importance pour l'étude de son œuvre. C'est un registre où sont consignées les œuvres, leur date et leurs commanditaires, avec des dessins représentant en réduction cent quatre-vingt-quinze d'entre elles ; il est tenu plus régulièrement après 1650 (British Museum, Londres).
On ne saurait, pour caractériser le style du Lorrain, se contenter de l'étiquette de « vedutiste ». Ses paysages ne sont nullement documentaires ; il est difficile de reconnaître dans ses dessins les lieux de ses promenades, Tivoli, Subiaco, Palestrina, qui se confondent dans une vue idéale. D'autre part, les sujets des toiles ne sont pas de simples prétextes dont un genre peu noble aurait eu besoin pour s'affirmer. En effet, le paysage « pur » était déjà né en Hollande. Il n'y avait aucune contradiction, mais, au contraire, un intime accord entre les épisodes mythologiques, choisis avec soin, et les calmes développements de la vallée du Tibre où les plaçait tout naturellement l'imagination des hommes de ce temps.
La recherche du peintre ne saurait être isolée de celle du dessinateur, chez Claude moins que chez tout autre. Il a laissé plus de mille dessins, qui étaient déjà fort appréciés en leur temps et dont il ne se séparait que difficilement. Ses études étaient bien différentes de celles des artistes de la Renaissance : pas d'études de détail menées avec la précision d'un botaniste, mais un dessin synthétique où le même trait enserre tous les motifs, ignorant l'illusion de matière. Ces caractères sont permanents malgré l'évolution de sa manière, plus fougueuse dans sa jeunesse, plus équilibrée ensuite. On ne connaît que peu de dessins antérieurs à 1630 ; le plus grand nombre a été fait entre 1635 et 1650. Avec le temps, les dessins d'après nature ont tendance à diminuer par rapport aux dessins de composition. Ceux-ci révèlent l'extrême attention portée à une géométrie fondée sur de savants jeux d'obliques, qui guident le regard de masse sombre en masse claire jusqu'à l'infini. L'artiste ne se sert jamais de couleurs, mais seulement de lavis, les blancs étant obtenus par des rehauts ou, plus souvent, par des réserves. Les effets de contre-jour ne sont pas une découverte du Lorrain. On les retrouve, dans sa peinture, rendus par une lumière indirecte faite de rayons au tracé à la fois diffus et rigoureux. Les soleils levants ou couchants éclaircissent les franges des sombres frondaisons et balayent obliquement les terrasses des « fabriques ». C'est à la lumière qu'il revient de lier les plans ; elle crée cette atmosphère élégiaque et fait surgir de nos jours les réminiscences baudelairiennes.
Si la précision des constructions et du dessin ne permet pas de faire de Claude un impressionniste avant la lettre – sa lumière unifie les formes, mais ne les dissout pas –, il est cependant un peintre de la perception plus que du raisonnement. Ici s'impose en contrepoint l'image du philosophe Poussin, qui, comme le Lorrain, avait puisé aux sources du paysage idéal chez le Dominiquin ; mais un tableau comme le Printemps de Poussin pourrait bien s'adresser d'abord à la sensibilité, et de grandes parentés existent entre les paysages dessinés des deux Français. Certes, on ne trouve pas chez le Lorrain l'observation naturaliste des ciels et des eaux, surtout en honneur à partir de Constable. C'est un peintre de l'imaginaire, dont les architectures surgissent comme des fantasmes. L'époque académique a reproché à Claude l'insuffisance de ses personnages, pour lesquels il avait peut-être recours à des aides. Aujourd'hui, son œuvre s'impose surtout comme la version féerique de ces recherches de lumière qui passionnaient déjà le Caravage et, après lui, Georges de La Tour.

QUELQUES JALONS DE L'ŒUVRE DU LORRAIN



          
QUELQUES JALONS DE L'ŒUVRE DE CLAUDE LE LORRAIN
1629
Paysage (Museum of Art, Philadelphie)
1631
le Pas de Suse forcé par Louis XIII et le Siège de La Rochelle (Louvre).
1636
Vue du Campo Vaccino à Rome et Port de mer pour l'ambassadeur de France François de Béthune (Louvre).
1639
Fête villageoise et Un port de mer au soleil couchant pour Urbain VIII ; passés dans la collection de Le Nôtre et donnés par celui-ci à Louis XIV (Louvre).
1639-1640
la Madeleine au désert, Saint Jean-BaptisteMoïse sauvé des eaux et la Sépulture de saint Sérapie, pour Philippe IV (Prado).
1641
l'Embarquement de sainte Ursule (National Gallery, Londres)Saint Georges (Wadsworth Atheneum, Hartford).
1647
le Gué (Metropolitan Museum, New York) et la Fuite en Égypte (Gemäldegalerie, Dresde).
1648
les Noces d'Isaac et de Rébecca et l'Embarquement de la reine de Saba (National Gallery).
1655
le Rapt d'Europe et la Bataille sur le Pont (musée Pouchkine, Moscou).
1661
la Décadence de l'Empire romain, pour Charles Le Brun (Longford Castle).
1665
Apollon et la Sibylle (collection privée).
1668
le Bannissement d'Agar et Agar et Ismaël (Alte Pinakothek, Munich).
1675
Énée débarquant dans le Latium (National Gallery).
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Claude Gellée ou Gelée, dit Claude Lorrain

Claude Lorrain, Port de mer au soleil couchant
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre français (Chamagne, diocèse de Toul, 1600  – Rome 1682).
Orphelin très jeune, il se rendit à Rome, entre 1612 et 1620, où il fut le domestique puis l'élève d'Agostino Tassi, dont il adopta entièrement la manière. Deux autres sources d'inspiration furent moins décisives : un séjour de deux ans à Naples auprès de Gottfried Wals de Cologne, dont aucun tableau ne nous est connu, et un séjour d'un an à Nancy (1625-26) comme assistant de Deruet. Ses débuts se perdent dans l'anonymat de l'école de Tassi, elle-même héritière de l'art de Bril et de celui d'Elsheimer. L'Allemand Sandrart engagea Claude (comme les Britanniques le nomment) à dessiner en plein air, le Néerlandais Breenbergh doit avoir influencé son graphisme et il fut en relation avec Swanevelt. De 1620 à 1630 env., Claude imita son maître romain dans le travail à fresque, dont il ne subsiste qu'une décoration au palais Crescenzi. Il ne quitta plus Rome que pour faire d'assez brèves excursions en campagne. Son existence et son développement artistique ne sont marqués d'aucun événement saillant. Il ne se maria pas, mais vécut pendant vingt ans avec un " garzone ", Desiderii, puis jusqu'à sa mort avec sa fille naturelle Agnese et avec ses deux neveux. Peu après 1630, des commandes du cardinal Bentivoglio et du pape Urbain VIII assurèrent son succès, qui ne cessa de croître. Gellée travailla surtout pour les plus illustres dignitaires romains — papes, princes et cardinaux —, mais aussi pour des ambassadeurs, de grands Français et pour la noblesse étrangère. Les deux acheteurs principaux furent, vers 1638, le roi d'Espagne, puis, après 1663, le prince Colonna.
La production de l'artiste ne peut être saisie qu'à partir de 1629. Dans la première phase, on distingue de petits cuivres très fins dans la tradition d'Elsheimer (coll. des ducs de Westminster et de Rutland), des paysages sur toile d'une facture d'abord plus grossière avec des figures de genre ou pastorales à la manière de Bamboche (1629, Philadelphie, Museum of Art ; 1630, musée de Cleveland) et des ports de mer. Ces œuvres sont caractérisées par l'emploi de motifs pittoresques (arbres brisés, cascades, caprices architecturaux), souvent par une composition en diagonale et par des effets de couchers de soleil ; les tableaux principaux sont alors Céphale et Procris (détruit, autref. à Berlin) et deux séries de paysages à sujets religieux, au Prado. Vers 1640, on constate l'influence du paysage classique d'Annibal Carrache et de Dominiquin dans la composition plus solide et l'atmosphère plus sereine. Les tableaux sont plus grands, les sujets souvent religieux, parfois classiques : le Moulin et la Reine de Saba (Londres, N. G.), le Temple de Delphes (Rome, Gal. Doria Pamphili). Dans les années 50, époque de la maturité la plus féconde de l'artiste, un style monumental se décèle tant dans l'importance du format, la sévérité de la composition que dans le choix du sujet, souvent tiré de l'Ancien Testament : le Parnasse (Édimbourg, N. G.), l'Adoration du veau d'or (musée de Karlsruhe), Laban (Petworth House), le Sermon sur la montagne (New York, Frick Coll.), Esther (détruit). Si cette phase peut être qualifiée d'héroïque, les deux dernières décennies de l'artiste, qui marquent l'aboutissement suprême de sa carrière, sont plus classiques, voire antiquisantes. Les tableaux restent grandioses dans leur conception, mais deviennent plus lyriques dans le sentiment, plus délicats dans le détail (Paysage avec Psyché, 1664, Londres, N. G.). Les compositions sont nouvelles et audacieuses ; l'artiste tire ses sujets de préférence de l'Énéide, faisant parfois allusion à la famille ou à la vie de l'acheteur, et allonge le canon des figures : les 4 Heures du jour (Ermitage), l'Oracle de Milète et le Débarquement d'Énée (coll. lord Fairhaven), Égérie (Naples, Capodimonte), le Parnasse (Jacksonville, États-Unis), la Chasse d'Ascagne (Oxford, Ashmolean Museum).
Représentant par excellence du paysage classique, l'art de Lorrain offre une conception idéalisée : à quelques exceptions près, les sites de ses tableaux sont toujours imaginaires. La composition comprend, selon les dimensions de la toile, des plans et des éléments plus ou moins nombreux (groupes d'arbres, édifices). Elle s'inscrit dans une ordonnance orthogonale et dans la symétrie de simples proportions mathématiques (tiers, quarts de la largeur et de la hauteur). Presque toutes les œuvres de Gellée sont exécutées par paires, illustrent le même thème, ont les mêmes proportions intérieures, mais sont contrastées dans la composition, l'atmosphère et l'heure. Le sujet décide du mode particulier de chaque composition comme des espèces, de la disposition des arbres et même du style des édifices. La lumière venant de gauche, froide, indique le matin ; celle qui vient de droite, avec ses couchers de soleil chauds, le soir. Le secret de l'art de Gellée réside dans l'évocation de la profondeur de l'espace, due autant à l'observation du paysage romain qu'à l'étude de la lumière et de l'atmosphère. L'artiste participe ainsi aux courants principaux de la peinture de son siècle par son luminisme, la profondeur de l'espace, l'étude réaliste de la nature et en même temps par la représentation idéalisée.
Avec plus de 1 200 dessins connus, tous très poussés, Lorrain se révèle l'un des plus grands dessinateurs de tous les temps. L'inventaire après son décès mentionne une douzaine d'albums, dont probablement l'album Wildenstein, qui contient 60 dessins illustrant toute sa carrière, attestant l'influence de Tassi et de Deruet dans les années 20, de Breenbergh v. 1630 et atteignant une maîtrise complète dès 1633.
La technique la plus courante de Claude Gellée est le dessin à la plume et au lavis, sur une esquisse rapide à la pierre noire. Mais ce sont les dessins au lavis pur, technique par excellence des études de nature v. 1635-1645, qui ont toujours suscité la plus vive admiration. Pour les dessins composés, l'artiste emploie souvent des papiers teintés, notamment en bleu. On peut, en effet, distinguer deux groupes principaux de dessins : les études d'après nature faites sur le motif, nombreuses dans les premières années, et les compositions faites en atelier, qui caractérisent l'évolution ultérieure de l'artiste. Mais qu'ils soient exécutés sur le motif ou dans l'atelier, tous ses dessins témoignent d'un même souci de structuration et d'effet pictural, et constituent donc des œuvres achevées. Les esquisses rapides sont très rares chez Claude. Les feuilles préparatoires pour les tableaux deviennent avec l'âge de plus en plus fréquentes. On en compte jusqu'à 10 par œuvre. Aux études d'ensemble s'ajoutent des études de figures pour les principales toiles des années 1645-1678.
Un certain nombre de dessins originaux, très travaillés, sans rapport avec les compositions connues, forment une catégorie particulière dans la production tardive de l'artiste.
Dès 1636, Lorrain copia systématiquement ses tableaux par ordre chronologique dans un volume de 200 feuilles, le Liber veritatis (British Museum, qui possède plus de 500 dessins de Claude). Cet ensemble fut gravé à deux reprises par R. Earlom dans les années 1770, puis par L. Caracciolo (1815). Claude Gellée fit une quarantaine de gravures pastorales, la plupart avant 1642. Ces plaques gravées ne sont pas des œuvres originales, mais sont au contraire en liaison étroite avec des tableaux connus. Elles reflètent l'influence d'Elsheimer, de Pieter Van Laer et peut-être de Gottfried Wals, et semblent un témoignage des rapports de l'artiste avec les paysagistes hollandais à Rome dans les années 30.

L'INFLUENCE DE LORRAIN

Le peintre n'eut qu'un seul élève, Angeluccio, mort jeune, mais l'influence de son art, dans sa première période, fut immense dès son vivant, surtout sur Dughet et son école (Onofri) et sur certains Néerlandais italianisants. Son exemple domina tout le paysage classique du xviiie s. et du début du xixe s. en Italie (Orizzonte, Vanvitelli, Locatelli, Anesi). Son influence se fit sentir en France (Patel, Rousseau) et en Allemagne, où Gellée en vint à représenter l'idée même de l'Italie en littérature (Goethe) et en peinture. L'Angleterre, dont les collections possédèrent v. 1850 l'œuvre presque entier de Lorrain, la subit également dans sa peinture (de Richard Wilson à Turner), dans son art du jardin (à Stourhead) et dans la notion de pittoresque chère au xviiie s. À l'époque impressionniste enfin, ses lavis furent souvent imités. Une rétrospective Lorrain a eu lieu en 1983 (Washington N. G. ; Paris, Grand Palais).

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Claude Gellée
Claude Lorrain.jpg
Autoportrait, 1650 (Musée du Louvre, Paris).
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CLAUDE LORRAIN (w.fr.)
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Claude Lorrain

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Patrick AULNAS

Portraits

Claude Lorrain                        Claude Lorrain par Auguste Rodin (1892, Nancy)
Portait de Claude Gellée, dit Le Lorrain. Gravure 
Auguste Rodin. Claude Lorrain (1892, Nancy)


Biographie

1600-1682 
Claude Géllée (ou Gelée) est né dans le village vosgien de Chamagne (Lorraine). Sa région d’origine lui valut le surnom de Le Lorrain. Il est aujourd’hui plus connu sous le nom de Claude Lorrain, et les anglo-saxons, qui l’admirent beaucoup, l’appellent même Claude. Il signait ses œuvres de diverses manières : Claude Gellée, Claude Lorrain, Claude Le Lorrain ou simplement Claude. Voici deux exemples de signatures de Claude Lorrain extraites de dessins :

Signature Claudio GelleeSignature Claudio Lorrain
Claudio GelléeClaudio Lorrain

Il est issu d’une famille pauvre et devient très jeune apprenti pâtissier. Ayant perdu ses parents à l’âge de douze ans, il se rend à Rome dans des circonstances mal connues. Il est engagé comme domestique par le peintre maniériste Agostino Tassi (1566-1644). Ce hasard lui permet de devenir l’assistant de Tassi, de broyer et de préparer les couleurs et ainsi de prendre contact avec l’art par la pratique. Car Lorrain n’a pas fait d’études et n’a suivi que quelques leçons dans l’école de son village natal. Selon certaines sources, il serait également devenu l’élève du peintre flamand Paul Bril (1554-1626) qui, spécialisé dans les vedute, pourrait lui avoir donné le goût des paysages.


Lorrain. Le jugement de Pâris (1645-46)
Lorrain. Le jugement de Pâris (1645-46)
Huile sur toile, 112 × 150 cm, National Gallery of Art, Washington.


En 1625, il revient en Lorraine où le peintre Claude Deruet (1588-1660) lui propose de travailler à la décoration d’une église de Nancy. Cette vie ne semble pas lui convenir car il regagne rapidement Rome qu’il ne quittera pratiquement plus. Peu après ce retour, il rencontre Nicolas Poussin (1594-1665) qui dispose déjà d’une expérience et d’une culture très supérieure. Les liens entre les deux grands artistes seront durables et forts et on les a souvent représentés peignant ensemble dans la campagne romaine. L’influence fut certainement réciproque car Claude Lorrain deviendra le plus grand paysagiste du classicisme, celui dont s’inspireront tous les successeurs jusqu’aux impressionnistes.
Le génie de Lorrain sera vite reconnu par l’aristocratie italienne et les commandes vont affluer. Les Colonna, les Pamphili, les Barberini, les Chighi et bien d’autres grands noms de la haute société figureront parmi ses clients. Il vendra aussi à l’étranger par l’intermédiaire des ambassadeurs, en particulier au roi d’Espagne.
Claude Lorrain ne se maria pas mais il eut une fille naturelle avec laquelle il passa ses dernières années ainsi qu’avec deux neveux lorrains venus le rejoindre à Rome. Après sa mort en 1682, il sera inhumé dans l’église Trinita dei Monti, mais en 1836 sa tombe sera transférée dans l’église Saint-Louis-des-Français de Rome. 

Œuvre

Claude Lorrain est considéré comme le représentant le plus éminent du paysage classique. Généralement, ses paysages servent de cadre à une scène biblique, mythologique ou historique, mais les personnages ne tiennent pas une place importante ; ils représentent l’anecdote du tableau. Stylistiquement, il s’agit bien de paysages avec au premier plan quelques petits personnages justifiant la thématique imposée. Mais l’important, ce sont les ciels, les arbres, la mer, les édifices. Classicisme oblige, il fallait bien que l’Antiquité et la religion aient une place dans l’œuvre du grand maître du paysage classique. On mesure ainsi la distance qui le sépare du grand paysagiste hollandais Jacob Van Ruisdael qui n’avait nul besoin d’une chronique mythologique.


Lorrain. Paysage avec Enée à Délos (1672)
Lorrain. Paysage avec Enée à Délos (1672)
Huile sur toile, 100 × 134 cm, National Gallery, Londres.

L’influence flamande a sans doute été importante dans la vocation paysagiste de Claude Lorrain. Il ne faut pas oublier que la doxa de l’époque voyait dans le paysage un genre mineur et dans les déesses, les dieux, les saints et les apôtres le sommet de la hiérarchie artistique. Mais les flamands de Rome étaient spécialisés dans le paysage et Claude Lorrain entretenait de bonnes relations avec eux. Le Flamand Paul Bril se situait à mi-chemin entre le paysage fantastique de la Renaissance et le paysage plus réaliste d'Annibal Carrache.

           
Paul Bril. Paysage de montagnes fantastique (1598) Carrache. Paysage fluvial (1590)
Paul Bril. Paysage de montagnes fantastique (1598)
Huile sur cuivre, 21 × 29 cm, National Galleries of Scotland, Édimbourg.
 
Annibal Carrache. Paysage fluvial (1590)
Huile sur toile, 89 × 148 cm, National Gallery of Art, Washington


Lorrain subit la double influence, imprima à ses œuvres sa forte personnalité et devint un novateur de premier ordre. Il n’est pas possible de rattacher Claude Lorrain au vedutisme car il ne cherche nullement à reproduire fidèlement un paysage existant. Il s’agit donc de paysages imaginaires inspirés d’un réel un tant soit peu idéalisé. Là se situe l’ambition classique de Lorrain : s’imprégner de la réalité de la campagne romaine ou de la côte italienne mais en éliminer les imperfections pour se conformer à un idéal de beauté.
Quelle est la singularité de Claude Lorrain, ce qui l’a fait admirer des souverains de son temps, du pape et de toute l’aristocratie ? La réponse est probablement dans le caractère infiniment poétique de son œuvre. Il est un poète et non un historien qui illustrerait les vieux mythes antiques en leur offrant un cadre naturel. Il aime passionnément la nature et c’est sa beauté idéalisée qu’il cherche à nous communiquer. Pour y parvenir, il utilise le dessin : il est un dessinateur prodige. Il ne considère pas le dessin comme une simple approche initiale du tableau comme la plupart des peintres de son époque. Ses dessins ne sont pas des croquis préparatoires mais des œuvres d’art indépendantes. Aussi possède-t-on, en plus des deux cents tableaux de Lorrain, environ mille deux cents dessins d’une facture unique. Pour passer du dessin au paysage peint, il faut surtout ajouter la lumière : tous les tableaux de Claude Lorrain accordent une place primordiale à la lumière.
L’influence de son œuvre sur les paysagistes des deux siècles suivants fut profonde. Les paysagistes anglais en font un modèle et il sera beaucoup pastiché, mais les plus grands comme Joseph Mallord William Turner (1775-1851) ou John Constable (1776-1837) le reconnaissent comme un maître.

Tableaux

 Les personnages et l’anecdote mythologique (rappelée ici) ont fort peu d’importance. Il s’agit de très beaux paysages.

Lorrain. Paysage avec marchands (1630)
Paysage avec marchands (1630)Huile sur toile, 97 × 144 cm, National Gallery of Art, Washington.
 
Lorrain. La fuite en Egypte (1635)
La fuite en Egypte (1635). Huile sur toile, 71 × 98 cm, Museum of Art, Indianapolis. Le roi Hérode Ier de Palestine, ayant appris la naissance à Bethléem du roi des Juifs, donne l’ordre de tuer tous les enfants de moins de deux ans se trouvant dans la ville. Joseph, prévenu par un songe, s’enfuit avec l’Enfant Jésus et sa mère Marie en Égypte où ils resteront jusqu’à la mort d’Hérode.
 
Lorrain. Port de mer avec la villa Médicis (1638)
Port de mer avec la villa Médicis (1638). Huile sur toile, 102 × 133 cm, Galerie des Offices, Florence. La villa Médicis de Rome a été construite au milieu du 16e siècle. Elle est acquise en 1576 par le cardinal Ferdinand de Médicis. En 1803, Napoléon y installe l’Académie de France à Rome. Elle accueille aujourd’hui les lauréats du prix de Rome. Le tableau de Lorrain avait été commandé par un membre de la famille Médicis, ce qui explique la présence de la villa (au fond à droite).
 
Lorrain. Le Campo Vaccino de Rome (1640)
Le Campo Vaccino de Rome (1636). Huile sur toile, 56 × 72 cm, musée du Louvre, Paris. Il s’agit du forum romain en 1630. Au premier plan à gauche, l’arc de Septime Sévère surplombé par la tour des Conti. Puis le temple d’Antonin et Faustine et la basilique de Constantin. Tout au fond, à l’arrière plan le Colisée. A droite, au premier plan, les colonnes du temple de Saturne puis les trois colonnes du temple de Castor et Pollux et enfin le mur des jardins Farnèse.
 
Lorrain. Port de mer avec l’embarquement de sainte Ursule (1641)
Port de mer avec l’embarquement de sainte Ursule (1641). Huile sur toile, 113 × 149 cm, National Gallery, London. La légende de Sainte Ursule a été fixée par Jacques de Voragine (v. 1228-1298), chroniqueur italien du Moyen Âge, archevêque de Gênes, dans son ouvrage, La Légende dorée, qui retrace la vie de nombreux saints. Ursule est une princesse des Cornouailles (Angleterre) du 3e ou 4e siècle qui fuit son prétendant. Pour cela, elle accomplit un pèlerinage de trois ans auprès de Saint Cyriaque de Rome. Capturée par les Huns à son retour, elle refuse d'épouser leur chef Attila et d'abjurer sa foi. Avec ses suivantes, les onze mille vierges (c'est une légende !), elle est alors criblée de flèches par les Huns qui assiègent Cologne. La sainte apparaît avec sa suite à gauche de la composition, mais c'est la lumière en contre-jour, venant des profondeurs du tableau pour irradier toute l'œuvre, qui est le sujet principal.
 
Lorrain. Paysage avec bergers (1645-46)
Paysage avec bergers (1645-46)Huile sur toile, 68,8 × 91 cm, Szépmûvészeti Múzeum, Budapest.
 
Lorrain. Le jugement de Pâris (1645-46)
Le jugement de Pâris (1645-46). Huile sur toile, 112 × 150 cm, National Gallery of Art, Washington. Mythologie grecque. Pâris, fils du roi de Troie Priam, gardait les troupeaux sur le mont Ida. Trois déesses apparaissent : Aphrodite, Héra et Athéna. Elles cherchent un juge, sur les conseils de Zeus, pour les départager dans un concours de beauté. Héra promet à Pâris la souveraineté sur l’Asie et l’Europe, Athéna, la gloire des guerriers, et Aphrodite, la main de la plus belle des femmes. Ce fut à cette dernière que Pâris offrit la pomme d’or (la pomme de la discorde) qui devait revenir à la plus belle. Mais, jalouses de n'avoir point été choisies, Athéna et Héra témoignèrent à l’avenir, d'une haine farouche à l'égard du Troyen Pâris et protégèrent les Grecs.
 
Lorrain. Paysage avec Pâris et Oenone, dit Le Gué (1648)
Paysage avec Pâris et Oenone, dit Le Gué (1648). Huile sur toile, 119 × 150 cm, musée du Louvre, Paris. La nymphe Oenone montre à son époux, le berger Pâris, les serments d’amour qu’il a gravés sur le tronc d’un peuplier. Mais il la quittera pour Hélène, et Oenone se lamentera au pied de l'arbre. (Notice musée du Louvre)
 
Lorrain. Troupeau de moutons dans la campagne (1656)
Troupeau de moutons dans la campagne (1656). Huile sur toile, 35 × 45 cm, Akademie der bildenden Künste, Vienne. Ce petit tableau est une des rares peintures de Lorrain qui peut être considérée comme une étude. Les autres études sont des dessins.
 
Lorrain. Vue côtière avec l’enlèvement d'Europe (1667)
Vue côtière avec l’enlèvement d'Europe (1667). Huile sur toile, 134,6 × 101,6 cm, Royal Collection, Londres. Mythologie grecque. Europe est la fille du roi de Tyr, ville de Phénicie (actuel Liban). Zeus, métamorphosé en taureau, la rencontre sur une plage de Sidon. Europe s'approche de lui et est alors emmenée sur l'île de Crète. Sous un platane, elle s’accouple à Zeus (redevenu humain pour la circonstance !). Des enfants naissent et les péripéties divines se poursuivent. Rubens et Rembrandt représenteront la scène mythologique elle-même. Lorrain a peint cinq versions de ce sujet de 1634 à 1667, celle-ci étant la dernière.
 
Lorrain. Paysage avec Enée à Délos (1672)
Paysage avec Enée à Délos (1672). Huile sur toile, 100 × 134 cm, National Gallery, Londres. Mythologie grecque. Enée (en rouge) s’est échappé de Thrace avec son père Anchise (en bleu) et son fils Ascagne. Anius (en blanc), roi et prêtre de l’île de Délos les accueille et leur montre les terres données par Apollon. Il s’agit pour le héros mythologique en fuite d’un épisode de sérénité.
 
Lorrain. Paysage avec la scène Noli Me Tangere (1681)
Paysage avec la scène Noli Me Tangere (1681). Huile sur toile, 84,5 × 141 cm, Städelsches Kunstinstitut, Francfort. Noli me tangere (« Ne me touche pas ») sont les paroles prononcées par Jésus-Christ ressuscité, le dimanche de Pâques, à l’adresse de Marie-Madeleine.

Dessins

Lorrain. La tempête (1630)
La tempête (1630)Gravure sur cuivre, 12,5 cm × 17,3 cm, Claude Lorrain, éditions Barcelona Altaya (2001).

Lorrain. Paysage avec un chevrier (1637)
Paysage avec un chevrier (1637)Plume et encre brune, lavis gris et brun sur papier, 19,4 × 26 cm, British Museum, Londres.

Lorrain. Port de mer avec grande tour (1637-41)
Port de mer avec grande tour (1637-41)Gravure sur cuivre, 13 × 19 cm, São Paulo Museum of Art, São Paulo.

 
Lorrain. Arbres (av. 1644)
Etude d'arbres (av. 1644)Plume et encre brune, pinceau et encre brune, 28,9 × 20,5 cm, musée du Louvre, Paris.
 
 
Lorrain. Le jugement de Pâris (1645-46)Le jugement de Pâris (1645-46). Plume et encre brune et lavis brun sur papier, 19,5 × 25,6 cm, British Museum, Londres.

Lorrain. Le retour du berger dans la tempête (1650)Le retour du berger dans la tempête (1650). Gravure sur cuivre. Claude Lorrain, éditions Barcelona Altaya (2001).

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