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vendredi 21 février 2020

SANDRO BOTTICELLI ( 1445-1510)






































Alessandro Filipepi, dit Sandro Botticelli

Botticelli, la Vierge et l'Enfant avec saint Jean-Baptiste enfant
Peintre italien (Florence 1445-Florence 1510).
Peintre de l'idéal humaniste gardant les yeux fixés sur l'idéal chrétien, Botticelli fut l'un des plus grands maîtres de la Renaissance florentine. Son œuvre nous plonge dans la vision d'un monde paré d'une poésie fascinante.

1. ANNÉES D'APPRENTISSAGE

Fils du tanneur florentin Mariano Filipepi, Alessandro, dit Sandro, reçoit le surnom de Botticelli (de botticello, « petit tonneau ») pour une raison qui reste incertaine. Il commence son apprentissage chez un orfèvre, où il découvre ses talents d'artiste et acquiert le goût du contour précis.
Vers 1464, il entre dans l'atelier de Fra Filippo Lippi pour trois ans environ. S'il met à profit l'enseignement de son maître, créateur de formes à la fois denses et élégantes, il semble prendre encore plus d'intérêt aux recherches de Verrocchio, dont il sera l'aide. De cette première période datent plusieurs Vierges à l'Enfant, généralement accompagnées d'anges.

2. LA MONTÉE VERS LA GLOIRE

C'est à Florence que se déroule presque toute la carrière de Botticelli. En 1470, celui-ci ouvre son atelier et, grâce à un homme de confiance des Médicis, obtient sa première commande officielle, la Force, qui est une allégorie. Vers 1472, il s'initie à la peinture religieuse avec le Retour de Judith , à la facture précieuse, et un Saint Sébastien. Vers 1476-1477, l'Adoration des Mages est sa première œuvre importante, dans laquelle il se représente aux côtés de plusieurs Médicis.
C'est vers 1478 que Botticelli achève la Madone avec huit anges et surtout le Printemps, commandé pour deux frères Médicis ; la grâce linéaire qui s'y épanouit atteste que l'artiste a trouvé un langage totalement personnel. Délaissant les panneaux de bois pour la fresque, il peint un Saint Augustin (1480) et une Annonciation (1481), dans lesquels la composition s'organise selon les lignes de la perspective.
La réputation du peintre est telle que le pape Sixte IV l'appelle à Rome. Entre 1481 et 1482, Botticelli y peint trois fresques pour la chapelle Sixtine : les Épreuves de Moïsela Punition des lévites rebelles et la Tentation du Christ – chacune d'elles, obéissant à une tradition médiévale, rassemble plusieurs épisodes. La brillante Adoration des Mages (vers 1478/1482) est sans doute un autre témoignage de l'activité romaine du maître.

3. L'HUMANISME FLORENTIN

À Florence, l'humanisme dont la cour des Médicis est un ardent foyer trouve en Botticelli son meilleur interprète dans le langage de l'art avec les deux célèbres tableaux mythologiques Pallas [Minerve] et le Centaure (vers 1480-1483) et la Naissance de Vénus (vers 1484), auxquels succède un Mars et Vénus , peut-être commandé par une autre illustre famille, les Vespucci.
À la demande des Médicis, Botticelli entreprend une série de dessins sur parchemin (en 1490) qui vont illustrer la Divine Comédie de Dante Alighieri.

4. LA QUÊTE SPIRITUELLE

Vers 1485-1486, Botticelli était revenu au thème de la Madone, qu'il avait traité dans plusieurs compositions élégantes et lumineuses (la Madone du Magnificat). Peu avant 1490, il reçoit la commande, assez rare dans sa carrière, de deux ouvrages de dimensions importantes : le Retable de saint Barnabé, pour la confrérie des médecins et des pharmaciens, et le Retable de saint Marc, pour la corporation des orfèvres.
La crise politique et morale qui secoue Florence à la mort de Laurent le Magnifique (1492) se répercute dans la vie même de Botticelli, dont les dernières œuvres révèlent une exaltation du sentiment religieux. Déjà, l'Annonciation peinte vers 1490 avait renouvelé le thème dans un climat tourmenté dont la Vierge debout avec l'Enfant embrassé par saint Jean-Baptiste, postérieure de quelques années, offre de nouveau l'exemple. Deux Pietà, peintes vers 1495, portent la tension tragique à son comble.
Enfin, les prédications de Jérôme Savonarole semblent avoir directement inspiré la Nativité mystique (1501) et la Crucifixion, avec une vue de Florence en pleine tempête.

5. LE PEINTRE DE LA GRÂCE INQUIÈTE

Le mouvement, essentiel au monde de Botticelli, est saisi par le trait, qui a plus d'importance que le volume. Nerveux et imprévu, il fait ondoyer la figure humaine ou parfois la tourmente et la brise selon le caprice du peintre ; mais son irrégularité lui évite de se confondre avec l'arabesque décorative : il est l'expression de la pensée.
Cependant, la primauté du trait ne veut pas dire, chez Botticelli, indifférence à la matière picturale. Son goût pour le raffinement de l'exécution et pour la transparence du coloris, qui semble pénétré d'une lumière cristalline, se rencontre tout au long de sa carrière.
La grâce inquiète de Botticelli ferait peut-être de celui-ci un précurseur des maniéristes du xvie siècle, si le peintre n'avait d'abord exprimé les exigences spirituelles de son temps. En cet « âge d'or pour les hommes de génie » (Giorgio Vasari), il s'agissait de voir dans le monde sensible le reflet du monde des idées. Le Printemps, qui semble opposer de part et d'autre de Vénus l'amour charnel et l'élan de l'âme, et la Naissance de Vénus, qui serait un hymne à la fécondité universelle, sont la transposition la plus parfaite de ce dualisme.

6. POSTÉRITÉ DE BOTTICELLI

Au moment où Botticelli meurt, de jeunes artistes donnent à la Renaissance une orientation nouvelle : Léonard de VinciRaphaëlMichel-Ange, entre autres. Sa peinture, déjà démodée, va tomber dans l'oubli. C'est au xixe siècle qu'elle retrouvera la place qu'elle mérite.
Les jeunes dandys des années 1890, tel Marcel Proust, sont de grands laudateurs de Botticelli. L'auteur d'Un amour de Swann s'inspire d'une de ses fresques de la Sixtine, dont il a connaissance grâce aux Essais critiques de John Ruskin, pour imaginer le portrait d'Odette de Crécy.
C'est la figure de Zéphora, la future épouse de Moïse, qui offre à l'écrivain son modèle plastique et lui permet de trouver l'« incarnation » de la femme aimée dans son roman. Swann, y lit-on, « plaça sur sa table de travail, comme une photographie d'Odette, une reproduction de la fille de Jéthro ».

8. CITATIONS

« Sandro fut un dessinateur hors du commun et bien des artistes s'ingénièrent à se procurer ses dessins. »
Giorgio Vasari (Sandro Botticelli, peintre florentin)
« Ce sont plutôt des hommes et des femmes de condition mêlée et incertaine, toujours attirants, revêtus parfois par la passion d'un caractère de beauté et d'énergie, mais attristés sans cesse par l'ombre que projettent sur eux les grandes choses auxquelles ils se refusent. »
Walter Pater, parlant des personnages de Botticelli dans un essai qui tira le peintre de l'oubli :la Renaissance (1873).
« Le premier il osait, après avoir peint la Vierge, peindre Vénus presque aussi chaste et aussi douce. »
Émile Bertaux (1869-1917), historien d'art français (la Grande Encyclopédie, 1885-1902).

Botticelli (Alessandro Filipepi, dit Sandro)

Dic. de la peinture Larousse (2003)

Peintre italien (Florence 1445  – id. 1510).
Élève de Filippo Lippi, il travailla toute sa vie à Florence, à l'exception d'un séjour à Rome (1481-82), où il peignit les Histoires de Moïse à la chapelle Sixtine avec plusieurs des maîtres les plus fameux de l'époque.

Botticelli et les Médicis

Il fut en rapport étroit avec les Médicis et débuta en peignant un étendard pour le tournoi de Julien de Médicis, qui fut chanté par Politien dans ses Stances et dont Botticelli laissa plusieurs portraits en buste (Washington, N. G.) . Après la conjuration des Pazzi (1478), il exécute les effigies des conjurés pendus. Dans l'Adoration des mages (Offices), les Médicis et leur suite ont servi de modèles aux personnages du cortège sacré.
   C'est enfin pour Lorenzo di Pierfrancesco de' Medici qu'il peint ses tableaux profanes les plus fameux (le Printemps, la Naissance de Vénus) et qu'il exécute ses dessins pour la Divine Comédie. Les événements qui bouleversent Florence à la fin du XVe s. le troublent profondément : avec la mort de Laurent le Magnifique (1492) et l'expulsion de son fils Piero (1494) s'écroulait ce monde qui l'avait accueilli et honoré comme son maître préféré.

Les débuts de Botticelli

C'est sous l'influence de Filippo Lippi que débute Botticelli, au moment où Verrocchio et Pollaiolo commencent depuis peu à travailler. Botticelli, dans ses premières œuvres, se souvient de toutes ces expériences : ses nombreuses Madones à l'Enfant (Offices ; Louvre ; Londres, N. G.) sont toutes exécutées sur le modèle de celles de Lippi, à qui elles ont parfois été attribuées. Toutefois, la ligne de Botticelli est profondément différente de celle de son maître et de ses contemporains : le trait, accusé chez Lippi, se fait léger et subtil, la tension qui anime les corps chez Verrocchio et Pollaiolo s'adoucit tout à coup. On le constate dans la Force (Offices), peinte en 1470 pour compléter la série des Vertus de Piero del Pollaiolo, ou dans le Saint Sébastien (musées de Berlin), où la ligne tendue et exaspérée de ses contemporains s'assouplit en une intonation presque élégiaque.
   On remarque le même adoucissement dans les deux Scènes de la vie de Judith (Offices), où la cruelle et virile héroïne est devenue une figure mélancolique drapée dans des vêtements ondoyants qui soulignent le rythme du personnage marchant. Botticelli, éludant le point culminant du drame, a préféré représenter la scène suivante, la découverte du cadavre décapité d'Holopherne.

Le Printemps

On date de 1478 env. le Printemps, peint pour la villa Médicis de Castello. Ce tableau fut inspiré par quelques tercets des Stanze per la giostra (Stances pour le tournoi) de Politien. L'interprétation de Botticelli représente une des plus extraordinaires évocations du mythe antique. La position du peintre, face au monde classique, est profondément différente de celle des " pères " de la Renaissance, cinquante ans auparavant, qui affirmaient la présence d'une nouvelle humanité dans un monde vu au travers d'une perspective harmonieuse dont ils recherchaient passionnément les lois en étudiant et en mesurant les édifices antiques. L'univers classique de Botticelli est surtout une évocation nostalgique, une évasion : dans l'Adoration des mages (Offices), les monuments antiques du fond ne sont pas représentés dans leur intégrité, mais dans la fragile et romantique condition de ruines.

Les fresques de la Sixtine (1481-82)

Dans les fresques fort complexes de la chapelle Sixtine, Botticelli semble gêné par la nécessité de développer un discours articulé et serré. En effet, son tempérament est davantage porté à suggérer et à représenter une seule scène : les personnages du Printemps n'étaient pas liés par un dialogue, mais par d'imperceptibles rythmes linéaires. Dans ces fresques, les meilleures réussites apparaissent peut-être dans certains détails, tels que les enfants avec les fagots, et les portraits intenses des personnages, notamment Zéphora, l'une des filles de Jethro (les Épreuves de Moïse), à qui Proust fit ressembler l'un de ses personnages, Odette de Crécy.

1482-1498

De retour à Florence, il peint ses plus célèbres Madones et les grands " tondi " du Magnificat et de la Madone à la grenade (Offices). Le sens linéaire de Botticelli s'accentue dans le rythme circulaire de la composition, dans l'harmonieuse disposition des figures, qui s'adaptent parfaitement au format de la peinture. On peut situer v. 1490 la Pala de San Barnaba, le Couronnement de San Marco, l'Annonciation des moines de Cestello. Dans ces œuvres, toutes conservées dans les galeries florentines (Offices ; Pitti), on observe déjà une ligne plus aiguë, une plus grande animation des gestes, un amoncellement presque convulsif des rythmes linéaires (par exemple les draperies des deux personnages de l'Annonciation).
   La ligne botticellienne avait déjà atteint l'extrême limite de ses possibilités expressives dans la Naissance de Vénus (v. 1484, Offices), principalement dans l'enchevêtrement de la masse blonde des cheveux et dans Pallas et le Centaure (id.). Il ne pouvait aller plus loin sans risquer une régression ou une crise grave, qui se produisit en effet. Des œuvres comme la Pietà (Munich, Alte Pin., et Milan, musée Poldi-Pezzoli), la Nativité mystique (1501, Londres, N. G.) et les Histoires de saint Zénobie (Londres, N. G. ; Metropolitan Museum ; Dresde, Gg) se distinguent nettement des précédentes par la cassure de la ligne, l'intensité et la violence de la couleur.

Dernière période

La prédication de Savonarole, puis sa mort (1498) sont à l'origine d'une grave crise spirituelle. Botticelli vivait alors chez son frère Simone, un des plus fervents disciples du frère dominicain. Ses discours contre la licence et la corruption du temps, les " incendies de la vanité " sur les places florentines devaient insinuer dans l'âme hypersensible de l'artiste doutes et scrupules sur son activité passée. De la fin du XVe s. à sa mort, Botticelli utilise encore dans ses peintures des thèmes historiques et mythologiques, mais uniquement lorsqu'ils sont porteurs de messages moraux, comme dans la Calomnie d'Appella (Offices). Il s'inspire également des histoires " vertueuses " de Lucrèce (Boston, Gardner Museum) et de Virginie (Bergame, Accad. Carrara). Dans ses tableaux sacrés des dernières années, comme la dramatique Nativité mystique (1501, Londres, N. G.), il accumule les allusions moralisatrices et les inscriptions sibyllines sur les turpitudes de l'Italie et sur leur punition imminente ; dans la Crucifixion (Cambridge, Mass., Fogg Art Museum), il déploie un enchaînement allégorique quasi dantesque (l'ange qui frappe un renard, le loup qui s'échappe des vêtements de la Madeleine) sur un fond où Florence est plongée dans une sombre tempête.

L'influence de Botticelli

L'influence de Botticelli sur ses contemporains ne fut pas en rapport avec la très haute qualité de sa peinture. Seul son jeune élève Filippino Lippi comprit son style aristocratique et difficile. Ses autres imitateurs florentins (par exemple Jacopo del Sellajo, Bartolomeo di Giovanni, qui collabora avec lui pour les Cassoni de l'histoire de Nastagio degli Onesti, au Prado) saisirent mal son art et traduisirent les cadences fluides de la ligne, l'enchevêtrement de ses corps en maladroits schémas mécaniques. Botticelli n'exerça aucune attraction sur les artistes des débuts du XVIe s., attirés désormais par la " manière nouvelle ", proposée à Florence même par Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël. Dans le domaine des arts figuratifs, il avait été l'interprète singulier de cet humanisme aristocratique qui se rattachait à la société des Médicis, de cet idéalisme poétique opposé à l'art bourgeois de Ghirlandaio et au réalisme fantastique de Piero di Cosimo.
   Longtemps oublié, il devait être redécouvert à la fin du XIXe s., suscitant, en particulier dans l'intelligentsia britannique, des préraphaélites aux artistes de l'Art nouveau, une admiration passionnée qui lui avait été refusée à la fin de sa vie.

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