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jeudi 5 mars 2020

VENETIA: ISTORIE SI CULTURA





CA VENDRAMIN CALERGI



Venise
Enc.Larousse

Population : 263 996 hab. (recensement de 2011)
Nom des habitants : Vénitiens

GÉOGRAPHIE
Venise se dresse en un site exceptionnel. Au fond de l'Adriatique, elle est construite au milieu d'une lagune, sur un archipel de 118 petites îles séparées par 177 canaux, et compte 400 ponts. Elle se trouve à 4 km de la terre ferme, à laquelle elle est réunie par un pont ferroviaire et routier, et à 2 km de la mer dont elle est séparée par un long cordon littoral (cordons de Pellestrina, du Lido de Venise, de Cavallino). Venise a constitué au Moyen Âge un vaste État reposant sur le commerce, unifié sous son autorité, et qu'elle a maintenu libre pendant une dizaine de siècles. La cité des Doges porte les marques de cette richesse passée avec la place Saint-Marc et l'alignement de somptueux palais le long du Grand Canal. Diverses activités ont été transférées sur d'autres îles ou cordons littoraux à Chioggia (pêche), Murano (verrerie), le Lido (tourisme de luxe). Sur la terre ferme se sont développés les quartiers de résidence à Mestre et les zones industrielles à Marghera (travail des métaux non ferreux, pétrochimie). Les fonctions de Venise sont variées. La plus célèbre est la fonction touristique, qui est à la source d'une vive activité commerciale. Les fonctions administrative et culturelle (Biennale d'art, festival international de cinéma, université) sont importantes, mais c'est l'industrie qui offre le plus d'emplois. Son développement menace l'existence même de Venise par la pollution et par l'affaissement de la ville dans sa lagune lié au tassement des sédiments dû au pompage des eaux industrielles, affaissement de l'ordre de 20 cm depuis un siècle. La mer envahie régulièrement la ville au moment des grandes marées. Le plus haut niveau de ces hautes eaux date de novembre 1966, avec 1,94 m au-dessus du niveau de référence. L'acqua alta de décembre 2008 a atteint 1,56 m, soit le plus haut niveau depuis 22 ans. Un projet, appelé Moïse, lancé en 2003, consiste à construire 78 digues mobiles pour limiter ces inondations dues aux grandes marées.

HISTOIRE DE VENISE

LES ORIGINES (Ve-VIIIe S.)
Les invasions des Huns (ve s.) puis l'arrivée des Ostrogoths de Théodoric ont vraisemblablement eu pour effet de provoquer des exodes temporaires des populations côtières (pêcheurs, marins et sauniers) sur les îlots de la lagune. Mais, à la fin du vie et au viie s., la lagune sert de refuge durable aux paysans et citadins du littoral, fuyant les invasions lombardes. Elle se peuple de cités romano-byzantines placées sous l'autorité de l'exarque de Ravenne. Au cours de la crise iconoclaste, les cités de la lagune s'émancipent momentanément de la tutelle byzantine et leurs armées élisent un duc (doge) : Orso Ipato (726-737). Après la conquête des États continentaux par Charlemagne (774), le pacte romano-carolingien de 814 reconnaît l'appartenance de la lagune à l'Empire byzantin, lui assurant ainsi une position stratégique aux confins des empires d'Orient et d'Occident et du monde slave.

IMPLANTATION ET CROISSANCE DE LA VILLE (IXe-XIIe S.)
Au début du ixe s., le doge Agnello Partecipazio (809 ou 810-827) transfère le siège ducal dans sa résidence des îles du Rialto où sont déposés les restes de saint Marc en 828. La situation privilégiée de Venise lui permet de fonder sa puissance sur les échanges commerciaux maritimes. Les Vénitiens redistribuent en Occident les soieries, les épices, les produits exotiques et de luxe en provenance de Constantinople, d'Alexandrie et d'Orient, tout en exportant vers l'Orient byzantin et arabe les esclaves (Slaves), le bois, le fer et, à partir du xiie s., les draps de laine de l'Occident. La ville développe aussi un commerce de première nécessité avec la vallée du Pô et les Pouilles.

Venise consolide ses positions commerciales en établissant, sous Pietro II Orseolo (992-1009), un protectorat sur la côte et les îles dalmates, de Zara (Zadar) à Raguse (Dubrovnik). Son soutien à l'empereur Alexis Ier Comnène contre les Normands (1081) lui vaut de considérables privilèges commerciaux dans l'empire d'Orient (1082). Peu après, la consécration de la basilique Saint-Marc (1094) et l'établissement du grand marché international au bord du Grand Canal (1099) matérialisent la prospérité de la ville. Au début du xiie s., Venise doit faire face à la concurrence des Pisans et des Génois. La participation de sa flotte aux premières croisades lui assure la concession de quartiers dans plusieurs villes de Syrie et de Palestine, tandis que l'aide apportée à l'empire d'Orient contre les Normands à Corfou (1148) pérennise ses privilèges commerciaux à Constantinople.
Cette activité commerciale est à l'origine commanditée par les familles de propriétaires fonciers dont sont issus les doges, et mise en œuvre par de nouveaux venus (case nuove) rapidement enrichis. Sous l'influence de ces nouvelles familles, les institutions se précisent pour faire obstacle aux tentatives de pouvoir personnel des doges. Ils restent nommés à vie, mais leur élection est retirée à l'assemblée du peuple (arengo). Ceux-ci sont entourés de conseils (Conseil des sages, 1143 ; Petit Conseil de six membres, 1172) et doivent à leur entrée en charge prêter serment de respecter les institutions. Le doge devient ainsi le premier magistrat d'un État dont la puissance est consacrée par la signature de la trêve de Venise (1177).

L'APOGÉE (1204-1453)
L'Empire vénitien
La participation de la flotte vénitienne à la quatrième croisade et à la prise de Constantinople (1204) permet au doge Enrico Dandolo (1192-1205), promoteur de l'expédition, d'obtenir pour Venise la plupart des îles grecques, une partie de la Thrace et le Péloponnèse. Établissant des comptoirs sur les côtes de ses nouvelles possessions, Venise dispose d'escales et d'entrepôts sur la route de l'Orient, qui lui est désormais ouverte jusqu'au fond de la mer Noire, et son doge s'intitule désormais « seigneur du quart et demi de la Romanie ». Au moment où Marco Polo atteint la Chine, Venise développe son commerce vers l'Atlantique en envoyant des convois de galères vers l'Angleterre et les Flandres. Les pays germaniques sont aussi associés à son commerce par l'intermédiaire de leur établissement vénitien (fondaco dei Tedeschi). La puissance de Venise, édifiée au prix de luttes constantes avec ses rivales, Pise et Gênes, se matérialise en 1284 par la frappe d'une pièce d'or, le ducat, qui, pendant trois siècles, est avec le florin de Florence l'étalon monétaire du monde méditerranéen occidental.
Les institutions vénitiennes sont de nouveau redéfinies : le Grand Conseil, organe essentiel du gouvernement, est assisté de conseils spécialisés (Petit Conseil, exécutif ; Quarantia, judiciaire ; Sénat, chargé de politique générale). Devenu plus difficile dès le xiiie s., l'accès au Grand Conseil se ferme totalement au xive s. Une oligarchie de deux cents familles gouverne alors Venise. Elle résiste à la conjuration menée par Baiamonte Tiepolo avec l'appui du peuple (1310) et se dote d'un organe de police : le Conseil des Dix. En 1354, le doge Marino Falier, accusé de visées monarchistes, est exécuté. Cette oligarchie dominante réunit la plupart des familles d'affaires dont l'activité assure l'existence même de Venise. Elle réussit donc à se maintenir au pouvoir malgré les longues guerres contre Gênes qui mettent Venise à deux doigts de sa perte (guerre de Chioggia, 1378-1381).
Au début du xve s., le développement de grandes puissances territoriales en Italie risquant d'entraver le ravitaillement de la ville dont la population dépasse 100 000 habitants, Venise entreprend, sous l'impulsion du doge Francesco Foscari (1423-1457), la conquête d'un État de Terre Ferme, grâce à une armée de mercenaires. La paix de Lodi (1454), conclue entre Milan, Florence et Venise, rend les Vénitiens maîtres du Frioul, de Trévise, Padoue et Vérone. Venise donne à son nouvel État une législation unifiée et nomme les principaux magistrats des villes, dont elle préserve l'essentiel des coutumes.

LA RÉSISTANCE À L'ADVERSITÉ (XVe-XVIIIe S.)
La progression des Turcs dans les Balkans s'est manifestée depuis longtemps par l'émigration à Venise de lettrés grecs (Bessarion), qui introduisent dans la ville une école humaniste. Mais la prise de Constantinople (1453) atteint directement les intérêts vénitiens en Orient. Pour maintenir ses relations commerciales vitales, Venise achète Chypre (1489) et lutte pied à pied avec les Turcs. Les expéditions des rois de France en Italie à la fin du xve s. constituent une nouvelle menace contre laquelle Venise se mobilise. Mise en difficulté par la ligue de Cambrai (1509), elle finance une nouvelle coalition qui met les Français en échec, mais dont le poids financier compromet son équilibre économique. Enfin la découverte par Vasco de Gama de la route maritime des Indes enlève à Venise le monopole de l'importation des produits de l'Orient, bien que les Vénitiens réussissent à s'imposer sur les marchés occidentaux (foires de Lyon) jusqu'en 1580. Pour soutenir son commerce, la ville développe les industries des textiles et du verre. Sa splendeur atteint alors son apogée avec l'achèvement du palais des Doges et de la place Saint-Marc, la construction des plus beaux palais du Grand Canal et l'épanouissement d'une des plus grandes écoles de peinture du monde, de Bellini à Titien.
Après la perte de Chypre (1571), puis de la Crète (1669), la concurrence commerciale des ports méditerranéens rend le déclin de Venise irrémédiable. Au xviiie s., Venise n'est plus qu'une ville de fêtes (carnaval), de luxe et d'intrigues, peu pénétrée par l'esprit des Lumières, bien qu'elle conserve intactes ses institutions républicaines.

LA LIBERTÉ PERDUE (XIXe-XXe S.)
Bonaparte, après avoir conquis la République de Venise et contraint le doge Ludovico Manin à abdiquer, cède l'État à l'Autriche (traité de Campoformio, 1797). Malgré l'union de Venise au mouvement national italien et la proclamation d'une éphémère république par Daniele Manin en 1848, la ville n'est rattachée à l'Italie qu'en 1866.

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VENISE, VILLE D'ART

LA PÉRIODE BYZANTINE
Devant les invasions continentales, la civilisation héritée de l'Empire trouva un refuge dans les îles de la lagune vénitienne. Fondée en 639, mais agrandie au début du xie s., la cathédrale de Torcello s'inscrit dans la tradition de la première architecture chrétienne et des églises de Ravenne par son plan basilical et ses mosaïques, dont une partie remonte au viie s., le xiie s. ayant ajouté une page grandiose avec le Jugement dernier qui se déploie au revers de la façade. Alors que Santa Fosca, l'église voisine, dessine une croix grecque au milieu d'un octogone, Santi Maria e Donato de Murano, reconstruite à la fin du xiie s., reste fidèle au type basilical ; une influence lombarde apparaît dans la décoration extérieure de son abside aux arcades superposées.
Dans la ville de Venise, la basilique Saint-Marc (San Marco), fondée en 828-829 et incendiée en 976, a fait place à partir de 1063 à l'étonnant édifice actuel, qui se rattache au « deuxième âge d'or byzantin » sans qu'en soient absentes les particularités dues au génie local. Le plan passe pour reproduire celui des Saints-Apôtres de Constantinople : en croix grecque, avec cinq coupoles sur pendentifs couvrant respectivement la croisée, la nef, le chœur et les deux bras du transept, chacune étant éclairée par des arcs très larges qui retombent sur d'énormes piles évidées ; celles-ci sont reliées par des colonnades portant des galeries. Il s'y ajoute une abside flanquée de deux absidioles et, enveloppant la nef, un atrium voûté de petites coupoles. L'ossature de brique a été progressivement revêtue d'une somptueuse décoration tant extérieure qu'intérieure. Le sol, les surfaces verticales, les colonnes et leurs chapiteaux sont en marbres polychromes. De nombreux morceaux proviennent de la basilique précédente ou de monuments dépouillés lors d'expéditions maritimes : les quatre chevaux de bronze, hellénistiques, rapportés de Constantinople, en 1204, puis placés au-dessus du portail central ; le groupe en porphyre des Tétrarques, sculpture syrienne du ive s. ; le pilier de Saint-Jean d'Acre (ve s. ou vie s.) ; peut-être aussi les colonnes du baldaquin d'autel… Les marbres ciselés à thèmes ornementaux sont d'exécution byzantine ou d'imitation locale, de même que les portes de bronze (xie-xiiie s.) ou la partie la plus ancienne (xe s.) de la « pala d'oro », avec ses émaux et ses pierres précieuses. Mais l'intérieur offre surtout, dans ses parties hautes, l'immense revêtement de ses mosaïques, dont l'exécution a commencé à la fin du xie s. Avec leur fond d'or et leurs couleurs éclatantes, avec leur iconographie réglée par un programme d'inspiration théologique, les plus anciennes relèvent de l'art byzantin. Mais l'entreprise s'est poursuivre jusqu'au xviie s., soumise à l'évolution du goût. Dès le xiie s. apparaît un style plus libre, plus réaliste et plus vivant, où l'influence romane est sensible. On le retrouve au xiiie s., avec un ton brillamment narratif, dans les scènes de l'Ancien Testament qui ornent l'atrium. Cette tendance à l'occidentalisation est confirmée par le décor sculpté de la même époque : surtout les bas-reliefs du portail central, représentant les Mois, les Métiers, les Saisons, les Vertus, les Prophètes, etc., avec une vigueur plastique et un accent réaliste qui les rapprochent de la sculpture émilienne et notamment de Benedetto Antelami.
Cette période a vu aussi se fixer le type vénitien du palais conçu à la fois comme un entrepôt, avec débarcadère, une maison de commerce et une habitation patricienne. La façade sur le canal forme une sorte de triptyque avec deux tours, qui deviendront deux massifs aux percées assez peu nombreuses, de part et d'autre d'un corps central ajouré d'arcades superposées. L'ossature de brique se dissimule sous des placages de marbres souvent polychromes et assemblés en figures géométriques. Ainsi se présentent encore sur le Grand Canal, plus ou moins restaurés, les palais jumeaux Loredan et Farsetti, la Ca'da Mosto, le palais Palmieri, devenu au xviie s. le « fondaco dei Turchi ».

VENISE GOTHIQUE
Commencée au milieu du xiiie s., la construction de l'église des Dominicains, Santi Giovanni e Paolo (« San Zanipolo »), puis de celle des F ranciscains, Santa Maria Gloriosa dei Frari, marque l'abandon des formules byzantines et romanes au profit de la voûte à croisée d'ogives et d'un style lié au gothique péninsulaire. Ces deux majestueux vaisseaux de brique, à ornements de pierre blanche et de marbre, deviendront les nécropoles des doges et des Vénitiens illustres, San Zanipolo surtout. Parmi les autres églises, la Madonna dell'Orto se signale par sa façade gracieuse, Santo Stefano par sa couverture en carène lambrissée.
Dans tout cela, seuls des détails révèlent l'originalité du gothique proprement vénitien, amalgame d'éléments nordiques et orientaux. Sa floraison va du deuxième quart du xive au milieu du xve s. Il se définit moins par la structure que par son décor mouvementé, nerveux, riche et cependant léger grâce à la prépondérance des vides sur les pleins, souvent polychrome. Deux édifices, l'un religieux, l'autre civil, ont joué un rôle déterminant. Saint-Marc doit au gothique vénitien l'insolite couronnement de sa façade et de ses flancs : une alternance de grands arcs en accolade et d'édicules à pinacles, avec d'abondantes sculptures ornementales ou figuratives, auxquelles ont travaillé des maîtres florentins et lombards. À l'intérieur, Jacobello et Pier Paolo Dalle Masegne élevèrent en 1394 l'iconostase avec ses nobles statues.
Mais c'est dans l'art profane que le gothique vénitien a donné toute sa mesure, et d'abord dans le palais des Doges (Palazzo Ducale), reconstruit à partir de 1340 environ. On doit à une première campagne le corps de bâtiment donnant sur la lagune et formant, sur la Piazzetta, l'amorce de la façade en retour d'équerre. L'élévation, d'une vive originalité, inverse le rapport habituel des masses : c'est en effet la moitié inférieure qui est le plus évidée, au moyen d'un portique et d'une loggia à arcades, alors que la moitié supérieure, en faisant prévaloir la muraille sur les ouvertures, met en valeur l'assemblage de ses marbres bicolores. Entrepris à la fin du xive s. par des maîtres dont un grand nombre étaient originaires de Lombardie, le magnifique décor sculpté comprend notamment les deux groupes d'angles représentant l'un Adam et Ève, l'autre l'Ivresse de Noé. À la seconde campagne, commencée en 1424, revient l'achèvement de l'aile donnant sur la Piazzetta. Elle reproduit l'élévation de la plus ancienne et laisse le même rôle à la sculpture, mais à la contribution des maîtres lombards s'ajoute celle des Toscans, dont on reconnaît la force plastique dans le groupe d'angle représentant le Jugement de Salomon. On doit à Giovanni et à Bartolomeo Bon, pour l'essentiel, l'exubérant décor de la porte d'honneur, dite « porta della Carta » (vers 1440), ainsi que le « portique Foscari », qui s'ouvre sur la cour.
Sur la voie triomphale que forme le Grand Canal, les palais des patriciens témoignent aussi de la floraison gothique. Leur structure dérive du type primitif : entre deux parties plus massives, des arcades superposées forment un écran d'une grâce nerveuse. Ainsi se présentent les palais Foscari, Giustinian, Pisani-Moretta, etc.

La « Ca'd'oro », palais de Marino Contarini (1421-1440), se signale par sa décoration particulièrement luxueuse. Sur les rii et les campi, les palais sont aussi en grand nombre, mais généralement plus simples.
À Saint-Marc, deux cycles de mosaïques datant du milieu du xive s. (baptistère et chapelle Sant'Isidoro) font apparaître un croisement d'influences byzantines et gothiques. À la même époque, on retrouve cette hésitation dans le style du premier maître connu de l'école vénitienne de peinture Paolo Veneziano (Couronnement de la Vierge, galeries de l'Académie). Lorenzo Veneziano (?-vers 1379) se révèle mieux dégagé de l'emprise byzantine et plus proche de l'esprit gothique dans son Mariage mystique de sainte Catherine (Académie). Venise, alors, semble ignorer la révolution opérée par Giotto à Padoue, la ville voisine, malgré l'écho qu'en apporte Guariento en venant peindre en 1360, dans le palais ducal, la fresque (détruite) du Paradis. Le milieu vénitien paraît mieux disposé envers le gothique fleuri et courtois, dit « international », celui de Gentile da Fabriano et de Pisanello, également appelés l'un et l'autre pour peindre des fresques au palais ducal (début du xve s., détruites). Représentant vénitien de ce style, Michele Giambono est l'auteur d'une partie des scènes de la vie de la Vierge ornant en mosaïque la chapelle des Mascoli à Saint-Marc (entre 1430 et 1450). Le gothique international trouvera un dernier refuge dans l'école dite « de Murano », fidèle à la préciosité arbitraire des couleurs et à la somptuosité décorative. On doit à la collaboration d'Antonio Vivarini (?-vers 1484), qui en est le chef, et de Giovanni d'Alemagna (?-vers 1450) le grand triptyque de la Vierge (1446) encore en place dans l'ancienne Scuola della Carità, dont le local est devenu l'Académie.

LA PREMIÈRE PHASE DE LA RENAISSANCE
Venise tarda beaucoup à prendre part au mouvement de la Renaissance. Elle n'avait pu cependant ignorer tout à fait l'exemple de Padoue, laboratoire des nouveautés artistiques et relais de l'esprit toscan en Italie du Nord. Dès 1425, Paolo Uccello était venu dessiner des mosaïques pour San Marco, où la décoration de la chapelle des Mascoli rappelle en partie son style ; Andrea del Castagno avait peint en 1442 les fresques de la chapelle San Tarasio à San Zaccaria, peu avant que Donatello ne sculptât le Saint Jean-Baptiste des Frari, statue d'un âpre réalisme.
Après ces apports sporadiques, il faut attendre la seconde moitié du siècle pour voir la Renaissance envahir le décor urbain. Elle apparaît en 1460 à l'Arsenal, dont la porte est traitée en arc de triomphe par Antonio Gambello. Ce qu'elle fait ensuite prévaloir, c'est un style pittoresque et orné, qui associe étroitement la sculpture à l'architecture et adapte au goût vénitien des éléments d'origine toscane ou, plus souvent, lombarde. Pietro Lombardo (vers 1435-1515), originaire de Lugano, en est le représentant le plus caractéristique. Son œuvre d'architecte et de sculpture a pour traits dominants une grâce sensuelle et une fantaisie qui n'excluent pas la perfection du détail. Avec ses revêtements de marbres polychromes et finement ciselés, ses arcatures légères, son fronton courbe épousant le cintre de la voûte à caissons, la petite église Santa Maria dei Miracoli (1481) est une création très homogène, et d'un goût exquis ; la façade de la Scuola di San Marco (vers 1485), avec ses perspectives illusionnistes traitées en bas relief, exprime davantage la tendance au pittoresque. Pietro Lombardo s'est distingué aussi dans l'art funéraire. Les monuments des doges Pasquale Malipiero, Pietro Mocenigo et Niccolo Marcello, à San Zanipolo, sont d'amples compositions de goût déjà classique et d'accent triomphal, peuplées de nombreuses figures. Tous ces travaux de Pietro, surtout pour la sculpture, impliquent la collaboration de ses fils Tullio et Antonio, qui, dans leurs ouvrages personnels, affirment la tendance classique. On doit à Tullio Lombardo (?-1532) le plus imposant des tombeaux de la Renaissance vénitienne, celui du doge Andrea Vendramin à San Zanipolo. Le concours de l'architecture et de la sculpture se retrouve chez Antonio Rizzo (vers 1430-vers 1499). Le monument du doge Niccolo Tron, aux Frari, unit les deux arts dans une composition solennelle (1473). Au palais des Doges, les deux statues d'Adam et d'Ève, ciselées en marbre pour les niches du portique Foscari, sont d'admirables études de nu ; on y reconnaît l'influence padouane, c'est-à-dire celle de Donatello et de Mantegna, mais l'intensité de l'expression les apparente à la sculpture germanique. Après l'incendie de 1483, Rizzo fut chargé de reconstruire l'aile oriental du palais. Sur la cour, elle offre une façade très ornée, de style composite, dont le morceau de bravoure est l'escalier dit plus tard « des Géants ».
Mauro Coducci (vers 1440-1504) incarne une tendance plus strictement architecturale, qui subordonne les ornements à la clarté de l'articulation. Après la façade de San Michele in Isola, celle de San Zaccaria (1486-1500), avec son grand fronton semi-circulaire étayé par deux éléments symétriques en quart de cercle, fixe avec majesté un type vénitien de frontispice d'église. Auteur d'autres églises et de la tour de l'Horloge sur la place Saint-Marc, Coducci affirme son exigence de régularité dans le dessin de deux façades ouvrant sur le Grand Canal par de larges baies cintrées : celles des palais Corner-Spinelli et Vendramin-Calergi, la seconde ayant plus d'ampleur et de relief avec ses colonnes détachées et ses entablements en forte saillie.
L'esprit de la première Renaissance aura encore des fidèles parmi les architectes de la génération suivante : Guglielmo dei Grigi (?-1550), dit Bergamasco, auteur des Procuratie Vecchie, dont la longue façade à arcades superposées forme le côté nord de la place Saint-Marc (vers 1515), et probablement du pittoresque palazzo dei Camerlenghi, c'est-à-dire des trésoriers de la République ; Antonio di Pietro degli Abbondi (?-1549), dit le Scarpagnino, dont le style se fait mouvementé dans les façades richement ornées de la cour des Sénateurs au palais des Doges et de la Scuola Grande di San Rocco.

La sculpture, on l'a vu, restait le plus souvent subordonnée au décor architectural. Pour ériger un grand monument en ronde bosse, on fit appel au Florentin Andrea Verrocchio. Exécutée de 1479 à 1488, mise en place en 1495 sur le campo Santi Giovanni e Paolo, l'éloquente statue équestre du condottiere Bartolomeo Colleoni porte un peu abusivement la signature d'Alessandro Leopardi (vers 1465-1523), à qui l'on doit cependant la fonte, la ciselure et le socle. Cet excellent bronzier est l'auteur des trois socles ciselés d'où s'élèvent les mâts de drapeaux sur la place Saint-Marc (1515).
La seconde moitié du quattrocento ajoute à tout cela l'essor de la peinture vénitienne. Sans rompre avec l'école de Murano, Bartolomeo Vivarini (vers 1432-après 1491), frère d'Antonio, se laisse gagner par l'influence de Mantegna, son collaborateur aux Eremitani de Padoue ; les triptyques des Frari, de San Giovanni in Bragora et de Santa Maria Formosa jalonnent son abondante production. Giovanni Bellini, dans sa première période, emprunte aussi à Mantegna une certaine tension ; mais c'est en assouplissant les formes, en les modelant par la couleur, en les chargeant d'humanité qu'il prouve ensuite son adhésion profonde, et bien vénitienne, à l'esprit de la Renaissance. Dans cette orientation, un rôle déterminant revient à Antonello da Messina, dont le séjour à Venise se place vers 1475. Entraîné hors du cercle de Murano par le maître sicilien, Alvise Vivarini (vers 1445-1505), fils d'Antonio, trouve l'expression d'une spiritualité inquiète dans le dessin nerveux et la palette raffinée qui caractérisent par exemple sa « conversation sacrée » de San Francesco de Trévise, aujourd'hui à l'Académie. Son atelier, rival de celui de Bellini, formera des peintres doués, sensibles d'ailleurs à l'influence de ce maître : surtout Giovanni Battista Cima da Conegliano (vers 1459-1517 ou 1518), habile à associer les figures au paysage dans des compositions – la Madonna dell'arancio (Académie), le Baptême du Christ (San Giovanni in Bragora) – dont une lumière sereine fait l'unité.
Un autre courant, celui des narrateurs et des réalistes, s'est manifesté dans les cycles peints pour les Scuole, ces institutions charitables auxquelles revient un si grand rôle dans la vie artistique de Venise. À la Scuola di San Giovanni Evangelista, Gentile Bellini eut pour collaborateurs Lazzaro Bastiani (?-1512), Giovanni Mansueti (?-1527) et surtout Carpaccio. Celui-ci donna d'autres preuves de sa sensibilité en travaillant pour les Scuole de Sant'Orsola et de San Giorgo degli Schiavoni ; la vivacité de sa touche permet de le classer parmi les novateurs.

LA RENAISSANCE DE LA MATURITÉ
Le fait le plus marquant des premières années du xvie s. est la révolution introduite dans la peinture par la brève carrière de Giorgione. L'auteur de la Tempête fait de la couleur un langage intime, d'une poésie rêveuse. Le « giorgionisme » touche la plupart des peintres vénitiens de cette époque : Jacopo Nigretti (1480-1528), dit Palma le Vieux, auteur de paisibles « conversations sacrées » et de la Sainte Barbe entre quatre saints de Santa Maria Formosa ; Sebastiano Luciani (1485-1547), dit Sebastiano del Piombo, qui a plus de puissance, comme en témoignent les figures des portes d'orgue à San Bartolomeo et la pala de San Giovanni Crisostomo, peintes avant le départ de l'artiste pour Rome et son entrée dans le cercle de Raphaël ; le vieux Giovanni Bellini et le jeune Titien ; d'autres encore, moins connus…
Pour voir l'architecture se dégager des traditions du quattrocento, et gagner en ampleur ce qu'elle peut perdre en délicatesse, il faut attendre l'arrivée du Florentin Jacopo Sansovino. Le palais Corner della Ca'Grande, qu'il élève en 1537 sur le Grand Canal, montre déjà comment il a su adapter le répertoire classique au goût vénitien. Devenu l'architecte officiel de la République, il conçoit en 1536 le fastueux décor que formeront, sur la Piazzetta, la « loggetta », habillant avec grâce la base du campanile de Saint-Marc, et la Libreria, dont les ordres superposés et les arcades à la romaine contrastent avec le robuste appareil de la Zecca (palais de la Monnaie). Sculpteur lui-même, d'un maniérisme tantôt élégant, tantôt plus déclamatoire (statues de Mars et de Neptune, dites « des Géants », ajoutées à l'escalier extérieur du palais des Doges), Sansovino dirige un vaste atelier de sculpture pour la décoration de ses bâtiments. On y trouve notamment Alessandro Vittoria (1525-1608), maniériste raffiné dans les stucs de l'escalier de la Libreria, dans ceux de la « scala d'oro » du palais des Doges et dans ses petits bronzes, mais d'un naturalisme vigoureux quand il sculpte en marbre le saint Jérôme des Frari, celui de San Zanipolo, des bustes de patriciens et de doges.
Pont du Rialto, Venise
Dans le décor urbain du xvie s., la scénographie solennelle de Sansovino peut faire place à l'expression d'une tendance plus classique. Architecte de Vérone, et spécialiste des fortifications, Michele Sammicheli (1484-1559) donne à Venise deux exemples de son style mâle en élevant sur le Grand Canal le palais Corner-Mocenigo, dont le soubassement à bossages servira de modèle à ceux des palais baroques, et le palais Grimani, d'une majesté romaine, rythmé par l'alternance de ses baies rectangulaires et cintrées. Si Vicence et les villas patriciennes de Vénétie résument l'œuvre profane d'Andrea Palladio, à Venise, l'illustre architecte a marqué de sa personnalité des édifices religieux dont l'inspiration abstraite peut paraître étrangère au génie local : l'harmonieux sanctuaire du Redentore, San Giorgio Maggiore, où le cloître et le réfectoire ont précédé la reconstruction de l'église. C'est un disciple peu imaginatif de Palladio, le théoricien Vincenzo Scamozzi (1552-1616), qui, à partir de 1584, élèvera sur le côté sud de la place Saint-Marc les Procuratie Nuove, reproduisant l'ordonnance de la Libreria avec un étage supplémentaire. Il y a plus d'originalité chez Antonio da Ponte (vers 1512-1597), qui restaure le palais des Doges après l'incendie de 1577, achève le puissant bâtiment des Prisons et reconstruit en 1588 le célèbre pont du Rialto, hardi et mouvementé.
Paris Bordon, les Amants vénitiens
À l'intérieur du palais des Doges, les salles refaites alors (du Collège, du Sénat, du Grand Conseil, du Scrutin), avec leurs opulents plafonds de bois sculpté et doré, accueillent les compositions de peintres qui ont depuis longtemps délaissé le giorgionisme pour des programmes plus amples. C'est par une conception particulière de la couleur que l'école vénitienne, isolée en Italie, échappe presque entièrement à l'empire du maniérisme, qui ne peut guère revendiquer que la fantaisie brillante d'Andrea Meldolla (vers 1510-1563), dit le Schiavone, de Zadar, ou le style tendu de Gian Antonio de Sacchis (vers 1483- 1539), dit le Pordenone. Cette conception préside à la longue carrière de Titien, dont le succès international explique qu'il ne soit plus représenté à Venise que par ses grands tableaux religieux, ou par des ouvrages tels que le plafond de la Libreria, décoré sous sa direction. L'œuvre du Tintoret s'inscrit au contraire dans un cadre typiquement vénitien, celui du palais des Doges, des églises, des Scuole. La sincérité de sa foi s'exprime dans un langage dramatique, où la force du coloris n'est pas absorbée par le contraste de l'ombre et de la lumière. C'est la Venise patricienne que reflète le monde fastueux du Véronèse, avec ses architectures inspirées de Sansovino, ses perspectives hardies, son coloris lumineux. Des peintres de second rang ont travaillé à l'ombre de ces trois maîtres : Paris Bordone (1500-1571), auteur de bons portraits et du tableau illustrant d'une manière savoureuse la légende du pêcheur remettant au doge l'anneau de saint Marc (à l'Académie, provenant de la Scuola di San Marco) ; Bonifazio De Pitati (1487-1553), court de souffle, mais narrateur agréable quand il introduit la représentation de la société vénitienne dans des compositions telles que le Festin du mauvais riche (Académie). Lorenzo Lotto est au contraire un indépendant, très original par sa sensibilité inquiète, sa facture vive et son coloris froid. Conçue pour glorifier l'histoire et les institutions de Venise, la nouvelle décoration du palais des Doges a employé une cohorte de peintres dont les compositions encombrées sont d'un style un peu laborieux, issu de Titien, du Véronèse, de Jacopo Bassano et surtout du Tintoret. Avec Domenico Tintoretto, fils du maître, Francesco et Leandro Bassano, d'autres encore, figure ici le fécond lacopo Palma le Jeune (1544-1628), dont beaucoup de tableaux d'églises pêchent par un coloris lourd, mais qui réveille l'intérêt avec le cycle narratif de l'oratoire des Crociferi.

VENISE BAROQUE

La physionomie actuelle de Venise doit beaucoup à une architecture baroque dont l'esprit ne marque d'ailleurs aucune rupture avec le passé. Le xviie s. en est l'âge d'or, et Baldassare Longhena le plus grand maître. Les palais bâtis selon ses dessins, avec ampleur et faste, dérivent des modèles de la Renaissance : Ca'Rezzonico (aujourd'hui musée du Settecento), Ca'Pesaro, à la façade puissamment modelée (musée d'Art moderne)… Il y a plus de mouvement dans ses constructions religieuses : le sanctuaire de la Salute, merveilleuse illustration du thème de la coupole centrale ; le grand escalier du couvent de San Giorgio Maggiore ; la façade de Santa Maria dei Derelitti (ou Ospedaletto), pittoresque et chargée de sculptures comme celle de San Moise, œuvre d'Alessandro Tremignon, et celle de Santa Maria del Giglio (ou Zobenigo), due à Giuseppe Sardi (1680-1753) – auteur précédemment de la façade, plus majestueuse, de Santa Maria degli Scalzi, église bâtie sur des plans de Longhena. Les édifices de cette époque ont donné lieu à l'intervention de nombreux sculpteurs, d'origine souvent étrangère, dont le plus notable est Giusto Le Court (1627-1679), d'Ypres. Leur art est au service de l'architecture ; accord dont témoigne encore en 1708 le monument funéraire de la famille Valier, à San Zanipolo, théâtrale composition de l'architecte Andrea Tirali (vers 1660-1737). Les principaux constructeurs baroques du xviiie s. sont le Tessinois Domenico Rossi (1678-1742), auteur de la pittoresque façade de Santo Stae et de celle des Gesuiti ; Giovanni Scalfarotto (vers 1690-1764), à qui l'on doit San Simeon Piccolo, dominée par une élégante coupole ; Andrea Cominelli (1677-1750), qui s'est inspiré de Longhena en dessinant le vaste palais Labia.

La peinture vénitienne passe pour avoir connu une sorte de temps mort au cours du seicento, par épuisement de sa veine. Ce n'est pas, loin de là, par manque de peintres ; mais beaucoup d'entre eux se sont contentés d'exploiter les formules des grands maîtres de la Renaissance. Il en est ainsi d'Alessandro Varotari (1588-1648), dit le Padovanino, de Pietro Liberi (1614-1687), dont le registre mineur ne manque pas de grâce, tandis que Pietro Muttoni (1605-1678), dit Pietro Della Vecchia, se singularise par son goût du bizarre. Si la flamme reste alors entretenue, c'est plutôt par des étrangers qui, séjournant ou fixés à Venise, y apportent le sang frais de l'invention baroque : Domenico Fetti (vers 1589-1624), de Rome ; l'Allemand Johann Liss (vers 1597-1629) ; Bernardo Strozzi (1581-1644), de Gênes ; Francesco Maffei (vers 1600-1660), de Vicence, remarquable par sa verve et la nervosité de sa touche… Le réalisme violent et ténébreux du Génois Giovan Battista Langetti (1625-1676), d'ascendance caravagesque, trouve un écho dans la manière vigoureuse d'Antonio Zanchi (1631-1722), un autochtone comme Giovanni Antonio Fumiani (1643-1710) ; ce dernier, formé auprès des spécialistes bolonais de la perspective, peuplera de figures l'immense plafond de San Pantalon.
C'est en s'inspirant de l'exemple laissé à la Salute par Luca Giordano, de Naples, avec trois grands tableaux de la vie de la Vierge, et en se réclamant de la tradition du Véronèse, vivifiée par une sensibilité nouvelle, que Sebastiano Ricci, à l'aube du xviiie s., rendra sa place prédominante à la couleur et ouvrira la voie à ce renouveau qui fait de Venise le principal foyer de la peinture italienne du settecento. Il y a cependant plus de brio encore dans la manière apparemment facile et le coloris frais de Giovanni Antonio Pellegrini (1675-1741). Comme beaucoup de ses compatriotes, ce décorateur fécond contribuera par ses voyages en Europe (Angleterre, Pays-Bas, Paris, Vienne) au renom de l'école vénitienne. Plus court de souffle, mais d'une grâce élégiaque, lacopo Amigoni (1682-1752) fera de même à Londres, puis comme peintre de cour en Bavière et en Espagne. Le rococo trouve son représentant le plus typique en Giovan Battista Pittoni (1687-1767), dont les compositions mouvementées allient un dessin capricieux à la fraîcheur du coloris.
À cette tendance hédoniste, Giovan Battista Piazzetta (1682-1754) oppose la force et la gravité de son tempérament, l'efficacité dramatique d'un clair-obscur issu du Caravage et cependant plus moelleux (grâce à l'enseignement reçu de Giuseppe Maria Crespi à Bologne), l'austérité d'une gamme savante où dominent blancs, noirs et bruns. La sincérité de son inspiration religieuse apparaît dans des compositions telles que le Saint Jacques conduit au supplice de Santo Stae, la Vierge avec saint Philippe Neri de Santa Maria della Fava, la Gloire de saint Dominique, peinte à fresque au plafond d'une chapelle de San Zanipolo ; mais il a traité aussi, sans mièvrerie, des sujets de genre (la Devineresse, 1740, Académie).

On reconnaît l'influence de Piazzetta dans la première période de Giambattista Tiepolo. Mais ce n'est qu'un moment dans la carrière de ce maître, dont l'art relève du rococo tout en le transcendant par la virtuosité, par la splendeur du coloris, par la luminosité de l'espace. Si son œuvre immense déborde largement le cadre de Venise, des villas vénitiennes et même de l'Italie, sa ville natale montre cependant quelques-uns de ses plus beaux ouvrages : religieux, à Santo Stae, Santa Maria della Fava, Sant'Alvise, la Scuola del Carmine, Santa Maria della Pietà et aux Gesuati ; profanes, à la Ca'Rezzonico et surtout au palais Labia. Le grand Tiepolo a trouvé un collaborateur et un continuateur en son fils Giandomenico, plus doué cependant pour les sujets de genre. Il a inspiré des décorateurs habiles comme Francesco Fontebasso (1709-1769) ou Giambattista Crosato (1685-1758), auteur de fresques au palais Pesaro et de l'allégorie des Parties du monde, œuvre peinte à la voûte du grand salon de la Ca'Rezzonico.

À côté de la peinture d'histoire, l'école vénitienne du settecento a fait une place importante aux autres genres, souvent pratiqués par des spécialistes. Parmi les maîtres du portrait, Sebastiano Bombelli (1635-1716) et Alessandro Longhi (1733-1813) ont su donner du brio à la représentation officielle des personnages en pied, alors que Rosalba Carriera (1675-1757) a dû son immense succès international au charme de ses pastels. Le « genre » a trouvé son spécialiste en Pietro Longhi (1702-1785), célèbre par ses petits tableaux gauchement inspirés des maîtres hollandais, mais charmants par leurs couleurs et précieux pour l'image qu'ils donnent de la vie vénitienne. Les paysagistes ont suivi deux voies distinctes. Il y a celle du paysage composé : romantique chez Marco Ricci, décoratif et bucolique chez Francesco Zuccarelli (1702-1785), qui a beaucoup travaillé en Angleterre, et chez Giuseppe Zais (1709-1784). Genre plus humble, mais d'intérêt « touristique » et comme tel apprécié particulièrement des Anglais du temps, la veduta, ou représentation des sites réels, a été pratiquée par Luca Carlevaris (1665-1731), encore sec, et Michele Marieschi (1710-1744), plus vivant, mais ses maîtres sont Canaletto, exact et limpide, Francesco Guardi, plus frémissant.
De même que la peinture religieuse, aujourd'hui trop souvent dispersée, était conçue pour s'intégrer à la fastueuse décoration des églises, de même la peinture profane avait sa place dans les palais de la société patricienne, sur des étoffes murales, souvent au milieu de stucs d'abord exubérants comme ceux du palais Albrizzi, puis délicatement modelés et colorés comme ceux du ridotto Venier. Le goût du rococo marque tous les arts dits « mineurs ». Une place importante revient au mobilier. Après avoir connu le style sculptural d'Andrea Brustolon (1662-1732), Venise a trouvé sa spécialité dans les meubles, sièges, cadres de miroirs peints et vernis à l'imitation des laques d'Extrême-Orient, avec des motifs souvent inspirés de la Chine. La porcelaine, d'abord analogue à la pâte tendre de France, puis à base de kaolin, atteste aussi le goût de la chinoiserie. Une célébrité internationale est acquise au verre de Murano, soufflé ou effilé, souvent traité en floraisons polychromes dont l'éclat triomphe dans le décor des lustres.

DU NÉOCLASSICISME À NOS JOURS
Dès le milieu du xviiie s., on voit Giorgio Massari (vers 1686-1766) revenir à un classicisme assez strict, d'ascendance palladienne ; on lui doit ainsi l'église des Gesuati (ou Santa Maria del Rosario), celle de Santa Maria della Pietà (ou della Visitazione) et le froid palais Grassi. Une tendance plus rigoureuse et plus archéologique apparaît à la fin du xviiie s., rompant pour la première fois l'harmonieuse continuité du tissu urbain. Elle est représentée par Giannantonio Selva (1753-1819), auteur du théâtre de La Fenice (1792). Sous l'Empire, les bâtiments du fond de la place Saint-Marc sont malencontreusement remplacés par l'aile napoléonienne, lourde imitation des Procuratie Nuove, qui abrite le musée civique Correr. Ce qui sera construit désormais ne fera guère que déparer Venise, à l'exception d'un pastiche réussi, la Pescheria (1907) de Cesare Laurenti (1854-1936). Il faut se rendre à l'évidence : Venise est l'éblouissante image d'un passé dont la gloire avait déjà pris fin avant l'abolition de la république.

LA VERRERIE DE VENISE
L'origine de la verrerie vénitienne serait liée à l'essor de la mosaïque en pâte de verre, à Ravenne et en Vénétie. Au ixe s., les artisans seraient passés de la simple fusion des « smalts » pour mosaïque au soufflage du verre. D'usage monastique au début, le verre creux devient au xie s. objet d'usage courant réclamé par la bonne société de Venise. Destinées au service de la table, ces verreries sont d'une grande finesse et leurs formes, souvent d'origine islamique, influencent toute la verrerie gothique occidentale. À la fin du xiiie s., la quasi-totalité des verreries sont concentrées, pour des raisons d'hygiène, dans l'île de Murano. Le xve s. voit la mise au point du « cristallin », excellente imitation du cristal de roche, à base de soude. Du xve au xviiie s., la verrerie vénitienne utilise toutes les ressources de la couleur : émail, effets de jaspe et d'agate, aventurine, millefiori, filigranes torsadés blancs ou de couleur, enfin pierres et perles fausses. L'influence de Venise se répand en Europe grâce aux verriers d'Altare, près de Gênes, qui, au contraire des verriers vénitiens, ont le droit de s'expatrier.
En déclin à partir du milieu du xviiie s., les ateliers de Murano connaissent un renouveau au xxe s., principalement grâce à la créativité de Paolo Venini, qui fait travailler les meilleurs artistes verriers de son temps, tel le Finlandais Tapio Wirkkala. Son action est poursuivie aujourd'hui par son gendre, Ludovico de Santillana.

LES PRINCIPAUX MUSÉES DE VENISE
Parmi les nombreux musées de Venise, on notera :
– les Galeries de l'Accademia (panorama complet de l'école vénitienne, du xive au xviiie s.) ;
– le musée Correr (musée historique et pinacothèque) ;
– le musée du Settecento veneziano, dans la Ca'Rezzonico ;
– la Galerie Franchetti, dans la Ca'd'Oro (Mantegna, Carpaccio, Titien, Guardi, etc.) ;
– la Pinacothèque du palais Querini-Stampalia ;
– le musée d'Art moderne, dans la Ca'Pesaro ;
– la Collection Peggy Guggenheim, dans le palais Venier dei Leoni (peintures et sculptures du xxe s.).

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Venise
Wiki
Venise (en italien : Venezia /veˈnɛtʦja/ ; en vénitien : Venexia /veˈnɛˑsja/) est une ville côtière du nord-est de l'Italie, sur les rives de la mer Adriatique. Elle s'étend sur un ensemble de 121 petites îles séparées par un réseau de canaux et reliées par 435 ponts. Située au milieu de la lagune vénète, entre les estuaires du Pô et du Piave, Venise est renommée pour cet emplacement exceptionnel ainsi que pour son architecture et son patrimoine culturel, qui lui valent une inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Venise est la capitale de la région de la Vénétie. En 2012, la commune compte 269 810 habitants, dont 58 666 intra-muros (Centro storico1). 176 000 résident sur les rives (Terraferma), pour la plupart dans les frazioni de Mestre et Marghera, et les 31 000 habitants restants résident dans d'autres îles de la lagune. Avec Padoue et Trévise, Venise constitue l'aire métropolitaine Padoue-Trévise-Venise (PATREVE), une entité statistique de 1 600 000 habitants.

Fondée peu après 528 par des réfugiés fuyant l'invasion lombarde, elle fut la capitale pendant onze siècles, de 697-1797 de la république de Venise. Durant le Moyen Âge et la Renaissance, la ville fut une grande puissance maritime, à l'origine de la Quatrième croisade et victorieuse lors de la bataille de Lépante en 1571 contre l'Empire ottoman. Grâce à ses liens avec l'Asie et le Proche-Orient, dont le marchand et explorateur Marco Polo fut l'initiateur, elle devint également l'une des principales places commerciales d'Europe, notamment de la soie, des céréales et des épices. Enfin, elle est un centre culturel majeur, du xiiie à la fin du xviie siècle, dont les peintres de l’École vénitienne (dont Titien, Véronèse et le Tintoret), Carlo Goldoni et Antonio Vivaldi sont les principaux représentants.

Son nom provient du peuple qui habitait la région avant le xe siècle, les Vénètes. Dénommée Venetiae en latin, elle est parfois surnommée la « Cité des Doges », la « Sérénissime », la « Reine de l'Adriatique », la « Cité des Eaux », la « Cité des Masques », la « Cité des Ponts » ou encore la « Cité flottante ». La ville est aujourd'hui célèbre pour ses canaux — notamment le Grand Canal — et ses gondoles, ses nombreuses églises, la place Saint-Marc, le palais des Doges, le Pont des Soupirs, sa Biennale ainsi que son carnaval.

Histoire
Les clés de la domination économique de Venise sur l'Italie au Moyen Âge sont l'insularité et l'aisance navale des Vénitiens qui n'a cessé de croître pendant plus d'un millénaire.

La région à l'extrémité nord-ouest de la mer Adriatique, où se jettent plusieurs fleuves issus des Alpes, est habitée dès l'Antiquité par des pêcheurs, mariniers et saulniers. Cette zone faisait partie de la région X créée par Auguste. Cette région fut nommée ensuite Venetia du nom des Vénètes, ancien peuple italique intégré dans la République romaine dès le iie siècle av. J.-C. ; Aquilée — sur la terre ferme — était le centre religieux et portuaire important.

Les invasions des Goths d'Alaric Ier et des Huns d'Attila poussèrent les populations locales à se réfugier dans les îles des marais situés le long de la mer Adriatique, près du delta du Pô. Selon la légende développée ultérieurement par les Vénitiens pour démontrer l'ancienneté de leur cité et la lointaine origine de leur liberté, Venise aurait été fondée le 25 mars 421 dans les îlots du rivus altus, qui est devenu le Rialto.

En 452, un premier établissement est fondé par des réfugiés de Padoue et d'Aquilée. La région échut par la suite au royaume ostrogoth puis fut reconquise avec le reste de l'Italie par le général Bélisaire, devenant une province de l'Empire romain d'Orient sous Justinien Ier.

La ville de Venise a été fondée vers la fin du vie siècle par des habitants des régions voisines, venus se réfugier en nombre dans les îles de la lagune formée par l'estuaire du Pô après l'invasion de l'Italie du nord par les Lombards en 568. En effet, cette zone marécageuse, difficile d'accès pour des navires à quille, était restée sous la juridiction de l'exarchat de Ravenne, province de l'Empire romain d'Orient. Elle fut donc initialement un refuge de la civilisation romano-byzantine mais au fur et à mesure de son développement, son autonomie s'accrut pour aboutir à l'indépendance.

Profitant de l'antagonisme entre l'exarchat de Ravenne et les Lombards, les Vénitiens élargirent leur marge de manœuvre politique et se dotèrent d'un pouvoir local incarné par le premier duc ou « doge », Paolucio Anafesto (697-717), personnage aux confins de la légende et de l'histoire. La ville de Venise ne devint réellement indépendante qu'après le retrait des Byzantins de l'Adriatique, peu après l'an 1000, lors de l'émergence du royaume de Hongrie. La cité-État s'appuya dès lors sur la mer pour étendre son pouvoir.

Venise n'eut pas de constitution propre. En effet, la définition des attributions et le mécanisme des institutions gouvernementales relevaient à Venise du droit coutumier. Les organes de décision gouvernementaux formaient une pyramide dont l'Assemblée populaire était la base et le doge le sommet. Entre les deux siégeaient le Grand Conseil, les Quarante et le Sénat, puis le Conseil ducal. Cette organisation politique dont les traits se dessinent au xiiie siècle se maintient jusqu'en 17972. Le quadruplement de la puissance navale dans le premier tiers du xve siècle, fait de l'Arsenal de Venise la plus grande usine du monde, employant jusqu'à 16 000 personnes, derrière une enceinte secrète de 25 hectares. L'activité navale est portée par le dynamisme du quartier d'affaires vénitien.

 Article détaillé : République de Venise.

Scala del Bovolo (Palais Contarini del Bovolo).
Le commerce du sel, puis l'expansion commerciale vers la Méditerranée orientale, entraînèrent une forte croissance de la ville. Après la 4e croisade, que Venise détourna sur Constantinople, la République s'empare des richesses de l'Empire byzantin et constitue son propre empire maritime constitué par la plupart des îles grecques et dalmates. Elle le complète en conquérant la Dalmatie continentale, l'Istrie et un vaste domaine entre les Alpes et le Pô, incluant les cités de Bergame, Brescia, Vérone, Padoue, Trévise et Udine. Elle entre en conflit avec Gênes, sa grande rivale en Italie du nord et en Méditerranée. L'apogée de cette lutte est la quatrième guerre génoise, autrement nommée guerre de Chioggia. Venise sortit vainqueur du conflit, mais très épuisée. Le traité de Turin, en 1381, ne lui fut pas particulièrement avantageux : malgré sa victoire, Venise dut renoncer à des territoires et concéder certains droits à sa rivale. Elle perdait Trévise et la Dalmatie qui revenait au roi de Hongrie. Cependant elle conservait ses institutions et ses principales colonies.

La ville a armé une flotte de 6 000 galères, lui permettant de prendre des risques, sous forme de convois réguliers, pour régner sur la mer Méditerranée. Le quartier du Rialto est la première bourse organisée, selon l’historien Fernand Braudel. Les marchands y échangent des participations dans les galères vénitiennes, mises aux enchères selon le système de l’Incanto des galées du marché3. Venise devient ainsi le plus important port de Méditerranée, surclassant Constantinople. Il lui fallut conquérir des terres sur la lagune.

Le déclin commença avec la progression ottomane en Méditerranée, qui la priva progressivement de toutes ses terres grecques, à l'exception des Îles Ioniennes, et de ses accès aux débouchés de la Route de la Soie. Elle fut en plus très touchée par la peste noire. Malgré la victoire sur les Ottomans à Lépante en 1571, la république de Venise perdit encore de son importance commerciale à cause du détournement du commerce européen vers les océans après la découverte de l'Amérique.

Venise maintient son rayonnement culturel, en devenant la ville européenne la plus élégante et raffinée du xviiie siècle, avec une forte influence sur l'art, l'architecture et la littérature.

Redevenue politiquement un État italien parmi d'autres, Venise fut annexée par Napoléon Bonaparte le 12 mai 1797, durant la Première Coalition. L'invasion des Français mit un terme à près de 800 ans d'indépendance. Bonaparte fut cependant perçu comme une sorte de libérateur par la population pauvre et juive de Venise (it), république aristocratique où le pouvoir et la plupart des richesses étaient monopolisés par quelques familles. Bonaparte supprima les barrières du Ghetto ainsi que les restrictions de circulation imposées aux Juifs.

 Article détaillé : Ghetto de Venise.
En 1797, par le traité de Campo-Formio, Bonaparte livra Venise et ses territoires aux Habsbourg en échange de la Belgique, puis il la leur reprit en 1805 pour l'intégrer au royaume d'Italie dont il se fit couronner roi, avant que la ville ne fût intégrée dans l'Empire d'Autriche de 1815 à 1866. La domination autrichienne sur Venise et la Vénétie ne s'acheva que le 3 octobre 1866 après sa défaite de Sadowa contre l'alliance prusso-italienne. Venise devint un chef-lieu de province italien et l'un des hauts lieux du tourisme mondial.

Après la Première Guerre mondiale, l'Italie revendiqua à l'Autriche vaincue l'ensemble des territoires jadis vénitiens, mais se heurta aux revendications yougoslaves et n'obtint au Traité de Rapallo que l'Istrie, la ville de Zara en Dalmatie et les îles de Veglia, Cherso et Lagosta. Le ressentiment développé à ce moment contribua au succès ultérieur de Mussolini. Après la Seconde Guerre mondiale, l'Italie perdit aussi ces possessions au profit de la Yougoslavie, ne conservant que Trieste, qui ne fait pas partie des territoires jadis vénitiens, mais où se réfugièrent les populations italophones expulsées de Yougoslavie.
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Principaux peintres vénitiens

Primitifs italiens
1290-1358/1362 : Paolo Veneziano

Âge héroïque - les renaissants
1429 - 1507 : Gentile Bellini
1430 - 1516 : Giovanni Bellini
1431 - 1506 : Andrea Mantegna
1455 - 1526 : Vittore Carpaccio

Âge d'or - période classique
1477 - 1510 : Giorgione
1480 - 1528 : Palma le Vieux
1488 - 1576 : Le Titien
1480 - 1556 : Lorenzo Lotto
1487 - 1553 : Véronese

Fin de l'âge classique
1518 - 1594 : le Tintoret
1530 - 1588 : Paul Véronèse

De l'âge baroque à la peinture moderne
1676 - 1758 : Rosalba Carriera
1696 - 1770 : Giambattista Tiepolo
1697 - 1768 : Canaletto
1702 - 1785 : Pietro Longhi
1712 - 1793 : Francesco Guardi
1757 - 1822 : Antonio Canova
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Principaux musiciens vénitiens
Giovanni Gabrieli - Venise 1557 - Venise 12 août 1643
Claudio Monteverdi - Crémone 1567 - Venise 1643
Antonio Caldara - Venise 1670 - Vienne 28 décembre 1736
Tomaso Albinoni - Venise 8 juin 1671 - Venise 17 janvier 1751
Antonio Vivaldi - Venise 4 mars 1678 - Vienne 28 juillet 1741
Baldassare Galuppi - Burano près de Venise 8 octobre 1706 - Venise 3 janvier 1785
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Architecture
Epoques et styles
Vénète et romain. Les premières productions artistiques en Vénétie remontent à l'âge de fer et aux cultures paléo-vénètes. On a découvert des vestiges de la civilisation d'Ateste (voir rubrique Histoire), entre Este et Padoue. Les objets en bronze d'origines grecque et étrusque témoignent des relations très étroites des Vénètes avec ces deux peuples.

Entre le IIIe et le IIe siècle avant J.-C. se développa l'art de la fabrication de situle, des lamelles en bronze finement décorées de figurines humaines. La période romaine a laissé le plus grand nombre de témoignages à Vérone, qui garde encore actuellement sa conformation urbanistique originale (anciennes portes d'accès, les arènes, le théâtre, etc.), mais d'importants vestiges romains sont également présents à Vicence, à Oderzo et à Padoue.

Roman. On note une certaine différence entre le style roman de la terre ferme, soumis plutôt aux influences de la Lombardie, et celui de la lagune de Venise, très influencé par l'art byzantin. Cette influence marquera l'art vénitien jusqu'au XIVe siècle. Les exemples les plus significatifs du style roman en Vénétie nous sont donnés par la basilique de San Zeno à Vérone, avec son splendide portail, de Santa Sofia à Padoue, le dôme de Torcello (Santa Fosca) et l'église des Santi Maria e Donato à Murano.

Gothique. Au cours du XIVe siècle, à la suite de fructueux échanges culturels entre les différentes villes italiennes, commença une période artistique fabuleuse pour la peinture et l'architecture de la péninsule : le Trecento. L'architecture gothique se propagea en Vénétie comme dans le reste du pays. Sant'Anastasia à Vérone, San Nicolò à Trévise, San Fermo degli Eremitani à Padoue, San Giovanni e Paolo, Santa Maria dei Frari, la Ca' d'Oro et le palais des Doges à Venise en sont les exemples les plus frappants.

Cinquecento. L'architecture continua dans ce nouveau siècle sa collaboration avec la peinture. Les plus importants architectes du XVIe siècle sont Falconetto à Padoue, Sanmicheli à Vérone, Sansovino à Venise et Andrea Palladio à Vicence.

Du baroque au XIXe siècle. Le baroque marqua une spécialisation des arts et une longue période d'imagination chromatique et figurative. Pendant ce siècle, l'architecture reprit la leçon de Palladio pour l'extérieur des palais, tandis que les intérieurs furent décorés dans un style rococo.

Au cours du XIXe siècle, avec la fin de la République de Vénise, l'art vénitien connut une période de décadence artistique. Les plus importants ouvrages architecturaux de l'époque restent les forteresses autrichiennes de Vérone.

Grands architectes vénitiens

Baldassare Longhena (1598-1682). Cet architecte fécond et innovateur travailla particulièrement à Venise. Il plonge ses racines culturelles dans l'architecture vénitienne Renaissance de Sansovino et de Palladio. Parmi ses chefs-d'oeuvre, l'église Santa Maria della Salute (1631), équilibre réussi entre les souvenirs des basiliques de la fin de l'Antiquité, Palladio et les nouvelles fantaisies baroques. Le même esprit anime ses édifices religieux postérieurs, dont l'église des Scalzi et celle de l'Ospedaletto. Il excelle également dans les constructions particulières (Ca' Pesaro et Ca' Rezzonico), s'affirmant comme l'un des grands maîtres de l'architecture baroque.

Andrea Palladio (1508-1580). Andrea di Pietro della Gondola, né à Padoue, débute comme sculpteur à Vicence en 1524 où, à l'âge de 16 ans, il entre dans l'atelier de Giovanni di Porlezza et de Girolamo Pittoni. C'est auprès du comte Giangiorgio Trissino, célèbre mécène, et touche-à-tout, que s'opère la métamorphose de Palladio. Faisant allusion à la beauté statuaire de la déesse Pallas, le comte de Trissino, grand admirateur de l'architecte romain Vitruve (Ier siècle avant J.-C.), donne le surnom de Palladio à son jeune protégé Andrea, l'un des tailleurs de pierre qu'il avait engagés en 1533 lors de la reconstruction d'un de ses palais.

Rayonnant à partir de Vicence où il complète sa formation, Palladio s'initie concrètement à l'architecture antique et moderne. A Vérone, il étudie les vestiges romains et découvre les oeuvres récentes de Sanmicheli et de Falconetto. La première oeuvre connue de Palladio est la villa Godi, à Lonedo di Lugo Vicentino (1540). Ensuite, il remporte un concours, à l'issue duquel on lui confie la réfection du Palazzo della Ragione, dit la basilique de Vicence (1545-1580).

Il transforme l'édifice en l'habillant à l'antique. Cette rénovation audacieuse d'un bâtiment, que l'on appelle aussi la basilique puisque, au Moyen Age, il était consacré à la vie municipale, au pouvoir judiciaire et aux marchés, assure immédiatement considération et prestige à son auteur et lui permet de s'imposer à Vicence et à Venise, villes où il ne cessera de construire pendant plus de trente ans. Vers 1550-1553, Palladio commence à réfléchir à la conception de la villa Capra, dite La Rotonda, ouvrage qu'il réalisera près de Vicence, en 1567, dans un esprit de grande fidélité aux exigences de l'art de la Renaissance et en faisant preuve d'un sens exceptionnel des proportions qu'il puise dans le principe musical de l'harmonie symphonique.

Le style de Palladio se développe magistralement entre 1550 et 1565 (villas Piovene à Lonedo, Emo à Fanzolo, Barbaro à Maser, les palais Chiericati, Thiene et Porto à Vicence). Des palais à Vicence, des villas édifiées sur les bords de la Brenta, sur les collines de Trévise ou celles du Véronais marquent les trente premières années de son activité au service des plus grands. Des oeuvres souvent inachevées à cause d'un emploi du temps trop chargé.

A Venise, il est nommé Surintendant et il construit des sanctuaires et des couvents ; certains, déjà en cours de réalisation, comme San Giorgio Maggiore et le couvent de la Charité, d'autres émanant de commandes directes du Sénat, comme la basilique votive du Rédempteur (1577), ainsi que des décors de fêtes. Sa vaste expérience acquise lors de ses nombreux voyages lui permettra de réaliser sa grande oeuvre livresque : les Quattro Libri dell'Architettura, imprimés à Venise en 1570. Cinq ans plus tard, illustrés par son fils Orazio et par lui-même, paraissent Les Commentaires de César.

Ces traités précisent des règles, des formules largement utilisées qui constituent la base du style palladien adopté surtout en Angleterre par Inigo Jones (Queen's House à Greenwich) et Christopher Wren (cathédrale Saint-Paul de Londres). Palladio sera le premier à organiser de manière systématique l'aménagement interne des maisons. Parmi les palais citadins qu'il édifie, il faut mentionner le palais Valmarana (1566) et la Loggia del Capitanato à Vicence, ville où il meurt en 1580, avant d'avoir terminé son ultime chef-d'oeuvre, le plus romain de tous : le théâtre olympique - achevé par son disciple, Vicenzo Scamozzi.

Tout un vocabulaire spécifique est attaché à l'architecture de Palladio et à ses applications ultérieures, vocabulaire que les historiens de l'art ont consacré par un terme devenu international, le palladianisme. La serlienne (triplet de baies constitué par une haute et grande baie centrale surmontée d'un arc reposant sur deux colonnes qui séparent la première baie de deux autres plus petites baies latérales) et la fenêtre thermale (baie en demi-cercle divisée par deux montants) sont deux motifs récurrents de l'architecture palladienne. Palladio varie à l'extrême ses motifs dans les façades de palais qu'il construit. La plupart d'entre elles déclinent le thème du temple, généralement d'ordre ionique, surmonté d'un fronton et nettement avancé sur un haut podium. L'insertion de l'édifice dans le paysage, dans la cité ou la campagne, correspond chez Palladio non seulement au souci de respecter le paysage, mais aussi au profond désir de créer l'harmonie entre l'oeuvre et le décor environnant.

Antonio Rizzo (1430-1499). Après avoir travaillé à la chartreuse de Pavie, en 1457, il s'établit à Venise où il oeuvre au monument du doge Foscari et à celui de Niccolò Tron (1467, église des Frari).

Pour le palais des Doges, il participe à la construction de l'arc Foscari, exécutant notamment les statues d'Adam et d'Eve. Parmi ses travaux d'architecture au palais des Doges figure également le fameux escalier des géants (1484-1498), qui sera achevé par Pietro Lombardo.

Michele Sanmicheli (1484-1559). Architecte et ingénieur, Sanmicheli est engagé par Vérone comme architecte militaire. Il y aménage les fortifications de la ville, puis celles de Padoue, de Brescia et de Bergame. Les Porta Palio, Porta San Giorgio et Porta San Zeno à Vérone figurent parmi ses ouvrages. A Vérone, il construit également le palais Bavilaqua (1530) et le palais Grimani (1527).

En ce qui concerne l'architecture religieuse, il donne à Vérone l'église Madonna di Campagna. Son oeuvre, rigoureuse, n'est pas sans affinités avec celles issues de l'école de Bramante.

Jacopo Sansovino (1486-1570). Elève d'Andrea Sansovino, dont il adopte le nom, l'architecte Jacopo Tatti réalise l'église San Giovanni dei Fiorentini à Rome (à partir de 1519), avant de se rendre à Venise en 1527. Combinant harmonieusement les éléments classiques de ses expériences romaine et florentine à la tradition vénitienne, il joue un rôle prépondérant dans la cité des Doges.

Il réalise notamment le maître-autel de la Scuola di San Marco (1533 env.), la nouvelle Scuola della Misericordia (à partir de 1532), l'église San Francesco della Vigna (à partir de 1534), le palais Corner, dit della Ca' Grande, dans le quartier de San Maurizio (vers 1533). En 1537, il est chargé de l'embellissement de la place Saint-Marc, à la suite de quoi il édifie la Libreria Marciana, la Zecca et la Loggetta del Campanile (1540-1545), terminée en 1590 par l'architecte Scamozzi. On lui doit également la Scala d'Oro du palais des Doges (1544) et la façade de l'église San Giovanni (1554).

Sansovino a réussi la synthèse entre la manière romaine et le goût vénitien en alliant au classicisme monumental un élément de couleur par les jeux d'ombre et de lumière.

Vincenzo Scamozzi (1553-1616). Disciple de Palladio, dont il achève plusieurs oeuvres (Théâtre olympique et palais Breganze à Vicence). A partir de 1582, chargé par Venise du réaménagement de la place Saint-Marc, il travaillera aux Procuratie Nuove.

Carlo Scarpa (1906-1978). Carlo Scarpa fut l'un des architectes les plus talentueux en Italie au XXe siècle. Cependant la plupart de ses oeuvres restent modestes. On trouve quelques demeures, de nombreux aménagements d'intérieurs, un cimetière... Dès ses premières réalisations, il se fait remarquer pour son habileté à intégrer dans le tissu architectural traditionnel ancien des édifices d'une grande modernité. Son travail le plus important fut la restauration du musée de Castelvecchio, à Verone. Autre oeuvre remarquable, le jardin de la Fondation Querini Stampalia, à Venise.

Les palais vénitiens
Pour pouvoir pleinement apprécier la beauté des palaces vénitiens, il faut apprendre à en discerner les styles architecturaux et la structure. La plupart de ces palais comptent 3 étages.

Le rez-de-chaussée. Occupé par les cuisines, afin de bénéficier d'un accès direct au puits (les cuisines pouvaient également se trouver au dernier étage, ou attique, pour que les odeurs puissent s'échapper plus facilement) et par les entrepôts et les locaux commerciaux. Les maisons des nobles marchands vénitiens étaient en effet à la fois demeures et lieux de transactions commerciales.

Le piano nobile (étage noble). Là se déroulait la vie mondaine de la famille. Les salons de cet étage étaient souvent décorés par des grands peintres.

L'étage supérieur. Consacré aux appartements privés de la famille.

L'attique. Réservé aux domestiques.

A cette structure, il faut ajouter une pièce réservée aux bureaux (transformée ensuite en bibliothèque), où l'on stockait les dossiers commerciaux, et la cour, remplaçant les jardins.

L'altana est la terrasse typique vénitienne aménagée sur le toit des maisons. Généralement elle est toute en bois et installée sur quatre courts piliers en bois qui s'élèvent sur le toit. L'altana, aujourd'hui comme dans le passé, peut servir de lieu de réception. De ces terrasses, on peut jouir d'une vue merveilleuse sur la ville !

Styles des palais

Style vénéto-byzantin (XIIe et XIIIe siècles). Ces palais avaient la fonction de fondaco (entrepôt). Ils sont caractérisés par un portique au rez-de-chaussée et des galeries au premier étage. Ils sont décorés de colonnes aux chapiteaux ornés de motifs stylisés (ex : Fondaco dei Turchi).

Style gothique (du XIIIe au milieu du XVe siècle). Le style le plus répandu à Venise. Ces palais sont caractérisés par des décorations raffinées de la pierre évoquant de fines dentelles, ainsi que par leurs fenêtres ajourées en forme de quatre-feuilles (ex : palais des Doges, Ca'Foscari, Ca'D'Oro).

Style Renaissance (XVe et XVIe siècles). S'inspirant de l'harmonie antique grecque et romaine, ces palais présentent des corniches très saillantes, des façades décorées de masques de théâtre et une grande porte centrale bordée de colonnes de style corinthien (ex : Ca'Vendramin-Calergi).

Style baroque (XVIIe siècle). Les façades sont décorées d'une profusion d'arcades ajourées, de chérubins et de masques accentuant le jeu de clair-obscur (ex : Ca' Pesaro, Ca' Rezzonico).

Histoire de la "Villa Veneta"
Les villas vénitiennes

Une fois abandonnée sa politique de conquête sur la mer, au XVe siècle, Venise s'intéressa à son expansion sur la terre ferme. Tandis que les nobles locaux étaient hostiles à la Sérénissime, le peuple acceptait volontiers sa protection. Débuta ainsi une lente pénétration dans la région, soutenue par une décision du Majeur Conseil de 1345 permettant aux nobles vénitiens d'investir dans des domaines agricoles. Les patriciens vénitiens commencèrent donc à acheter des domaines à l'intérieur des terres et sur les rives des fleuves de la région. Cependant, ces nouveaux fermiers comprirent très rapidement que, pour bien s'occuper de ses terres, il fallait les habiter toute l'année. Aussi ils entreprirent la construction d'immenses demeures capables de leur assurer le standard de vie dont ils jouissaient à Venise. Une floraison de villas uniques vit ainsi le jour, de Venise jusqu'à la région de Trévise. Les nobles vénitiens, remontant le Canal Grande, rejoignaient leurs splendides villas par les fleuves de la région (la Brenta, plus particulièrement). Le concept même de vacances à la campagne venait de changer. Le noble ne recherchait plus la tranquillité et les plaisirs de la nature auxquels il préférait à présent le luxe et la distraction. L'ère de la villégiature était née.

La villa vénitienne répondait à plusieurs fonctions. Elle était un centre agricole, une habitation de luxe et surtout un lieu de loisirs. Cette multiplicité de fonctions justifiait la complexité de son architecture. Les ensembles comprenaient en effet les résidences nobles, richement décorées ; les barchesse (soit rattachées, soit séparées de la villa), utilisées à des fins agricoles ; les écuries, généralement habitées par les fermiers ; la chapelle, qui permettait aux propriétaires de s'acquitter de leurs obligations religieuses sans pour autant se mélanger au peuple ; le brolo, la cour incluant un potager, des arbres fruitiers et le jardin décoré de magnifiques fleurs ; le parc, souvent orné de fontaines, de statues et de ruisseaux, où l'on pouvait se promener et discuter tranquillement à l'abri de la chaleur estivale. Des remparts, des buissons ou une grille protégeaient ces propriétés. Le coeur de la villa était le salon de l'étage noble. Ample et lumineux, il représentait le pouvoir de la famille, car c'était ici qu'elle recevait. Ce salon, généralement décoré de fresques, de stucs et de meubles précieux, était parfois agrandi par une mezzanine qui permettait aux invités d'admirer la salle d'en haut.

Les villas du Cinquecento de Andrea Palladio. Au cours du XVIe siècle, les plus célèbres architectes et peintres furent appelés à décorer les villas vénitiennes. Andrea Palladio, Jacopo Sansovino, Vincenzo Scamozzi et Michele Sanmicheli transférèrent dans l'architecture les concepts esthétiques et éthiques de l'humanisme, reprenant les thèmes du classicisme de la Renaissance qui voulaient l'architecture parfaitement insérée dans la nature. Andrea Palladio fut le principal interprète de cette esthétique. Ses réalisations respectent totalement le paysage, créant une harmonie parfaite entre les finalités pratiques de la construction et la beauté de la nature environnante. C'est pourquoi chacune de ses réalisations est différente.

Palladio répondit avec son style aux demandes des propriétaires : utilité, image et dépenses contrôlées. Il mit notamment en valeur la partie centrale, souvent prolongée par des ailes adjacentes, les barchesse, reliées à leur tour à une loggia qui semblait enraciner la villa dans le paysage et qui permettait aux propriétaires de gagner leurs lieux de travail tout en restant à l'abri des intempéries. Les barchesse accueillaient les habitations des fermiers, les granges, les remises à outils et les colombaie (colombiers). Le corps central de la villa était cependant le plus important. Enrichi d'éléments classiques, comme le tympan central et le pronaos, il était décoré de statues inspirées de la mythologie et d'une imposante rampe d'escaliers. Un exemple exaltant de l'oeuvre de Palladio est la villa La Rotonda, près de Vicence. Pour rendre l'intérieur de ces fastueuses demeures encore plus impressionnant, les architectes travaillaient en collaboration avec les grands peintres de l'époque. Ainsi Paolo Véronèse a-t-il décoré la villa Barbaro à Maser.

Les villas du XVIIe siècle. Avec le temps, la fonction de la villa devint essentiellement de reconnaissance sociale, particulièrement pour les bourgeois qui se firent construire de magnifiques demeures à côté de celles, déjà existantes, des nobles. Le siècle du baroque fut caractérisé par une grande attention portée aux décors. Les barchesse et les ailes latérales furent élargies et souvent les maisons se dotèrent d'un troisième étage ou de parties surélevées reliées aux façades par des volutes baroques. Des soins considérables entourèrent également la décoration de l'intérieur. Les jardins perdirent leur fonction agricole pour s'enrichir de belvédères, de tours, de labyrinthes et de petits temples.

Les villas du XVIIIe siècle. Le XVIIIe siècle correspondit à la période de la plus grande splendeur des villas vénitiennes et à l'apothéose du concept de villégiature. Rien n'était alors plus à la mode que de vivre dans une villa prestigieuse, conçue en même temps comme un lieu de recherche artistique. Avec leur oeuvre savante et leurs fresques grandioses, dont ils décorèrent l'intérieur de plusieurs villas vénitiennes, comme les villas Valmarana et Pisani, près de Vicence, et la villa Corner, à Merlengo, les Tiepolo, père et fils, furent parmi les personnalités dominantes de cette époque.

Les villas du XXe siècle. A partir de 1900, les villas vénitiennes et toute l'Europe durent affronter deux guerres. La Première Guerre mondiale fut particulièrement destructrice et plusieurs demeures furent converties en postes militaires ; d'autres furent bombardées, comme la villa Soranza à Castelfranco, près de Trévise. Après la guerre, l'urbanisation représenta pour les villas un autre fléau. Leurs parcs, par exemple, furent transformés en zones constructibles. Aujourd'hui, la plupart de ces demeures ont été acquises par l'administration publique. Certaines ont été restaurées.

Artisanat
Le travail artisanal est une des traditions les plus anciennes de la Vénétie, région laborieuse, depuis toujours adonnée au commerce et à la créativité. Dans cette région, les ateliers de pelletiers, de lainiers, de céramistes, de vitriers, de menuisiers, de tailleurs de pierre, de forgerons, d'orfèvres ont toujours été au service de l'Eglise, des communes, des familles nobles ou bourgeoises et des universités. Aujourd'hui, cette tradition se poursuit pour le bonheur des touristes qui peuvent repartir avec un souvenir admirable de l'adresse des artisans de cette région. Venise est bien évidemment une source généreuse de souvenirs, non seulement dans le sens spirituel du terme, mais aussi dans un sens plus trivial : les célèbres masques de carnaval, les objets en verre soufflé de Murano, les délicates dentelles de Burano en sont quelques exemples.

Mais la région tout entière offre des exemples remarquables d'habileté souvent de tradition ancienne. A Vérone, vous trouverez des splendides meubles de style véronais (bois marqueté) et sur les bords du lac de Garde, de l'excellente huile d'olive et du vin de qualité comme le bardolino, le soave ou le valpolicella. Vicence est la patrie du luxe avec son orfèvrerie fine, ses objets taillés dans la pierre claire et tendre des collines Berici, ses pelletiers et ses magasins de vêtements chics, sans oublier, dans sa province, les vins de Breganze et les céramiques de Bassano. Les objets en bois intaillé, le fer forgé et les figurines en métal font la richesse de l'artisanat de Belluno, tandis qu'à l'intérieur de ses terres, Feltre a une longue tradition d'objets en bois intaillé et peints à la main.

A Belluno, on est à deux pas des Dolomites, les montagnes légendaires dont la pierre lumineuse a attiré nombre de minéralogistes. Repartir avec un bout de cette légende est sûrement une façon agréable de se souvenir de ses performances sur les pistes. Enfin, dans l'Ampezzano, vous trouverez aussi des produits d'artisanat intéressants, comme les typiques tissus aux couleurs vives de Cortina d'Ampezzo.

L'histoire de Venise et sa réalité urbaine protégée en tant que patrimoine de l'humanité par la Sovraintendenza ai Beni Culturali et par l'Unesco ont favorisé des systèmes productif, économique et commercial particuliers à Venise et l'ont protégée de l'industrialisation, des grandes surfaces et des multiplexes de cinéma...

A l'image de la ville dans son ensemble, les boutiques ont des airs de siècles passés. Le manque de place et l'absence d'industrialisation a protégé et laissé survivre, dans le tissu urbain, de petites boutiques-ateliers (les botteghe) où se perpétuent les petits métiers dont le savoir-faire est encore transmis de père en fils. Ainsi, encore aujourd'hui, à Venise, on trouve des serruriers, des cordonniers, des vitriers, des chausseurs, des modistes, des imprimeurs, des graveurs, des relieurs, des restaurateurs de meubles...

Dentelles. L'art de travailler la dentelle (merletto) est apparu à Venise pendant la Renaissance. Au début, il était pratiqué comme loisir par les jeunes femmes des familles nobles et par les religieuses. Avec le temps, et surtout au XVIIe siècle, ce travail fut intégré à la pratique commerciale. Burano devint le centre de cette production, qui se développa aussi à Pellestrina. Les dentelles de Burano, cependant, passaient pour être de meilleure qualité que les autres, car elles procédaient d'une technique très compliquée nécessitant l'emploi d'une aiguille. Les merlettaie (les dentellières) étaient en effet, d'une habileté extraordinaire. Le succès des dentelles de Burano fut tel qu'en 1872 on décida de créer sur l'île la Scuola del Merletto, dont l'activité se poursuivit jusqu'en 1972. De nos jours, malheureusement, le travail de la dentelle a pratiquement disparu. Il n'est plus pratiqué que par quelques dames qui travaillent soit pour leur propre plaisir, soit pour des amateurs passionnés. Les dentelles vendues dans les boutiques à touristes ne sont plus de la même qualité que par le passé.

Masques. La tradition des masques à Venise remonte aux XVIIe-XVIIIe siècles. Il était d'usage de porter un masque, chez les nobles et dans les familles plus populaires, durant les longs carnavals (à une époque, ils duraient jusqu'à six mois). La commedia dell'arte, cette forme artistique antérieure au théâtre moderne, recourait également aux masques. La plupart des acteurs étaient alors ambulants. Ils improvisaient des histoires, parfois inventées, parfois réelles, parfois inspirées des faits de l'époque, de la vie courante ou politique. Les artistes se présentaient masqués et, ainsi dissimulés, interprétaient des pièces satiriques qui mettaient en scène des personnages de haut rang, des ecclésiastiques ou des hommes politiques. La " commedia " suivait une trame fixe, mais qui laissait cependant place à la libre interprétation des artistes. Traditionnellement, chaque grande ville d'Italie avait son masque, correspondant à un personnage inventé, mais qui, avec le temps, acquérait la richesse d'un vrai individu, avec ses qualités et ses défauts, ses caractères physiques et psychologiques. Il était censé représenter l'esprit et la voix de sa ville d'origine.

Au fil des siècles, les créateurs de masques perfectionnèrent toujours un peu plus leur art. Cependant, avec la chute de la République vénitienne à la fin du XVIIIe siècle, l'usage et la tradition du masque se perdit petit à petit, jusqu'à complètement disparaître des traditions vénitiennes. Quelques bribes d'informations furent trouvées malgré tout dans les bibliothèques de Venise. Ce fut une véritable aventure pour les Vénitiens que de créer à nouveau des modèles de masques, à partir des rares indications trouvées dans les archives. Il s'agissait de redécouvrir et de faire revivre un art oublié, un savoir-faire perdu. Personne ne savait quels matériaux employer, quelles techniques adopter. Mais la fascination, le goût de la découverte et la volonté aidant, les Vénitiens surent retrouver la signification ancienne des masques, leur histoire et leur mode de fabrication. Aujourd'hui, les masques ont retrouvé à Venise leur signification sociale originelle, et leur port comme leur création sont de nouveau régis par des règles très précises : chaque forme, chaque couleur correspond à un message. Aussi, avant de vous prendre pour quelqu'un d'autre, renseignez-vous d'abord sur le message que le masque véhicule. Parmi les masques vénitiens traditionnels, vous trouverez celui du médecin : blanc et au long bec recourbé, il s'inspire du costume qui protégeait les médecins vénitiens contre la peste.

Verreries. A Venise, qui dit " verre ", dit " made in Murano ". Le travail du verre est une activité millénaire à Venise et plus principalement à Murano. A l'origine, les fours des maîtres verriers furent déplacés de Venise vers Murano, à la suite d'un incendie qui aurait dévasté toute la ville. Ces maîtres verriers produisaient des pièces à usage principalement domestique : coupes, plats, récipients, vases, candélabres... Aujourd'hui, en revanche, les produits de l'artisanat verrier de Murano sont aussi bien à usage domestique que décoratif, du vase à la petite sculpture, en passant par les perles et les bijoux.

Papiers marbrés. Cette technique, oubliée désormais de tous, continue à vivre à Venise. A l'intérieur de leurs legatorie, ces échoppes dédiées à la vente du papier, des artisans expérimentés teignent des grandes feuilles de papier en couleurs pastel et chatoyantes. L'effet réalisé est semblable aux veines du marbre, d'où le nom de papier marbré. Carnets, crayons, agendas ou cadres à photos sont ensuite recouverts de ces beaux papiers pour un résultat puissamment artistique.

Que rapporter de son voyage
Un masque de Carnaval. Emblème du Carnaval, vous trouverez de belles boutiques vendant de très beaux masques réalisés comme autrefois par des artisans professionnels. Mais gare aux faux !

Le verre de Murano. La tradition verrière de Venise remonte au Moyen Age, et le verre de Murano est parmi les plus beaux du monde. Pour vos achats fiez vous au label Vetro Artistico di Murano, gage de qualité et d'authenticité.

La dentelle de Burano. Les dentellières de Burano brodent mouchoirs, nappes et napperons avec une finesse incroyable depuis la nuit des temps. De très belles boutiques vendent encore des pièces de grande qualité.

Les tissus de Fortuny. Précieuses, raffinées et presque virtuoses, ces étoffes rares fabriquées à la manufacture de la Giudecca sont recherchées dans le monde entier. Si le prix au mètre est exorbitant, les petits accessoires, comme coussins, écharpes et agendas restent abordables.

Le papier marbré. Les papèteries vénitiennes conservent le secret de sa fabrication ; de nombreuses boutiques vers Saint Marc commercialisent ces papiers aux motifs élégants.

La grappa. L'eau de vie des Vénitiens (40° quand même) a conquis depuis longtemps l'ensemble des Italiens. La ville de Bassano del Grappa fabrique la meilleure qualité du genre, mais vous en trouverez de bonne qualité dans toute la région.

Expressions modernes
Souvent désignée comme une ville-musée, Venise fait cependant preuve d'une impressionnante vivacité culturelle. Même discours pour les autres villes de Vénétie. Des manifestations comme la Biennale de Venise, des collections comme celles de Peggy Guggenheim et des expositions de Palazzo Leoni Montanari à Vicence en sont le témoignage. L'intervention de grands architectes comme Tadao Ando pour la rénovation de monuments historiques tels les bâtiments de l'ancienne douane à Dorsoduro consacre le rôle de premier plan de la Vénétie sur la scène contemporaine internationale.

Cinéma
Les cinéphiles ne seront pas déçus en Vénétie. Chaque été (de la fin d'août au début de septembre) depuis 1932, Venise devient une des capitales du cinéma. Stars, réalisateurs et professionnels du septième art se donnent rendez-vous au Lido où se tient le Festival international du film de Venise. Mais Venise a également inspiré nombre de réalisateurs et, si vous réfléchissez quelques instants, vous retrouverez sans doute les titres de films auxquels la ville a prêté son décor et dont elle est bien souvent la véritable star. Quelques titres, pour vous aider, parmi ceux que nous aimons le plus par ordre chronologique :

Senso, de Luchino Visconti (avec Alida Valli). Nous sommes en 1866 et la comtesse Livia Serpieri vit son grand mélodrame. Amoureuse d'un officier autrichien, qui la trahit, elle se retrouve mêlée aux complots carbonari et au Risorgimento italien.

Vacances à Venise, de David Lean (avec Katharine Hepburn et Rossano Brazzi). Une charmante vieille fille américaine passe ses vacances à Venise et devient l'objet des attentions d'un beau Vénitien... marié ! Délicieusement suranné.

Casanova, de Federico Fellini (avec Donald Sutherland). Le génie visionnaire du maestro nous montre un Casanova détestable. Film fantasmatique, comme la ville de Venise reconstituée pour l'occasion dans les studios de Cinecittà.

Casanova, un adolescent, de Luigi Comencini. Une excellente reconstitution de la Venise du XVIIIe siècle.

Mort à Venise, de Luchino Visconti (avec Dirk Bogarde). Une Venise anéantie par le choléra sert de décor à l'histoire déchirante d'un professeur malade et de sa passion inavouable pour un jeune éphèbe. La mort du professeur sur la plage du Lido est d'une tristesse absolue.

Othello, de et avec Orson Welles. Il a fallu deux ans de tournage et trois Desdémone (Lea Padovani, Cécile Aubry et Betsy Blair) au grand metteur en scène américain pour réaliser ce film. Le résultat est encore aujourd'hui inégalé.

Ne vous retournez pas, de Nicolas Roeg. D'après l'histoire de Daphné Du Maurier, un film dramatique, qui reconstitue parfaitement l'ambiance énigmatique de la cité lagunaire.

Au-delà du bien et du mal, de Liliana Cavani (avec Dominique Sanda). Ce film basé sur la vie de Nietzsche est en réalité un film sur la liberté sexuelle. Il fit scandale à sa sortie en 1977.

Venezia, la luna e tu, de Dino Risi (avec Alberto Sordi). L'Albertone nazionale, comme on appelle Sordi en Italie, interprète un gondolier vénitien habillé, comme il se doit, d'un chapeau et d'un tee-shirt à rayures. Si vous comprenez l'italien, vous remarquerez son accent vénitien improbable (Sordi était romain), mais hilarant.

La Vénitienne, de Mauro Bolognini (avec Laura Antonelli, Monica Guerritore et Jason Connery). Deux belles Vénitiennes, différentes par leur beauté, mais non par leur culot, se disputent les charmes d'un jeune étranger. Les acteurs ne sont pas au meilleur de leur forme, mais le cadre d'une Venise décadente est fascinant.

Indiana Jones et la dernière croisade, de Steven Spielberg (avec Sean Connery et Harrison Ford). Un jeune Indiana Jones débarque à Venise pour retrouver son père, parti à la recherche du Graal. La scène de la poursuite en bateau à moteur sur les canaux de Venise (et la protection du patrimoine !) est mythique. Dans le reste du film, on voit plutôt une Venise imaginaire : par exemple Harrison Ford sortant d'une bouche d'égout du Campo San Barnaba... ne la cherchez pas, il y en a pas sur cette place !

Tout le monde dit I love you, de et avec Woody Allen (et Julia Roberts). Le sempiternel intellectuel névrosé américain tombe amoureux alors qu'il fait du jogging sur les ponts de Venise. Curiosité : pendant le tournage, des rumeurs couraient selon lesquelles Julia Roberts avait eu un flirt avec un chauffeur de taxi vénitien... Le chauffeur en question a toujours nié mais, depuis, il a vu ses recettes augmenter !

Pane e tulipani, de Silvio Soldini (avec Bruno Ganz). Au cours d'une excursion touristique en car, une jeune femme au foyer est oubliée à une station-service sur l'autoroute. Elle en profite pour retrouver sa liberté à Venise, où elle rencontre un serveur philosophe et un fleuriste anarchiste.

La Lingua del Santo, de Carlo Mazzacurati (avec Antonio Albanese et Fabrizio Bentivoglio). C'est une comédie inspirée d'un fait divers sur le vol de la relique de la langue de San' Antonio de la basilique de Padoue.

Le Marchand de Venise, de Michael Radford (avec Al Pacino, Jeremy Irons, Joseph Fiennes). Adaptation du Marchand de Venise de William Shakespeare, cette comédie dramatique trace le portrait peu flatteur d'un usurier juif Shylock, homme avare et sanguinaire à l'esprit vengeur. Campé dans une Venise lugubre et décadente, le film dénonce les injustices faites aux juifs à la fin du XVIe siècle, à l'époque où ils vivaient reclus dans le ghetto.

Braquage à l'italienne, de F. Gary Gray (avec Mark Wahlberg, Charlize Theron, Edward Norton). Charlie Croker et son équipe préparent un casse parfait à Venise. Tout se passe comme prévu mais c'est sans compter la présence d'un traitre parmi eux...

The Tourist, de Florian Henckel von Donnersmarck (avec Johnny Deep et Angelina Jolie). Remake du film français Anthony Zimmer, cette intrigue policière au suspense époustouflant emmène le spectateur à travers la lagune de Venise, dont les prises de vue sont sensationnelles. Coup de coeur pour les scènes tournées à l'hôtel Danieli et au marché de Rialto.

La Mostra di Venezia
Sous la direction d'Alberto Barbera, la Mostra Internazionale d'Arte Cinematografica est un festival de cinéma huppé organisé par la Biennale de Venise. A l'image de son voisin français, le Festival de Cannes, il demeure une référence dans la profession et l'univers du Septième art. En 2018 s'est déroulée la 75e édition de la Mostra. Quand vient la fin de l'été, à l'arrivée des premiers jours de septembre, c'est donc tout le gratin mondial du cinéma qui se donne rendez-vous sur la grande plage du Lido. On s'y presse pour assister à la remise des prix et récompenses : les Lions d'or, à l'instar des Palmes cannoises et de l'Ours d'or, récompense du Festival de Berlin. En cette période très prisée, il est conseillé de réserver son hôtel bien à l'avance ! Un festival mythique... chic et star !


Venise au cinéma


Les Trois Lumières (Der müde Tod) de Fritz Lang, 1921

Le Marchand de Venise, 1923

Casanova d'Alexandre Volkoff, 1927

Haute Pègre d'Ernst Lubitsch, 1932

Le Danseur du dessus (Top Hat) (comédie musicale), de Mark Sandrich, 1932

Il Ponte dei sospiri (it) de Mario Bonnard, 1939

Les Amants de Vérone d'André Cayatte, 1948

Othello d'Orson Welles, 1949

Rapt à Venise de Mario Soldati, 1953

Senso de Luchino Visconti, 1953

Vacances à Venise de David Lean, 1954

Venise, la lune et toi de Dino Risi, 1958

Le Miroir à deux faces d'André Cayatte, 1958

Eva de Joseph Losey, 1962

Le Petit Boulanger de Venise de Duccio Tessari, 1963

Guêpier pour trois abeilles (The Honey Pot), 1966 de Joseph L. Mankiewicz.

Casanova, un adolescent à Venise de Luigi Comencini, 1969

Assassinats en tous genres de Basil Dearden, 1969

Adieu à Venise (Anonimo Veneziano) d'Enrico Maria Salerno, 1970

Mort à Venise de Luchino Visconti 1971, inspiré de la nouvelle de Thomas Mann

Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg, 1973

Giordano Bruno de Giuliano Montaldo, 1973, retraçant les dernières années de la vie du philosophe italien Giordano Bruno.

Le Casanova de Fellini de Federico Fellini, 1975

Âmes perdues de Dino Risi, 1976

Oublier Venise de Franco Brusati, 1979

Le Guignolo de Georges Lautner, 1980

Identification d'une femme de Michelangelo Antonioni 1982

Le Cadeau de Michel Lang, 1982

Venise sauvée d'André Engel, 1987

Nikita de Luc Besson, 1990

Tout le monde dit I love you de Woody Allen, 1996

Pain, tulipes et comédie de Silvio Soldini, 2000

Ma femme s'appelle Maurice de Jean-Marie Poiré, 2002

Braquage à l'italienne de F. Gary Gray, 2003

Le Marchand de Venise de Michael Radford, 2004

Casanova de Lasse Hallström, sorti en 2005, sur le légendaire Casanova

The Tourist de Florian Henckel von Donnersmarck, 2010

Impardonnables d'André Téchiné, 2011

Inferno de Ron Howard, 2016

Venise n'est pas en Italie de Ivan Calbérac, 2019
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Littérature
La littérature vénitienne, après une première période d'épanouissement au XVIe siècle avec le succès de grands auteurs comme l'Arétin, atteignit son apogée au XVIIIe siècle, grâce à l'oeuvre de son plus grand représentant, le dramaturge Carlo Goldoni. Par la suite, la production littéraire vénitienne subit une période de déclin suite à la chute de la République de Venise. Elle parvint tout de même aux XIXe et XXe siècles à retrouver une certaine aura avec des auteurs comme Ippolito Nievo et Dino Buzzati.

L'Arétin (1492-1556). Pietro Bacci, dit l'Aretino, est l'auteur de poèmes satiriques (Les Pasquinades, 1520), de comédies (La Courtisane, 1534 ; L'Hypocrite, 1542) et d'une excellente tragédie (Horace, 1546), mais l'essentiel de son oeuvre consiste en des pamphlets cyniques et anarchistes qui lui ont valu le surnom de " fléau des princes ". Les Ragionamenti (1534) sont un roman de moeurs, licencieux et humoristique ; dans le Dialogue des cartes parlantes (1543), l'Arétin passe en revue tous les travers des hommes.

Angelo Beolco (dit Ruzzante) (1496-1542). Angelo Beolco, né à Padoue, écrivain, acteur et metteur en scène, est devenu célèbre sous le nom d'un de ses personnages les plus connus : Ruzzante. Pour ne pas mourir de faim, le jeune Ruzzante rejoint l'armée du pape qui se bat contre les protestants. Sur le chemin, touché par la foi, il décide de déserter. Précurseur de la commedia dell'arte, il se consacre à l'écriture d'oeuvres qui dénoncent de façon subtile les travers de la société et la condition des paysans de son époque. La Moscheta, écrite en 1528 à Padoue, deviendra une oeuvre culte du théâtre classique italien.

Dino Buzzati (1906-1972). Dino Buzzati est né à Belluno en 1906. Après des études de droit à Milan, il se tourne vite vers la littérature et le journalisme. A 22 ans, il est correspondant du Corriere della Sera en Ethiopie, puis correspondant de guerre dans la Marine. A Milan, il consacre son temps à l'écriture et à la peinture - plusieurs de ses toiles ont été exposées en France. Son roman Le Désert des Tartares, paru en 1949 pour la traduction française, a obtenu un immense succès. Une de ses pièces de théâtre, Un cas intéressant, a été adaptée par Albert Camus en 1956. Dino Buzzati est décédé à Milan en 1972.

Giacomo Casanova (1725-1798). Le célèbre séducteur né à Venise au début du XVIIIe siècle s'est fait aussi connaître pour son extraordinaire esprit d'observateur de son temps. Il commença une carrière ecclésiastique, puis exerça de nombreuses activités : joueur de violon, joueur professionnel, escroc, financier, bibliothécaire, alchimiste, soldat et espion pour la République vénitienne, constamment impliqué dans des intrigues politiques et amoureuses. De prisons en cours de souverains, il écrivit ses mémoires dans Histoire de ma vie. Il y raconte notamment sa fameuse évasion de la prison dei Piombi (les prisons du palais des Doges à Venise) et ses aventures galantes avec quelque 122 femmes, dont la marquise de Pompadour...

Ugo Foscolo (1778-1827). Cet écrivain est l'une des grandes figures du préromantisme italien. De père vénitien et de mère grecque, admirateur de la Révolution française (Ode à Bonaparte libérateur, 1797), il combattit dans les rangs des armées françaises contre les Austro-Russes, mais, en 1814, l'invasion de l'Italie du Nord par les Autrichiens l'obligea à s'exiler en Suisse puis en Angleterre. De son oeuvre, d'inspiration romantique mais de forme classique, on retiendra un roman épistolaire à la manière du Werther de Goethe : Ultime Lettere di Jacopo Ortis (1802) ; un long poème, Les Tombeaux (1807), inspiré par un décret de Napoléon réglementant les monuments funéraires privés, dans lequel Foscolo défend le symbolisme des sépultures ; enfin des hymnes, Les Grâces (1814), dédiés au sculpteur Canova

Carlo Goldoni (1707-1793). Né à Venise, Carlo Goldoni fit sa première expérience théâtrale à l'âge de 14 ans en s'échappant de son école pour rejoindre une troupe itinérante. Devenu avocat à l'université de Padoue en 1731, il revint dans sa ville natale, mais il abandonna rapidement toute activité juridique pour écrire des tragédies, la seule forme théâtrale appréciée à cette époque. Il travailla d'abord au répertoire de compagnies, puis, le succès venant, directement pour des théâtres ; ses comédies remportèrent un tel succès qu'il n'en composa pas moins de dix-sept pendant la seule année 1751. Mais, sa popularité lui ayant valu la rivalité d'auteurs établis, Goldoni vint s'installer à Paris où il passa le reste de sa vie. En 1762, Goldoni prit la direction de la Comédie Italienne.

Désireux de débarrasser la scène des improvisations bouffonnes de la commedia dell'arte qui formaient la substance des représentations théâtrales, il écrivit de véritables comédies de moeurs. Parmi les 118 pièces de Goldoni, les plus intéressantes sont Arlequin, serviteur de deux maîtres (1745), La Locandiera et Barouf à Chioggia, cette dernière écrite en dialecte vénitien. De nos jours, les oeuvres de Goldoni sont régulièrement représentées.

Considéré par ses contemporains comme le Molière italien, ce créateur d'une forme théâtrale originale, premier écrivain italien à vivre de sa plume, a dû vaincre la résistance des comédiens et du public pour humaniser les masques de la commedia dell'arte. C'est une République vénitienne oligarchique en déclin que Goldoni dépeint. Fondamentalement bourgeoise, sa comédie a pour protagonistes des personnages appartenant à la classe moyenne. Devenu professeur d'italien de Madame Adélaïde, fille de Louis XV, Goldoni cessa pratiquement d'écrire. Vivant ensuite modestement d'une maigre pension accordée par le roi, il mourut dans la misère, le 6 février 1793.

Ippolito Nievo (1831-1861). Né à Padoue, cet écrivain fut un ardent patriote, compagnon de Garibaldi avec qui il participa à l'expédition des Mille (Amori garibaldini, 1860). Poète (Lucciole, 1858), nouvelliste (Il barone di Nicastro, 1857) et auteur dramatique (Spartaco, 1857), il a marqué par son oeuvre maîtresse, Confessions d'un Italien (d'abord publié en 1867 sous le titre de Confessions d'un octogénaire), le passage du roman historique au roman réaliste.

Pétrarque (1304-1374). Né à Arezzo, Francesco di ser Petrarca, Pétrarque en français, passe son enfance en Toscane avant de s'installer dans la région d'Avignon en 1312. Ses poèmes lyriques immortalisent Laure de Noves, une jeune dame qu'il rencontre pour la première fois le 6 février 1327. Pétrarque sillonne l'Italie, la France, les Pays-Bas et l'Allemagne. Mais à partir de 1342, rentré en Avignon, il se consacre à ses travaux d'humaniste. Il meurt en 1374 à Arquà, sur les collines euganéennes (Padoue), où l'on peut visiter sa maison et voir sa tombe. L'ouvrage le plus célèbre de Pétrarque est le Canzoniere, recueil de poèmes en langue vulgaire (le toscan) dont la plupart lui furent inspirés par la passion qu'il vouait à Laure.

Hugo Pratt (1927-1996). Hugo Pratt, père de la célèbre BD Corto Maltese, est né près de Rimini, mais il a passé son enfance à Venise et il s'est toujours considéré comme Vénitien. Après la guerre, passionné de fumetti (bandes dessinées), il crée le groupe de Venise avec d'autres dessinateurs italiens dans le but de produire des comics à l'américaine et d'initier la jeunesse aux grands classiques de l'aventure : d'Homère à Kipling, de Conrad à Stevenson et à Jack London. En 1967 naît le héros Corto Maltese, avec la parution des premières planches de La Ballade de la mer salée dans une nouvelle revue italienne. Sa Fable de Venise, avec ses sociétés secrètes, ses canaux, ses cours magiques et mystérieuses et ses énigmes à résoudre est inoubliable. Corto et son univers s'imposeront très vite comme un mythe et le fameux marin sera souvent le double de Pratt.

Médias locaux
L'Italie a aujourd'hui encore un nombre important de publications de presse écrite, qu'elles soient quotidiennes, hebdomadaires ou périodiques. Toutes les tendances, politiques, économiques, sociologiques et culturelles sont ainsi représentées et diffusées. Chaque province édite son propre quotidien, celui de Milan (et le plus diffusé dans toute l'Italie) étant le Corriere della Sera. Côté télévision, les audiences se partagent essentiellement entre les chaînes de la Rai, la télévision publique, et celles de Mediaset, gérées par la famille Berlusconi. Si les étrangers se plaignent souvent de la qualité des programmes, l'information est en revanche de haute qualité et toujours très exhaustive.

Journaux
Corriere della Sera. Le quotidien historique de la ville de Milan et d'Italie depuis 1876 : www.corriere.it

La Repubblica. Deuxième quotidien national par nombre de copies distribuées depuis 1976 : www.repubblica.it

La Gazzetta dello Sport. Premier quotidien sportif du pays : www.gazzetta.it

Il Sole 24 Ore. Journal économique et financier dont le siège est à Milan : www.ilsole24ore.com

Radios
Blud Radio Veneto FM 88.70/ 94.60

Radio Venezia FM 92.40

Télévision
Rai 1, Rai 2, Rai 3. Les trois chaînes publiques généralistes du groupe audiovisuel Rai.

Rete 4, Canale 5, Italia 1. Les chaînes du groupe privé Mediaset, fondé par Silvio Berlusconi en 1978.
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Musique
Depuis le XVe siècle, Venise est une ville majeure dans la vie musicale européenne. En grande partie car, dans cette cité, la musique a toujours été partout, dans les églises, dans les palais et les théâtres, sur les places et même sur les gondoles. Des compositeurs comme Vivaldi et Monteverdi nous ont laissé des morceaux épiques, dont tout le monde connaît le refrain.

Claudio Monteverdi (1567-1643). Fils aîné d'un médecin cultivé et mélomane, Monteverdi est né à Crémone, alors propriété du duché de Milan. En 1590, il arrive à la cour de Mantoue où il est nommé à la tête du petit groupe de musiciens devant accompagner Vincent de Gonzague en campagne contre les Turcs. Il entreprend la composition d'Orphée afin de satisfaire le duc.

En 1612, Vincent de Gonzague meurt et son fils François, qui lui succède, congédie Claudio Monteverdi ainsi que son frère. Ayant, sans succès, tenté sa chance à Milan, le compositeur se présente à Venise où la mort du maître de la chapelle Saint-Marc laisse un poste vacant. Il sera admis sur épreuve en 1613. Son autorité musicale déborde bientôt le cadre de ses obligations à Saint-Marc et d'illustres familles vénitiennes se disputent l'honneur d'obtenir une composition du maître. Au début de l'année 1643, " le musicien le plus célèbre du siècle " demande à être relevé de ses fonctions à Saint-Marc. C'est à Venise qu'il s'éteint en 1643. Ses funérailles à l'église des Frari furent celles d'un prince. De longues années encore, des poèmes célébrèrent sa mémoire, puis sa musique sombra peu à peu dans l'oubli.

Antonio Vivaldi (1678-1742). Aîné d'une famille de sept enfants, Antonio Vivaldi est le fils d'un excellent violoniste attaché à la basilique Saint-Marc à Venise. Ordonné prêtre à 29 ans Vivaldi, dont la santé est fragile, est bientôt dispensé de ses devoirs d'ecclésiastique. Il se voit donc confier les fonctions de professeur de musique à l'hospice de la Pietà. Vivaldi compose énormément pour l'orchestre de l'hospice, encouragé par le très bon niveau de ses élèves.

Aujourd'hui, on retrouve à la place de l'ancien hospice, la Chiesa della Pietà, dite aussi église d'Antonio Vivaldi. Elle se situe dans le sestiere Castello, non loin de la place Saint-Marc. Ce lieu est très symbolique dans l'histoire de la musique vénitienne, car c'est ici qu'il a composé ses premières oeuvres musicales.

Trois ans plus tard, il prend en charge le théâtre de San Angelo de Venise dont il devient le directeur en 1714. Une activité très prenante : Vivaldi signe les contrats, règle les conflits, résout les situations, planifie les tournées et, surtout, met en scène ses propres opéras. En 1723, il se rend à Rome où, pendant un an et demi, il fait représenter trois opéras et joue devant le pape. Sa gloire est internationale et le monde entier sollicite le musicien. Vivaldi joue ses oeuvres, dont les célébrissimes Quatre Saisons, chez l'ambassadeur de France, écrit une cantate pour célébrer le mariage de Louis XV. Mais, à l'automne 1740, il fait ses adieux à la Pietà et quitte Venise. Personne ne connaît sa destination. Un an plus tard, pauvre et déjà complètement oublié, il meurt à Vienne.

Luigi Nono (1924-1990). Luigi Nono se situe à la pointe de la musique nouvelle. Le compositeur fait appel à toute une variété de techniques : sérialisme, musique aléatoire, musique concrète, musique électronique... Il utilise de manière toute personnelle le langage sériel sans jamais être prisonnier d'un système. Ses partitions le font apparaître comme un créateur puissant, profondément humain et chaleureux. Refusant les circuits de diffusion officiels, le compositeur ne participe pas à la Biennale de Venise. Il consacre alors une grande partie de son activité créatrice à la musique électro-acoustique facilement transportable sur bande magnétique dans la rue ou dans les usines avec notamment Un volto del mare pour deux voix (1968). En 1955, il épouse la fille de Schoenberg, Nuria, dont il aura deux enfants. Son oeuvre Il Canto Sospeso marque un tournant esthétique et idéologique et, en 1960, la création de son opéra en 2 actes Intolleranza 60, sur des textes de Brecht, d'Eluard, de Sartre et de Maïakovski, est une oeuvre écrite en protestation contre les politiques impérialistes et les iniquités sociales. Luigi Nono se veut témoin à charge d'une société corrompue, injuste et destructrice.

Vivre Venise au rythme de sa musique
Venise est une ville de musique, qui a vu naître de nombreux talents. Encore aujourd'hui, la ville a conservé cette même inspiration, tel un souffle vivant propice à la création musicale... Ne manquez pas d'assister à un concert de musique baroque durant votre séjour. Nombreuses sont les églises de Venise qui ouvrent leurs portes et leurs choeurs aux musiciens, qui (parfois costumés) se prêtent au jeu ! Certains concerts sont gratuits, d'autres payants. Vous trouverez tous les établissements en question dans la rubrique Sortir/Spectacles du guide. Enfin, si vous en avez l'occasion, essayez d'assister à une représentation d'opéra lyrique au théâtre La Fenice... l'une des scènes lyriques les plus prestigieuses au monde, où la célèbre cantatrice Maria Callas fit ses débuts... Certes, le billet a un coût mais vous pourrez vous offrir un souvenir inoubliable qui n'a pas de prix ! Néanmoins, une réservation à l'avance s'impose. Pour plus d'infos, voir : www.teatrolafenice.it

Peinture et arts graphiques
Dans le langage international de l'art, l'école de Venise se caractérise par la couleur et la maîtrise de la lumière. Cette sensibilité pour les variations chromatiques a été sans doute suggérée aux peintres vénitiens par la variété des nuances de couleur offertes par cette terre. Une caractéristique qui influença les peintres impressionnistes et qui oppose l'école vénitienne à la peinture florentine, plus idéaliste et plus savante.

Les débuts de la peinture vénitienne sont marqués par la dynastie des Bellini, Jacopo, le père, le fils aîné Gentile, mais, surtout, le cadet Giovanni. Parallèlement à l'oeuvre de ce dernier, se développe celle de leurs élèves, Carpaccio, et Giorgione, dont Lorenzo Lotto prolongera l'influence. Mais les trois grandes personnalités du Cinquecento vénitien sont Le Titien, Véronèse et Le Tintoret. Les peintres du XVIIIe siècle reprennent également la leçon de leurs prédécesseurs. Canaletto, Francesco Guardi, Pietro Longhi, Giambattista et Giandomenico Tiepolo sont les interprètes les plus inspirés de la beauté de Venise.

L'autre centre important de la peinture en Vénétie fut Padoue. Au XVe siècle, la cité connut un extraordinaire rayonnement artistique grâce à la diffusion de l'oeuvre du peintre padouan Andrea Mantegna, artiste d'une puissante originalité, passionné d'anatomie et d'archéologie, et novateur par sa technique de représentation de la perspective. Perméables à l'influence de la vallée du Rhin, les peintres de Vérone parcourent un chemin à part, développant un art gothique alliant la souplesse de la ligne à la préciosité du détail. Pisanello en est le plus remarquable représentant.

L'école vénitienne. Avec la peinture florentine, celle de Venise est sûrement la peinture italienne la plus connue dans le monde.

Tandis qu'à Florence, grande ville rivale de Venise, se développe un style plus sec et mécanique, Venise, situé au nord de l'Adriatique, garde une forte tradition gothique byzantine teintée d'originalités locales. Par sa situation maritime, cette cité jouit d'une lumière et d'un espace tout à fait singuliers qui se traduisent dans les oeuvres d'art, qu'il s'agisse de peinture ou d'architecture. Les premiers peintres vénitiens importants furent ceux du XIIIe siècle, maîtres dans les techniques de la fresque ou de la détrempe.

Cependant, on peut considérer que les mosaïstes grecs appelés à orner la basilique Saint-Marc furent, dès le XIe siècle, les premiers peintres de Venise. Au XVe siècle, deux familles de peintres, les Vivarini et les Bellini, rompent avec le statisme gothique et posent les bases de la peinture vénitienne. En 1410, un nouveau style prend naissance à Murano où travaillaient les Vivarini, qui introduisent à Venise l'élément antique. Dans l'atelier des Bellini, Jacopo Bellini père travaille avec ses deux fils, Giovanni et Gentile. Giovanni Bellini, spécialiste des madones (les Frari et San Zaccaria en possèdent de remarquables), est considéré comme le premier peintre vénitien tout à fait dégagé des influences byzantines et, par conséquent, comme l'initiateur de l'école vénitienne. Ses élèves les plus illustres furent Giorgione, Titien, Cima de Conegliano, Andrea Previtali et Nicolo' Rondinelli.

Les scuole. L'école vénitienne atteint son apogée grâce à l'action des scuole (écoles), des institutions typiquement vénitiennes. Présentes à Venise dès le XIIIe siècle, les scuole sont des confréries d'entraide et de bienfaisance (associations d'art et métiers ou de dévotion à un saint patron), parmi lesquelles on distinguait les scuole minori et les scuole grandi, ces dernières étant les plus importantes, les plus actives et les plus riches. L'importance des scuole ne tenait pas seulement à leur rôle social, mais à la place qu'elles occupaient dans l'activité artistique de Venise.

Chaque école était régie selon ses propres règles et par une église paroissiale ou un couvent. Les scuole grandi étaient au nombre de 6. Toutes furent fermées à la fin de la République par Napoléon Ier en 1806. La seule à avoir été préservée fut la Scuola di San Rocco, tandis que la Scuola di San Giovanni, la Scuola della Misericordia et la Scuola dei Carmini ne furent reconstruites qu'au cours du XIXe siècle. En ce qui concerne les scuole minori, toutes ont disparu. Elles réunissaient les différents métiers de la ville (botteri ou tonneliers, curameni ou tanneurs, forneri ou boulangers, et frutaroli ou vendeurs de fruits).
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Grands noms de la peinture vénitienne
(par ordre alphabétique)

Gentile Bellini (vers 1429-1507). Gentile Bellini travailla avec son père et subit l'influence d'Andrea Mantegna, son beau-frère. Il exécuta sa première commande pour la basilique Saint-Marc de Venise. En 1471, il fonda un atelier avec son frère. Peintre de renom, il fut envoyé par l'Etat vénitien à Constantinople, en 1479, à la demande du sultan Mehmet II, qui souhaitait les services d'un portraitiste de talent. Bellini profita de son séjour d'environ un an pour exécuter quelques-uns de ses plus beaux tableaux, dont le fameux Portrait du sultan (National Gallery, Londres), ainsi qu'un portrait à l'aquarelle d'un Jeune Scribe (Gardner Museum, Boston), oeuvre où l'on peut lire une nette influence islamique. Bellini reste surtout célèbre pour ses portraits des doges vénitiens, d'une perception psychologique aiguë, et pour ses tableaux narratifs de grand format. La plupart de ces tableaux furent détruits lors de l'incendie qui endommagea le palais des Doges en 1579 ; seuls trois Miracles de la Croix (Accademia, Venise) ont survécu qui constituent aujourd'hui un témoignage précieux sur la ville et ses habitants au XVe siècle.

Giovanni Bellini (vers 1430-1516). Né à Venise, Giovanni Bellini a commencé sa carrière comme assistant dans l'atelier de son père Jacopo, en compagnie de son frère, Gentile Bellini. L'intérêt principal de Giovanni Bellini se concentre avant tout sur le rapport entre la couleur et la lumière qu'il approfondit à travers l'étude du paysage. Dans ce type de recherche, la connaissance de l'oeuvre de Piero della Francesca sur la luminosité de l'espace aura une importance considérable, tout comme celle d'Antonello da Messina, présent à Venise vers 1471. Parmi ses chefs-d'oeuvre, citons La Sainte Conversation (1505, San Zaccaria, Venise). Le Festin des dieux (1514, National Gallery, Washington), qui aurait été achevé par Titien, montre que Bellini, vers la fin de sa carrière, se tourna vers les sujets classiques et païens que l'on appelait " champêtres " dans la Venise du début du XVIe siècle. De son atelier sortirent deux des peintres les plus célèbres du Cinquecento, Giorgione et Titien. A remarquer son utilisation des grands formats, les teleri, qui remplacèrent les grandes fresques.

Canaletto (1697-1768). Giovanni Antonio Canal, dit Le Canaletto, fut célèbre pour ses vues (vedute) de Venise. Il fut initié à la peinture et à la perspective par son père, peintre de décors de théâtre. Ses principaux commanditaires étaient des aristocrates anglais pour lesquels ses tableaux étaient autant de souvenirs de la Venise qu'ils avaient admirée lors de leur Grand Tour : le Grand Canal, le bassin de Saint-Marc, d'innombrables scènes de régates et autres jeux d'eau, tels que l'anniversaire du mariage de Venise et de la mer. Ses premières vedute vénitiennes datent du début des années 1720. En 1746, après que la guerre de Succession d'Autriche eut fortement tari le flot des visiteurs anglais à Venise, Canaletto se rendit en Angleterre. Il y peignit de nombreux paysages et maisons de campagne avant de revenir à Venise en 1755. Canaletto fut élu à l'Académie de Venise en 1763, mais, durant les dernières années, on lui reprocha de se répéter. Il eut néanmoins une grande influence sur la peinture de paysages du XIXe siècle.

Vittore Carpaccio (vers 1460-1526). D'abord influencé par Gentile et Giovanni Bellini, puis par Antonello da Messina et par la peinture flamande, Carpaccio mena cependant une carrière à part. Il réalisa quatre grands cycles de peintures qui ne cessent de questionner l'individu sur la dimension céleste, sur la normalité et l'anormalité. Le premier cycle, La Légende de sainte Ursule (1490-1495, Académie, Venise), considérée comme sa plus belle oeuvre, impressionna par son caractère particulièrement original, notamment dans le tableau Le Rêve de sainte Ursule.

Giorgione (vers 1478-1510). Il semble qu'il soit né à Castelfranco et qu'il ait d'abord travaillé dans l'atelier de Giovanni Bellini. S'il ne reste aucune toile datée et signée de sa main, quelques oeuvres comme le retable de la cathédrale de Castelfranco (peu après 1504), Les Trois Philosophes (Kunsthistorisches Museum, Vienne) et La Tempête (Accademia, Venise) lui sont généralement attribuées.

Giotto di Bondone (1266-1337). Au XIIIe siècle, en Italie, après les désastreuses invasions des siècles précédents, aucun artiste ne maîtrisait l'art de la fresque. Au contact de la chaux, les couleurs subissaient des altérations difficiles à prévoir. Cimabue en avait fait l'expérience en réalisant le transept de l'église Saint-François à Assise. Le blanc d'argent utilisé pour peindre les vêtements des saints avait viré au brun foncé au contact de la chaux. C'est alors qu'apparurent les images fabriquées par des moines grecs venus chercher refuge en Italie contre les persécutions des iconoclastes ; elles s'inspiraient du style importé de Byzance : des madones peintes en à-plat représentées assises, richement vêtues et tenant sur leurs genoux le Christ glorieux. Les artistes concentraient toute leur attention sur le personnage, ignorant la profondeur. Cet art ne disposait que de deux éléments : la ligne et la couleur.

Vers 1300, de profonds changements se produisirent. Le peintre, sous l'influence, d'une part, des grands courants franciscains vénérant la nature, d'autre part, sous l'action de l'humanisme primitif, commença à regarder autour de son modèle. Dans ce contexte se développa l'expérience de Giotto. Son grand mérite fut de faire entrer la nature dans des oeuvres dont elle était exclue depuis des siècles. Il remplaça les fonds d'or qui ornaient les tableaux de ses prédécesseurs par des collines, des prairies. Il peignit ainsi en trois dimensions Christ, vierges, saints et pécheurs, en proie à des émotions naturelles. C'est cette nouvelle peinture que Giotto introduisit dans ses fresques de la basilique d'Assisi, de la chapelle de Santa Croce de Florence et de la chapelle degli Scrovegni de Padoue.

Giotto est né à Vespignano, près de Florence. Selon la légende, Cimabue, dont Giotto fut l'élève, passant à côté du jeune garçon, le vit dessiner un mouton de manière si ressemblante qu'il le prit aussitôt dans son atelier. On raconte également que Giotto, dans sa jeunesse, peignit un jour d'une manière si réaliste une mouche sur le nez d'un visage commencé par Cimabue que le maître, se remettant à son travail, tenta à plusieurs reprises de la chasser de la main avant de s'apercevoir de sa méprise. Dans son tableau, Les Cinq Inventeurs de l'art renaissant, exposé au Louvre, Paolo Uccello se représenta entouré de plusieurs célébrités de son temps : Giotto le maître de la peinture, Donatello le maître de la sculpture, Gionnozzo Manetti, le savant mathématicien, et Brunelleschi, l'architecte. Après Giotto, on assista à une saine compétition entre Florence, Padoue, Sienne et Venise, dont émergèrent les chefs-d'oeuvre des peintres du Quattrocento : Piero della Francesca et Raphaël à Florence, Le Titien, Le Tintoret et Véronèse à Venise... Cimabue et Giotto avaient ouvert la voie qui conduisit à cette extraordinaire floraison de génies restée sans équivalent pendant des siècles.

Francesco Guardi (1712-1793). Francesco Guardi se forma auprès de son frère Giovanni Antonio ; ensemble, ils furent à la tête d'un atelier renommé qui produisit de nombreuses toiles destinées à des églises et à des palais de Venise et de ses environs. Dans les années 1750, Francesco Guardi rencontra un grand succès grâce à ses vedute, tableaux représentant les plus beaux lieux et monuments de la cité des Doges. Il perpétua la minutie du rendu des architectures commencée par son grand prédécesseur Canaletto, mais y introduisit cependant une certaine fantaisie.

Parmi ses tableaux les plus célèbres figurent La Place Saint-Marc décorée pour la fête de l'Ascension (vers 1775, collection Gulbenkian, Lisbonne) et Le Couronnement du doge sur l'escalier des Géants au palais ducal (musée du Louvre, Paris). Son traitement de la lumière, à laquelle il accorda une vibration inédite, annonçait les préoccupations des peintres impressionnistes.

Pietro Longhi (1702-1762). Chroniqueur attentif et amusé, parfois ironique, voire fantaisiste, de Venise et de la vie quotidienne du peuple et de l'aristocratie, Longhi insiste sur les détails et les couleurs. La peinture de genre et la représentation de scènes de la vie vénitienne saisies avec un sens aigu de l'observation et réalisées avec une ironie subtile sont très proches des comédies de Goldoni.

Les oeuvres de Pietro Longhi ouvrent les portes des demeures bourgeoises et décrivent les activités publiques et privées de l'aristocratie vénitienne.

Lorenzo Lotto (vers 1480-1556). Artiste sensible, instable et inquiet, Lotto demeura longtemps incompris. Il fut actif dans plusieurs autres villes que Venise : à Rome (à partir de 1509), il participa à la décoration des appartements de Jules II et à celle des Chambres (Stanze) du Vatican, entreprise par Raphaël ; à Bergame (1513-1526), il réalisa des retables pour les églises Saint-Etienne (1513 ; aujourd'hui à Saint-Barthélemy) et Saint-Bernardin (1521). Ses oeuvres de jeunesse, notamment le Saint Jérôme dans le désert (1505, Louvre, Paris), révèlent déjà, par leur inquiétude et leur gamme chromatique froide, un certain éloignement par rapport aux coloris chauds et à l'équilibre classique des oeuvres de Bellini ou de Giorgione.

Son originalité et son génie inventif se retrouvent dans L'Adoration des bergers (pinacothèque Tosio-Martinengo, Brescia) et dans ses portraits (Portrait de jeune homme, Académie, Venise).

Andrea Mantegna (1431-1506). Apprenti et fils adoptif de Francesco Squarcione, il est l'un des plus illustres représentants de l'école padouane. Dès 1449, on lui confie la décoration de la chapelle Ovetari dans l'église des Eremitani de Padoue, travail qui l'occupe pendant sept ans (fresques de La Vie de saint Jacques et de saint Christophe et de L'Ascension de la Vierge, 1448-1457, en partie détruites par les bombardements de 1944). Il épouse Niccolosa Bellini, fille de Jacopo et soeur de Gentile et de Giovanni, la plus grande famille de peintres vénitiens.

En 1457, il peint un tableau d'autel pour San Zeno de Vérone. Le tableau sera emporté en France en 1797 (La Crucifixion est au Louvre, L'Agonie au jardin des Oliviers et La Résurrection sont au musée de Tours), tandis que les panneaux de côté resteront en place. Ce travail terminé, Mantegna est invité par Ludovic III Gonzague à Mantoue, où il devient, en 1460, peintre officiel, passant de la condition d'artisan à celle de courtisan (il reçoit un salaire pour son talent indépendamment de ce qu'il réalise).

Vers 1465, Mantegna peint plusieurs toiles importantes, dont le Christ mort (Milan, pinacothèque de Brera), à la perspective audacieuse et bouleversante, et le Saint Sébastien (Louvre). La Camera degli Sposi (Chambre des Epoux), qu'il décore au château de Mantoue de 1472 à 1474, est un chef-d'oeuvre d'invention et d'illusionnisme. Pour la décoration du théâtre des Ducs, il peint Le Triomphe de César (1480-1495, Hampton Court). Après quelques séjours en Toscane, il passe la dernière période de sa vie au service d'Isabelle d'Este, à Mantoue ; pour elle, il exécute la décoration du studiolo qui comprend, entre autres, Le Parnasse (1497) et Le Combat des Vices et des Vertus (1502). Egalement de la même époque, La Madone de la Victoire (1496, musée du Louvre).

Pisanello (vers 1395-vers 1455). Antonio di Puccio Pisano, dit Pisanello, peintre de Vérone, mort peu après le milieu du XVe siècle, est l'artiste italien le plus admiré de son temps. Avant Michel-Ange et Raphaël, aucun sculpteur ni aucun peintre ne connaît de son vivant une telle renommée. Il réalise, pour l'église Sant'Anastasia, une fresque sur le thème de saint Georges (Saint Georges délivrant la princesse, 1433-1438). Mais c'est surtout comme médailleur, une production typique de la Renaissance, que Pisanello s'est illustré.

Giambattista Tiepolo (1696-1770). C'est le plus grand peintre du XVIIIe vénitien. Fils d'un capitaine de vaisseau aisé, il travaille à Venise pendant une vingtaine d'années. Ses fresques qui allient somptuosité et théâtralité, décorent de nombreuses églises et villas de la région.

Le Tintoret (1518-1594). Le Tintoret, de son vrai nom Jacopo Robusti, fut surnommé il Tintoretto (le petit teinturier) en référence à la profession de son père. Contrairement à la légende, il n'est pas prouvé qu'il ait été l'élève du Titien. Il semble sûr en revanche qu'un fort esprit de compétition ait animé les deux artistes. Compétition qui alla jusqu'à se transformer en rivalité lorsque Le Tintoret rendit public son Miracle de l'esclave (Académie, Venise), exécuté pour la Scuola de San Marco en 1548, qui, sous de multiples aspects, contredisait l'enseignement du Titien. Le Tintoret vécut et travailla exclusivement à Venise. La puissance de l'art du Tintoret trouva sa plus vibrante expression dans le thème de la vision surnaturelle, telle que l'on peut l'observer dans La Cène (1594, Saint-Georges-Majeur, Venise) et dans Les Histoires de la passion, réalisées pour la Scuola di San Rocco, entre 1564 et 1587. Les épisodes évangéliques de saint Roch constituent la plus importante entreprise de sa carrière et visent à démontrer la possible coïncidence entre histoire et vision. Grand admirateur de Michel-Ange, Le Tintoret, aidé de ses élèves, exécuta un autre cycle de peintures pour le palais des Doges, comprenant le remarquable Paradis (1588-1590), dont le musée du Louvre conserve un intéressant croquis.

Titien (vers 1490-1576). Titien (en italien Tiziano Vecellio) est né à Pieve di Cadore, au nord de Venise, vers 1490. A Venise, il étudia auprès de Giovanni Bellini. En 1511, Titien réalisa les trois fresques de l'histoire de saint Antoine, pour la Scuola del Santo de Padoue. L'Amour sacré et L'Amour profane (vers 1515, galerie Borghese, Rome) conclut une période de recherches plastiques. L'évolution des thèmes iconographiques franchit une nouvelle étape dans les trois bacchanales que Titien peignit pour une chambre du palais du duc Alfonso d'Este à Ferrara, entre 1518 et 1522 (Offrande à Vénus et La Bacchanale, tous deux au Prado à Madrid et Bacchus et Ariane, aujourd'hui à la National Gallery, Londres). Ces tableaux prennent leur source dans la littérature latine, dans les figures d'anciennes sculptures retravaillées et dans la " peinture plastique " de Michel-Ange. Dans le domaine de l'iconographie religieuse, le travail du Titien connut des aspects semblables avec l'Assomption de la Vierge (1516-1518), sur le haut retable de Santa Maria dei Frari à Venise. Son dévoilement, en 1518, fit sensation. Dans un autre tableau destiné à cette église, la Pala Pesaro (1519-1526), Titien effectua un changement important dans l'iconographie des sacre conversazioni de la Renaissance (peinture de la Vierge sur un trône entourée de saints) en plaçant la Vierge, traditionnellement au centre de la composition, à mi-chemin de la partie droite et en peignant deux colonnes géantes derrière elle qui se succèdent selon une ligne diagonale et dont les fûts s'élancent en dehors de l'espace de l'image. Ce nouveau schéma a été largement adopté par les artistes ultérieurs, tels que Paolo Véronèse ou les Carrache. En 1516, Titien fut nommé peintre officiel de la république de Venise. Il travailla ensuite pour les cours de Ferrare et de Mantoue. Dans les années 1530 et 1540, il commença à peindre des portraits de l'empereur Charles V et du pape Paul III. Sur l'invitation du pape, il visita Rome où il rencontra Michel-Ange. Il travailla à la cour de l'empereur du Saint Empire romain germanique, Charles V, à Augsbourg, en 1548 et 1550. A la suite de cette période passée dans les différentes cours, Titien reçut de nombreuses commandes de portraits officiels.

Les arrière-plans à l'atmosphère neutre des premiers portraits furent remplacés par des éléments disposés parcimonieusement, comme une colonne, un rideau ou une vue de paysage. Ces éléments, et la façon dont Titien les organisait dans l'espace, sont restés des modèles de l'art du portrait formel jusqu'au XXe siècle. Après 1550, lorsque Titien retourna à Venise, son style évolua encore. Sa palette s'assombrit, mais resta luminescente, avec une dominante des blancs, des ocres et des rouges, et avec des contrastes marqués entre zones d'ombre et de lumière.

Parmi les oeuvres de cette époque, il faut citer sa stupéfiante Annonciation (1560-1565, San Salvatore, Venise). Ce dernier style, phénomène étonnant dans le contexte de l'art de la Renaissance, s'exprima pour la toute dernière fois dans une pietà que le peintre réalisa pour sa propre chapelle funéraire ; l'oeuvre resta inachevée à sa mort (Venise, 1576) et se trouve aujourd'hui à l'Académie de Venise. L'art du Titien eut une influence considérable sur l'évolution de la peinture, jusqu'au XIXe siècle compris, et ce quelles que soient les écoles considérées.

Paolo Véronèse (1528-1588). De son vrai nom Paolo Caliari, il fut surnommé le Véronais, en référence à sa ville d'origine. Véronèse travailla à des commandes officielles de la république de Venise pour le palais des Doges. La qualité de ses commanditaires lui valut de nombreuses commandes d'aristocrates vénitiens de la " terre ferme " et en particulier de la Brenta. En effet, son penchant à mettre en scène les idéaux d'harmonie sociale de cette société lui permit d'être considéré comme un peintre de représentation soumettant l'iconographie de ses toiles à la disposition idéologique de ses commanditaires. La peinture de Véronèse crée des images, le rêve d'une situation, des représentations de scènes allégoriques incarnées, comme dans Les Noces de Cana (1562-1563, musée du Louvre, Paris). Véronèse travailla aussi beaucoup pour le théâtre (décors, costumes, etc.) et cet intérêt ne joua certes pas un rôle mineur dans son oeuvre. Contrairement à la peinture du Titien, son travail sur la lumière est le résultat d'une pratique intuitive des couleurs complémentaires qui sera théorisée trois siècles plus tard. Les fresques de la villa Barbaro à Maser (1560-1562), un de ses rares cycles décoratifs qui furent conservés, mettent en évidence une recherche sur la perception de l'espace pictural confronté à l'espace architectural.
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Sculpture
La beauté de la sculpture vénitienne se reflète essentiellement dans les façades sculptées des riches demeures construites entre les XIVe et XVIIIe siècles dans toutes la région. L'habileté d'Antonio Canova parviendra à exporter la sculpture vénitienne au XIXe siècle dans l'Europe entière.

Le Trecento. Le lombard Benedetto Antelami influence les sculpteurs de Saint-Marc, tandis que l'activité des maîtres campionesi à Vérone et des maîtres toscans à Padoue et à Venise contribue à former une école vénitienne dont les principaux représentants sont les frères Dalle Masegne. Vérone a gardé plusieurs exemples de la sculpture du XIVe siècle : le San Pietro de l'église San Stefano, les splendides Arche Scaligere avec les statues de Cangrande et de Mastino II, le monument Serego dans l'église Sant'Anastasia (oeuvre du sculpteur Lamberti), le monument Brenzoni à San Fermo.

Donatello (1386-1466). L'activité de Donatello fut en grande partie liée aux travaux destinés à la cathédrale et à Orsammichele de Florence. Cependant, il laissa à Padoue l'une des plus belles statues équestres de la Renaissance. Donatello se trouvait en ville entre 1443 et 1453 il composa, sur le type équestre du Marc Aurèle romain, la première oeuvre monumentale de l'époque, le monument du Gattamelata, qui est, avec le Colleoni de Venise, signé de Verrocchio, l'un des plus beaux modèles du genre.

Pietro Lombardo (1435-1515) et ses fils. Pietro Lombardo fut le chef de file de la sculpture vénitienne à la fin du XVe siècle. Architecte et sculpteur comme Rizzo, il a fait évoluer la sculpture funéraire en travaillant avec ses deux fils, Antonio et Tulio. Il a signé notamment le tombeau du doge Pietro Mocenigo et l'église Santa Maria dei Miracoli (1481-1489), à la façade multicolore plaquée de panneaux décoratifs.

Antonio Canova (1757-1822). Fils d'un tailleur de pierre, Canova dut, très jeune, travailler auprès de son père. Quelques années plus tard, bénéficiant du soutien d'un sénateur vénitien, il devint apprenti dans différents ateliers à Bassano et à Venise. Il y acquit une technique éblouissante, remarquée dès l'une de ses premières oeuvres : Vénus et satyre (1785-1790, Possagno, Gipsoteca Canoviana). La grâce de la composition et la pureté des formes compensent les citations trop explicites de l'Antiquité (néoclassicisme) et l'absence de chaleur et de vie de ses réalisations. Vers 1880, Canova s'installa à Rome où il réalisa plusieurs sculptures, dont Les Grâces (1812-1816), et des monuments, dont Le mausolée de Clément XIV (1784-1787) de Saint-Pierre de Rome. Sa célébrité ayant largement dépassé les frontières de son pays, le sculpteur entreprit de nombreux voyages à travers l'Europe pour répondre aux demandes des différentes cours. A deux reprises, il vint à Paris. En 1803, il réalisa Le buste de Bonaparte, Premier consul (Florence, galerie d'Art moderne), et, en 1811, Napoléon tenant la Victoire (Milan, pinacothèque de Brera). L'Empereur refusa cette statue colossale où l'artiste l'avait représenté entièrement nu, tenant à la main une statuette de la Victoire. De la soeur de l'Empereur, Pauline Borghèse, dont on suppose qu'il fut l'amant, il fit un portrait universellement admiré sous le titre de Vénus victorieuse, entre 1804 et 1808. Son troisième voyage à Paris, en 1815, n'avait plus rien à voir avec une quelconque commande puisqu'il venait pour réclamer les objets d'art enlevés par Napoléon dans les Etats du pape. Pour ses oeuvres et pour ses services, il obtint à son retour en Italie un titre nobiliaire et fut comblé de richesses et d'honneurs.



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