CA VENDRAMIN CALERGI
Venise
Enc.Larousse
Population : 263 996 hab. (recensement de 2011)
Nom des habitants : Vénitiens
GÉOGRAPHIE
Venise se dresse en un site exceptionnel. Au fond de l'Adriatique, elle
est construite au milieu d'une lagune, sur un archipel de 118 petites îles
séparées par 177 canaux, et compte 400 ponts. Elle se trouve à 4 km de la terre
ferme, à laquelle elle est réunie par un pont ferroviaire et routier, et à 2 km
de la mer dont elle est séparée par un long cordon littoral (cordons de
Pellestrina, du Lido de Venise, de Cavallino). Venise a constitué au Moyen Âge
un vaste État reposant sur le commerce, unifié sous son autorité, et qu'elle a
maintenu libre pendant une dizaine de siècles. La cité des Doges porte les
marques de cette richesse passée avec la place Saint-Marc et l'alignement de
somptueux palais le long du Grand Canal. Diverses activités ont été transférées
sur d'autres îles ou cordons littoraux à Chioggia (pêche), Murano (verrerie),
le Lido (tourisme de luxe). Sur la terre ferme se sont développés les quartiers
de résidence à Mestre et les zones industrielles à Marghera (travail des métaux
non ferreux, pétrochimie). Les fonctions de Venise sont variées. La plus
célèbre est la fonction touristique, qui est à la source d'une vive activité
commerciale. Les fonctions administrative et culturelle (Biennale d'art,
festival international de cinéma, université) sont importantes, mais c'est
l'industrie qui offre le plus d'emplois. Son développement menace l'existence
même de Venise par la pollution et par l'affaissement de la ville dans sa
lagune lié au tassement des sédiments dû au pompage des eaux industrielles,
affaissement de l'ordre de 20 cm depuis un siècle. La mer envahie régulièrement
la ville au moment des grandes marées. Le plus haut niveau de ces hautes eaux
date de novembre 1966, avec 1,94 m au-dessus du niveau de référence. L'acqua
alta de décembre 2008 a atteint 1,56 m, soit le plus haut niveau depuis 22 ans.
Un projet, appelé Moïse, lancé en 2003, consiste à construire 78 digues mobiles
pour limiter ces inondations dues aux grandes marées.
HISTOIRE DE VENISE
LES ORIGINES (Ve-VIIIe S.)
Les invasions des Huns (ve s.) puis l'arrivée des Ostrogoths de
Théodoric ont vraisemblablement eu pour effet de provoquer des exodes
temporaires des populations côtières (pêcheurs, marins et sauniers) sur les
îlots de la lagune. Mais, à la fin du vie et au viie s., la lagune sert de
refuge durable aux paysans et citadins du littoral, fuyant les invasions
lombardes. Elle se peuple de cités romano-byzantines placées sous l'autorité de
l'exarque de Ravenne. Au cours de la crise iconoclaste, les cités de la lagune
s'émancipent momentanément de la tutelle byzantine et leurs armées élisent un
duc (doge) : Orso Ipato (726-737). Après la conquête des États continentaux par
Charlemagne (774), le pacte romano-carolingien de 814 reconnaît l'appartenance
de la lagune à l'Empire byzantin, lui assurant ainsi une position stratégique
aux confins des empires d'Orient et d'Occident et du monde slave.
IMPLANTATION ET CROISSANCE DE LA VILLE (IXe-XIIe S.)
Au début du ixe s., le doge Agnello Partecipazio (809 ou 810-827)
transfère le siège ducal dans sa résidence des îles du Rialto où sont déposés
les restes de saint Marc en 828. La situation privilégiée de Venise lui permet
de fonder sa puissance sur les échanges commerciaux maritimes. Les Vénitiens
redistribuent en Occident les soieries, les épices, les produits exotiques et
de luxe en provenance de Constantinople, d'Alexandrie et d'Orient, tout en
exportant vers l'Orient byzantin et arabe les esclaves (Slaves), le bois, le
fer et, à partir du xiie s., les draps de laine de l'Occident. La ville
développe aussi un commerce de première nécessité avec la vallée du Pô et les
Pouilles.
Venise consolide ses positions commerciales en établissant, sous Pietro
II Orseolo (992-1009), un protectorat sur la côte et les îles dalmates, de Zara
(Zadar) à Raguse (Dubrovnik). Son soutien à l'empereur Alexis Ier Comnène
contre les Normands (1081) lui vaut de considérables privilèges commerciaux
dans l'empire d'Orient (1082). Peu après, la consécration de la basilique
Saint-Marc (1094) et l'établissement du grand marché international au bord du
Grand Canal (1099) matérialisent la prospérité de la ville. Au début du xiie
s., Venise doit faire face à la concurrence des Pisans et des Génois. La
participation de sa flotte aux premières croisades lui assure la concession de
quartiers dans plusieurs villes de Syrie et de Palestine, tandis que l'aide
apportée à l'empire d'Orient contre les Normands à Corfou (1148) pérennise ses
privilèges commerciaux à Constantinople.
Cette activité commerciale est à l'origine commanditée par les familles
de propriétaires fonciers dont sont issus les doges, et mise en œuvre par de
nouveaux venus (case nuove) rapidement enrichis. Sous l'influence de ces
nouvelles familles, les institutions se précisent pour faire obstacle aux
tentatives de pouvoir personnel des doges. Ils restent nommés à vie, mais leur
élection est retirée à l'assemblée du peuple (arengo). Ceux-ci sont entourés de
conseils (Conseil des sages, 1143 ; Petit Conseil de six membres, 1172) et doivent
à leur entrée en charge prêter serment de respecter les institutions. Le doge
devient ainsi le premier magistrat d'un État dont la puissance est consacrée
par la signature de la trêve de Venise (1177).
L'APOGÉE (1204-1453)
L'Empire vénitien
La participation de la flotte vénitienne à la quatrième croisade et à
la prise de Constantinople (1204) permet au doge Enrico Dandolo (1192-1205),
promoteur de l'expédition, d'obtenir pour Venise la plupart des îles grecques,
une partie de la Thrace et le Péloponnèse. Établissant des comptoirs sur les
côtes de ses nouvelles possessions, Venise dispose d'escales et d'entrepôts sur
la route de l'Orient, qui lui est désormais ouverte jusqu'au fond de la mer
Noire, et son doge s'intitule désormais « seigneur du quart et demi de la
Romanie ». Au moment où Marco Polo atteint la Chine, Venise développe son
commerce vers l'Atlantique en envoyant des convois de galères vers l'Angleterre
et les Flandres. Les pays germaniques sont aussi associés à son commerce par
l'intermédiaire de leur établissement vénitien (fondaco dei Tedeschi). La
puissance de Venise, édifiée au prix de luttes constantes avec ses rivales,
Pise et Gênes, se matérialise en 1284 par la frappe d'une pièce d'or, le ducat,
qui, pendant trois siècles, est avec le florin de Florence l'étalon monétaire
du monde méditerranéen occidental.
Les institutions vénitiennes sont de nouveau redéfinies : le Grand
Conseil, organe essentiel du gouvernement, est assisté de conseils spécialisés
(Petit Conseil, exécutif ; Quarantia, judiciaire ; Sénat, chargé de politique
générale). Devenu plus difficile dès le xiiie s., l'accès au Grand Conseil se
ferme totalement au xive s. Une oligarchie de deux cents familles gouverne
alors Venise. Elle résiste à la conjuration menée par Baiamonte Tiepolo avec
l'appui du peuple (1310) et se dote d'un organe de police : le Conseil des Dix.
En 1354, le doge Marino Falier, accusé de visées monarchistes, est exécuté.
Cette oligarchie dominante réunit la plupart des familles d'affaires dont
l'activité assure l'existence même de Venise. Elle réussit donc à se maintenir
au pouvoir malgré les longues guerres contre Gênes qui mettent Venise à deux
doigts de sa perte (guerre de Chioggia, 1378-1381).
Au début du xve s., le développement de grandes puissances
territoriales en Italie risquant d'entraver le ravitaillement de la ville dont
la population dépasse 100 000 habitants, Venise entreprend, sous l'impulsion du
doge Francesco Foscari (1423-1457), la conquête d'un État de Terre Ferme, grâce
à une armée de mercenaires. La paix de Lodi (1454), conclue entre Milan,
Florence et Venise, rend les Vénitiens maîtres du Frioul, de Trévise, Padoue et
Vérone. Venise donne à son nouvel État une législation unifiée et nomme les
principaux magistrats des villes, dont elle préserve l'essentiel des coutumes.
LA RÉSISTANCE À L'ADVERSITÉ (XVe-XVIIIe S.)
La progression des Turcs dans les Balkans s'est manifestée depuis
longtemps par l'émigration à Venise de lettrés grecs (Bessarion), qui
introduisent dans la ville une école humaniste. Mais la prise de Constantinople
(1453) atteint directement les intérêts vénitiens en Orient. Pour maintenir ses
relations commerciales vitales, Venise achète Chypre (1489) et lutte pied à
pied avec les Turcs. Les expéditions des rois de France en Italie à la fin du
xve s. constituent une nouvelle menace contre laquelle Venise se mobilise. Mise
en difficulté par la ligue de Cambrai (1509), elle finance une nouvelle
coalition qui met les Français en échec, mais dont le poids financier compromet
son équilibre économique. Enfin la découverte par Vasco de Gama de la route
maritime des Indes enlève à Venise le monopole de l'importation des produits de
l'Orient, bien que les Vénitiens réussissent à s'imposer sur les marchés occidentaux
(foires de Lyon) jusqu'en 1580. Pour soutenir son commerce, la ville développe
les industries des textiles et du verre. Sa splendeur atteint alors son apogée
avec l'achèvement du palais des Doges et de la place Saint-Marc, la
construction des plus beaux palais du Grand Canal et l'épanouissement d'une des
plus grandes écoles de peinture du monde, de Bellini à Titien.
Après la perte de Chypre (1571), puis de la Crète (1669), la
concurrence commerciale des ports méditerranéens rend le déclin de Venise
irrémédiable. Au xviiie s., Venise n'est plus qu'une ville de fêtes (carnaval),
de luxe et d'intrigues, peu pénétrée par l'esprit des Lumières, bien qu'elle
conserve intactes ses institutions républicaines.
LA LIBERTÉ PERDUE (XIXe-XXe S.)
Bonaparte, après avoir conquis la République de Venise et contraint le
doge Ludovico Manin à abdiquer, cède l'État à l'Autriche (traité de
Campoformio, 1797). Malgré l'union de Venise au mouvement national italien et
la proclamation d'une éphémère république par Daniele Manin en 1848, la ville
n'est rattachée à l'Italie qu'en 1866.
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VENISE, VILLE D'ART
LA PÉRIODE BYZANTINE
Devant les invasions continentales, la civilisation héritée de l'Empire
trouva un refuge dans les îles de la lagune vénitienne. Fondée en 639, mais agrandie
au début du xie s., la cathédrale de Torcello s'inscrit dans la tradition de la
première architecture chrétienne et des églises de Ravenne par son plan
basilical et ses mosaïques, dont une partie remonte au viie s., le xiie s.
ayant ajouté une page grandiose avec le Jugement dernier qui se déploie au
revers de la façade. Alors que Santa Fosca, l'église voisine, dessine une croix
grecque au milieu d'un octogone, Santi Maria e Donato de Murano, reconstruite à
la fin du xiie s., reste fidèle au type basilical ; une influence lombarde
apparaît dans la décoration extérieure de son abside aux arcades superposées.
Dans la ville de Venise, la basilique Saint-Marc (San Marco), fondée en
828-829 et incendiée en 976, a fait place à partir de 1063 à l'étonnant édifice
actuel, qui se rattache au « deuxième âge d'or byzantin » sans qu'en soient
absentes les particularités dues au génie local. Le plan passe pour reproduire
celui des Saints-Apôtres de Constantinople : en croix grecque, avec cinq
coupoles sur pendentifs couvrant respectivement la croisée, la nef, le chœur et
les deux bras du transept, chacune étant éclairée par des arcs très larges qui
retombent sur d'énormes piles évidées ; celles-ci sont reliées par des
colonnades portant des galeries. Il s'y ajoute une abside flanquée de deux
absidioles et, enveloppant la nef, un atrium voûté de petites coupoles.
L'ossature de brique a été progressivement revêtue d'une somptueuse décoration
tant extérieure qu'intérieure. Le sol, les surfaces verticales, les colonnes et
leurs chapiteaux sont en marbres polychromes. De nombreux morceaux proviennent
de la basilique précédente ou de monuments dépouillés lors d'expéditions
maritimes : les quatre chevaux de bronze, hellénistiques, rapportés de
Constantinople, en 1204, puis placés au-dessus du portail central ; le groupe
en porphyre des Tétrarques, sculpture syrienne du ive s. ; le pilier de
Saint-Jean d'Acre (ve s. ou vie s.) ; peut-être aussi les colonnes du baldaquin
d'autel… Les marbres ciselés à thèmes ornementaux sont d'exécution byzantine ou
d'imitation locale, de même que les portes de bronze (xie-xiiie s.) ou la
partie la plus ancienne (xe s.) de la « pala d'oro », avec ses émaux et ses
pierres précieuses. Mais l'intérieur offre surtout, dans ses parties hautes,
l'immense revêtement de ses mosaïques, dont l'exécution a commencé à la fin du
xie s. Avec leur fond d'or et leurs couleurs éclatantes, avec leur iconographie
réglée par un programme d'inspiration théologique, les plus anciennes relèvent
de l'art byzantin. Mais l'entreprise s'est poursuivre jusqu'au xviie s.,
soumise à l'évolution du goût. Dès le xiie s. apparaît un style plus libre,
plus réaliste et plus vivant, où l'influence romane est sensible. On le
retrouve au xiiie s., avec un ton brillamment narratif, dans les scènes de
l'Ancien Testament qui ornent l'atrium. Cette tendance à l'occidentalisation
est confirmée par le décor sculpté de la même époque : surtout les bas-reliefs
du portail central, représentant les Mois, les Métiers, les Saisons, les
Vertus, les Prophètes, etc., avec une vigueur plastique et un accent réaliste
qui les rapprochent de la sculpture émilienne et notamment de Benedetto
Antelami.
Cette période a vu aussi se fixer le type vénitien du palais conçu à la
fois comme un entrepôt, avec débarcadère, une maison de commerce et une
habitation patricienne. La façade sur le canal forme une sorte de triptyque
avec deux tours, qui deviendront deux massifs aux percées assez peu nombreuses,
de part et d'autre d'un corps central ajouré d'arcades superposées. L'ossature
de brique se dissimule sous des placages de marbres souvent polychromes et
assemblés en figures géométriques. Ainsi se présentent encore sur le Grand
Canal, plus ou moins restaurés, les palais jumeaux Loredan et Farsetti, la
Ca'da Mosto, le palais Palmieri, devenu au xviie s. le « fondaco dei Turchi ».
VENISE GOTHIQUE
Commencée au milieu du xiiie s., la construction de l'église des
Dominicains, Santi Giovanni e Paolo (« San Zanipolo »), puis de celle des F
ranciscains, Santa Maria Gloriosa dei Frari, marque l'abandon des formules
byzantines et romanes au profit de la voûte à croisée d'ogives et d'un style
lié au gothique péninsulaire. Ces deux majestueux vaisseaux de brique, à
ornements de pierre blanche et de marbre, deviendront les nécropoles des doges
et des Vénitiens illustres, San Zanipolo surtout. Parmi les autres églises, la
Madonna dell'Orto se signale par sa façade gracieuse, Santo Stefano par sa
couverture en carène lambrissée.
Dans tout cela, seuls des détails révèlent l'originalité du gothique
proprement vénitien, amalgame d'éléments nordiques et orientaux. Sa floraison
va du deuxième quart du xive au milieu du xve s. Il se définit moins par la
structure que par son décor mouvementé, nerveux, riche et cependant léger grâce
à la prépondérance des vides sur les pleins, souvent polychrome. Deux édifices,
l'un religieux, l'autre civil, ont joué un rôle déterminant. Saint-Marc doit au
gothique vénitien l'insolite couronnement de sa façade et de ses flancs : une
alternance de grands arcs en accolade et d'édicules à pinacles, avec
d'abondantes sculptures ornementales ou figuratives, auxquelles ont travaillé
des maîtres florentins et lombards. À l'intérieur, Jacobello et Pier Paolo
Dalle Masegne élevèrent en 1394 l'iconostase avec ses nobles statues.
Mais c'est dans l'art profane que le gothique vénitien a donné toute sa
mesure, et d'abord dans le palais des Doges (Palazzo Ducale), reconstruit à
partir de 1340 environ. On doit à une première campagne le corps de bâtiment
donnant sur la lagune et formant, sur la Piazzetta, l'amorce de la façade en
retour d'équerre. L'élévation, d'une vive originalité, inverse le rapport
habituel des masses : c'est en effet la moitié inférieure qui est le plus
évidée, au moyen d'un portique et d'une loggia à arcades, alors que la moitié
supérieure, en faisant prévaloir la muraille sur les ouvertures, met en valeur
l'assemblage de ses marbres bicolores. Entrepris à la fin du xive s. par des
maîtres dont un grand nombre étaient originaires de Lombardie, le magnifique
décor sculpté comprend notamment les deux groupes d'angles représentant l'un
Adam et Ève, l'autre l'Ivresse de Noé. À la seconde campagne, commencée en
1424, revient l'achèvement de l'aile donnant sur la Piazzetta. Elle reproduit
l'élévation de la plus ancienne et laisse le même rôle à la sculpture, mais à
la contribution des maîtres lombards s'ajoute celle des Toscans, dont on
reconnaît la force plastique dans le groupe d'angle représentant le Jugement de
Salomon. On doit à Giovanni et à Bartolomeo Bon, pour l'essentiel, l'exubérant
décor de la porte d'honneur, dite « porta della Carta » (vers 1440), ainsi que
le « portique Foscari », qui s'ouvre sur la cour.
Sur la voie triomphale que forme le Grand Canal, les palais des
patriciens témoignent aussi de la floraison gothique. Leur structure dérive du
type primitif : entre deux parties plus massives, des arcades superposées
forment un écran d'une grâce nerveuse. Ainsi se présentent les palais Foscari,
Giustinian, Pisani-Moretta, etc.
La « Ca'd'oro », palais de Marino Contarini (1421-1440), se signale par
sa décoration particulièrement luxueuse. Sur les rii et les campi, les palais
sont aussi en grand nombre, mais généralement plus simples.
À Saint-Marc, deux cycles de mosaïques datant du milieu du xive s.
(baptistère et chapelle Sant'Isidoro) font apparaître un croisement
d'influences byzantines et gothiques. À la même époque, on retrouve cette
hésitation dans le style du premier maître connu de l'école vénitienne de
peinture Paolo Veneziano (Couronnement de la Vierge, galeries de l'Académie).
Lorenzo Veneziano (?-vers 1379) se révèle mieux dégagé de l'emprise byzantine
et plus proche de l'esprit gothique dans son Mariage mystique de sainte
Catherine (Académie). Venise, alors, semble ignorer la révolution opérée par
Giotto à Padoue, la ville voisine, malgré l'écho qu'en apporte Guariento en
venant peindre en 1360, dans le palais ducal, la fresque (détruite) du Paradis.
Le milieu vénitien paraît mieux disposé envers le gothique fleuri et courtois,
dit « international », celui de Gentile da Fabriano et de Pisanello, également
appelés l'un et l'autre pour peindre des fresques au palais ducal (début du xve
s., détruites). Représentant vénitien de ce style, Michele Giambono est
l'auteur d'une partie des scènes de la vie de la Vierge ornant en mosaïque la
chapelle des Mascoli à Saint-Marc (entre 1430 et 1450). Le gothique
international trouvera un dernier refuge dans l'école dite « de Murano »,
fidèle à la préciosité arbitraire des couleurs et à la somptuosité décorative.
On doit à la collaboration d'Antonio Vivarini (?-vers 1484), qui en est le
chef, et de Giovanni d'Alemagna (?-vers 1450) le grand triptyque de la Vierge
(1446) encore en place dans l'ancienne Scuola della Carità, dont le local est
devenu l'Académie.
LA PREMIÈRE PHASE DE LA RENAISSANCE
Venise tarda beaucoup à prendre part au mouvement de la Renaissance.
Elle n'avait pu cependant ignorer tout à fait l'exemple de Padoue, laboratoire
des nouveautés artistiques et relais de l'esprit toscan en Italie du Nord. Dès
1425, Paolo Uccello était venu dessiner des mosaïques pour San Marco, où la
décoration de la chapelle des Mascoli rappelle en partie son style ; Andrea del
Castagno avait peint en 1442 les fresques de la chapelle San Tarasio à San
Zaccaria, peu avant que Donatello ne sculptât le Saint Jean-Baptiste des Frari,
statue d'un âpre réalisme.
Après ces apports sporadiques, il faut attendre la seconde moitié du
siècle pour voir la Renaissance envahir le décor urbain. Elle apparaît en 1460
à l'Arsenal, dont la porte est traitée en arc de triomphe par Antonio Gambello.
Ce qu'elle fait ensuite prévaloir, c'est un style pittoresque et orné, qui
associe étroitement la sculpture à l'architecture et adapte au goût vénitien
des éléments d'origine toscane ou, plus souvent, lombarde. Pietro Lombardo
(vers 1435-1515), originaire de Lugano, en est le représentant le plus
caractéristique. Son œuvre d'architecte et de sculpture a pour traits dominants
une grâce sensuelle et une fantaisie qui n'excluent pas la perfection du
détail. Avec ses revêtements de marbres polychromes et finement ciselés, ses
arcatures légères, son fronton courbe épousant le cintre de la voûte à
caissons, la petite église Santa Maria dei Miracoli (1481) est une création
très homogène, et d'un goût exquis ; la façade de la Scuola di San Marco (vers
1485), avec ses perspectives illusionnistes traitées en bas relief, exprime
davantage la tendance au pittoresque. Pietro Lombardo s'est distingué aussi
dans l'art funéraire. Les monuments des doges Pasquale Malipiero, Pietro
Mocenigo et Niccolo Marcello, à San Zanipolo, sont d'amples compositions de
goût déjà classique et d'accent triomphal, peuplées de nombreuses figures. Tous
ces travaux de Pietro, surtout pour la sculpture, impliquent la collaboration
de ses fils Tullio et Antonio, qui, dans leurs ouvrages personnels, affirment
la tendance classique. On doit à Tullio Lombardo (?-1532) le plus imposant des
tombeaux de la Renaissance vénitienne, celui du doge Andrea Vendramin à San
Zanipolo. Le concours de l'architecture et de la sculpture se retrouve chez
Antonio Rizzo (vers 1430-vers 1499). Le monument du doge Niccolo Tron, aux
Frari, unit les deux arts dans une composition solennelle (1473). Au palais des
Doges, les deux statues d'Adam et d'Ève, ciselées en marbre pour les niches du
portique Foscari, sont d'admirables études de nu ; on y reconnaît l'influence
padouane, c'est-à-dire celle de Donatello et de Mantegna, mais l'intensité de
l'expression les apparente à la sculpture germanique. Après l'incendie de 1483,
Rizzo fut chargé de reconstruire l'aile oriental du palais. Sur la cour, elle
offre une façade très ornée, de style composite, dont le morceau de bravoure
est l'escalier dit plus tard « des Géants ».
Mauro Coducci (vers 1440-1504) incarne une tendance plus strictement
architecturale, qui subordonne les ornements à la clarté de l'articulation.
Après la façade de San Michele in Isola, celle de San Zaccaria (1486-1500),
avec son grand fronton semi-circulaire étayé par deux éléments symétriques en
quart de cercle, fixe avec majesté un type vénitien de frontispice d'église.
Auteur d'autres églises et de la tour de l'Horloge sur la place Saint-Marc,
Coducci affirme son exigence de régularité dans le dessin de deux façades
ouvrant sur le Grand Canal par de larges baies cintrées : celles des palais
Corner-Spinelli et Vendramin-Calergi, la seconde ayant plus d'ampleur et de
relief avec ses colonnes détachées et ses entablements en forte saillie.
L'esprit de la première Renaissance aura encore des fidèles parmi les
architectes de la génération suivante : Guglielmo dei Grigi (?-1550), dit
Bergamasco, auteur des Procuratie Vecchie, dont la longue façade à arcades
superposées forme le côté nord de la place Saint-Marc (vers 1515), et
probablement du pittoresque palazzo dei Camerlenghi, c'est-à-dire des
trésoriers de la République ; Antonio di Pietro degli Abbondi (?-1549), dit le
Scarpagnino, dont le style se fait mouvementé dans les façades richement ornées
de la cour des Sénateurs au palais des Doges et de la Scuola Grande di San
Rocco.
La sculpture, on l'a vu, restait le plus souvent subordonnée au décor
architectural. Pour ériger un grand monument en ronde bosse, on fit appel au
Florentin Andrea Verrocchio. Exécutée de 1479 à 1488, mise en place en 1495 sur
le campo Santi Giovanni e Paolo, l'éloquente statue équestre du condottiere
Bartolomeo Colleoni porte un peu abusivement la signature d'Alessandro Leopardi
(vers 1465-1523), à qui l'on doit cependant la fonte, la ciselure et le socle.
Cet excellent bronzier est l'auteur des trois socles ciselés d'où s'élèvent les
mâts de drapeaux sur la place Saint-Marc (1515).
La seconde moitié du quattrocento ajoute à tout cela l'essor de la
peinture vénitienne. Sans rompre avec l'école de Murano, Bartolomeo Vivarini
(vers 1432-après 1491), frère d'Antonio, se laisse gagner par l'influence de
Mantegna, son collaborateur aux Eremitani de Padoue ; les triptyques des Frari,
de San Giovanni in Bragora et de Santa Maria Formosa jalonnent son abondante
production. Giovanni Bellini, dans sa première période, emprunte aussi à
Mantegna une certaine tension ; mais c'est en assouplissant les formes, en les
modelant par la couleur, en les chargeant d'humanité qu'il prouve ensuite son
adhésion profonde, et bien vénitienne, à l'esprit de la Renaissance. Dans cette
orientation, un rôle déterminant revient à Antonello da Messina, dont le séjour
à Venise se place vers 1475. Entraîné hors du cercle de Murano par le maître
sicilien, Alvise Vivarini (vers 1445-1505), fils d'Antonio, trouve l'expression
d'une spiritualité inquiète dans le dessin nerveux et la palette raffinée qui
caractérisent par exemple sa « conversation sacrée » de San Francesco de
Trévise, aujourd'hui à l'Académie. Son atelier, rival de celui de Bellini,
formera des peintres doués, sensibles d'ailleurs à l'influence de ce maître :
surtout Giovanni Battista Cima da Conegliano (vers 1459-1517 ou 1518), habile à
associer les figures au paysage dans des compositions – la Madonna dell'arancio
(Académie), le Baptême du Christ (San Giovanni in Bragora) – dont une lumière
sereine fait l'unité.
Un autre courant, celui des narrateurs et des réalistes, s'est
manifesté dans les cycles peints pour les Scuole, ces institutions charitables
auxquelles revient un si grand rôle dans la vie artistique de Venise. À la
Scuola di San Giovanni Evangelista, Gentile Bellini eut pour collaborateurs
Lazzaro Bastiani (?-1512), Giovanni Mansueti (?-1527) et surtout Carpaccio.
Celui-ci donna d'autres preuves de sa sensibilité en travaillant pour les
Scuole de Sant'Orsola et de San Giorgo degli Schiavoni ; la vivacité de sa
touche permet de le classer parmi les novateurs.
LA RENAISSANCE DE LA MATURITÉ
Le fait le plus marquant des premières années du xvie s. est la
révolution introduite dans la peinture par la brève carrière de Giorgione.
L'auteur de la Tempête fait de la couleur un langage intime, d'une poésie
rêveuse. Le « giorgionisme » touche la plupart des peintres vénitiens de cette
époque : Jacopo Nigretti (1480-1528), dit Palma le Vieux, auteur de paisibles «
conversations sacrées » et de la Sainte Barbe entre quatre saints de Santa
Maria Formosa ; Sebastiano Luciani (1485-1547), dit Sebastiano del Piombo, qui
a plus de puissance, comme en témoignent les figures des portes d'orgue à San
Bartolomeo et la pala de San Giovanni Crisostomo, peintes avant le départ de
l'artiste pour Rome et son entrée dans le cercle de Raphaël ; le vieux Giovanni
Bellini et le jeune Titien ; d'autres encore, moins connus…
Pour voir l'architecture se dégager des traditions du quattrocento, et
gagner en ampleur ce qu'elle peut perdre en délicatesse, il faut attendre
l'arrivée du Florentin Jacopo Sansovino. Le palais Corner della Ca'Grande,
qu'il élève en 1537 sur le Grand Canal, montre déjà comment il a su adapter le
répertoire classique au goût vénitien. Devenu l'architecte officiel de la
République, il conçoit en 1536 le fastueux décor que formeront, sur la
Piazzetta, la « loggetta », habillant avec grâce la base du campanile de
Saint-Marc, et la Libreria, dont les ordres superposés et les arcades à la
romaine contrastent avec le robuste appareil de la Zecca (palais de la
Monnaie). Sculpteur lui-même, d'un maniérisme tantôt élégant, tantôt plus
déclamatoire (statues de Mars et de Neptune, dites « des Géants », ajoutées à
l'escalier extérieur du palais des Doges), Sansovino dirige un vaste atelier de
sculpture pour la décoration de ses bâtiments. On y trouve notamment Alessandro
Vittoria (1525-1608), maniériste raffiné dans les stucs de l'escalier de la
Libreria, dans ceux de la « scala d'oro » du palais des Doges et dans ses
petits bronzes, mais d'un naturalisme vigoureux quand il sculpte en marbre le
saint Jérôme des Frari, celui de San Zanipolo, des bustes de patriciens et de
doges.
Pont du Rialto, Venise
Dans le décor urbain du xvie s., la scénographie solennelle de
Sansovino peut faire place à l'expression d'une tendance plus classique.
Architecte de Vérone, et spécialiste des fortifications, Michele Sammicheli
(1484-1559) donne à Venise deux exemples de son style mâle en élevant sur le
Grand Canal le palais Corner-Mocenigo, dont le soubassement à bossages servira
de modèle à ceux des palais baroques, et le palais Grimani, d'une majesté
romaine, rythmé par l'alternance de ses baies rectangulaires et cintrées. Si
Vicence et les villas patriciennes de Vénétie résument l'œuvre profane d'Andrea
Palladio, à Venise, l'illustre architecte a marqué de sa personnalité des
édifices religieux dont l'inspiration abstraite peut paraître étrangère au
génie local : l'harmonieux sanctuaire du Redentore, San Giorgio Maggiore, où le
cloître et le réfectoire ont précédé la reconstruction de l'église. C'est un
disciple peu imaginatif de Palladio, le théoricien Vincenzo Scamozzi
(1552-1616), qui, à partir de 1584, élèvera sur le côté sud de la place
Saint-Marc les Procuratie Nuove, reproduisant l'ordonnance de la Libreria avec
un étage supplémentaire. Il y a plus d'originalité chez Antonio da Ponte (vers
1512-1597), qui restaure le palais des Doges après l'incendie de 1577, achève
le puissant bâtiment des Prisons et reconstruit en 1588 le célèbre pont du
Rialto, hardi et mouvementé.
Paris Bordon, les Amants vénitiens
À l'intérieur du palais des Doges, les salles refaites alors (du
Collège, du Sénat, du Grand Conseil, du Scrutin), avec leurs opulents plafonds
de bois sculpté et doré, accueillent les compositions de peintres qui ont
depuis longtemps délaissé le giorgionisme pour des programmes plus amples.
C'est par une conception particulière de la couleur que l'école vénitienne,
isolée en Italie, échappe presque entièrement à l'empire du maniérisme, qui ne
peut guère revendiquer que la fantaisie brillante d'Andrea Meldolla (vers
1510-1563), dit le Schiavone, de Zadar, ou le style tendu de Gian Antonio de
Sacchis (vers 1483- 1539), dit le Pordenone. Cette conception préside à la
longue carrière de Titien, dont le succès international explique qu'il ne soit
plus représenté à Venise que par ses grands tableaux religieux, ou par des
ouvrages tels que le plafond de la Libreria, décoré sous sa direction. L'œuvre
du Tintoret s'inscrit au contraire dans un cadre typiquement vénitien, celui du
palais des Doges, des églises, des Scuole. La sincérité de sa foi s'exprime
dans un langage dramatique, où la force du coloris n'est pas absorbée par le
contraste de l'ombre et de la lumière. C'est la Venise patricienne que reflète
le monde fastueux du Véronèse, avec ses architectures inspirées de Sansovino,
ses perspectives hardies, son coloris lumineux. Des peintres de second rang ont
travaillé à l'ombre de ces trois maîtres : Paris Bordone (1500-1571), auteur de
bons portraits et du tableau illustrant d'une manière savoureuse la légende du
pêcheur remettant au doge l'anneau de saint Marc (à l'Académie, provenant de la
Scuola di San Marco) ; Bonifazio De Pitati (1487-1553), court de souffle, mais
narrateur agréable quand il introduit la représentation de la société
vénitienne dans des compositions telles que le Festin du mauvais riche
(Académie). Lorenzo Lotto est au contraire un indépendant, très original par sa
sensibilité inquiète, sa facture vive et son coloris froid. Conçue pour
glorifier l'histoire et les institutions de Venise, la nouvelle décoration du
palais des Doges a employé une cohorte de peintres dont les compositions
encombrées sont d'un style un peu laborieux, issu de Titien, du Véronèse, de
Jacopo Bassano et surtout du Tintoret. Avec Domenico Tintoretto, fils du
maître, Francesco et Leandro Bassano, d'autres encore, figure ici le fécond
lacopo Palma le Jeune (1544-1628), dont beaucoup de tableaux d'églises pêchent
par un coloris lourd, mais qui réveille l'intérêt avec le cycle narratif de
l'oratoire des Crociferi.
VENISE BAROQUE
La physionomie actuelle de Venise doit beaucoup à une architecture
baroque dont l'esprit ne marque d'ailleurs aucune rupture avec le passé. Le
xviie s. en est l'âge d'or, et Baldassare Longhena le plus grand maître. Les
palais bâtis selon ses dessins, avec ampleur et faste, dérivent des modèles de
la Renaissance : Ca'Rezzonico (aujourd'hui musée du Settecento), Ca'Pesaro, à
la façade puissamment modelée (musée d'Art moderne)… Il y a plus de mouvement
dans ses constructions religieuses : le sanctuaire de la Salute, merveilleuse
illustration du thème de la coupole centrale ; le grand escalier du couvent de
San Giorgio Maggiore ; la façade de Santa Maria dei Derelitti (ou Ospedaletto),
pittoresque et chargée de sculptures comme celle de San Moise, œuvre
d'Alessandro Tremignon, et celle de Santa Maria del Giglio (ou Zobenigo), due à
Giuseppe Sardi (1680-1753) – auteur précédemment de la façade, plus
majestueuse, de Santa Maria degli Scalzi, église bâtie sur des plans de
Longhena. Les édifices de cette époque ont donné lieu à l'intervention de
nombreux sculpteurs, d'origine souvent étrangère, dont le plus notable est
Giusto Le Court (1627-1679), d'Ypres. Leur art est au service de l'architecture
; accord dont témoigne encore en 1708 le monument funéraire de la famille
Valier, à San Zanipolo, théâtrale composition de l'architecte Andrea Tirali
(vers 1660-1737). Les principaux constructeurs baroques du xviiie s. sont le
Tessinois Domenico Rossi (1678-1742), auteur de la pittoresque façade de Santo
Stae et de celle des Gesuiti ; Giovanni Scalfarotto (vers 1690-1764), à qui
l'on doit San Simeon Piccolo, dominée par une élégante coupole ; Andrea
Cominelli (1677-1750), qui s'est inspiré de Longhena en dessinant le vaste
palais Labia.
La peinture vénitienne passe pour avoir connu une sorte de temps mort
au cours du seicento, par épuisement de sa veine. Ce n'est pas, loin de là, par
manque de peintres ; mais beaucoup d'entre eux se sont contentés d'exploiter
les formules des grands maîtres de la Renaissance. Il en est ainsi d'Alessandro
Varotari (1588-1648), dit le Padovanino, de Pietro Liberi (1614-1687), dont le
registre mineur ne manque pas de grâce, tandis que Pietro Muttoni (1605-1678),
dit Pietro Della Vecchia, se singularise par son goût du bizarre. Si la flamme
reste alors entretenue, c'est plutôt par des étrangers qui, séjournant ou fixés
à Venise, y apportent le sang frais de l'invention baroque : Domenico Fetti
(vers 1589-1624), de Rome ; l'Allemand Johann Liss (vers 1597-1629) ; Bernardo
Strozzi (1581-1644), de Gênes ; Francesco Maffei (vers 1600-1660), de Vicence,
remarquable par sa verve et la nervosité de sa touche… Le réalisme violent et
ténébreux du Génois Giovan Battista Langetti (1625-1676), d'ascendance
caravagesque, trouve un écho dans la manière vigoureuse d'Antonio Zanchi
(1631-1722), un autochtone comme Giovanni Antonio Fumiani (1643-1710) ; ce
dernier, formé auprès des spécialistes bolonais de la perspective, peuplera de
figures l'immense plafond de San Pantalon.
C'est en s'inspirant de l'exemple laissé à la Salute par Luca Giordano,
de Naples, avec trois grands tableaux de la vie de la Vierge, et en se
réclamant de la tradition du Véronèse, vivifiée par une sensibilité nouvelle,
que Sebastiano Ricci, à l'aube du xviiie s., rendra sa place prédominante à la
couleur et ouvrira la voie à ce renouveau qui fait de Venise le principal foyer
de la peinture italienne du settecento. Il y a cependant plus de brio encore dans
la manière apparemment facile et le coloris frais de Giovanni Antonio
Pellegrini (1675-1741). Comme beaucoup de ses compatriotes, ce décorateur
fécond contribuera par ses voyages en Europe (Angleterre, Pays-Bas, Paris,
Vienne) au renom de l'école vénitienne. Plus court de souffle, mais d'une grâce
élégiaque, lacopo Amigoni (1682-1752) fera de même à Londres, puis comme
peintre de cour en Bavière et en Espagne. Le rococo trouve son représentant le
plus typique en Giovan Battista Pittoni (1687-1767), dont les compositions
mouvementées allient un dessin capricieux à la fraîcheur du coloris.
À cette tendance hédoniste, Giovan Battista Piazzetta (1682-1754)
oppose la force et la gravité de son tempérament, l'efficacité dramatique d'un
clair-obscur issu du Caravage et cependant plus moelleux (grâce à
l'enseignement reçu de Giuseppe Maria Crespi à Bologne), l'austérité d'une
gamme savante où dominent blancs, noirs et bruns. La sincérité de son
inspiration religieuse apparaît dans des compositions telles que le Saint
Jacques conduit au supplice de Santo Stae, la Vierge avec saint Philippe Neri
de Santa Maria della Fava, la Gloire de saint Dominique, peinte à fresque au
plafond d'une chapelle de San Zanipolo ; mais il a traité aussi, sans
mièvrerie, des sujets de genre (la Devineresse, 1740, Académie).
On reconnaît l'influence de Piazzetta dans la première période de
Giambattista Tiepolo. Mais ce n'est qu'un moment dans la carrière de ce maître,
dont l'art relève du rococo tout en le transcendant par la virtuosité, par la
splendeur du coloris, par la luminosité de l'espace. Si son œuvre immense
déborde largement le cadre de Venise, des villas vénitiennes et même de
l'Italie, sa ville natale montre cependant quelques-uns de ses plus beaux
ouvrages : religieux, à Santo Stae, Santa Maria della Fava, Sant'Alvise, la
Scuola del Carmine, Santa Maria della Pietà et aux Gesuati ; profanes, à la
Ca'Rezzonico et surtout au palais Labia. Le grand Tiepolo a trouvé un
collaborateur et un continuateur en son fils Giandomenico, plus doué cependant
pour les sujets de genre. Il a inspiré des décorateurs habiles comme Francesco
Fontebasso (1709-1769) ou Giambattista Crosato (1685-1758), auteur de fresques
au palais Pesaro et de l'allégorie des Parties du monde, œuvre peinte à la
voûte du grand salon de la Ca'Rezzonico.
À côté de la peinture d'histoire, l'école vénitienne du settecento a
fait une place importante aux autres genres, souvent pratiqués par des
spécialistes. Parmi les maîtres du portrait, Sebastiano Bombelli (1635-1716) et
Alessandro Longhi (1733-1813) ont su donner du brio à la représentation
officielle des personnages en pied, alors que Rosalba Carriera (1675-1757) a dû
son immense succès international au charme de ses pastels. Le « genre » a
trouvé son spécialiste en Pietro Longhi (1702-1785), célèbre par ses petits
tableaux gauchement inspirés des maîtres hollandais, mais charmants par leurs
couleurs et précieux pour l'image qu'ils donnent de la vie vénitienne. Les
paysagistes ont suivi deux voies distinctes. Il y a celle du paysage composé :
romantique chez Marco Ricci, décoratif et bucolique chez Francesco Zuccarelli
(1702-1785), qui a beaucoup travaillé en Angleterre, et chez Giuseppe Zais
(1709-1784). Genre plus humble, mais d'intérêt « touristique » et comme tel
apprécié particulièrement des Anglais du temps, la veduta, ou représentation
des sites réels, a été pratiquée par Luca Carlevaris (1665-1731), encore sec,
et Michele Marieschi (1710-1744), plus vivant, mais ses maîtres sont Canaletto,
exact et limpide, Francesco Guardi, plus frémissant.
De même que la peinture religieuse, aujourd'hui trop souvent dispersée,
était conçue pour s'intégrer à la fastueuse décoration des églises, de même la
peinture profane avait sa place dans les palais de la société patricienne, sur
des étoffes murales, souvent au milieu de stucs d'abord exubérants comme ceux
du palais Albrizzi, puis délicatement modelés et colorés comme ceux du ridotto
Venier. Le goût du rococo marque tous les arts dits « mineurs ». Une place
importante revient au mobilier. Après avoir connu le style sculptural d'Andrea
Brustolon (1662-1732), Venise a trouvé sa spécialité dans les meubles, sièges,
cadres de miroirs peints et vernis à l'imitation des laques d'Extrême-Orient, avec
des motifs souvent inspirés de la Chine. La porcelaine, d'abord analogue à la
pâte tendre de France, puis à base de kaolin, atteste aussi le goût de la
chinoiserie. Une célébrité internationale est acquise au verre de Murano,
soufflé ou effilé, souvent traité en floraisons polychromes dont l'éclat
triomphe dans le décor des lustres.
DU NÉOCLASSICISME À NOS JOURS
Dès le milieu du xviiie s., on voit Giorgio Massari (vers 1686-1766)
revenir à un classicisme assez strict, d'ascendance palladienne ; on lui doit
ainsi l'église des Gesuati (ou Santa Maria del Rosario), celle de Santa Maria
della Pietà (ou della Visitazione) et le froid palais Grassi. Une tendance plus
rigoureuse et plus archéologique apparaît à la fin du xviiie s., rompant pour
la première fois l'harmonieuse continuité du tissu urbain. Elle est représentée
par Giannantonio Selva (1753-1819), auteur du théâtre de La Fenice (1792). Sous
l'Empire, les bâtiments du fond de la place Saint-Marc sont malencontreusement
remplacés par l'aile napoléonienne, lourde imitation des Procuratie Nuove, qui
abrite le musée civique Correr. Ce qui sera construit désormais ne fera guère
que déparer Venise, à l'exception d'un pastiche réussi, la Pescheria (1907) de
Cesare Laurenti (1854-1936). Il faut se rendre à l'évidence : Venise est
l'éblouissante image d'un passé dont la gloire avait déjà pris fin avant
l'abolition de la république.
LA VERRERIE DE VENISE
L'origine de la verrerie vénitienne serait liée à l'essor de la
mosaïque en pâte de verre, à Ravenne et en Vénétie. Au ixe s., les artisans
seraient passés de la simple fusion des « smalts » pour mosaïque au soufflage
du verre. D'usage monastique au début, le verre creux devient au xie s. objet
d'usage courant réclamé par la bonne société de Venise. Destinées au service de
la table, ces verreries sont d'une grande finesse et leurs formes, souvent
d'origine islamique, influencent toute la verrerie gothique occidentale. À la
fin du xiiie s., la quasi-totalité des verreries sont concentrées, pour des
raisons d'hygiène, dans l'île de Murano. Le xve s. voit la mise au point du «
cristallin », excellente imitation du cristal de roche, à base de soude. Du xve
au xviiie s., la verrerie vénitienne utilise toutes les ressources de la
couleur : émail, effets de jaspe et d'agate, aventurine, millefiori, filigranes
torsadés blancs ou de couleur, enfin pierres et perles fausses. L'influence de
Venise se répand en Europe grâce aux verriers d'Altare, près de Gênes, qui, au
contraire des verriers vénitiens, ont le droit de s'expatrier.
En déclin à partir du milieu du xviiie s., les ateliers de Murano
connaissent un renouveau au xxe s., principalement grâce à la créativité de
Paolo Venini, qui fait travailler les meilleurs artistes verriers de son temps,
tel le Finlandais Tapio Wirkkala. Son action est poursuivie aujourd'hui par son
gendre, Ludovico de Santillana.
LES PRINCIPAUX MUSÉES DE VENISE
Parmi les nombreux musées de Venise, on notera :
– les Galeries de l'Accademia (panorama complet de l'école vénitienne,
du xive au xviiie s.) ;
– le musée Correr (musée historique et pinacothèque) ;
– le musée du Settecento veneziano, dans la Ca'Rezzonico ;
– la Galerie Franchetti, dans la Ca'd'Oro (Mantegna, Carpaccio, Titien,
Guardi, etc.) ;
– la Pinacothèque du palais Querini-Stampalia ;
– le musée d'Art moderne, dans la Ca'Pesaro ;
– la Collection Peggy Guggenheim, dans le palais Venier dei Leoni
(peintures et sculptures du xxe s.).
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Venise
Wiki
Venise (en italien : Venezia /veˈnɛtʦja/ ; en vénitien : Venexia /veˈnɛˑsja/)
est une ville côtière du nord-est de l'Italie, sur les rives de la mer
Adriatique. Elle s'étend sur un ensemble de 121 petites îles séparées par un
réseau de canaux et reliées par 435 ponts. Située au milieu de la lagune
vénète, entre les estuaires du Pô et du Piave, Venise est renommée pour cet
emplacement exceptionnel ainsi que pour son architecture et son patrimoine
culturel, qui lui valent une inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Venise est la capitale de la région de la Vénétie. En 2012, la commune
compte 269 810 habitants, dont 58 666 intra-muros (Centro storico1). 176 000
résident sur les rives (Terraferma), pour la plupart dans les frazioni de
Mestre et Marghera, et les 31 000 habitants restants résident dans d'autres
îles de la lagune. Avec Padoue et Trévise, Venise constitue l'aire
métropolitaine Padoue-Trévise-Venise (PATREVE), une entité statistique de 1 600
000 habitants.
Fondée peu après 528 par des réfugiés fuyant l'invasion lombarde, elle
fut la capitale pendant onze siècles, de 697-1797 de la république de Venise.
Durant le Moyen Âge et la Renaissance, la ville fut une grande puissance
maritime, à l'origine de la Quatrième croisade et victorieuse lors de la
bataille de Lépante en 1571 contre l'Empire ottoman. Grâce à ses liens avec
l'Asie et le Proche-Orient, dont le marchand et explorateur Marco Polo fut
l'initiateur, elle devint également l'une des principales places commerciales
d'Europe, notamment de la soie, des céréales et des épices. Enfin, elle est un
centre culturel majeur, du xiiie à la fin du xviie siècle, dont les peintres de
l’École vénitienne (dont Titien, Véronèse et le Tintoret), Carlo Goldoni et
Antonio Vivaldi sont les principaux représentants.
Son nom provient du peuple qui habitait la région avant le xe siècle,
les Vénètes. Dénommée Venetiae en latin, elle est parfois surnommée la « Cité
des Doges », la « Sérénissime », la « Reine de l'Adriatique », la « Cité des
Eaux », la « Cité des Masques », la « Cité des Ponts » ou encore la « Cité
flottante ». La ville est aujourd'hui célèbre pour ses canaux — notamment le
Grand Canal — et ses gondoles, ses nombreuses églises, la place Saint-Marc, le
palais des Doges, le Pont des Soupirs, sa Biennale ainsi que son carnaval.
Histoire
Les clés de la domination économique de Venise sur l'Italie au Moyen
Âge sont l'insularité et l'aisance navale des Vénitiens qui n'a cessé de
croître pendant plus d'un millénaire.
La région à l'extrémité nord-ouest de la mer Adriatique, où se jettent
plusieurs fleuves issus des Alpes, est habitée dès l'Antiquité par des
pêcheurs, mariniers et saulniers. Cette zone faisait partie de la région X
créée par Auguste. Cette région fut nommée ensuite Venetia du nom des Vénètes,
ancien peuple italique intégré dans la République romaine dès le iie siècle av.
J.-C. ; Aquilée — sur la terre ferme — était le centre religieux et portuaire
important.
Les invasions des Goths d'Alaric Ier et des Huns d'Attila poussèrent
les populations locales à se réfugier dans les îles des marais situés le long
de la mer Adriatique, près du delta du Pô. Selon la légende développée
ultérieurement par les Vénitiens pour démontrer l'ancienneté de leur cité et la
lointaine origine de leur liberté, Venise aurait été fondée le 25 mars 421 dans
les îlots du rivus altus, qui est devenu le Rialto.
En 452, un premier établissement est fondé par des réfugiés de Padoue
et d'Aquilée. La région échut par la suite au royaume ostrogoth puis fut
reconquise avec le reste de l'Italie par le général Bélisaire, devenant une
province de l'Empire romain d'Orient sous Justinien Ier.
La ville de Venise a été fondée vers la fin du vie siècle par des
habitants des régions voisines, venus se réfugier en nombre dans les îles de la
lagune formée par l'estuaire du Pô après l'invasion de l'Italie du nord par les
Lombards en 568. En effet, cette zone marécageuse, difficile d'accès pour des
navires à quille, était restée sous la juridiction de l'exarchat de Ravenne,
province de l'Empire romain d'Orient. Elle fut donc initialement un refuge de
la civilisation romano-byzantine mais au fur et à mesure de son développement,
son autonomie s'accrut pour aboutir à l'indépendance.
Profitant de l'antagonisme entre l'exarchat de Ravenne et les Lombards,
les Vénitiens élargirent leur marge de manœuvre politique et se dotèrent d'un
pouvoir local incarné par le premier duc ou « doge », Paolucio Anafesto
(697-717), personnage aux confins de la légende et de l'histoire. La ville de
Venise ne devint réellement indépendante qu'après le retrait des Byzantins de
l'Adriatique, peu après l'an 1000, lors de l'émergence du royaume de Hongrie.
La cité-État s'appuya dès lors sur la mer pour étendre son pouvoir.
Venise n'eut pas de constitution propre. En effet, la définition des
attributions et le mécanisme des institutions gouvernementales relevaient à
Venise du droit coutumier. Les organes de décision gouvernementaux formaient
une pyramide dont l'Assemblée populaire était la base et le doge le sommet.
Entre les deux siégeaient le Grand Conseil, les Quarante et le Sénat, puis le
Conseil ducal. Cette organisation politique dont les traits se dessinent au
xiiie siècle se maintient jusqu'en 17972. Le quadruplement de la puissance
navale dans le premier tiers du xve siècle, fait de l'Arsenal de Venise la plus
grande usine du monde, employant jusqu'à 16 000 personnes, derrière une
enceinte secrète de 25 hectares. L'activité navale est portée par le dynamisme
du quartier d'affaires vénitien.
Article détaillé : République de Venise.
Scala del Bovolo (Palais Contarini del Bovolo).
Le commerce du sel, puis l'expansion commerciale vers la Méditerranée
orientale, entraînèrent une forte croissance de la ville. Après la 4e croisade,
que Venise détourna sur Constantinople, la République s'empare des richesses de
l'Empire byzantin et constitue son propre empire maritime constitué par la
plupart des îles grecques et dalmates. Elle le complète en conquérant la Dalmatie
continentale, l'Istrie et un vaste domaine entre les Alpes et le Pô, incluant
les cités de Bergame, Brescia, Vérone, Padoue, Trévise et Udine. Elle entre en
conflit avec Gênes, sa grande rivale en Italie du nord et en Méditerranée.
L'apogée de cette lutte est la quatrième guerre génoise, autrement nommée
guerre de Chioggia. Venise sortit vainqueur du conflit, mais très épuisée. Le
traité de Turin, en 1381, ne lui fut pas particulièrement avantageux : malgré
sa victoire, Venise dut renoncer à des territoires et concéder certains droits
à sa rivale. Elle perdait Trévise et la Dalmatie qui revenait au roi de
Hongrie. Cependant elle conservait ses institutions et ses principales
colonies.
La ville a armé une flotte de 6 000 galères, lui permettant de prendre
des risques, sous forme de convois réguliers, pour régner sur la mer
Méditerranée. Le quartier du Rialto est la première bourse organisée, selon
l’historien Fernand Braudel. Les marchands y échangent des participations dans
les galères vénitiennes, mises aux enchères selon le système de l’Incanto des
galées du marché3. Venise devient ainsi le plus important port de Méditerranée,
surclassant Constantinople. Il lui fallut conquérir des terres sur la lagune.
Le déclin commença avec la progression ottomane en Méditerranée, qui la
priva progressivement de toutes ses terres grecques, à l'exception des Îles
Ioniennes, et de ses accès aux débouchés de la Route de la Soie. Elle fut en
plus très touchée par la peste noire. Malgré la victoire sur les Ottomans à Lépante
en 1571, la république de Venise perdit encore de son importance commerciale à
cause du détournement du commerce européen vers les océans après la découverte
de l'Amérique.
Venise maintient son rayonnement culturel, en devenant la ville
européenne la plus élégante et raffinée du xviiie siècle, avec une forte
influence sur l'art, l'architecture et la littérature.
Redevenue politiquement un État italien parmi d'autres, Venise fut
annexée par Napoléon Bonaparte le 12 mai 1797, durant la Première Coalition.
L'invasion des Français mit un terme à près de 800 ans d'indépendance.
Bonaparte fut cependant perçu comme une sorte de libérateur par la population
pauvre et juive de Venise (it), république aristocratique où le pouvoir et la
plupart des richesses étaient monopolisés par quelques familles. Bonaparte
supprima les barrières du Ghetto ainsi que les restrictions de circulation
imposées aux Juifs.
Article détaillé : Ghetto de Venise.
En 1797, par le traité de Campo-Formio, Bonaparte livra Venise et ses
territoires aux Habsbourg en échange de la Belgique, puis il la leur reprit en
1805 pour l'intégrer au royaume d'Italie dont il se fit couronner roi, avant
que la ville ne fût intégrée dans l'Empire d'Autriche de 1815 à 1866. La
domination autrichienne sur Venise et la Vénétie ne s'acheva que le 3 octobre
1866 après sa défaite de Sadowa contre l'alliance prusso-italienne. Venise
devint un chef-lieu de province italien et l'un des hauts lieux du tourisme
mondial.
Après la Première Guerre mondiale, l'Italie revendiqua à l'Autriche
vaincue l'ensemble des territoires jadis vénitiens, mais se heurta aux
revendications yougoslaves et n'obtint au Traité de Rapallo que l'Istrie, la
ville de Zara en Dalmatie et les îles de Veglia, Cherso et Lagosta. Le
ressentiment développé à ce moment contribua au succès ultérieur de Mussolini.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'Italie perdit aussi ces possessions au
profit de la Yougoslavie, ne conservant que Trieste, qui ne fait pas partie des
territoires jadis vénitiens, mais où se réfugièrent les populations italophones
expulsées de Yougoslavie.
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Principaux peintres
vénitiens
Primitifs italiens
1290-1358/1362 : Paolo Veneziano
Âge héroïque - les renaissants
1429 - 1507 : Gentile Bellini
1430 - 1516 : Giovanni Bellini
1431 - 1506 : Andrea Mantegna
1455 - 1526 : Vittore Carpaccio
Âge d'or - période classique
1477 - 1510 : Giorgione
1480 - 1528 : Palma le Vieux
1488 - 1576 : Le Titien
1480 - 1556 : Lorenzo Lotto
1487 - 1553 : Véronese
Fin de l'âge classique
1518 - 1594 : le Tintoret
1530 - 1588 : Paul Véronèse
De l'âge baroque à la peinture moderne
1676 - 1758 : Rosalba Carriera
1696 - 1770 : Giambattista Tiepolo
1697 - 1768 : Canaletto
1702 - 1785 : Pietro Longhi
1712 - 1793 : Francesco Guardi
1757 - 1822 : Antonio Canova
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Principaux musiciens
vénitiens
Giovanni Gabrieli - Venise 1557 - Venise 12 août 1643
Claudio Monteverdi - Crémone 1567 - Venise 1643
Antonio Caldara - Venise 1670 - Vienne 28 décembre 1736
Tomaso Albinoni - Venise 8 juin 1671 - Venise 17 janvier 1751
Antonio Vivaldi - Venise 4 mars 1678 - Vienne 28 juillet 1741
Baldassare Galuppi - Burano près de Venise 8 octobre 1706 - Venise 3
janvier 1785
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Architecture
Epoques et styles
Vénète et romain. Les premières productions artistiques en Vénétie
remontent à l'âge de fer et aux cultures paléo-vénètes. On a découvert des
vestiges de la civilisation d'Ateste (voir rubrique Histoire), entre Este et
Padoue. Les objets en bronze d'origines grecque et étrusque témoignent des
relations très étroites des Vénètes avec ces deux peuples.
Entre le IIIe et le IIe siècle avant J.-C. se développa l'art de la
fabrication de situle, des lamelles en bronze finement décorées de figurines
humaines. La période romaine a laissé le plus grand nombre de témoignages à
Vérone, qui garde encore actuellement sa conformation urbanistique originale
(anciennes portes d'accès, les arènes, le théâtre, etc.), mais d'importants
vestiges romains sont également présents à Vicence, à Oderzo et à Padoue.
Roman. On note une certaine différence entre le style roman de la terre
ferme, soumis plutôt aux influences de la Lombardie, et celui de la lagune de
Venise, très influencé par l'art byzantin. Cette influence marquera l'art
vénitien jusqu'au XIVe siècle. Les exemples les plus significatifs du style
roman en Vénétie nous sont donnés par la basilique de San Zeno à Vérone, avec son
splendide portail, de Santa Sofia à Padoue, le dôme de Torcello (Santa Fosca)
et l'église des Santi Maria e Donato à Murano.
Gothique. Au cours du XIVe siècle, à la suite de fructueux échanges
culturels entre les différentes villes italiennes, commença une période
artistique fabuleuse pour la peinture et l'architecture de la péninsule : le
Trecento. L'architecture gothique se propagea en Vénétie comme dans le reste du
pays. Sant'Anastasia à Vérone, San Nicolò à Trévise, San Fermo degli Eremitani
à Padoue, San Giovanni e Paolo, Santa Maria dei Frari, la Ca' d'Oro et le
palais des Doges à Venise en sont les exemples les plus frappants.
Cinquecento. L'architecture continua dans ce nouveau siècle sa
collaboration avec la peinture. Les plus importants architectes du XVIe siècle
sont Falconetto à Padoue, Sanmicheli à Vérone, Sansovino à Venise et Andrea
Palladio à Vicence.
Du baroque au XIXe siècle. Le baroque marqua une spécialisation des
arts et une longue période d'imagination chromatique et figurative. Pendant ce
siècle, l'architecture reprit la leçon de Palladio pour l'extérieur des palais,
tandis que les intérieurs furent décorés dans un style rococo.
Au cours du XIXe siècle, avec la fin de la République de Vénise, l'art
vénitien connut une période de décadence artistique. Les plus importants
ouvrages architecturaux de l'époque restent les forteresses autrichiennes de Vérone.
Grands architectes vénitiens
Baldassare Longhena (1598-1682). Cet architecte fécond et innovateur
travailla particulièrement à Venise. Il plonge ses racines culturelles dans
l'architecture vénitienne Renaissance de Sansovino et de Palladio. Parmi ses
chefs-d'oeuvre, l'église Santa Maria della Salute (1631), équilibre réussi
entre les souvenirs des basiliques de la fin de l'Antiquité, Palladio et les
nouvelles fantaisies baroques. Le même esprit anime ses édifices religieux
postérieurs, dont l'église des Scalzi et celle de l'Ospedaletto. Il excelle
également dans les constructions particulières (Ca' Pesaro et Ca' Rezzonico),
s'affirmant comme l'un des grands maîtres de l'architecture baroque.
Andrea Palladio (1508-1580). Andrea di Pietro della Gondola, né à
Padoue, débute comme sculpteur à Vicence en 1524 où, à l'âge de 16 ans, il
entre dans l'atelier de Giovanni di Porlezza et de Girolamo Pittoni. C'est
auprès du comte Giangiorgio Trissino, célèbre mécène, et touche-à-tout, que
s'opère la métamorphose de Palladio. Faisant allusion à la beauté statuaire de
la déesse Pallas, le comte de Trissino, grand admirateur de l'architecte romain
Vitruve (Ier siècle avant J.-C.), donne le surnom de Palladio à son jeune
protégé Andrea, l'un des tailleurs de pierre qu'il avait engagés en 1533 lors
de la reconstruction d'un de ses palais.
Rayonnant à partir de Vicence où il complète sa formation, Palladio
s'initie concrètement à l'architecture antique et moderne. A Vérone, il étudie
les vestiges romains et découvre les oeuvres récentes de Sanmicheli et de
Falconetto. La première oeuvre connue de Palladio est la villa Godi, à Lonedo
di Lugo Vicentino (1540). Ensuite, il remporte un concours, à l'issue duquel on
lui confie la réfection du Palazzo della Ragione, dit la basilique de Vicence
(1545-1580).
Il transforme l'édifice en l'habillant à l'antique. Cette rénovation
audacieuse d'un bâtiment, que l'on appelle aussi la basilique puisque, au Moyen
Age, il était consacré à la vie municipale, au pouvoir judiciaire et aux
marchés, assure immédiatement considération et prestige à son auteur et lui
permet de s'imposer à Vicence et à Venise, villes où il ne cessera de
construire pendant plus de trente ans. Vers 1550-1553, Palladio commence à
réfléchir à la conception de la villa Capra, dite La Rotonda, ouvrage qu'il
réalisera près de Vicence, en 1567, dans un esprit de grande fidélité aux
exigences de l'art de la Renaissance et en faisant preuve d'un sens
exceptionnel des proportions qu'il puise dans le principe musical de l'harmonie
symphonique.
Le style de Palladio se développe magistralement entre 1550 et 1565
(villas Piovene à Lonedo, Emo à Fanzolo, Barbaro à Maser, les palais
Chiericati, Thiene et Porto à Vicence). Des palais à Vicence, des villas
édifiées sur les bords de la Brenta, sur les collines de Trévise ou celles du
Véronais marquent les trente premières années de son activité au service des
plus grands. Des oeuvres souvent inachevées à cause d'un emploi du temps trop
chargé.
A Venise, il est nommé Surintendant et il construit des sanctuaires et
des couvents ; certains, déjà en cours de réalisation, comme San Giorgio
Maggiore et le couvent de la Charité, d'autres émanant de commandes directes du
Sénat, comme la basilique votive du Rédempteur (1577), ainsi que des décors de
fêtes. Sa vaste expérience acquise lors de ses nombreux voyages lui permettra
de réaliser sa grande oeuvre livresque : les Quattro Libri dell'Architettura,
imprimés à Venise en 1570. Cinq ans plus tard, illustrés par son fils Orazio et
par lui-même, paraissent Les Commentaires de César.
Ces traités précisent des règles, des formules largement utilisées qui
constituent la base du style palladien adopté surtout en Angleterre par Inigo
Jones (Queen's House à Greenwich) et Christopher Wren (cathédrale Saint-Paul de
Londres). Palladio sera le premier à organiser de manière systématique
l'aménagement interne des maisons. Parmi les palais citadins qu'il édifie, il
faut mentionner le palais Valmarana (1566) et la Loggia del Capitanato à
Vicence, ville où il meurt en 1580, avant d'avoir terminé son ultime
chef-d'oeuvre, le plus romain de tous : le théâtre olympique - achevé par son
disciple, Vicenzo Scamozzi.
Tout un vocabulaire spécifique est attaché à l'architecture de Palladio
et à ses applications ultérieures, vocabulaire que les historiens de l'art ont
consacré par un terme devenu international, le palladianisme. La serlienne
(triplet de baies constitué par une haute et grande baie centrale surmontée
d'un arc reposant sur deux colonnes qui séparent la première baie de deux
autres plus petites baies latérales) et la fenêtre thermale (baie en
demi-cercle divisée par deux montants) sont deux motifs récurrents de
l'architecture palladienne. Palladio varie à l'extrême ses motifs dans les
façades de palais qu'il construit. La plupart d'entre elles déclinent le thème
du temple, généralement d'ordre ionique, surmonté d'un fronton et nettement
avancé sur un haut podium. L'insertion de l'édifice dans le paysage, dans la
cité ou la campagne, correspond chez Palladio non seulement au souci de
respecter le paysage, mais aussi au profond désir de créer l'harmonie entre
l'oeuvre et le décor environnant.
Antonio Rizzo (1430-1499). Après avoir travaillé à la chartreuse de
Pavie, en 1457, il s'établit à Venise où il oeuvre au monument du doge Foscari
et à celui de Niccolò Tron (1467, église des Frari).
Pour le palais des Doges, il participe à la construction de l'arc
Foscari, exécutant notamment les statues d'Adam et d'Eve. Parmi ses travaux
d'architecture au palais des Doges figure également le fameux escalier des
géants (1484-1498), qui sera achevé par Pietro Lombardo.
Michele Sanmicheli (1484-1559). Architecte et ingénieur, Sanmicheli est
engagé par Vérone comme architecte militaire. Il y aménage les fortifications
de la ville, puis celles de Padoue, de Brescia et de Bergame. Les Porta Palio,
Porta San Giorgio et Porta San Zeno à Vérone figurent parmi ses ouvrages. A
Vérone, il construit également le palais Bavilaqua (1530) et le palais Grimani
(1527).
En ce qui concerne l'architecture religieuse, il donne à Vérone
l'église Madonna di Campagna. Son oeuvre, rigoureuse, n'est pas sans affinités
avec celles issues de l'école de Bramante.
Jacopo Sansovino (1486-1570). Elève d'Andrea Sansovino, dont il adopte
le nom, l'architecte Jacopo Tatti réalise l'église San Giovanni dei Fiorentini
à Rome (à partir de 1519), avant de se rendre à Venise en 1527. Combinant
harmonieusement les éléments classiques de ses expériences romaine et
florentine à la tradition vénitienne, il joue un rôle prépondérant dans la cité
des Doges.
Il réalise notamment le maître-autel de la Scuola di San Marco (1533
env.), la nouvelle Scuola della Misericordia (à partir de 1532), l'église San
Francesco della Vigna (à partir de 1534), le palais Corner, dit della Ca'
Grande, dans le quartier de San Maurizio (vers 1533). En 1537, il est chargé de
l'embellissement de la place Saint-Marc, à la suite de quoi il édifie la
Libreria Marciana, la Zecca et la Loggetta del Campanile (1540-1545), terminée
en 1590 par l'architecte Scamozzi. On lui doit également la Scala d'Oro du
palais des Doges (1544) et la façade de l'église San Giovanni (1554).
Sansovino a réussi la synthèse entre la manière romaine et le goût
vénitien en alliant au classicisme monumental un élément de couleur par les
jeux d'ombre et de lumière.
Vincenzo Scamozzi (1553-1616). Disciple de Palladio, dont il achève
plusieurs oeuvres (Théâtre olympique et palais Breganze à Vicence). A partir de
1582, chargé par Venise du réaménagement de la place Saint-Marc, il travaillera
aux Procuratie Nuove.
Carlo Scarpa (1906-1978). Carlo Scarpa fut l'un des architectes les
plus talentueux en Italie au XXe siècle. Cependant la plupart de ses oeuvres
restent modestes. On trouve quelques demeures, de nombreux aménagements
d'intérieurs, un cimetière... Dès ses premières réalisations, il se fait
remarquer pour son habileté à intégrer dans le tissu architectural traditionnel
ancien des édifices d'une grande modernité. Son travail le plus important fut
la restauration du musée de Castelvecchio, à Verone. Autre oeuvre remarquable,
le jardin de la Fondation Querini Stampalia, à Venise.
Les palais vénitiens
Pour pouvoir pleinement apprécier la beauté des palaces vénitiens, il
faut apprendre à en discerner les styles architecturaux et la structure. La
plupart de ces palais comptent 3 étages.
Le rez-de-chaussée. Occupé par les cuisines, afin de bénéficier d'un
accès direct au puits (les cuisines pouvaient également se trouver au dernier
étage, ou attique, pour que les odeurs puissent s'échapper plus facilement) et
par les entrepôts et les locaux commerciaux. Les maisons des nobles marchands
vénitiens étaient en effet à la fois demeures et lieux de transactions
commerciales.
Le piano nobile (étage noble). Là se déroulait la vie mondaine de la
famille. Les salons de cet étage étaient souvent décorés par des grands
peintres.
L'étage supérieur. Consacré aux appartements privés de la famille.
L'attique. Réservé aux domestiques.
A cette structure, il faut ajouter une pièce réservée aux bureaux
(transformée ensuite en bibliothèque), où l'on stockait les dossiers
commerciaux, et la cour, remplaçant les jardins.
L'altana est la terrasse typique vénitienne aménagée sur le toit des
maisons. Généralement elle est toute en bois et installée sur quatre courts
piliers en bois qui s'élèvent sur le toit. L'altana, aujourd'hui comme dans le
passé, peut servir de lieu de réception. De ces terrasses, on peut jouir d'une
vue merveilleuse sur la ville !
Styles des palais
Style vénéto-byzantin (XIIe et XIIIe siècles). Ces palais avaient la
fonction de fondaco (entrepôt). Ils sont caractérisés par un portique au
rez-de-chaussée et des galeries au premier étage. Ils sont décorés de colonnes
aux chapiteaux ornés de motifs stylisés (ex : Fondaco dei Turchi).
Style gothique (du XIIIe au milieu du XVe siècle). Le style le plus
répandu à Venise. Ces palais sont caractérisés par des décorations raffinées de
la pierre évoquant de fines dentelles, ainsi que par leurs fenêtres ajourées en
forme de quatre-feuilles (ex : palais des Doges, Ca'Foscari, Ca'D'Oro).
Style Renaissance (XVe et XVIe siècles). S'inspirant de l'harmonie
antique grecque et romaine, ces palais présentent des corniches très
saillantes, des façades décorées de masques de théâtre et une grande porte
centrale bordée de colonnes de style corinthien (ex : Ca'Vendramin-Calergi).
Style baroque (XVIIe siècle). Les façades sont décorées d'une profusion
d'arcades ajourées, de chérubins et de masques accentuant le jeu de clair-obscur
(ex : Ca' Pesaro, Ca' Rezzonico).
Histoire de la "Villa Veneta"
Les villas vénitiennes
Une fois abandonnée sa politique de conquête sur la mer, au XVe siècle,
Venise s'intéressa à son expansion sur la terre ferme. Tandis que les nobles
locaux étaient hostiles à la Sérénissime, le peuple acceptait volontiers sa
protection. Débuta ainsi une lente pénétration dans la région, soutenue par une
décision du Majeur Conseil de 1345 permettant aux nobles vénitiens d'investir
dans des domaines agricoles. Les patriciens vénitiens commencèrent donc à
acheter des domaines à l'intérieur des terres et sur les rives des fleuves de
la région. Cependant, ces nouveaux fermiers comprirent très rapidement que,
pour bien s'occuper de ses terres, il fallait les habiter toute l'année. Aussi
ils entreprirent la construction d'immenses demeures capables de leur assurer
le standard de vie dont ils jouissaient à Venise. Une floraison de villas
uniques vit ainsi le jour, de Venise jusqu'à la région de Trévise. Les nobles
vénitiens, remontant le Canal Grande, rejoignaient leurs splendides villas par
les fleuves de la région (la Brenta, plus particulièrement). Le concept même de
vacances à la campagne venait de changer. Le noble ne recherchait plus la
tranquillité et les plaisirs de la nature auxquels il préférait à présent le
luxe et la distraction. L'ère de la villégiature était née.
La villa vénitienne répondait à plusieurs fonctions. Elle était un
centre agricole, une habitation de luxe et surtout un lieu de loisirs. Cette
multiplicité de fonctions justifiait la complexité de son architecture. Les
ensembles comprenaient en effet les résidences nobles, richement décorées ; les
barchesse (soit rattachées, soit séparées de la villa), utilisées à des fins
agricoles ; les écuries, généralement habitées par les fermiers ; la chapelle,
qui permettait aux propriétaires de s'acquitter de leurs obligations
religieuses sans pour autant se mélanger au peuple ; le brolo, la cour incluant
un potager, des arbres fruitiers et le jardin décoré de magnifiques fleurs ; le
parc, souvent orné de fontaines, de statues et de ruisseaux, où l'on pouvait se
promener et discuter tranquillement à l'abri de la chaleur estivale. Des
remparts, des buissons ou une grille protégeaient ces propriétés. Le coeur de la
villa était le salon de l'étage noble. Ample et lumineux, il représentait le
pouvoir de la famille, car c'était ici qu'elle recevait. Ce salon, généralement
décoré de fresques, de stucs et de meubles précieux, était parfois agrandi par
une mezzanine qui permettait aux invités d'admirer la salle d'en haut.
Les villas du Cinquecento de Andrea Palladio. Au cours du XVIe siècle,
les plus célèbres architectes et peintres furent appelés à décorer les villas
vénitiennes. Andrea Palladio, Jacopo Sansovino, Vincenzo Scamozzi et Michele
Sanmicheli transférèrent dans l'architecture les concepts esthétiques et
éthiques de l'humanisme, reprenant les thèmes du classicisme de la Renaissance
qui voulaient l'architecture parfaitement insérée dans la nature. Andrea Palladio
fut le principal interprète de cette esthétique. Ses réalisations respectent
totalement le paysage, créant une harmonie parfaite entre les finalités
pratiques de la construction et la beauté de la nature environnante. C'est
pourquoi chacune de ses réalisations est différente.
Palladio répondit avec son style aux demandes des propriétaires :
utilité, image et dépenses contrôlées. Il mit notamment en valeur la partie
centrale, souvent prolongée par des ailes adjacentes, les barchesse, reliées à
leur tour à une loggia qui semblait enraciner la villa dans le paysage et qui
permettait aux propriétaires de gagner leurs lieux de travail tout en restant à
l'abri des intempéries. Les barchesse accueillaient les habitations des
fermiers, les granges, les remises à outils et les colombaie (colombiers). Le
corps central de la villa était cependant le plus important. Enrichi d'éléments
classiques, comme le tympan central et le pronaos, il était décoré de statues
inspirées de la mythologie et d'une imposante rampe d'escaliers. Un exemple
exaltant de l'oeuvre de Palladio est la villa La Rotonda, près de Vicence. Pour
rendre l'intérieur de ces fastueuses demeures encore plus impressionnant, les
architectes travaillaient en collaboration avec les grands peintres de l'époque.
Ainsi Paolo Véronèse a-t-il décoré la villa Barbaro à Maser.
Les villas du XVIIe siècle. Avec le temps, la fonction de la villa
devint essentiellement de reconnaissance sociale, particulièrement pour les
bourgeois qui se firent construire de magnifiques demeures à côté de celles,
déjà existantes, des nobles. Le siècle du baroque fut caractérisé par une
grande attention portée aux décors. Les barchesse et les ailes latérales furent
élargies et souvent les maisons se dotèrent d'un troisième étage ou de parties
surélevées reliées aux façades par des volutes baroques. Des soins
considérables entourèrent également la décoration de l'intérieur. Les jardins
perdirent leur fonction agricole pour s'enrichir de belvédères, de tours, de
labyrinthes et de petits temples.
Les villas du XVIIIe siècle. Le XVIIIe siècle correspondit à la période
de la plus grande splendeur des villas vénitiennes et à l'apothéose du concept
de villégiature. Rien n'était alors plus à la mode que de vivre dans une villa
prestigieuse, conçue en même temps comme un lieu de recherche artistique. Avec
leur oeuvre savante et leurs fresques grandioses, dont ils décorèrent
l'intérieur de plusieurs villas vénitiennes, comme les villas Valmarana et
Pisani, près de Vicence, et la villa Corner, à Merlengo, les Tiepolo, père et
fils, furent parmi les personnalités dominantes de cette époque.
Les villas du XXe siècle. A partir de 1900, les villas vénitiennes et
toute l'Europe durent affronter deux guerres. La Première Guerre mondiale fut
particulièrement destructrice et plusieurs demeures furent converties en postes
militaires ; d'autres furent bombardées, comme la villa Soranza à Castelfranco,
près de Trévise. Après la guerre, l'urbanisation représenta pour les villas un
autre fléau. Leurs parcs, par exemple, furent transformés en zones
constructibles. Aujourd'hui, la plupart de ces demeures ont été acquises par
l'administration publique. Certaines ont été restaurées.
Artisanat
Le travail artisanal est une des traditions les plus anciennes de la
Vénétie, région laborieuse, depuis toujours adonnée au commerce et à la
créativité. Dans cette région, les ateliers de pelletiers, de lainiers, de
céramistes, de vitriers, de menuisiers, de tailleurs de pierre, de forgerons,
d'orfèvres ont toujours été au service de l'Eglise, des communes, des familles
nobles ou bourgeoises et des universités. Aujourd'hui, cette tradition se
poursuit pour le bonheur des touristes qui peuvent repartir avec un souvenir
admirable de l'adresse des artisans de cette région. Venise est bien évidemment
une source généreuse de souvenirs, non seulement dans le sens spirituel du
terme, mais aussi dans un sens plus trivial : les célèbres masques de carnaval,
les objets en verre soufflé de Murano, les délicates dentelles de Burano en
sont quelques exemples.
Mais la région tout entière offre des exemples remarquables d'habileté
souvent de tradition ancienne. A Vérone, vous trouverez des splendides meubles
de style véronais (bois marqueté) et sur les bords du lac de Garde, de
l'excellente huile d'olive et du vin de qualité comme le bardolino, le soave ou
le valpolicella. Vicence est la patrie du luxe avec son orfèvrerie fine, ses
objets taillés dans la pierre claire et tendre des collines Berici, ses
pelletiers et ses magasins de vêtements chics, sans oublier, dans sa province,
les vins de Breganze et les céramiques de Bassano. Les objets en bois intaillé,
le fer forgé et les figurines en métal font la richesse de l'artisanat de
Belluno, tandis qu'à l'intérieur de ses terres, Feltre a une longue tradition
d'objets en bois intaillé et peints à la main.
A Belluno, on est à deux pas des Dolomites, les montagnes légendaires
dont la pierre lumineuse a attiré nombre de minéralogistes. Repartir avec un
bout de cette légende est sûrement une façon agréable de se souvenir de ses
performances sur les pistes. Enfin, dans l'Ampezzano, vous trouverez aussi des
produits d'artisanat intéressants, comme les typiques tissus aux couleurs vives
de Cortina d'Ampezzo.
L'histoire de Venise et sa réalité urbaine protégée en tant que
patrimoine de l'humanité par la Sovraintendenza ai Beni Culturali et par
l'Unesco ont favorisé des systèmes productif, économique et commercial
particuliers à Venise et l'ont protégée de l'industrialisation, des grandes
surfaces et des multiplexes de cinéma...
A l'image de la ville dans son ensemble, les boutiques ont des airs de
siècles passés. Le manque de place et l'absence d'industrialisation a protégé
et laissé survivre, dans le tissu urbain, de petites boutiques-ateliers (les
botteghe) où se perpétuent les petits métiers dont le savoir-faire est encore
transmis de père en fils. Ainsi, encore aujourd'hui, à Venise, on trouve des
serruriers, des cordonniers, des vitriers, des chausseurs, des modistes, des
imprimeurs, des graveurs, des relieurs, des restaurateurs de meubles...
Dentelles. L'art de travailler la dentelle (merletto) est apparu à
Venise pendant la Renaissance. Au début, il était pratiqué comme loisir par les
jeunes femmes des familles nobles et par les religieuses. Avec le temps, et
surtout au XVIIe siècle, ce travail fut intégré à la pratique commerciale.
Burano devint le centre de cette production, qui se développa aussi à
Pellestrina. Les dentelles de Burano, cependant, passaient pour être de
meilleure qualité que les autres, car elles procédaient d'une technique très
compliquée nécessitant l'emploi d'une aiguille. Les merlettaie (les
dentellières) étaient en effet, d'une habileté extraordinaire. Le succès des
dentelles de Burano fut tel qu'en 1872 on décida de créer sur l'île la Scuola
del Merletto, dont l'activité se poursuivit jusqu'en 1972. De nos jours,
malheureusement, le travail de la dentelle a pratiquement disparu. Il n'est
plus pratiqué que par quelques dames qui travaillent soit pour leur propre
plaisir, soit pour des amateurs passionnés. Les dentelles vendues dans les boutiques
à touristes ne sont plus de la même qualité que par le passé.
Masques. La tradition des masques à Venise remonte aux XVIIe-XVIIIe
siècles. Il était d'usage de porter un masque, chez les nobles et dans les
familles plus populaires, durant les longs carnavals (à une époque, ils
duraient jusqu'à six mois). La commedia dell'arte, cette forme artistique
antérieure au théâtre moderne, recourait également aux masques. La plupart des
acteurs étaient alors ambulants. Ils improvisaient des histoires, parfois inventées,
parfois réelles, parfois inspirées des faits de l'époque, de la vie courante ou
politique. Les artistes se présentaient masqués et, ainsi dissimulés,
interprétaient des pièces satiriques qui mettaient en scène des personnages de
haut rang, des ecclésiastiques ou des hommes politiques. La " commedia
" suivait une trame fixe, mais qui laissait cependant place à la libre
interprétation des artistes. Traditionnellement, chaque grande ville d'Italie
avait son masque, correspondant à un personnage inventé, mais qui, avec le
temps, acquérait la richesse d'un vrai individu, avec ses qualités et ses
défauts, ses caractères physiques et psychologiques. Il était censé représenter
l'esprit et la voix de sa ville d'origine.
Au fil des siècles, les créateurs de masques perfectionnèrent toujours
un peu plus leur art. Cependant, avec la chute de la République vénitienne à la
fin du XVIIIe siècle, l'usage et la tradition du masque se perdit petit à
petit, jusqu'à complètement disparaître des traditions vénitiennes. Quelques
bribes d'informations furent trouvées malgré tout dans les bibliothèques de
Venise. Ce fut une véritable aventure pour les Vénitiens que de créer à nouveau
des modèles de masques, à partir des rares indications trouvées dans les
archives. Il s'agissait de redécouvrir et de faire revivre un art oublié, un
savoir-faire perdu. Personne ne savait quels matériaux employer, quelles
techniques adopter. Mais la fascination, le goût de la découverte et la volonté
aidant, les Vénitiens surent retrouver la signification ancienne des masques,
leur histoire et leur mode de fabrication. Aujourd'hui, les masques ont
retrouvé à Venise leur signification sociale originelle, et leur port comme
leur création sont de nouveau régis par des règles très précises : chaque
forme, chaque couleur correspond à un message. Aussi, avant de vous prendre
pour quelqu'un d'autre, renseignez-vous d'abord sur le message que le masque
véhicule. Parmi les masques vénitiens traditionnels, vous trouverez celui du
médecin : blanc et au long bec recourbé, il s'inspire du costume qui protégeait
les médecins vénitiens contre la peste.
Verreries. A Venise, qui dit " verre ", dit " made in
Murano ". Le travail du verre est une activité millénaire à Venise et plus
principalement à Murano. A l'origine, les fours des maîtres verriers furent
déplacés de Venise vers Murano, à la suite d'un incendie qui aurait dévasté
toute la ville. Ces maîtres verriers produisaient des pièces à usage
principalement domestique : coupes, plats, récipients, vases, candélabres...
Aujourd'hui, en revanche, les produits de l'artisanat verrier de Murano sont
aussi bien à usage domestique que décoratif, du vase à la petite sculpture, en
passant par les perles et les bijoux.
Papiers marbrés. Cette technique, oubliée désormais de tous, continue à
vivre à Venise. A l'intérieur de leurs legatorie, ces échoppes dédiées à la
vente du papier, des artisans expérimentés teignent des grandes feuilles de
papier en couleurs pastel et chatoyantes. L'effet réalisé est semblable aux veines
du marbre, d'où le nom de papier marbré. Carnets, crayons, agendas ou cadres à
photos sont ensuite recouverts de ces beaux papiers pour un résultat
puissamment artistique.
Que rapporter de son voyage
Un masque de Carnaval. Emblème du Carnaval, vous trouverez de belles
boutiques vendant de très beaux masques réalisés comme autrefois par des
artisans professionnels. Mais gare aux faux !
Le verre de Murano. La tradition verrière de Venise remonte au Moyen
Age, et le verre de Murano est parmi les plus beaux du monde. Pour vos achats
fiez vous au label Vetro Artistico di Murano, gage de qualité et
d'authenticité.
La dentelle de Burano. Les dentellières de Burano brodent mouchoirs,
nappes et napperons avec une finesse incroyable depuis la nuit des temps. De très
belles boutiques vendent encore des pièces de grande qualité.
Les tissus de Fortuny. Précieuses, raffinées et presque virtuoses, ces
étoffes rares fabriquées à la manufacture de la Giudecca sont recherchées dans
le monde entier. Si le prix au mètre est exorbitant, les petits accessoires,
comme coussins, écharpes et agendas restent abordables.
Le papier marbré. Les papèteries vénitiennes conservent le secret de sa
fabrication ; de nombreuses boutiques vers Saint Marc commercialisent ces
papiers aux motifs élégants.
La grappa. L'eau de vie des Vénitiens (40° quand même) a conquis depuis
longtemps l'ensemble des Italiens. La ville de Bassano del Grappa fabrique la
meilleure qualité du genre, mais vous en trouverez de bonne qualité dans toute
la région.
Expressions modernes
Souvent désignée comme une ville-musée, Venise fait cependant preuve
d'une impressionnante vivacité culturelle. Même discours pour les autres villes
de Vénétie. Des manifestations comme la Biennale de Venise, des collections
comme celles de Peggy Guggenheim et des expositions de Palazzo Leoni Montanari
à Vicence en sont le témoignage. L'intervention de grands architectes comme
Tadao Ando pour la rénovation de monuments historiques tels les bâtiments de
l'ancienne douane à Dorsoduro consacre le rôle de premier plan de la Vénétie
sur la scène contemporaine internationale.
Cinéma
Les cinéphiles ne seront pas déçus en Vénétie. Chaque été (de la fin
d'août au début de septembre) depuis 1932, Venise devient une des capitales du
cinéma. Stars, réalisateurs et professionnels du septième art se donnent
rendez-vous au Lido où se tient le Festival international du film de Venise.
Mais Venise a également inspiré nombre de réalisateurs et, si vous réfléchissez
quelques instants, vous retrouverez sans doute les titres de films auxquels la
ville a prêté son décor et dont elle est bien souvent la véritable star.
Quelques titres, pour vous aider, parmi ceux que nous aimons le plus par ordre
chronologique :
Senso, de Luchino Visconti (avec Alida Valli). Nous sommes en 1866 et
la comtesse Livia Serpieri vit son grand mélodrame. Amoureuse d'un officier
autrichien, qui la trahit, elle se retrouve mêlée aux complots carbonari et au
Risorgimento italien.
Vacances à Venise, de David Lean (avec Katharine Hepburn et Rossano
Brazzi). Une charmante vieille fille américaine passe ses vacances à Venise et
devient l'objet des attentions d'un beau Vénitien... marié ! Délicieusement
suranné.
Casanova, de Federico Fellini (avec Donald Sutherland). Le génie
visionnaire du maestro nous montre un Casanova détestable. Film fantasmatique,
comme la ville de Venise reconstituée pour l'occasion dans les studios de
Cinecittà.
Casanova, un adolescent, de Luigi Comencini. Une excellente
reconstitution de la Venise du XVIIIe siècle.
Mort à Venise, de Luchino Visconti (avec Dirk Bogarde). Une Venise
anéantie par le choléra sert de décor à l'histoire déchirante d'un professeur
malade et de sa passion inavouable pour un jeune éphèbe. La mort du professeur
sur la plage du Lido est d'une tristesse absolue.
Othello, de et avec Orson Welles. Il a fallu deux ans de tournage et
trois Desdémone (Lea Padovani, Cécile Aubry et Betsy Blair) au grand metteur en
scène américain pour réaliser ce film. Le résultat est encore aujourd'hui
inégalé.
Ne vous retournez pas, de Nicolas Roeg. D'après l'histoire de Daphné Du
Maurier, un film dramatique, qui reconstitue parfaitement l'ambiance
énigmatique de la cité lagunaire.
Au-delà du bien et du mal, de Liliana Cavani (avec Dominique Sanda). Ce
film basé sur la vie de Nietzsche est en réalité un film sur la liberté
sexuelle. Il fit scandale à sa sortie en 1977.
Venezia, la luna e tu, de Dino Risi (avec Alberto Sordi). L'Albertone
nazionale, comme on appelle Sordi en Italie, interprète un gondolier vénitien
habillé, comme il se doit, d'un chapeau et d'un tee-shirt à rayures. Si vous
comprenez l'italien, vous remarquerez son accent vénitien improbable (Sordi
était romain), mais hilarant.
La Vénitienne, de Mauro Bolognini (avec Laura Antonelli, Monica Guerritore
et Jason Connery). Deux belles Vénitiennes, différentes par leur beauté, mais
non par leur culot, se disputent les charmes d'un jeune étranger. Les acteurs
ne sont pas au meilleur de leur forme, mais le cadre d'une Venise décadente est
fascinant.
Indiana Jones et la dernière croisade, de Steven Spielberg (avec Sean
Connery et Harrison Ford). Un jeune Indiana Jones débarque à Venise pour
retrouver son père, parti à la recherche du Graal. La scène de la poursuite en
bateau à moteur sur les canaux de Venise (et la protection du patrimoine !) est
mythique. Dans le reste du film, on voit plutôt une Venise imaginaire : par
exemple Harrison Ford sortant d'une bouche d'égout du Campo San Barnaba... ne
la cherchez pas, il y en a pas sur cette place !
Tout le monde dit I love you, de et avec Woody Allen (et Julia
Roberts). Le sempiternel intellectuel névrosé américain tombe amoureux alors
qu'il fait du jogging sur les ponts de Venise. Curiosité : pendant le tournage,
des rumeurs couraient selon lesquelles Julia Roberts avait eu un flirt avec un
chauffeur de taxi vénitien... Le chauffeur en question a toujours nié mais,
depuis, il a vu ses recettes augmenter !
Pane e tulipani, de Silvio Soldini (avec Bruno Ganz). Au cours d'une
excursion touristique en car, une jeune femme au foyer est oubliée à une
station-service sur l'autoroute. Elle en profite pour retrouver sa liberté à
Venise, où elle rencontre un serveur philosophe et un fleuriste anarchiste.
La Lingua del Santo, de Carlo Mazzacurati (avec Antonio Albanese et
Fabrizio Bentivoglio). C'est une comédie inspirée d'un fait divers sur le vol
de la relique de la langue de San' Antonio de la basilique de Padoue.
Le Marchand de Venise, de Michael Radford (avec Al Pacino, Jeremy
Irons, Joseph Fiennes). Adaptation du Marchand de Venise de William
Shakespeare, cette comédie dramatique trace le portrait peu flatteur d'un
usurier juif Shylock, homme avare et sanguinaire à l'esprit vengeur. Campé dans
une Venise lugubre et décadente, le film dénonce les injustices faites aux
juifs à la fin du XVIe siècle, à l'époque où ils vivaient reclus dans le
ghetto.
Braquage à l'italienne, de F. Gary Gray (avec Mark Wahlberg, Charlize
Theron, Edward Norton). Charlie Croker et son équipe préparent un casse parfait
à Venise. Tout se passe comme prévu mais c'est sans compter la présence d'un
traitre parmi eux...
The Tourist, de Florian Henckel von Donnersmarck (avec Johnny Deep et
Angelina Jolie). Remake du film français Anthony Zimmer, cette intrigue
policière au suspense époustouflant emmène le spectateur à travers la lagune de
Venise, dont les prises de vue sont sensationnelles. Coup de coeur pour les
scènes tournées à l'hôtel Danieli et au marché de Rialto.
La Mostra di Venezia
Sous la direction d'Alberto Barbera, la Mostra Internazionale d'Arte
Cinematografica est un festival de cinéma huppé organisé par la Biennale de
Venise. A l'image de son voisin français, le Festival de Cannes, il demeure une
référence dans la profession et l'univers du Septième art. En 2018 s'est déroulée
la 75e édition de la Mostra. Quand vient la fin de l'été, à l'arrivée des
premiers jours de septembre, c'est donc tout le gratin mondial du cinéma qui se
donne rendez-vous sur la grande plage du Lido. On s'y presse pour assister à la
remise des prix et récompenses : les Lions d'or, à l'instar des Palmes
cannoises et de l'Ours d'or, récompense du Festival de Berlin. En cette période
très prisée, il est conseillé de réserver son hôtel bien à l'avance ! Un
festival mythique... chic et star !
Venise au cinéma
Les Trois Lumières (Der müde Tod) de Fritz Lang, 1921
Le Marchand de Venise, 1923
Casanova d'Alexandre Volkoff, 1927
Haute Pègre d'Ernst Lubitsch, 1932
Le Danseur du dessus (Top Hat) (comédie musicale), de Mark Sandrich,
1932
Il Ponte dei sospiri (it) de Mario Bonnard, 1939
Les Amants de Vérone d'André Cayatte, 1948
Othello d'Orson Welles, 1949
Rapt à Venise de Mario Soldati, 1953
Senso de Luchino Visconti, 1953
Vacances à Venise de David Lean, 1954
Venise, la lune et toi de Dino Risi, 1958
Le Miroir à deux faces d'André Cayatte, 1958
Eva de Joseph Losey, 1962
Le Petit Boulanger de Venise de Duccio Tessari, 1963
Guêpier pour trois abeilles (The Honey Pot), 1966 de Joseph L.
Mankiewicz.
Casanova, un adolescent à Venise de Luigi Comencini, 1969
Assassinats en tous genres de Basil Dearden, 1969
Adieu à Venise (Anonimo Veneziano) d'Enrico Maria Salerno, 1970
Mort à Venise de Luchino Visconti 1971, inspiré de la nouvelle de
Thomas Mann
Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg, 1973
Giordano Bruno de Giuliano Montaldo, 1973, retraçant les dernières
années de la vie du philosophe italien Giordano Bruno.
Le Casanova de Fellini de Federico Fellini, 1975
Âmes perdues de Dino Risi, 1976
Oublier Venise de Franco Brusati, 1979
Le Guignolo de Georges Lautner, 1980
Identification d'une femme de Michelangelo Antonioni 1982
Le Cadeau de Michel Lang, 1982
Venise sauvée d'André Engel, 1987
Nikita de Luc Besson, 1990
Tout le monde dit I love you de Woody Allen, 1996
Pain, tulipes et comédie de Silvio Soldini, 2000
Ma femme s'appelle Maurice de Jean-Marie Poiré, 2002
Braquage à l'italienne de F. Gary Gray, 2003
Le Marchand de Venise de Michael Radford, 2004
Casanova de Lasse Hallström, sorti en 2005, sur le légendaire Casanova
The Tourist de Florian Henckel von Donnersmarck, 2010
Impardonnables d'André Téchiné, 2011
Inferno de Ron Howard, 2016
Venise n'est pas en Italie de Ivan Calbérac, 2019
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Littérature
La littérature vénitienne, après une première période d'épanouissement
au XVIe siècle avec le succès de grands auteurs comme l'Arétin, atteignit son
apogée au XVIIIe siècle, grâce à l'oeuvre de son plus grand représentant, le
dramaturge Carlo Goldoni. Par la suite, la production littéraire vénitienne
subit une période de déclin suite à la chute de la République de Venise. Elle
parvint tout de même aux XIXe et XXe siècles à retrouver une certaine aura avec
des auteurs comme Ippolito Nievo et Dino Buzzati.
L'Arétin (1492-1556). Pietro Bacci, dit l'Aretino, est l'auteur de
poèmes satiriques (Les Pasquinades, 1520), de comédies (La Courtisane, 1534 ;
L'Hypocrite, 1542) et d'une excellente tragédie (Horace, 1546), mais
l'essentiel de son oeuvre consiste en des pamphlets cyniques et anarchistes qui
lui ont valu le surnom de " fléau des princes ". Les Ragionamenti
(1534) sont un roman de moeurs, licencieux et humoristique ; dans le Dialogue
des cartes parlantes (1543), l'Arétin passe en revue tous les travers des
hommes.
Angelo Beolco (dit Ruzzante) (1496-1542). Angelo Beolco, né à Padoue,
écrivain, acteur et metteur en scène, est devenu célèbre sous le nom d'un de
ses personnages les plus connus : Ruzzante. Pour ne pas mourir de faim, le
jeune Ruzzante rejoint l'armée du pape qui se bat contre les protestants. Sur
le chemin, touché par la foi, il décide de déserter. Précurseur de la commedia
dell'arte, il se consacre à l'écriture d'oeuvres qui dénoncent de façon subtile
les travers de la société et la condition des paysans de son époque. La
Moscheta, écrite en 1528 à Padoue, deviendra une oeuvre culte du théâtre
classique italien.
Dino Buzzati (1906-1972). Dino Buzzati est né à Belluno en 1906. Après
des études de droit à Milan, il se tourne vite vers la littérature et le journalisme.
A 22 ans, il est correspondant du Corriere della Sera en Ethiopie, puis
correspondant de guerre dans la Marine. A Milan, il consacre son temps à
l'écriture et à la peinture - plusieurs de ses toiles ont été exposées en
France. Son roman Le Désert des Tartares, paru en 1949 pour la traduction
française, a obtenu un immense succès. Une de ses pièces de théâtre, Un cas
intéressant, a été adaptée par Albert Camus en 1956. Dino Buzzati est décédé à
Milan en 1972.
Giacomo Casanova (1725-1798). Le célèbre séducteur né à Venise au début
du XVIIIe siècle s'est fait aussi connaître pour son extraordinaire esprit
d'observateur de son temps. Il commença une carrière ecclésiastique, puis
exerça de nombreuses activités : joueur de violon, joueur professionnel,
escroc, financier, bibliothécaire, alchimiste, soldat et espion pour la
République vénitienne, constamment impliqué dans des intrigues politiques et
amoureuses. De prisons en cours de souverains, il écrivit ses mémoires dans
Histoire de ma vie. Il y raconte notamment sa fameuse évasion de la prison dei
Piombi (les prisons du palais des Doges à Venise) et ses aventures galantes
avec quelque 122 femmes, dont la marquise de Pompadour...
Ugo Foscolo (1778-1827). Cet écrivain est l'une des grandes figures du
préromantisme italien. De père vénitien et de mère grecque, admirateur de la
Révolution française (Ode à Bonaparte libérateur, 1797), il combattit dans les
rangs des armées françaises contre les Austro-Russes, mais, en 1814, l'invasion
de l'Italie du Nord par les Autrichiens l'obligea à s'exiler en Suisse puis en
Angleterre. De son oeuvre, d'inspiration romantique mais de forme classique, on
retiendra un roman épistolaire à la manière du Werther de Goethe : Ultime
Lettere di Jacopo Ortis (1802) ; un long poème, Les Tombeaux (1807), inspiré
par un décret de Napoléon réglementant les monuments funéraires privés, dans
lequel Foscolo défend le symbolisme des sépultures ; enfin des hymnes, Les
Grâces (1814), dédiés au sculpteur Canova
Carlo Goldoni (1707-1793). Né à Venise, Carlo Goldoni fit sa première
expérience théâtrale à l'âge de 14 ans en s'échappant de son école pour
rejoindre une troupe itinérante. Devenu avocat à l'université de Padoue en
1731, il revint dans sa ville natale, mais il abandonna rapidement toute
activité juridique pour écrire des tragédies, la seule forme théâtrale
appréciée à cette époque. Il travailla d'abord au répertoire de compagnies,
puis, le succès venant, directement pour des théâtres ; ses comédies
remportèrent un tel succès qu'il n'en composa pas moins de dix-sept pendant la
seule année 1751. Mais, sa popularité lui ayant valu la rivalité d'auteurs
établis, Goldoni vint s'installer à Paris où il passa le reste de sa vie. En
1762, Goldoni prit la direction de la Comédie Italienne.
Désireux de débarrasser la scène des improvisations bouffonnes de la
commedia dell'arte qui formaient la substance des représentations théâtrales,
il écrivit de véritables comédies de moeurs. Parmi les 118 pièces de Goldoni,
les plus intéressantes sont Arlequin, serviteur de deux maîtres (1745), La
Locandiera et Barouf à Chioggia, cette dernière écrite en dialecte vénitien. De
nos jours, les oeuvres de Goldoni sont régulièrement représentées.
Considéré par ses contemporains comme le Molière italien, ce créateur
d'une forme théâtrale originale, premier écrivain italien à vivre de sa plume,
a dû vaincre la résistance des comédiens et du public pour humaniser les
masques de la commedia dell'arte. C'est une République vénitienne oligarchique
en déclin que Goldoni dépeint. Fondamentalement bourgeoise, sa comédie a pour
protagonistes des personnages appartenant à la classe moyenne. Devenu
professeur d'italien de Madame Adélaïde, fille de Louis XV, Goldoni cessa
pratiquement d'écrire. Vivant ensuite modestement d'une maigre pension accordée
par le roi, il mourut dans la misère, le 6 février 1793.
Ippolito Nievo (1831-1861). Né à Padoue, cet écrivain fut un ardent
patriote, compagnon de Garibaldi avec qui il participa à l'expédition des Mille
(Amori garibaldini, 1860). Poète (Lucciole, 1858), nouvelliste (Il barone di
Nicastro, 1857) et auteur dramatique (Spartaco, 1857), il a marqué par son
oeuvre maîtresse, Confessions d'un Italien (d'abord publié en 1867 sous le
titre de Confessions d'un octogénaire), le passage du roman historique au roman
réaliste.
Pétrarque (1304-1374). Né à Arezzo, Francesco di ser Petrarca,
Pétrarque en français, passe son enfance en Toscane avant de s'installer dans
la région d'Avignon en 1312. Ses poèmes lyriques immortalisent Laure de Noves,
une jeune dame qu'il rencontre pour la première fois le 6 février 1327.
Pétrarque sillonne l'Italie, la France, les Pays-Bas et l'Allemagne. Mais à
partir de 1342, rentré en Avignon, il se consacre à ses travaux d'humaniste. Il
meurt en 1374 à Arquà, sur les collines euganéennes (Padoue), où l'on peut
visiter sa maison et voir sa tombe. L'ouvrage le plus célèbre de Pétrarque est
le Canzoniere, recueil de poèmes en langue vulgaire (le toscan) dont la plupart
lui furent inspirés par la passion qu'il vouait à Laure.
Hugo Pratt (1927-1996). Hugo Pratt, père de la célèbre BD Corto
Maltese, est né près de Rimini, mais il a passé son enfance à Venise et il
s'est toujours considéré comme Vénitien. Après la guerre, passionné de fumetti
(bandes dessinées), il crée le groupe de Venise avec d'autres dessinateurs
italiens dans le but de produire des comics à l'américaine et d'initier la
jeunesse aux grands classiques de l'aventure : d'Homère à Kipling, de Conrad à
Stevenson et à Jack London. En 1967 naît le héros Corto Maltese, avec la
parution des premières planches de La Ballade de la mer salée dans une nouvelle
revue italienne. Sa Fable de Venise, avec ses sociétés secrètes, ses canaux,
ses cours magiques et mystérieuses et ses énigmes à résoudre est inoubliable. Corto
et son univers s'imposeront très vite comme un mythe et le fameux marin sera
souvent le double de Pratt.
Médias locaux
L'Italie a aujourd'hui encore un nombre important de publications de
presse écrite, qu'elles soient quotidiennes, hebdomadaires ou périodiques.
Toutes les tendances, politiques, économiques, sociologiques et culturelles
sont ainsi représentées et diffusées. Chaque province édite son propre
quotidien, celui de Milan (et le plus diffusé dans toute l'Italie) étant le
Corriere della Sera. Côté télévision, les audiences se partagent
essentiellement entre les chaînes de la Rai, la télévision publique, et celles
de Mediaset, gérées par la famille Berlusconi. Si les étrangers se plaignent
souvent de la qualité des programmes, l'information est en revanche de haute
qualité et toujours très exhaustive.
Journaux
Corriere della Sera. Le quotidien historique de la ville de Milan et
d'Italie depuis 1876 : www.corriere.it
La Repubblica. Deuxième quotidien national par nombre de copies
distribuées depuis 1976 : www.repubblica.it
La Gazzetta dello Sport. Premier quotidien sportif du pays :
www.gazzetta.it
Il Sole 24 Ore. Journal économique et financier dont le siège est à
Milan : www.ilsole24ore.com
Radios
Blud Radio Veneto FM 88.70/ 94.60
Radio Venezia FM 92.40
Télévision
Rai 1, Rai 2, Rai 3. Les trois chaînes publiques généralistes du groupe
audiovisuel Rai.
Rete 4, Canale 5, Italia 1. Les chaînes du groupe privé Mediaset, fondé
par Silvio Berlusconi en 1978.
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Musique
Depuis le XVe siècle, Venise est une ville majeure dans la vie musicale
européenne. En grande partie car, dans cette cité, la musique a toujours été
partout, dans les églises, dans les palais et les théâtres, sur les places et
même sur les gondoles. Des compositeurs comme Vivaldi et Monteverdi nous ont
laissé des morceaux épiques, dont tout le monde connaît le refrain.
Claudio Monteverdi (1567-1643). Fils aîné d'un médecin cultivé et
mélomane, Monteverdi est né à Crémone, alors propriété du duché de Milan. En
1590, il arrive à la cour de Mantoue où il est nommé à la tête du petit groupe
de musiciens devant accompagner Vincent de Gonzague en campagne contre les
Turcs. Il entreprend la composition d'Orphée afin de satisfaire le duc.
En 1612, Vincent de Gonzague meurt et son fils François, qui lui
succède, congédie Claudio Monteverdi ainsi que son frère. Ayant, sans succès,
tenté sa chance à Milan, le compositeur se présente à Venise où la mort du
maître de la chapelle Saint-Marc laisse un poste vacant. Il sera admis sur
épreuve en 1613. Son autorité musicale déborde bientôt le cadre de ses
obligations à Saint-Marc et d'illustres familles vénitiennes se disputent
l'honneur d'obtenir une composition du maître. Au début de l'année 1643, "
le musicien le plus célèbre du siècle " demande à être relevé de ses
fonctions à Saint-Marc. C'est à Venise qu'il s'éteint en 1643. Ses funérailles
à l'église des Frari furent celles d'un prince. De longues années encore, des
poèmes célébrèrent sa mémoire, puis sa musique sombra peu à peu dans l'oubli.
Antonio Vivaldi (1678-1742). Aîné d'une famille de sept enfants,
Antonio Vivaldi est le fils d'un excellent violoniste attaché à la basilique
Saint-Marc à Venise. Ordonné prêtre à 29 ans Vivaldi, dont la santé est
fragile, est bientôt dispensé de ses devoirs d'ecclésiastique. Il se voit donc
confier les fonctions de professeur de musique à l'hospice de la Pietà. Vivaldi
compose énormément pour l'orchestre de l'hospice, encouragé par le très bon
niveau de ses élèves.
Aujourd'hui, on retrouve à la place de l'ancien hospice, la Chiesa
della Pietà, dite aussi église d'Antonio Vivaldi. Elle se situe dans le
sestiere Castello, non loin de la place Saint-Marc. Ce lieu est très symbolique
dans l'histoire de la musique vénitienne, car c'est ici qu'il a composé ses
premières oeuvres musicales.
Trois ans plus tard, il prend en charge le théâtre de San Angelo de
Venise dont il devient le directeur en 1714. Une activité très prenante :
Vivaldi signe les contrats, règle les conflits, résout les situations, planifie
les tournées et, surtout, met en scène ses propres opéras. En 1723, il se rend
à Rome où, pendant un an et demi, il fait représenter trois opéras et joue
devant le pape. Sa gloire est internationale et le monde entier sollicite le
musicien. Vivaldi joue ses oeuvres, dont les célébrissimes Quatre Saisons, chez
l'ambassadeur de France, écrit une cantate pour célébrer le mariage de Louis
XV. Mais, à l'automne 1740, il fait ses adieux à la Pietà et quitte Venise.
Personne ne connaît sa destination. Un an plus tard, pauvre et déjà
complètement oublié, il meurt à Vienne.
Luigi Nono (1924-1990). Luigi Nono se situe à la pointe de la musique
nouvelle. Le compositeur fait appel à toute une variété de techniques :
sérialisme, musique aléatoire, musique concrète, musique électronique... Il
utilise de manière toute personnelle le langage sériel sans jamais être
prisonnier d'un système. Ses partitions le font apparaître comme un créateur
puissant, profondément humain et chaleureux. Refusant les circuits de diffusion
officiels, le compositeur ne participe pas à la Biennale de Venise. Il consacre
alors une grande partie de son activité créatrice à la musique
électro-acoustique facilement transportable sur bande magnétique dans la rue ou
dans les usines avec notamment Un volto del mare pour deux voix (1968). En
1955, il épouse la fille de Schoenberg, Nuria, dont il aura deux enfants. Son
oeuvre Il Canto Sospeso marque un tournant esthétique et idéologique et, en
1960, la création de son opéra en 2 actes Intolleranza 60, sur des textes de
Brecht, d'Eluard, de Sartre et de Maïakovski, est une oeuvre écrite en
protestation contre les politiques impérialistes et les iniquités sociales.
Luigi Nono se veut témoin à charge d'une société corrompue, injuste et destructrice.
Vivre Venise au rythme de sa musique
Venise est une ville de musique, qui a vu naître de nombreux talents.
Encore aujourd'hui, la ville a conservé cette même inspiration, tel un souffle
vivant propice à la création musicale... Ne manquez pas d'assister à un concert
de musique baroque durant votre séjour. Nombreuses sont les églises de Venise
qui ouvrent leurs portes et leurs choeurs aux musiciens, qui (parfois costumés)
se prêtent au jeu ! Certains concerts sont gratuits, d'autres payants. Vous trouverez
tous les établissements en question dans la rubrique Sortir/Spectacles du
guide. Enfin, si vous en avez l'occasion, essayez d'assister à une
représentation d'opéra lyrique au théâtre La Fenice... l'une des scènes
lyriques les plus prestigieuses au monde, où la célèbre cantatrice Maria Callas
fit ses débuts... Certes, le billet a un coût mais vous pourrez vous offrir un
souvenir inoubliable qui n'a pas de prix ! Néanmoins, une réservation à
l'avance s'impose. Pour plus d'infos, voir : www.teatrolafenice.it
Peinture et arts graphiques
Dans le langage international de l'art, l'école de Venise se
caractérise par la couleur et la maîtrise de la lumière. Cette sensibilité pour
les variations chromatiques a été sans doute suggérée aux peintres vénitiens par
la variété des nuances de couleur offertes par cette terre. Une caractéristique
qui influença les peintres impressionnistes et qui oppose l'école vénitienne à
la peinture florentine, plus idéaliste et plus savante.
Les débuts de la peinture vénitienne sont marqués par la dynastie des
Bellini, Jacopo, le père, le fils aîné Gentile, mais, surtout, le cadet
Giovanni. Parallèlement à l'oeuvre de ce dernier, se développe celle de leurs
élèves, Carpaccio, et Giorgione, dont Lorenzo Lotto prolongera l'influence.
Mais les trois grandes personnalités du Cinquecento vénitien sont Le Titien,
Véronèse et Le Tintoret. Les peintres du XVIIIe siècle reprennent également la
leçon de leurs prédécesseurs. Canaletto, Francesco Guardi, Pietro Longhi,
Giambattista et Giandomenico Tiepolo sont les interprètes les plus inspirés de
la beauté de Venise.
L'autre centre important de la peinture en Vénétie fut Padoue. Au XVe
siècle, la cité connut un extraordinaire rayonnement artistique grâce à la
diffusion de l'oeuvre du peintre padouan Andrea Mantegna, artiste d'une
puissante originalité, passionné d'anatomie et d'archéologie, et novateur par
sa technique de représentation de la perspective. Perméables à l'influence de
la vallée du Rhin, les peintres de Vérone parcourent un chemin à part,
développant un art gothique alliant la souplesse de la ligne à la préciosité du
détail. Pisanello en est le plus remarquable représentant.
L'école vénitienne. Avec la peinture florentine, celle de Venise est
sûrement la peinture italienne la plus connue dans le monde.
Tandis qu'à Florence, grande ville rivale de Venise, se développe un
style plus sec et mécanique, Venise, situé au nord de l'Adriatique, garde une
forte tradition gothique byzantine teintée d'originalités locales. Par sa
situation maritime, cette cité jouit d'une lumière et d'un espace tout à fait
singuliers qui se traduisent dans les oeuvres d'art, qu'il s'agisse de peinture
ou d'architecture. Les premiers peintres vénitiens importants furent ceux du
XIIIe siècle, maîtres dans les techniques de la fresque ou de la détrempe.
Cependant, on peut considérer que les mosaïstes grecs appelés à orner
la basilique Saint-Marc furent, dès le XIe siècle, les premiers peintres de
Venise. Au XVe siècle, deux familles de peintres, les Vivarini et les Bellini,
rompent avec le statisme gothique et posent les bases de la peinture
vénitienne. En 1410, un nouveau style prend naissance à Murano où travaillaient
les Vivarini, qui introduisent à Venise l'élément antique. Dans l'atelier des
Bellini, Jacopo Bellini père travaille avec ses deux fils, Giovanni et Gentile.
Giovanni Bellini, spécialiste des madones (les Frari et San Zaccaria en
possèdent de remarquables), est considéré comme le premier peintre vénitien
tout à fait dégagé des influences byzantines et, par conséquent, comme
l'initiateur de l'école vénitienne. Ses élèves les plus illustres furent
Giorgione, Titien, Cima de Conegliano, Andrea Previtali et Nicolo' Rondinelli.
Les scuole. L'école vénitienne atteint son apogée grâce à l'action des
scuole (écoles), des institutions typiquement vénitiennes. Présentes à Venise
dès le XIIIe siècle, les scuole sont des confréries d'entraide et de
bienfaisance (associations d'art et métiers ou de dévotion à un saint patron),
parmi lesquelles on distinguait les scuole minori et les scuole grandi, ces dernières
étant les plus importantes, les plus actives et les plus riches. L'importance
des scuole ne tenait pas seulement à leur rôle social, mais à la place qu'elles
occupaient dans l'activité artistique de Venise.
Chaque école était régie selon ses propres règles et par une église
paroissiale ou un couvent. Les scuole grandi étaient au nombre de 6. Toutes
furent fermées à la fin de la République par Napoléon Ier en 1806. La seule à
avoir été préservée fut la Scuola di San Rocco, tandis que la Scuola di San
Giovanni, la Scuola della Misericordia et la Scuola dei Carmini ne furent
reconstruites qu'au cours du XIXe siècle. En ce qui concerne les scuole minori,
toutes ont disparu. Elles réunissaient les différents métiers de la ville
(botteri ou tonneliers, curameni ou tanneurs, forneri ou boulangers, et
frutaroli ou vendeurs de fruits).
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Grands noms de la peinture
vénitienne
(par ordre alphabétique)
Gentile Bellini (vers
1429-1507). Gentile Bellini
travailla avec son père et subit l'influence d'Andrea Mantegna, son beau-frère.
Il exécuta sa première commande pour la basilique Saint-Marc de Venise. En
1471, il fonda un atelier avec son frère. Peintre de renom, il fut envoyé par
l'Etat vénitien à Constantinople, en 1479, à la demande du sultan Mehmet II,
qui souhaitait les services d'un portraitiste de talent. Bellini profita de son
séjour d'environ un an pour exécuter quelques-uns de ses plus beaux tableaux,
dont le fameux Portrait du sultan (National Gallery, Londres), ainsi qu'un
portrait à l'aquarelle d'un Jeune Scribe (Gardner Museum, Boston), oeuvre où
l'on peut lire une nette influence islamique. Bellini reste surtout célèbre
pour ses portraits des doges vénitiens, d'une perception psychologique aiguë,
et pour ses tableaux narratifs de grand format. La plupart de ces tableaux
furent détruits lors de l'incendie qui endommagea le palais des Doges en 1579 ;
seuls trois Miracles de la Croix (Accademia, Venise) ont survécu qui
constituent aujourd'hui un témoignage précieux sur la ville et ses habitants au
XVe siècle.
Giovanni Bellini (vers 1430-1516). Né à Venise, Giovanni Bellini a commencé sa
carrière comme assistant dans l'atelier de son père Jacopo, en compagnie de son
frère, Gentile Bellini. L'intérêt principal de Giovanni Bellini se concentre
avant tout sur le rapport entre la couleur et la lumière qu'il approfondit à
travers l'étude du paysage. Dans ce type de recherche, la connaissance de
l'oeuvre de Piero della Francesca sur la luminosité de l'espace aura une
importance considérable, tout comme celle d'Antonello da Messina, présent à
Venise vers 1471. Parmi ses chefs-d'oeuvre, citons La Sainte Conversation
(1505, San Zaccaria, Venise). Le Festin des dieux (1514, National Gallery,
Washington), qui aurait été achevé par Titien, montre que Bellini, vers la fin
de sa carrière, se tourna vers les sujets classiques et païens que l'on
appelait " champêtres " dans la Venise du début du XVIe siècle. De
son atelier sortirent deux des peintres les plus célèbres du Cinquecento,
Giorgione et Titien. A remarquer son utilisation des grands formats, les
teleri, qui remplacèrent les grandes fresques.
Canaletto (1697-1768). Giovanni Antonio Canal, dit Le Canaletto, fut
célèbre pour ses vues (vedute) de Venise. Il fut initié à la peinture et à la
perspective par son père, peintre de décors de théâtre. Ses principaux
commanditaires étaient des aristocrates anglais pour lesquels ses tableaux
étaient autant de souvenirs de la Venise qu'ils avaient admirée lors de leur
Grand Tour : le Grand Canal, le bassin de Saint-Marc, d'innombrables scènes de
régates et autres jeux d'eau, tels que l'anniversaire du mariage de Venise et
de la mer. Ses premières vedute vénitiennes datent du début des années 1720. En
1746, après que la guerre de Succession d'Autriche eut fortement tari le flot
des visiteurs anglais à Venise, Canaletto se rendit en Angleterre. Il y peignit
de nombreux paysages et maisons de campagne avant de revenir à Venise en 1755.
Canaletto fut élu à l'Académie de Venise en 1763, mais, durant les dernières
années, on lui reprocha de se répéter. Il eut néanmoins une grande influence
sur la peinture de paysages du XIXe siècle.
Vittore Carpaccio (vers
1460-1526). D'abord influencé
par Gentile et Giovanni Bellini, puis par Antonello da Messina et par la
peinture flamande, Carpaccio mena cependant une carrière à part. Il réalisa
quatre grands cycles de peintures qui ne cessent de questionner l'individu sur
la dimension céleste, sur la normalité et l'anormalité. Le premier cycle, La
Légende de sainte Ursule (1490-1495, Académie, Venise), considérée comme sa plus
belle oeuvre, impressionna par son caractère particulièrement original,
notamment dans le tableau Le Rêve de sainte Ursule.
Giorgione (vers 1478-1510). Il semble qu'il soit né à Castelfranco et
qu'il ait d'abord travaillé dans l'atelier de Giovanni Bellini. S'il ne reste
aucune toile datée et signée de sa main, quelques oeuvres comme le retable de
la cathédrale de Castelfranco (peu après 1504), Les Trois Philosophes
(Kunsthistorisches Museum, Vienne) et La Tempête (Accademia, Venise) lui sont
généralement attribuées.
Giotto di Bondone (1266-1337). Au XIIIe siècle, en Italie, après les
désastreuses invasions des siècles précédents, aucun artiste ne maîtrisait
l'art de la fresque. Au contact de la chaux, les couleurs subissaient des
altérations difficiles à prévoir. Cimabue en avait fait l'expérience en
réalisant le transept de l'église Saint-François à Assise. Le blanc d'argent
utilisé pour peindre les vêtements des saints avait viré au brun foncé au
contact de la chaux. C'est alors qu'apparurent les images fabriquées par des
moines grecs venus chercher refuge en Italie contre les persécutions des
iconoclastes ; elles s'inspiraient du style importé de Byzance : des madones
peintes en à-plat représentées assises, richement vêtues et tenant sur leurs
genoux le Christ glorieux. Les artistes concentraient toute leur attention sur
le personnage, ignorant la profondeur. Cet art ne disposait que de deux
éléments : la ligne et la couleur.
Vers 1300, de profonds changements se produisirent. Le peintre, sous
l'influence, d'une part, des grands courants franciscains vénérant la nature,
d'autre part, sous l'action de l'humanisme primitif, commença à regarder autour
de son modèle. Dans ce contexte se développa l'expérience de Giotto. Son grand
mérite fut de faire entrer la nature dans des oeuvres dont elle était exclue
depuis des siècles. Il remplaça les fonds d'or qui ornaient les tableaux de ses
prédécesseurs par des collines, des prairies. Il peignit ainsi en trois
dimensions Christ, vierges, saints et pécheurs, en proie à des émotions
naturelles. C'est cette nouvelle peinture que Giotto introduisit dans ses
fresques de la basilique d'Assisi, de la chapelle de Santa Croce de Florence et
de la chapelle degli Scrovegni de Padoue.
Giotto est né à Vespignano, près de Florence. Selon la légende,
Cimabue, dont Giotto fut l'élève, passant à côté du jeune garçon, le vit
dessiner un mouton de manière si ressemblante qu'il le prit aussitôt dans son
atelier. On raconte également que Giotto, dans sa jeunesse, peignit un jour
d'une manière si réaliste une mouche sur le nez d'un visage commencé par
Cimabue que le maître, se remettant à son travail, tenta à plusieurs reprises
de la chasser de la main avant de s'apercevoir de sa méprise. Dans son tableau,
Les Cinq Inventeurs de l'art renaissant, exposé au Louvre, Paolo Uccello se
représenta entouré de plusieurs célébrités de son temps : Giotto le maître de
la peinture, Donatello le maître de la sculpture, Gionnozzo Manetti, le savant
mathématicien, et Brunelleschi, l'architecte. Après Giotto, on assista à une
saine compétition entre Florence, Padoue, Sienne et Venise, dont émergèrent les
chefs-d'oeuvre des peintres du Quattrocento : Piero della Francesca et Raphaël
à Florence, Le Titien, Le Tintoret et Véronèse à Venise... Cimabue et Giotto
avaient ouvert la voie qui conduisit à cette extraordinaire floraison de génies
restée sans équivalent pendant des siècles.
Francesco Guardi (1712-1793). Francesco Guardi se forma auprès de son
frère Giovanni Antonio ; ensemble, ils furent à la tête d'un atelier renommé
qui produisit de nombreuses toiles destinées à des églises et à des palais de
Venise et de ses environs. Dans les années 1750, Francesco Guardi rencontra un
grand succès grâce à ses vedute, tableaux représentant les plus beaux lieux et
monuments de la cité des Doges. Il perpétua la minutie du rendu des
architectures commencée par son grand prédécesseur Canaletto, mais y
introduisit cependant une certaine fantaisie.
Parmi ses tableaux les plus célèbres figurent La Place Saint-Marc
décorée pour la fête de l'Ascension (vers 1775, collection Gulbenkian,
Lisbonne) et Le Couronnement du doge sur l'escalier des Géants au palais ducal
(musée du Louvre, Paris). Son traitement de la lumière, à laquelle il accorda
une vibration inédite, annonçait les préoccupations des peintres
impressionnistes.
Pietro Longhi (1702-1762). Chroniqueur attentif et amusé, parfois
ironique, voire fantaisiste, de Venise et de la vie quotidienne du peuple et de
l'aristocratie, Longhi insiste sur les détails et les couleurs. La peinture de
genre et la représentation de scènes de la vie vénitienne saisies avec un sens
aigu de l'observation et réalisées avec une ironie subtile sont très proches
des comédies de Goldoni.
Les oeuvres de Pietro Longhi ouvrent les portes des demeures
bourgeoises et décrivent les activités publiques et privées de l'aristocratie
vénitienne.
Lorenzo Lotto (vers 1480-1556). Artiste sensible, instable et inquiet, Lotto
demeura longtemps incompris. Il fut actif dans plusieurs autres villes que
Venise : à Rome (à partir de 1509), il participa à la décoration des
appartements de Jules II et à celle des Chambres (Stanze) du Vatican,
entreprise par Raphaël ; à Bergame (1513-1526), il réalisa des retables pour
les églises Saint-Etienne (1513 ; aujourd'hui à Saint-Barthélemy) et
Saint-Bernardin (1521). Ses oeuvres de jeunesse, notamment le Saint Jérôme dans
le désert (1505, Louvre, Paris), révèlent déjà, par leur inquiétude et leur
gamme chromatique froide, un certain éloignement par rapport aux coloris chauds
et à l'équilibre classique des oeuvres de Bellini ou de Giorgione.
Son originalité et son génie inventif se retrouvent dans L'Adoration
des bergers (pinacothèque Tosio-Martinengo, Brescia) et dans ses portraits
(Portrait de jeune homme, Académie, Venise).
Andrea Mantegna (1431-1506). Apprenti et fils adoptif de Francesco
Squarcione, il est l'un des plus illustres représentants de l'école padouane.
Dès 1449, on lui confie la décoration de la chapelle Ovetari dans l'église des
Eremitani de Padoue, travail qui l'occupe pendant sept ans (fresques de La Vie
de saint Jacques et de saint Christophe et de L'Ascension de la Vierge,
1448-1457, en partie détruites par les bombardements de 1944). Il épouse Niccolosa
Bellini, fille de Jacopo et soeur de Gentile et de Giovanni, la plus grande
famille de peintres vénitiens.
En 1457, il peint un tableau d'autel pour San Zeno de Vérone. Le
tableau sera emporté en France en 1797 (La Crucifixion est au Louvre, L'Agonie
au jardin des Oliviers et La Résurrection sont au musée de Tours), tandis que
les panneaux de côté resteront en place. Ce travail terminé, Mantegna est
invité par Ludovic III Gonzague à Mantoue, où il devient, en 1460, peintre
officiel, passant de la condition d'artisan à celle de courtisan (il reçoit un
salaire pour son talent indépendamment de ce qu'il réalise).
Vers 1465, Mantegna peint plusieurs toiles importantes, dont le Christ
mort (Milan, pinacothèque de Brera), à la perspective audacieuse et bouleversante,
et le Saint Sébastien (Louvre). La Camera degli Sposi (Chambre des Epoux),
qu'il décore au château de Mantoue de 1472 à 1474, est un chef-d'oeuvre
d'invention et d'illusionnisme. Pour la décoration du théâtre des Ducs, il
peint Le Triomphe de César (1480-1495, Hampton Court). Après quelques séjours
en Toscane, il passe la dernière période de sa vie au service d'Isabelle
d'Este, à Mantoue ; pour elle, il exécute la décoration du studiolo qui
comprend, entre autres, Le Parnasse (1497) et Le Combat des Vices et des Vertus
(1502). Egalement de la même époque, La Madone de la Victoire (1496, musée du
Louvre).
Pisanello (vers 1395-vers 1455). Antonio di Puccio Pisano, dit Pisanello,
peintre de Vérone, mort peu après le milieu du XVe siècle, est l'artiste
italien le plus admiré de son temps. Avant Michel-Ange et Raphaël, aucun
sculpteur ni aucun peintre ne connaît de son vivant une telle renommée. Il
réalise, pour l'église Sant'Anastasia, une fresque sur le thème de saint
Georges (Saint Georges délivrant la princesse, 1433-1438). Mais c'est surtout
comme médailleur, une production typique de la Renaissance, que Pisanello s'est
illustré.
Giambattista Tiepolo (1696-1770). C'est le plus grand peintre du XVIIIe
vénitien. Fils d'un capitaine de vaisseau aisé, il travaille à Venise pendant
une vingtaine d'années. Ses fresques qui allient somptuosité et théâtralité,
décorent de nombreuses églises et villas de la région.
Le Tintoret (1518-1594). Le Tintoret, de son vrai nom Jacopo Robusti,
fut surnommé il Tintoretto (le petit teinturier) en référence à la profession
de son père. Contrairement à la légende, il n'est pas prouvé qu'il ait été
l'élève du Titien. Il semble sûr en revanche qu'un fort esprit de compétition
ait animé les deux artistes. Compétition qui alla jusqu'à se transformer en
rivalité lorsque Le Tintoret rendit public son Miracle de l'esclave (Académie,
Venise), exécuté pour la Scuola de San Marco en 1548, qui, sous de multiples
aspects, contredisait l'enseignement du Titien. Le Tintoret vécut et travailla
exclusivement à Venise. La puissance de l'art du Tintoret trouva sa plus
vibrante expression dans le thème de la vision surnaturelle, telle que l'on
peut l'observer dans La Cène (1594, Saint-Georges-Majeur, Venise) et dans Les
Histoires de la passion, réalisées pour la Scuola di San Rocco, entre 1564 et
1587. Les épisodes évangéliques de saint Roch constituent la plus importante
entreprise de sa carrière et visent à démontrer la possible coïncidence entre
histoire et vision. Grand admirateur de Michel-Ange, Le Tintoret, aidé de ses
élèves, exécuta un autre cycle de peintures pour le palais des Doges,
comprenant le remarquable Paradis (1588-1590), dont le musée du Louvre conserve
un intéressant croquis.
Titien (vers 1490-1576). Titien (en italien Tiziano Vecellio) est né
à Pieve di Cadore, au nord de Venise, vers 1490. A Venise, il étudia auprès de
Giovanni Bellini. En 1511, Titien réalisa les trois fresques de l'histoire de
saint Antoine, pour la Scuola del Santo de Padoue. L'Amour sacré et L'Amour profane
(vers 1515, galerie Borghese, Rome) conclut une période de recherches
plastiques. L'évolution des thèmes iconographiques franchit une nouvelle étape
dans les trois bacchanales que Titien peignit pour une chambre du palais du duc
Alfonso d'Este à Ferrara, entre 1518 et 1522 (Offrande à Vénus et La
Bacchanale, tous deux au Prado à Madrid et Bacchus et Ariane, aujourd'hui à la
National Gallery, Londres). Ces tableaux prennent leur source dans la
littérature latine, dans les figures d'anciennes sculptures retravaillées et
dans la " peinture plastique " de Michel-Ange. Dans le domaine de
l'iconographie religieuse, le travail du Titien connut des aspects semblables
avec l'Assomption de la Vierge (1516-1518), sur le haut retable de Santa Maria
dei Frari à Venise. Son dévoilement, en 1518, fit sensation. Dans un autre
tableau destiné à cette église, la Pala Pesaro (1519-1526), Titien effectua un
changement important dans l'iconographie des sacre conversazioni de la
Renaissance (peinture de la Vierge sur un trône entourée de saints) en plaçant
la Vierge, traditionnellement au centre de la composition, à mi-chemin de la
partie droite et en peignant deux colonnes géantes derrière elle qui se
succèdent selon une ligne diagonale et dont les fûts s'élancent en dehors de
l'espace de l'image. Ce nouveau schéma a été largement adopté par les artistes
ultérieurs, tels que Paolo Véronèse ou les Carrache. En 1516, Titien fut nommé
peintre officiel de la république de Venise. Il travailla ensuite pour les
cours de Ferrare et de Mantoue. Dans les années 1530 et 1540, il commença à
peindre des portraits de l'empereur Charles V et du pape Paul III. Sur
l'invitation du pape, il visita Rome où il rencontra Michel-Ange. Il travailla
à la cour de l'empereur du Saint Empire romain germanique, Charles V, à
Augsbourg, en 1548 et 1550. A la suite de cette période passée dans les
différentes cours, Titien reçut de nombreuses commandes de portraits officiels.
Les arrière-plans à l'atmosphère neutre des premiers portraits furent
remplacés par des éléments disposés parcimonieusement, comme une colonne, un
rideau ou une vue de paysage. Ces éléments, et la façon dont Titien les
organisait dans l'espace, sont restés des modèles de l'art du portrait formel
jusqu'au XXe siècle. Après 1550, lorsque Titien retourna à Venise, son style
évolua encore. Sa palette s'assombrit, mais resta luminescente, avec une
dominante des blancs, des ocres et des rouges, et avec des contrastes marqués
entre zones d'ombre et de lumière.
Parmi les oeuvres de cette époque, il faut citer sa stupéfiante
Annonciation (1560-1565, San Salvatore, Venise). Ce dernier style, phénomène
étonnant dans le contexte de l'art de la Renaissance, s'exprima pour la toute
dernière fois dans une pietà que le peintre réalisa pour sa propre chapelle
funéraire ; l'oeuvre resta inachevée à sa mort (Venise, 1576) et se trouve
aujourd'hui à l'Académie de Venise. L'art du Titien eut une influence
considérable sur l'évolution de la peinture, jusqu'au XIXe siècle compris, et
ce quelles que soient les écoles considérées.
Paolo Véronèse (1528-1588). De son vrai nom Paolo Caliari, il fut
surnommé le Véronais, en référence à sa ville d'origine. Véronèse travailla à
des commandes officielles de la république de Venise pour le palais des Doges.
La qualité de ses commanditaires lui valut de nombreuses commandes
d'aristocrates vénitiens de la " terre ferme " et en particulier de
la Brenta. En effet, son penchant à mettre en scène les idéaux d'harmonie
sociale de cette société lui permit d'être considéré comme un peintre de
représentation soumettant l'iconographie de ses toiles à la disposition
idéologique de ses commanditaires. La peinture de Véronèse crée des images, le
rêve d'une situation, des représentations de scènes allégoriques incarnées,
comme dans Les Noces de Cana (1562-1563, musée du Louvre, Paris). Véronèse
travailla aussi beaucoup pour le théâtre (décors, costumes, etc.) et cet
intérêt ne joua certes pas un rôle mineur dans son oeuvre. Contrairement à la
peinture du Titien, son travail sur la lumière est le résultat d'une pratique
intuitive des couleurs complémentaires qui sera théorisée trois siècles plus
tard. Les fresques de la villa Barbaro à Maser (1560-1562), un de ses rares
cycles décoratifs qui furent conservés, mettent en évidence une recherche sur
la perception de l'espace pictural confronté à l'espace architectural.
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Sculpture
La beauté de la sculpture vénitienne se reflète essentiellement dans
les façades sculptées des riches demeures construites entre les XIVe et XVIIIe
siècles dans toutes la région. L'habileté d'Antonio Canova parviendra à
exporter la sculpture vénitienne au XIXe siècle dans l'Europe entière.
Le Trecento. Le lombard Benedetto Antelami influence les sculpteurs de
Saint-Marc, tandis que l'activité des maîtres campionesi à Vérone et des
maîtres toscans à Padoue et à Venise contribue à former une école vénitienne
dont les principaux représentants sont les frères Dalle Masegne. Vérone a gardé
plusieurs exemples de la sculpture du XIVe siècle : le San Pietro de l'église
San Stefano, les splendides Arche Scaligere avec les statues de Cangrande et de
Mastino II, le monument Serego dans l'église Sant'Anastasia (oeuvre du
sculpteur Lamberti), le monument Brenzoni à San Fermo.
Donatello (1386-1466). L'activité de Donatello fut en grande partie
liée aux travaux destinés à la cathédrale et à Orsammichele de Florence.
Cependant, il laissa à Padoue l'une des plus belles statues équestres de la
Renaissance. Donatello se trouvait en ville entre 1443 et 1453 il composa, sur
le type équestre du Marc Aurèle romain, la première oeuvre monumentale de
l'époque, le monument du Gattamelata, qui est, avec le Colleoni de Venise,
signé de Verrocchio, l'un des plus beaux modèles du genre.
Pietro Lombardo (1435-1515) et ses fils. Pietro Lombardo fut le chef de
file de la sculpture vénitienne à la fin du XVe siècle. Architecte et sculpteur
comme Rizzo, il a fait évoluer la sculpture funéraire en travaillant avec ses
deux fils, Antonio et Tulio. Il a signé notamment le tombeau du doge Pietro Mocenigo et l'église Santa Maria
dei Miracoli (1481-1489), à la façade multicolore plaquée de panneaux
décoratifs.
Antonio Canova (1757-1822). Fils d'un tailleur de pierre, Canova dut,
très jeune, travailler auprès de son père. Quelques années plus tard,
bénéficiant du soutien d'un sénateur vénitien, il devint apprenti dans
différents ateliers à Bassano et à Venise. Il y acquit une technique
éblouissante, remarquée dès l'une de ses premières oeuvres : Vénus et satyre
(1785-1790, Possagno, Gipsoteca Canoviana). La grâce de la composition et la
pureté des formes compensent les citations trop explicites de l'Antiquité
(néoclassicisme) et l'absence de chaleur et de vie de ses réalisations. Vers
1880, Canova s'installa à Rome où il réalisa plusieurs sculptures, dont Les
Grâces (1812-1816), et des monuments, dont Le mausolée de Clément XIV
(1784-1787) de Saint-Pierre de Rome. Sa célébrité ayant largement dépassé les
frontières de son pays, le sculpteur entreprit de nombreux voyages à travers
l'Europe pour répondre aux demandes des différentes cours. A deux reprises, il
vint à Paris. En 1803, il réalisa Le buste de Bonaparte, Premier consul
(Florence, galerie d'Art moderne), et, en 1811, Napoléon tenant la Victoire
(Milan, pinacothèque de Brera). L'Empereur refusa cette statue colossale où
l'artiste l'avait représenté entièrement nu, tenant à la main une statuette de
la Victoire. De la soeur de l'Empereur, Pauline Borghèse, dont on suppose qu'il
fut l'amant, il fit un portrait universellement admiré sous le titre de Vénus
victorieuse, entre 1804 et 1808. Son troisième voyage à Paris, en 1815, n'avait
plus rien à voir avec une quelconque commande puisqu'il venait pour réclamer
les objets d'art enlevés par Napoléon dans les Etats du pape. Pour ses oeuvres
et pour ses services, il obtint à son retour en Italie un titre nobiliaire et
fut comblé de richesses et d'honneurs.
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