Renaissance
Mouvement de rénovation culturelle et artistique qui prit sa source en Italie au xve s. et se répandit dans toute l'Europe au xvie s.
BEAUX-ARTS
1. DÉFINITION
Le terme de Renaissance est l'équivalent français de l'italien rinascimento, ou rinascita : le renouveau des arts européens, lequel prend sa source, au xve s., en Italie, où il est associé à la redécouverte de la littérature, de la philosophie et des sciences de l'Antiquité ainsi qu'à l'évolution des méthodes empiriques utilisées pour l'étude de ces disciplines (voir aussi : Renaissance [musique]).
1.1. ÉVOLUTION DU CONCEPT
Apparu en 1568, dans la seconde édition des célèbres Vite de Vasari, le terme Rinascita traduit un état d'esprit qui remonte au siècle précédent, mais qui s'est durci (→ humanisme). Vasari condamne avec véhémence « le style trouvé par les Goths, qui ruinèrent les édifices antiques », « ces travaux qu'on appelle tudesques […], que les grands maîtres évitent comme monstrueux, barbares, et ne répondant plus à aucun ordre » : « Renaissance » s'opposera désormais à « Moyen Âge ».
1.2. LE XIXe S.
Plus tard, Jacob Burckhardt (1818-1897) et Taine nourrissent le concept individualiste de l'artiste renaissant d'un abondant terreau de faits sociaux et de portraits.
À la fin du xixe s., une certaine image de la Renaissance paraît définitive : elle n'est pas remise en question par ceux-là même qui la détestent, un Ruskin pleurant la « naïveté » perdue des « Primitifs », Louis Courajod (1841-1896) dénonçant l'assassinat d'un art gothique en pleine vitalité.
Son déroulement historique, tel que le présente par exemple Eugène Müntz (1845-1902), ne laisse place à aucun doute. Les arts atteignent leur apogée au début du xvie s., dans la Rome de Jules II et de Léon X, foyer de cette « Haute Renaissance » (terme préféré des historiens allemands) dont Raphaël, génie « classique » par excellence, apporte l'expression la plus parfaite. Une lente ascension, qui commence avec Giotto, l'a préparée pendant deux cents ans ; un brusque déclin la suit très vite – dès le deuxième tiers du xvie s., alors que la Renaissance conquiert l'Europe –, lorsque les élèves de Michel-Ange, ne sachant comment lutter avec leurs aînés, s'éloignent de la nature pour sombrer dans la virtuosité creuse, l'emphase et la bizarrerie. Cette confuse décadence se poursuit jusqu'aux dernières années du siècle, où surgissent deux pôles nouveaux : en face du naturalisme brutal du Caravage, les Carrache sont les initiateurs de ce retour à Raphaël qui définira le classicisme du xviie s.
1.3. LE XXe S.
Les perspectives sont moins transparentes pour les historiens actuels. Dès la fin du xixe s., les réactions de Courajod, malgré leur nationalisme souvent puéril, avaient utilement rappelé que durant une grande partie du xvie s. deux arts, gothique et Renaissance, avaient coexisté en Europe. Au début du xxe s., de Adolfo Venturi (1856-1941) à Bernard Berenson (1865-1959), une étude approfondie du quattrocento, mettant l'accent sur les recherches spatiales et « tactiles » des Florentins, les situait non plus comme des précurseurs, mais comme des « renaissants » à part entière. Mais c'est depuis les dernières décennies que les études iconologiques d'un Erwin Panofsky, autant que l'exploration par les historiens italiens comme G. Briganti de ce maniérisme décrié, ont non seulement modifié les jugements de valeur, mais mis en cause la conception même de la Renaissance en tant que cycle historique : celui-ci s'allonge ou se rétrécit, au départ ou à l'arrivée, au gré de ses historiens.
1.4. CADRE CHRONOLOGIQUE
D'une part, la coupure entre Moyen Âge et Renaissance est apparue à certains comme illusoire, à mesure que se multipliaient les « ponts » entre historiens de l'art, des lettres et de la pensée. On a mis l'accent sur les multiples « renaissances » de l'antique qui précédèrent la Renaissance (renaissance carolingienne au ixe s., renaissance ottonienne au xe s., …). C'est par des transitions à peine sensibles – mis à part une Italie réfractaire à l'architecture gothique et plus familière avec la tradition romaine – que chemine une « prérenaissance » qui remonterait au moins au xiie s.
Où commence la Renaissance ?…
Mais où finit-elle ? Beaucoup plus tôt peut-être qu'on ne l'admettait jadis. La réhabilitation du baroque, comme expression des civilisations monarchiques et de la Contre-Réforme, a rejailli sur ses préludes et sur ses sources. Le maniérisme apparaît comme un art non plus de décadence, mais de crise et de renouvellement, reflet de la crise politique et spirituelle où la Réforme a jeté l'Europe. Plus d'un historien clôt la Renaissance en 1527 avec le sac de Rome par les Impériaux : un cycle « maniériste », remplissant les deux derniers tiers du siècle, s'intercalerait entre « Renaissance » et « baroque ».
1.5. PROBLÉMATIQUES
Faut-il adopter ces positions extrêmes ? Beaucoup en doutent, compte tenu de deux éléments qui sont déterminants pour tracer le cadre historique de la Renaissance : son contenu spirituel, sa diffusion géographique.
Il subsiste en effet une différence essentielle entre « Renaissance et renaissances » (titre d'un ouvrage de Panofsky), entre le quattrocento et ce qui l'a précédé. Le retour aux sources antiques ne se traduit plus par la présence isolée de sirènes ou de centaures, par l'imitation de statues, de colonnes et de chapiteaux : c'est un système cohérent d'architecture et de décoration – plans et couvertures, systèmes d'ordres, tracés modulaires –, un répertoire nouveau de thèmes mythologiques et allégoriques, où le nu trouve une place importante. C'est aussi un ensemble d'aspirations esthétiques – traduire parfaitement l'espace et le relief, respecter les canons et l'esprit de l'art gréco-romain –, scientifiques – le « décloisonnement » (Panofsky) entre les arts, les techniques, la pensée –, mais aussi éthiques : exaltation de l'intelligence, de l'individualité, du héros, qui se superpose – sans prétendre les détruire – aux valeurs chrétiennes d'ascétisme, de charité, d'humilité. Or, c'est à Florence, dès la première moitié du xve s., que se conjuguent tous ces éléments ; et les Florentins en ont pleinement conscience, témoin la dédicace d'Alberti à Brunelleschi, en lui offrant son traité Della pittura (1436) : « … Pour les Anciens qui avaient des exemples à imiter et des préceptes à suivre, atteindre dans les arts suprêmes les connaissances qui exigent de nous tant d'efforts aujourd'hui était sans doute moins difficile. Et notre gloire, j'avoue, ne peut être que plus grande, nous qui, sans précepteurs et sans exemples, avons créé des arts et des sciences jamais vus ni entendus. »
Quant au maniérisme – déviation décadente ou amorce de renouveau –, ce serait une erreur d'en faire une phase autonome de la création artistique : ainsi, on peut à peine parler d'une architecture « maniériste », et l'avènement du maniérisme dans la peinture italienne coïncide avec une diffusion européenne de la Renaissance qui n'a pas lieu partout au même rythme. Encore limitée et superficielle dans les pays du Nord, elle atteint vers 1540, en France et dans la péninsule Ibérique, une sorte de phase « classique », où des artistes nationaux s'efforcent, par-delà l'Italie, de renouer directement avec l'antique. S'ils adoptent une plastique en partie maniériste (ainsi Jean Goujon en France), ils l'incorporent à des programmes que domine le souci d'équilibre et d'harmonie. Il serait donc illogique d'amputer la Renaissance de cette période où elle atteint sa pleine expansion.
1.6. LES GRANDES ÉTAPES
C'est pourquoi, dans un exposé sommaire qui veut seulement esquisser le rythme et le cheminement européens de la Renaissance, il semble légitime de distinguer quatre périodes, ou « saisons », d'inégale durée.
L'une, véritable « printemps », irait de 1420 à 1494, date où l'arrivée des Français bouleverse l'équilibre italien ; purement florentine d'abord, la Renaissance gagne rapidement toute l'Italie.
Dans la deuxième, maturité glorieuse et brève, Rome recueille le flambeau de Florence jusqu'à la dispersion des artistes qui suit le pillage de 1527, tandis que les aristocrates de France se prennent aux charmes des décors nouveaux et que l'italianisme pénètre chez les peintres flamands et allemands.
Avec le deuxième tiers du siècle s'ouvre une nouvelle phase : crise européenne de la Réforme, crise péninsulaire où Venise conserve seule la pleine indépendance, crise maniériste dans les nouvelles cours italiennes, mais aussi maturation de la Renaissance en Europe, Fontainebleau devenant pour les hommes du Nord son foyer nouveau.
Après 1560, les guerres religieuses des Flandres et de France et la conclusion du concile de Trente donnent au maniérisme des aspects nouveaux et portent au premier plan la réforme de l'art religieux, avec une note de ce purisme austère dont l'Escorial est le symbole : « hiver » qui prépare un renouveau ; 1598, avec la mort de Philippe II d'Espagne et la paix religieuse, avec le triomphe du Caravage à Rome, marque la frontière entre la Renaissance et l'âge baroque.
2. LE QUATTROCENTO
La primauté de Florence dans cette première phase est aussi éclatante qu'incontestée, ses artistes étant réclamés dans toute l'Italie et des sculpteurs comme Donatello et Verrocchio, des peintres comme Fra Angelico et Botticelli ayant exécuté des œuvres maîtresses hors de Florence. Mais, si le rayonnement est constant, les grandes expériences créatrices remontent à la première moitié du siècle.
2.1. CONTEXTE GÉNÉRAL
Favorisée par la prospérité industrielle et bancaire, par le mécénat d'une aristocratie marchande voyageuse pour raisons d'affaires et ouverte à tous les courants européens, par l'émulation des métiers dans l'embellissement de la ville et des sanctuaires, Florence bénéficie depuis un siècle d'une double continuité : la tradition de Giotto, qui maintient le prestige d'une école de fresquistes rivale de Sienne – bien que sclérosée –, la grande entreprise de la cathédrale Santa Maria del Fiore, commencée en 1296, avec les commandes et concours pour son achèvement, qui contribuent à l'éclat plus vif de la sculpture.
2.2. LES FONDATEURS
Entre 1420 et 1430 intervient la conjonction imprévisible de trois génies, liés d'amitié, familiers avec les monuments antiques qu'ils ont étudiés à Rome et qui donnent le « coup d'envoi » à la Renaissance : un architecte, Brunelleschi ; un sculpteur, Donatello ; un peintre, Masaccio.
BRUNELLESCHI
Vainqueur du concours de 1418 pour la coupole de la cathédrale, fait figure très vite de chef d'école. Jusqu'à sa mort, en artiste intuitif plus qu'en théoricien, il multiplie les innovations, remplaçant l'arc brisé par des arcades portées sur des colonnes à chapiteaux corinthiens, reprenant la formule des basiliques paléochrétiennes à trois nefs plafonnées séparées par des files de colonnes (San Lorenzo, Santo Spirito) ou adoptant le plan centré et la coupole (chapelle des Pazzi). Ses successeurs, Michelozzo, Rossellino, etc., développeront ses recherches en les adaptant particulièrement aux palais et aux villas.
DONATELLO
Donatello, observateur passionné de la nature, que son tempérament fougueux, sa manière « abrégée » opposent à ses brillants émules – à la technique serrée d'orfèvre de Ghiberti, à la grâce souple de Luca Della Robbia –, emprunte à l'Antiquité un répertoire neuf : éphèbes nus (David), bas-reliefs de putti bondissants, statues équestres de héros (Gattamelata de Padoue). Avec ses disciples, les tabernacles à frontons, les tombeaux « triomphants » sous une arcade, de plus en plus dépourvus de références chrétiennes, envahiront les églises florentines.
MASACCIO
Masaccio, qui, lui, meurt avant la trentaine, apporte un choc encore plus décisif à des contemporains hésitant entre les conventions giottesques et les raffinements précieux du gothique de cour. Sa seule grande œuvre, la chapelle Brancacci au Carmine, leur découvre un style épique, ample et puissant, où la noblesse simple des draperies du Christ et des disciples comme les nudités pathétiques d'Adam et Ève montrent l'assimilation parfaite de l'antique, où la lumière frisante accuse la construction robuste et le relief des groupes disposés en profondeur. Tous les contemporains et cadets de Masaccio, voire des aînés comme Masolino, reçoivent l'empreinte de son génie : elle apparaît même chez des peintres plus épris d'agréments narratifs, de couleurs fraîches et d'arabesques raffinées dans la tradition des enlumineurs, comme Fra Angelico ou Filippo Lippi, auxquels Masaccio enseigne la large distribution des figures dans l'espace ; à plus forte raison chez ces constructeurs obsédés par la géométrie et la perspective, et plus soucieux de vigueur que de grâce, que sont Uccello, Domenico Veneziano et Andrea del Castagno. Piero della Francesca, héritier de ce courant héroïque et monumental, apporte en plus, dans ses fresques de San Francesco d'Arezzo (Légende de la Vraie Croix) un raffinement sobre de couleur et d'éclairage, un charme grave, tantôt rustique, tantôt féminin et courtois, qui restent uniques et marquent sans doute l'apogée pictural du quattrocento.
2.3. L’ŒUVRE D’ALBERTI
Au milieu du siècle, Florence trouve un commentateur de ses acquisitions et de ses aspirations avec Leon Battista Alberti, bien que celui-ci, né d'une famille patricienne en exil, ait moins vécu à Florence qu'à Venise ou à Rome. Homme universel, philosophe et savant, curieux de toutes les techniques, il est à la fois un grand architecte qui va plus loin que Brunelleschi dans le recours à l'antique – avec la recherche des effets de masse, les motifs d'arcs triomphaux et de niches qui créent de puissants contrastes d'ombre et de lumière (Sant'Andrea de Mantoue) – et le premier théoricien des arts : de tous les arts, mais d'abord de celui qui désormais commande les autres, l'architecture (De re ædificatoria, 1452), sous le signe de la raison et de la proportion idéale, et d'un urbanisme à l'échelle humaine qui nous paraît singulièrement actuel.
2.4. LAURENT DE MÉDICIS
Le dernier tiers du siècle bénéficie d'une auréole quelque peu fallacieuse : avec Laurent de Médicis, prince sans couronne qui règne un quart de siècle sur Florence, humaniste, poète, collectionneur, le platonisme de l'Académie qu'il a fondée – et que dominent Marsile Ficin pour la pensée, Ange Politien pour la forme poétique – achève de « décloisonner » les artistes. Allégorie, mythologie, nudités aux lignes sinueuses envahissent leur répertoire, même à l'église ; le Printemps ou la Naissance de Vénus de Botticelli, peintre préféré de Laurent, représentent à merveille cette grâce de cour un peu sophistiquée. Mais, si d'autres nouveautés sont significatives – les villas de la campagne florentine décorées de fresques à l'antique, comme celle que Giuliano da Sangallo construit pour Laurent (Poggio a Caiano) –, si le style d'orfèvre, tranchant et précis, que pratiquent des peintres-sculpteurs comme Verrocchio ou les Pollaiolo atteste leur virtuosité, si le paysage et le portrait prennent une place nouvelle dans la peinture florentine. Gozzoli, Ghirlandaio, Filippino Lippi demeurent dans le même temps des narrateurs féconds et populaires.
2.5. LES GRANDS FOYERS RÉGIONAUX
En revanche, les conquêtes florentines, répandues dans toute l'Italie, provoquent la naissance de foyers régionaux multiples, qui acquièrent dans la seconde moitié du siècle une personnalité propre et souvent un vif éclat.
ITALIE DU SUD ET SICILE
L'Italie du Sud et la Sicile ne jouent qu'un rôle secondaire dans la marche de la Renaissance – quelles que soient la valeur précoce de l'arc triomphal élevé à Naples en l'honneur du conquérant aragonais (1454) et la qualité d'un peintre nomade comme Antonello da Messina, qui diffuse en Italie la technique à l'huile des Flamands : l'heure de ce royaume ne sonnera qu'avec le baroque.
ROME
Au contraire, Rome, après le lamentable déclin qui suivit l'exode papal à Avignon et le Grand Schisme, connaît un réveil brillant, grâce à des papes humanistes comme Nicolas V et Pie II. Un double effort se poursuit : « reconquête » urbaine par le dégagement des ruines antiques, la création de voies nouvelles reliant le centre (où s'élèvent des constructions majestueuses comme le Palais de Venise) aux palais du Latran et du Vatican ; décoration des appartements pontificaux et des chapelles vaticanes avec le concours des meilleurs peintres de Toscane ou d'Ombrie – de Fra Angelico pour la chapelle de Nicolas V (vers 1447) à Botticelli, Ghirlandaio, Signorelli, Pérugin pour celle de Sixte IV (1481-1483) et au Pinturicchio pour les appartements d'Alexandre VI Borgia (1491-1494).
ITALIE DE L’EST ET DU NORD
Dans l'Est et le Nord, le fait significatif est la multiplicité des foyers d'art suscités par des « tyrans » mécènes, émules des Médicis.
Rimini
Sigismondo Malatesta, qui fait appel à Alberti pour transformer le couvent de San Francesco en sanctuaire funéraire de sa maîtresse Isotta, avec un ample programme d'allégories plus profanes que sacrées.
Ferrare
À Ferrare, alors très prospère sous la famille d'Este, le marquis humaniste Leonello appelle le grand médailleur et peintre toscan Pisanello ainsi que le prince des maîtres flamands, Van der Weyden, dont l'art influence les décorateurs du palais Schifanoia, au réalisme savoureux, parfois âpre et tendu, Cosme Tura et Francesco del Cossa.
Mantoue
La dynastie des Gonzague s'attache à partir de 1460 un des plus grands noms du quattrocento, Andrea Mantegna, peintre également dominateur par la vigueur de ses reliefs, sa frénésie archéologique, l'éclat froid de sa couleur, qui fait revivre la cour des Gonzague dans le décor de leur Camera degli Sposi (1474).
URBINO ET MILAN : DEUX CENTRES MAJEURS
Urbino
La ville devient un centre d'art raffiné sous Federico da Montefeltro, modèle du prince humain et humaniste tel que le célèbre, le fameux Cortegiano de Baldassare Castiglione. Son château, transformé par l'architecte dalmate Luciano Laurana, devient un des plus nobles palais de la Renaissance ; il fait appel à Piero della Francesca comme portraitiste ; et son studiolo, avec un admirable ensemble de tarsia (décor de marqueterie à effets de perspective géométrique) évoquant les instruments du savoir, avec les portraits peints de sages et de poètes de tous les temps, est un des hauts lieux du quattrocento : c'est dans ce milieu que naîtront et se formeront Bramante et Raphaël.
Milan
Milan devient sous les Sforza un lieu d'accueil privilégié pour des artistes humanistes et savants : les Florentins Filarete, architecte et théoricien hardi avec son grandiose Ospedale Maggiore cruciforme, et Léonard de Vinci, qui y peint sa fameuse Cène ; l'Urbinate Bramante, qui prélude avec la coupole de Santa Maria delle Grazie à ses grandes créations romaines. Mais le goût lombard révèle une note distincte : Milan poursuit l'œuvre gothique de sa cathédrale, et l'architecte Giovanni Antonio Amadeo apporte dans ses créations (chartreuse de Pavie, chapelle Colleoni à Bergame) un jaillissement d'invention ornementale, une surcharge tumultueuse bien éloignés de la pureté florentine et qui, par cela même, feront la conquête des néophytes étrangers.
VENISE
Le cas de la grande république maritime et marchande, Venise, est à certains égards comparable. Longtemps à part, marquée par ses contacts avec le monde byzantin, elle devient au xve s. une puissance italienne par la conquête de la « terre ferme », avec Padoue, l'antique cité universitaire, et le Frioul : d'où des contacts multipliés, tant avec l'Allemagne gothique qu'avec le reste de l'Italie ; d'où l'appel à des peintres « avancés » comme Andrea del Castagno ou Mantegna, à Verrocchio pour la statue de Colleoni. Mais Venise garde sa personnalité propre, gothique et orientale, pacifique, somptueuse et raffinée, avec le déploiement le long des canaux de ces palais dont les loggias et les multiples fenêtres à colonnettes s'opposent aux façades rébarbatives des palais florentins. De même dans la peinture, qui se dégage tardivement du byzantinisme, mettant les recherches florentines de perspective au service d'un goût narratif et paysagiste : des maîtres comme Gentile Bellini et Carpaccio sont essentiellement des chroniqueurs de la vie vénitienne, de processions et de cortèges dans un féerique décor d'architecture et d'eau. C'est seulement à l'extrême fin du siècle que Giovanni Bellini, dans ses grands retables (Vierges trônant entourées de saints), dans quelques allégories profanes, atteste une science de la composition et de la perspective jointe à la couleur chaude et à l'opulente sérénité qui vont devenir la marque propre de Venise.
3. LA HAUTE RENAISSANCE
Ce terme, cher aux historiens allemands pour désigner l'art italien dans le premier quart du xvie s., est pris dans un sens « hiérarchique » et non chronologique. Il est parfaitement admissible pour désigner un « âge d'or », un bref moment d'équilibre, de plénitude heureuse, mais à condition de le concevoir comme la suite logique et le couronnement du quattrocento florentin.
La polyvalence de ses plus grands maîtres, Léonard de Vinci, Raphaël, avides d'explorer toutes les voies de la connaissance, persuadés de la haute dignité et de la liberté de l'artiste créateur ; leur familiarité avec le monde antique grâce aux progrès de l'archéologie et à la multiplicité des traductions ; leur universalisme, avec le souci de réconcilier paganisme et christianisme dans leurs expressions les plus hautes – ce sont là les aspirations florentines qui se réalisent, même si Florence a perdu sa primauté.
Il est juste de saluer Alberti comme une « première version » de Léonard. Celui-ci, quel que soit son apport incontestable comme peintre – avec la magistrale aisance de composition et la subtilité psychologique que traduit la Cène, avec le charme de ses figures énigmatiques, volontiers androgynes, dans des paysages que la technique du « sfumato » baigne de mystère –, est beaucoup plus grand à nos yeux comme scrutateur de l'univers, dont les prodigieux dessins des Carnets illustrent la curiosité divinatrice. Mais ce Florentin nomade et inquiet n'a jamais trouvé un espace à sa mesure, sauf pendant quelques années milanaises.
3.1. ROME
Les grands réalisateurs sont ceux qui travaillent pour Jules II et Léon X, les rénovateurs de Saint-Pierre et du Vatican, tandis que Florence se relève lentement de la crise qui suit la mort de Laurent de Médicis et que se déchaîne en 1494 la prédication de Savonarole : le trouble des âmes s'y reflète avec une note parfois tragique chez Botticelli dans sa dernière Adoration des Mages et son illustration de Dante, chez Signorelli, âpre précurseur de Michel-Ange, dans ses fresques d'Orvieto.
À Rome, deux papes mécènes – l'un tyrannique, l'autre charmeur – donnent sa chance à la trilogie majeure dont les créations frappent d'emblée l'Europe et lui montrent à la fois les trois visages de la Renaissance, l'intellectuel, le dionysiaque, l'apollinien.
BRAMANTE
Parmi l'équipe de grands architectes – Antonio da Sangallo le Jeune, Peruzzi et même Raphaël – qui vont renouveler le visage de Rome, Bramante incarne la rigueur, la volonté de pureté à la fois antiquisante et mathématique qui s'exprime notamment par l'obsession des plans circulaires ou en croix grecque, du « tempietto » de San Pietro in Montorio à la coupole du nouveau Saint-Pierre.
MICHEL-ANGE
Irascible adversaire de Bramante, Michel-Ange, fait éclater dès 1505 sa « terribilità », son génie de sculpteur épris de formes colossales et tourmentées dans ses premières pensées pour le tombeau de Jules II – avant l'immense recréation de l'univers qu'est le plafond peint de la Sixtine (terminé en 1512) et la méditation plus stoïque que chrétienne sur la vie et la mort, l'action et la contemplation qu'est la chapelle funéraire des Médicis, commandée par Léon X à Florence.
RAPHAËL
C'est le génie heureux de Raphaël – le peintre des madones, mais plus encore celui des stanze du Vatican (1508-1517) – qui aura la plus forte répercussion européenne (en partie à travers les gravures de Marcantonio Ramondi) par l'aisance souveraine de ses compositions, leur idéalisme serein, la synthèse rêvée entre le monde de l'École d'Athènes et celui de la Dispute du saint sacrement. Et même si notre temps préfère les portraits, la volupté grave du Triomphe de Galatée ou les bucoliques des loggie, il ne conteste pas la suprématie d'un génie entre tous spontané et lumineux.
3.2. ITALIE DU NORD
Un jaillissement, un bonheur de création presque égal apparaît au même moment dans l'Italie du Nord, où la peinture s'épanouit, à Venise et à Parme, dans un climat différent, essentiellement « luministe » et coloriste.
GIORGIONE
L'apparition, fulgurante et brève, de Giorgione marque Venise pour tout le siècle, avec l'opulence des formes nues baignant dans une lumière humide et dorée (le Concert champêtre), les paysages préalpestres ruisselant de verdure et d'eaux devant un horizon de montagnes bleues, avec un sentiment neuf du mystère de la nature et de la fugacité de l'instant (la Tempête). Après sa mort prématurée, Titien, son collaborateur, venu comme lui de la « terre ferme », recueille son héritage.
TITIEN
En peu d'années, Titien conquiert la gloire. Il la doit à l'éclat chaud de sa couleur comme à l'harmonie des ordonnances, à la beauté blonde des courtisanes vénitiennes transmuées en déesses (cycle mythologique peint dès 1523 pour le duc de Ferrare) : c'est le début d'une longue royauté.
LE CORRÈGE
Cependant, tandis que la Lombardie recueille la tradition léonardesque avec plus de suavité (Bernardino Luini), un isolé, le Corrège, apporte à Parme une note personnelle : son clair-obscur chatoyant, fluide et vaporeux – aussi bien dans les grandes décorations que dans les figures féminines, madones ou représentations de sainte Catherine, Léda ou Danaé, presque égales en langueur voluptueuse – est à l'origine d'un courant durable dans la peinture européenne.
3.3. DIFFUSION EN EUROPE
Cette période exceptionnelle est aussi celle où l'Europe est conquise par la Renaissance. Jusqu'alors, l'italianisme n'avait pénétré en d'autres pays que par des décors figurés sur des peintures et des miniatures (Fouquet), à la rigueur par des tombeaux commandés en Italie ou par des sculptures dues à des Italiens de passage (Francesco Laurana à la cour d'Aix-en-Provence, pour le roi René d'Anjou). Mais, à la suite des expéditions françaises à Naples et dans le Milanais, à partir de 1494, les luttes confuses qui opposent Français et Espagnols vont mettre en contact avec l'Italie une élite de grands seigneurs et de prélats qui s'émerveillent des palais, des villas, des jardins riches de statues et de fontaines, et s'efforcent de les transplanter dans leur pays. Cet italianisme ne pénètre d'abord que très superficiellement : il se limite à un placage de décors nouveaux sur les structures traditionnelles.
Mais des situations presque semblables ont des résultats quelque peu différents.
ESPAGNE
L'Espagne, déjà implantée solidement à Naples, est plus précoce que la France. La grande famille des Mendoza, diplomates ou guerriers, emploie un architecte castillan sans doute formé en Italie, Lorenzo Vázquez. Celui-ci, vers 1490, dresse au collège de Santa Cruz de Valladolid, sur fond de bossages florentins, une juxtaposition d'ordres classiques et de pilastres gothiques. À Valence, trait d'union entre Naples et l'Espagne, Fernando Yáñez et Fernando de Llanos peignent entre 1507 et 1510 le grand retable léonardesque de la cathédrale. Mais c'est surtout Grenade, reconquise en 1492, qui va devenir le « banc d'essai » de l'italianisme : le château de Calahorra, qui se dresse dans la sierra à 1 200 m, fief d'un Mendoza, cache dans son enceinte un patio à médaillons et à frises exécuté sur place par des sculpteurs génois. À ces œuvres s'ajoutent les décors architecturaux qu'on appelle plateresques, traités en faible relief comme des retables extérieurs et dont la broderie associe souvent les motifs mudéjars de stuc aux marbres italiens (patio « trilingue » de l'université d'Alcalá de Henares, avant-salle capitulaire de la cathédrale de Tolède). Dès le début du règne de Charles Quint, si le plateresque transforme surtout l'aspect d'édifices civils (comme la façade de l'université de Salamanque), il touche très vite l'art religieux. À côté de décors exécutés par des sculpteurs italiens, à côté des grilles monumentales de chapelles qui adoptent le vocabulaire nouveau, absides et façades reçoivent des décors plaqués de grande envergure tout en conservant les formules caractéristiques du style « Isabelle » (motifs héraldiques monumentaux) ; c'est ainsi que Rodrigo Gil de Hontañón travaille à la cathédrale de Plasencia et à San Esteban de Salamanque.
PORTUGAL
Beaucoup plus lente est la pénétration de l'italianisme au Portugal. C'est seulement vers 1520 qu'il se manifeste à Lisbonne, au monastère de Belém, avec l'entrée en scène de nouveaux maîtres d'œuvre, et à Coimbra, avec l'apparition d'une équipe de sculpteurs d'origine française.
FRANCE
En France, c'est dans des zones très localisées que la Renaissance apparaît autour de 1500 : en Touraine (Amboise, Blois, l'atelier des Juste à Tours) et, grâce au mécénat du cardinal d'Amboise, dans la haute Normandie (château de Gaillon). La « détente » de la seconde moitié du xve s., la transformation des châteaux avec leurs façades régulières sur les jardins lui avaient déjà préparé la voie, et le décor nouveau s'entrelace naturellement aux éléments gothiques. En revanche, après 1515, les châteaux de François Ier et de son entourage (aile nouvelle à Blois, Azay-le-Rideau, Chenonceaux…) éliminent le décor gothique tout en conservant l'asymétrie pittoresque, les tourelles d'escalier saillantes, des toitures aiguës du siècle précédent. On voit se dessiner, à la façade de Blois donnant sur les jardins et surtout à Chambord, un souci nouveau de régularité et de grandeur. Mais la sculpture et le vitrail, très florissants en Normandie et en Champagne, ne se teintent que superficiellement et lentement d'italianisme.
FLANDRES ET ALLEMAGNE
Si la Grande-Bretagne ne fait appel qu'épisodiquement au concours de décorateurs italiens, les Flandres et l'Allemagne, en revanche, manifestent une curiosité assez chaleureuse pour la Renaissance. Mais l'architecture n'y joue qu'un rôle secondaire, quelle que soit la précocité relative du palais de Marguerite d'Autriche à Malines (aile de 1517).
Flandres
Ce sont les peintres qui, au terme de l'éclatante « renaissance septentrionale » du siècle précédent – celle des « primitifs flamands », dont les recherches étaient, sur le plan gothique, parallèles à celles des Florentins –, se mettent à l'école des humanistes, tel Érasme, dont les relations avec les peintres d'Anvers furent particulièrement cordiales. Le changement des décors d'architecture et des draperies est déjà sensible chez des maîtres de transition comme Gerard David et surtout Quentin Metsys. Mais une étape décisive est marquée par le voyage de Jan Gossart à Rome (1508) avec Philippe le Beau. On doit à Jan Gossart, selon Carel Van Mander, « la véritable manière de composer des histoires pleines de figures nues et de toutes sortes de poésie […] ». Même si ses figures d’Ève et de Danaé ne sont que des bourgeoises déshabillées, d'un réalisme parfois cruel, il ouvre l'ère du « romanisme ». Après lui, Van Orley, imitateur de Raphaël dans ses cartons de tapisserie, Van Scorel, etc., attestent le progrès rapide du goût nouveau.
Allemagne
L'Allemagne connaît de son côté le rapide et brillant essor d'une Renaissance encore très marquée de gothique – par le dessin tourmenté, le mélange de moralisme religieux et de fantastique – et où la gravure égale en importance la peinture. L'empereur Maximilien, la riche bourgeoisie de Nuremberg et d'Augsbourg (les Fugger), les imprimeurs partagent les mêmes curiosités, qui se portent vers Venise plus que vers Rome. Les deux voyages de Dürer à Venise, en 1494 et en 1506, ont élargi l'horizon d'un artiste de génie ; Dürer recueille l'héritage médiéval et reflète l'inquiétude religieuse de son temps, mais il s'exprime avec des formes plus largement plastiques – tributaires des leçons de Bellini – et avec une curiosité quasi mystique du paysage, de l'insecte, de l'oiseau – qui l'apparente à l'universalisme de Léonard. À coté de lui, Holbein le Jeune, avec le grand style de ses portraits comme avec ses décorations à l'antique de Bâle (1521-1522), qui introduisent la fresque en pays germanique, Cranach et Baldung Grien, avec leurs nudités grinçantes, les Suisses Urs Graf et Niklaus Manuel Deutsch, avec leurs reîtres habillés à l'antique, attestent la force et la diversité de la pénétration italienne. Celle-ci, plus lente dans la sculpture, où la tradition d'un réalisme expressionniste s'est maintenue avec éclat, apparaît pourtant dans les grandes œuvres funéraires de Riemenschneider ou des Vischer.
EUROPE DE L'EST
Enfin, et c'est un des aspects les plus curieux dans le cheminement européen de la Renaissance, les formes architecturales les plus pures se trouvent dans des pays plus éloignés de l'Italie – en grande partie par suite d'alliances matrimoniales. Sans parler de la Russie, où le mariage d'Ivan III à Rome avec l'héritière des Paléologues vaut à des architectes italiens de participer dès 1475 aux grandes constructions, il est vrai composites, du Kremlin de Moscou – ou de la Hongrie, dont la Renaissance précoce, depuis le règne de Mathias Corvin (ruines du palais de Visegrád, suspendu au-dessus du Danube), fut tuée par l'invasion turque de 1526 –, la Pologne offre à Cracovie un exemple de qualité exceptionnelle grâce au mariage du roi Sigismond Ier et de Bona Sforza : la rénovation par des Florentins, autour de 1520-1530, du palais royal du Wawel comme la construction de la chapelle funéraire des Jagellons sont sans équivalent à cette époque hors d'Italie et créeront une véritable école polono-italienne. Le belvédère de Prague, également construit et décoré par des Italiens, est d'une qualité comparable, mais il est sensiblement plus tardif (à partir de 1536).
4. L'ÂGE DU MANIÉRISME
À un léger décalage près, le maniérisme s'inscrit pour l'essentiel dans le deuxième tiers du siècle, entre 1527, sac de Rome par les Impériaux du connétable de Bourbon – épisode fortuit qui prend figure de châtiment céleste – et 1563, clôture du concile de Trente, qui s'efforce de rénover l'Église et l'art sacré.
Il reflète, dans sa géographie comme dans ses manifestations, une crise de l'Europe – divisée par la Réforme et par la volonté d'hégémonie de Charles Quint – qui ne peut épargner le monde des arts.
L'exode de nombreux artistes, la perte de prestige de la papauté ralentissent la vie artistique romaine. Cependant, la création d'un grand-duché de Toscane au profit d'une nouvelle dynastie de Médicis favorise la vie de cour à Florence, qui devient sous le règne de Cosme Ier le plus brillant foyer du maniérisme.
Seule pleinement indépendante, Venise fait figure de refuge, et son prestige est rehaussé par l'audience internationale de Titien, peintre et portraitiste de l'empereur, du roi de France et des cours italiennes. Enfin, c'est aussitôt après l'éclipse de Rome que François Ier, cherchant un atout de prestige dans sa lutte avec Charles Quint, fait appel à des satellites de Michel-Ange et s'efforce de faire de Fontainebleau une « seconde Rome », un centre de Renaissance capable de rayonner vers les pays du Nord.
4.1. ORIGINES ET DÉFINITION
Le maniérisme, qui atteint son apogée dans cette période tout en la débordant (le Corrège est déjà par certains côtés un maniériste, et la tendance se prolonge en peinture jusqu'au début du xviie s.), ne la recouvre pas tout entière et ne peut se définir simplement. Quelles sont les origines de cette « maniera », caractérisée par l'allongement et la torsion des lignes, la complication de l'arabesque, la couleur vive et froide, l'érotisme raffiné ? Exagération d'épigones virtuoses forçant le ton, faute d'avoir quelque chose à dire après les grands maîtres ? Manifestation d'angoisse devant la crise des valeurs chrétiennes et l'effondrement du rêve idyllique des humanistes ? Retour à un art de cour précieux, résurgence du « gothique international » ? Reflet du double caractère chevaleresque et pastoral des fêtes de la cour de Toscane comme des écrits de l'Arioste ?… Tout cela peut se conjuguer. Ce qui est manifeste, en tout cas, c'est la variété des formes que prend ce maniérisme : grâce un peu morbide, mais souvent exquise d'un Pontormo aussi bien dans ses compositions religieuses que dans ses évocations de la vie campagnarde ; distinction froide d'un Bronzino dans ses portraits ; plus tard, subtilité ingénieuse d'un Vasari et de son équipe dans le décor mythologique et symbolique du studiolo ducal au Palazzo Vecchio de Florence. Mais, à l'autre pôle, apparaissent la frénésie de Michel-Ange dans son Jugement dernier, la violence de Daniele da Volterra, la sensualité lourde de Jules Romain au palais du Te de Mantoue. .
Et, de l'emphase au dépouillement, on recherche un hypothétique « maniérisme architectural » dans ce même palais du Te, comme plus tard dans les décors du palais Pitti et des jardins Boboli à Florence, aux terrasses, grottes et fontaines des villas romaines de Pirro Ligorio (villa Pia, villa d'Este à Tivoli), voire chez les grands architectes vénitiens, Sansovino et Sammicheli
4.2. ESSAIMAGE EN EUROPE
Ce maniérisme florentin, importé en France par le Rosso et le Primatice, règne d'emblée sur l'école de Fontainebleau, renouvelant, par l'entremise des gravures qui en reproduisent les compositions, tout le répertoire des arts décoratifs français. Grâce à Dominique Florentin (Domenico Del Barbiere), il transforme la traditionnelle sculpture champenoise et touche aussi un artiste tel que Jean Goujon, dont les nymphes et les caryatides ont envers lui une dette considérable. Par contre, les romanistes flamands, tel Frans Floris de Vriendt, seraient plutôt attirés par Rome, par la vision tourbillonnante du Jugement dernier de la Sixtine.
En Espagne, si le maniérisme des peintres de Tolède et de Valence reste un peu compassé, si celui de Séville, importé par des Flamands, est plus robuste et expressionniste, si Morales, en Estrémadure, retrouve dans ses Vierges et ses Christs douloureux un sentiment pénétrant, tout gothique, c'est dans la sculpture de bois polychromé et doré, à Valladolid, que se révèle une création originale et forte : le type en est donné par le génie tourmenté d'Alonso Berruguete (retable de San Benito de Valladolid), avec ses figures de prophètes et d'ascètes décharnés, tordus comme des sarments.
4.3. L’ARCHITECTURE
Mais, d'autre part, un large secteur des arts européens, celui de l'architecture, suit un chemin inverse du maniérisme. En Italie même, c'est vers un style plus grave, plus dépouillé que s'orientent les architectes à mesure qu'on avance vers le milieu du siècle : en témoignent la puissante simplicité de la coupole dessinée par Michel-Ange pour Saint-Pierre de Rome et, à Venise, les affirmations robustes de masses et de volumes de Sansovino et de Sammicheli.
Mais il est surtout frappant de voir ailleurs, en France et dans la péninsule Ibérique – avec l'apparition d'une nouvelle génération d'architectes qui font le voyage de Rome (Delorme, Machuca) et se nourrissent des traductions de Vitruve –, le passage d'un italianisme fleuri et ornemental à un culte conscient et intellectualisé de la « Sainte Antiquité ». Désormais, la grammaire des Anciens, leurs canons de proportions, l'emploi correct des ordres, le goût de la symétrie passent au premier rang. C'est en France la génération des « classiques » : le tandem Lescot-Goujon au palais du Louvre, Delorme et Bullant en Île-de-France (Anet, Écouen…) et, en province – avec plus de préciosité, voire d'emphase –, Hector Sohier à Caen et Nicolas Bachelier à Toulouse.
En Espagne, la floraison est parallèle, avec les grandes créations de Pedro Machuca à Grenade (palais de Charles-Quint, à l'incomparable cour circulaire), de Rodrigo Gil de Hontañón à Salamanque (collège des Irlandais) et à Alcalá (façade de l'université), de Alonso de Covarrubias à Tolède (Alcazar), à la fois novatrices et traditionnelles (tours d'angle, déploiement des motifs héraldiques, etc.). Au Portugal, Joâo de Castilho passe presque sans transition du « manuélin » gothique à la Renaissance très pure d'Évora et de Tomar. On notera la suprématie de l'Espagne quant à l'architecture religieuse, plus timide en France. Grenade et sa région demeurent à l'avant-garde. Diego de Siloé à la cathédrale de Grenade, Andrés de Vandelvira à la chapelle du Salvador d'Úbeda et à la cathédrale de Jaén emploient les structures gréco-romaines d'une manière originale et organique, avec une richesse décorative sans surcharge. On doit parler ici non pas de maniérisme, mais d'un classicisme d'inspiration et d'aspiration « universaliste ».
5. LE DERNIER TIERS DU XVIe S.
Deux faits dominent cette période assez confuse, encore insuffisamment étudiée sur le plan européen et qui prolonge le maniérisme, mais avec des éléments et des éclairages nouveaux. Le premier est la généralisation des formes de la Renaissance, d'un vocabulaire maintenant commun à toute l'Europe. Si important que restent ses survivances souterraines (notamment dans l'Europe du Nord), le gothique est éliminé, sauf en ce qui concerne l'emploi de la voûte d'ogive dans les églises. Aux Pays-Bas (hôtel de ville d'Anvers), en Angleterre (collèges [Oxford] et châteaux de l'époque élisabéthaine) et surtout dans les villes des pays germaniques et de l'Europe centrale, une architecture civile renaissante est née – Renaissance nationalisée, « impure » et pittoresque avec ses hauts pignons aigus, ses toits en gradins, ses « oriels » saillants.
Mais cette unité – et c'est l'autre point essentiel – apparaît aussi dans le domaine spirituel, dans les préoccupations d'une époque inquiète et déchirée par la crise de la Réforme. Si l'Allemagne est momentanément stabilisée, la France et les Pays-Bas sont entrés dans le cycle des guerres de Religion, et la paralysie au moins relative des constructions en est la conséquence. Cependant, deux aspects retiennent particulièrement l'attention, concernant d'une part l'architecture religieuse des pays catholiques, d'autre part la peinture.
5.1. ARCHITECTURE RELIGIEUSE
La Contre-Réforme, définie par le concile de Trente (1545-1563) et dont la Compagnie de Jésus constitue la milice d'avant-garde, marque la volonté d'adapter l'art à la défense de la foi et donne naissance à cet art qu'un historien espagnol, Camón Aznar, propose, non sans raisons, d'appeler trentin. L'évolution qui se dessinait au milieu du siècle, en Italie et en France, vers un classicisme puriste s'accentue au service de cet idéal d'« intériorisation » – austérité, mais aussi prise de conscience de la doctrine et de sa pratique – qu'expriment les « églises de la parole », où l'autel et la chaire concentrent l'attention des fidèles.
VIGNOLE
Le Gesú de Vignole, avec sa nef unique à chapelles, ses tribunes, sa coupole, apporte un modèle dont la diffusion est européenne – avec de larges adaptations aux conditions locales – et qu'on trouve avant la fin du siècle à Munich comme à Séville.
RÉALISATIONS ESPAGNOLES
L'Espagne, citadelle de l'orthodoxie, renchérit sur les formules romaines avec les grandioses masses nues, le style « desornamentado » de l'Escorial de Juan Bautista de Toledo et Juan de Herrera (1563-1584), monument qui, loin d'être le « beau monstre » déraciné que dénonçait Ortega y Gasset, est, avec ses tours d'angle, son coro alto et son grand retable, l'aboutissement d'une tradition hispanique vivace et que continuent, non seulement dans les deux Castilles, mais de la Galice à l'Andalousie, du Portugal à Valence, des églises, des collèges et des hôpitaux de même style.
PALLADIO
Palladio, le génial architecte de Vicence, concilie le goût vénitien de l'opulence ordonnée avec un souci de classicisme puriste, qui trouve son expression dans le théâtre Olympique et, plus parfaitement encore, dans l'incomparable série de ses villas, à commencer par la Rotonda : nul architecte n'aura une influence posthume plus étendue, de l'Angleterre d'Inigo Jones à la France de Perrault et de J.-A. Gabriel.
5.2. PEINTURE
Cependant, la peinture montre, par-delà les frontières des « écoles », une commune inquiétude et la soif d'un renouvellement. Le maniérisme « explose » en quelque sorte dans des directions multiples, l'imagination visionnaire et les jeux de la lumière tenant une place grandissante, tandis que les peintres s'efforcent de s'adapter aux nouvelles exigences de l'art religieux. L'humanisme chrétien que les Jésuites développent dans leurs collèges à grand renfort de concours poétiques et de représentations théâtrales admet la fable, moins pour sa beauté formelle que pour les exemples et les symboles qu'on peut y puiser, une fois épurée et moralisée. Le souci primordial de la formation religieuse, exaltant ce que rejette le protestantisme – culte de la Vierge et des saints, culte eucharistique –, évoquant les exemples des confesseurs et des martyrs, fait naître en masse ces grands tableaux d'autel consacrés à des supplices, à des visions, à des extases et qui, à la fois réalistes et ouverts sur l'invisible, s'achèvent par un ciel peuplé d'anges.
ITALIE
L'Italie du Nord joue un rôle primordial avec les Bolonais et les Lombards : les Carrache, éclectiques décorateurs de la galerie Farnèse, paysagistes, peintres de types populaires, sont avant tout les promoteurs de ces grands tableaux d'église. Mais d'autres peintres de l'Italie centrale, comme Barocci, incarnent avec éclat ce « maniérisme réformé » (selon l'expression de Roberto Longhi), qui, après un long dédain, retient de plus en plus l'attention des historiens et répond à la fois aux exigences conciliaires et à la sensibilité du peuple. Ce double souci marque même l'« îlot » vénitien. Si Véronèse, avec l'éclat joyeux de sa couleur, avec son Évangile de colonnades, de festins et de musiciens (qui lui vaudront quelques démêlés avec l'Inquisition), maintient brillamment la tradition de Titien, le vieux maître s'engage, quant à lui, dans la voie du « nocturne » scintillant et mystérieux Martyre de saint Laurent à l'Escorial). Et les scènes rustiques et bibliques des Bassano assureront très vite une diffusion européenne à cette formule. Mais elle trouvera son expression majeure avec le Tintoret, l'un des plus puissants visionnaires de la peinture. L'art à la fois populaire et savant de celui-ci, tel qu'il apparaît dans l'ensemble unique de la Scuola di San Rocco, avec ses effets de perspectives fuyantes, de lumières et d'ombres, ressuscite les épisodes de la Bible, de l'Évangile avec une intensité inégalée.
ESPAGNE
Le luminisme vénitien passe en Espagne et y éveille de profondes résonances vers 1570, avant que les Florentins appelés par Philippe II à l'Escorial répandent en Castille le « maniérisme réformé », prélude à l'éclosion réaliste du xviie s.
En fait, Federico Zuccaro et Pellegrino Tibaldi feront regretter au roi et aux religieux la mort prématurée (1579) du Castillan Juan Fernández de Navarrete, formé à Venise et premier décorateur de l'Escorial. Mais après celui-ci surgit un astre d'un autre éclat, le Greco, venu de Venise et de Rome, rejeté par le roi, mais conquis et adopté par Tolède, et qui fixe dans l'Enterrement du comte d'Orgaz l'image de la société tolédane et de sa vie spirituelle. Avec ses formes nerveuses, héritées du maniérisme, mais vibrantes comme des flammes, il transpose les plus hautes aspirations de la Contre-Réforme, l'ardeur des mystiques avides de se fondre en Dieu.
PAYS-BAS
L'éclatement du maniérisme prend en d'autres pays des formes plus menues et compliquées, mais non moins tourmentées, et cela surtout dans les Pays-Bas, où, à côté des portraits individuels (Antonio Moro) ou collectifs (Cornelis Ketel) et des robustes natures mortes (Aertsen), les compositions visionnaires abondent chez les derniers romanistes, tel un Marten de Vos, disciple du Tintoret en Italie (Triomphe du Christ). Mais la note la plus attachante est due, dans la tradition de Brueghel, à ces peintres de bois mystérieux, de rochers, de châteaux féeriques, d'incendies et de ruines que sont Lucas Van Valckenborgh, Gillis Van Coninxloo, Joost De Momper et tant d'autres – sans oublier Paul Bril, qui transporte à Rome, en l'épurant, ce type de paysages.
On trouve un « surréalisme » différent à la cour de France avec les tableaux froids de couleur, surchargés d'obélisques et de temples d'Antoine Caron – et surtout à la cour de Prague, où Rodolphe II s'entoure d'artistes flamands, allemands, italiens, qui cultivent un érotisme glacé (Bartholomäus Spranger) ou une bizarrerie parfois hallucinante (les « têtes composées » de Giuseppe Arcimboldo).
Ce panorama composite, qui reflète les remous profonds de l'Europe, débouche sur la crise des années 1590-1600 : la réaction brutale qui part de Lombardie et qu'apporte le Caravage. Associant un naturalisme grandiose dans la plénitude de ses formes « populiste » dans l'expression de la piété des humbles comme de la truculence des hors-la-loi aux ressources d'un luminisme nocturne qui crée l'inquiétude, il apporte un contrepoids à l'éclectisme des Carrache et répond aux aspirations profondes de l'Europe, catholique ou protestante. Par lui, Rome devient foyer d'appel et creuset européen. Cette crise – qui se résorbera peu à peu dans l'art de cour et l'humanisme chrétien du xviie s. – marque la fin de la Renaissance et ouvre un cycle nouveau, celui du baroque.
6. LES ARTS DÉCORATIFS DE LA RENAISSANCE
6.1. L’HÉRITAGE ANTIQUE
Un des éléments les plus typiques du vocabulaire décoratif de la Renaissance lui a été fourni par la mise au jour fortuite, à Rome, au xve s., des restes enterrés des palais de Titus, d'Hadrien, de Néron (« maison dorée »), qui conservaient leur ancienne décoration de stucs sculptés et peints. Les artistes, notamment ceux qui appartenaient vers 1515 à l'atelier de Raphaël, allèrent visiter ces authentiques témoins d'une antiquité qu'ils ne connaissaient que superficiellement. Morto da Feltre (vers 1470-vers 1526), Giovanni da Udine (1487-1564) s'attachèrent spécialement à l'étude des gracieuses fantaisies gréco-romaines, quelque mépris que professât pour elles Vitruve, le grand théoricien de l'architecture classique. Relevés dans des abris voûtés, ces décors furent désignés par l'épithète qui rappelait leur origine, grotteschi, terme dont le sens a bien changé. En 1516, Raphaël et ses disciples composaient de grotteschi la décoration de la villa Madama ; en 1519, Giovanni da Udine en couvrait les plafonds des « loges » du Vatican. À Mantoue, Jules Romain les appliquait à la décoration du palais ducal et du palais du Te. Bramante, qui avait construit à Milan l'église San Satiro, en faisait décorer le baptistère par le Caradosso, qui l'orna de bustes saillants encadrés de couronnes, – l'un des motifs topiques du style Renaissance avec les rinceaux, les autels votifs supportés par des tiges, les cartouches et les figures terminées en ornements, disposés sur les pilastres, les bandeaux et les frises.
Se séparant du calligraphisme byzantin comme du réalisme issu de Giotto, c'est un art nouveau qui s'épanouit. Mais l'interprétation objective de la nature, telle que l'avaient pratiquée les maîtres, vivifie avec bonheur les combinaisons ornementales, leur conférant une crédibilité distincte des formules purement graphiques qui seront empruntées plus tard aux mêmes sources.
6.2. DIFFUSION DES INSPIRATIONS
L'Italie proposait non seulement un exemple, mais aussi des méthodes. Les universités enseignaient les mathématiques appliquées à la décoration, c'est-à-dire la perspective. On sait quel parti en tireront Michel-Ange et le Corrège, précédant Borromini.
C'est cette leçon que vient chercher Albrecht Dürer à Venise, pour s'en désenchanter et retourner à l'étude naïve de la nature. Mais le maître allemand et toute son école restent marqués du style italien. Les peintres et les architectes décorateurs des Pays-Bas vont très vite étudier l'art italien : ils en tireront un formalisme où l'ornemental prime le sujet.
La France avait eu dès le xve s. quelque information des découvertes romaines ou, du moins, de l'exploitation qu'en faisaient les maîtres italiens : tout donne à penser que l'activité commerciale déployée par Jacques Cœur introduisit en France nombre d'ouvrages italiens. C'est sur un fond de grotteschi que Jean Fouquet détache le portrait de Guillaume Juvénal des Ursins, d'environ 1460. D'ailleurs, dès 1445, le maître français avait visité l'Italie : il est évident qu'il a tiré parti du formulaire élaboré dans la péninsule.
6.3. DÉVELOPPEMENTS EN FRANCE
L'ÉCOLE DE FONTAINEBLEAU
Un événement capital va se produire en 1494 : l'expédition militaire de Charles VIII, que renouvellera Louis XII en 1499. Les compagnons d'armes des deux rois conservèrent de leur passage en Italie une impression profonde. Dans les fourgons de l'armée, ils ramenaient nombre d'artistes et de praticiens italiens, dont François Ier renforcera l'effectif. Au Rosso, le roi chevalier confie la décoration du palais de Fontainebleau. Vers 1530, il invite Jules Romain à lui donner un de ses élèves, qui est le Primatice. L'école de Fontainebleau devient, sous le directorat du maître italien, le foyer de l'art nouveau. Comme l'architecture, les arts du décor adoptent le répertoire ornemental à l'antique : bustes en relief inscrits dans des couronnes, chapiteaux à décor de caprice, pilastres et frises ornés de grotteschi, ordres classiques substitués aux structures gothiques, lucarnes et mitres de cheminées surmontées de frontons, caissons sculptés remplaçant les voûtains. Mais l'ornementation seule est nouvelle : la structure reste fidèle au rationalisme traditionnel. Les « chambrillages » revêtant de leurs fenestrages aveugles les parois des donjons gothiques font place à des lambris sculptés de motifs classiques ou de grotteschi légers. Dès les années 1940, le style de la Renaissance française est nettement distinct de celui dont il procède : ainsi la galerie dite « de François Ier » de Fontainebleau, œuvre du Rosso (1535), présente, avec ses stucs à guirlandes, « cuirs » et figurines, une insistance dans le contraste des reliefs et des creux que s'interdit l'ornementation française (mis à part un Hugues Sambin).
ÉVOLUTION
L'avènement d'Henri II, en 1547, accentue cette déviation. Un nouveau système s'élabore, qui rejette le répertoire souriant des grotesques pour adopter un formulaire moins fantaisiste et plus discipliné. L'esprit architectural anime les compositions murales ainsi que les meubles aux divisions soulignées par des pilastres cannelés, aux panneaux décorés de figurines en léger relief, dans la manière de Jean Goujon. Les arabesques originelles font place aux godrons, aux entrelacs, éléments impersonnels, caractéristiques de la tendance nouvelle. Sur les panneaux des grands meubles se détachent des plages elliptiques ou circulaires, nues, qu'on appelle des miroirs et qu'environnent des lanières découpées. Les sièges reflètent la véritable révolution qui se consomme. Les « chaises à bras » remplacent les « chaises à haut dossier » ; un très beau modèle apparaît, dont le dossier canné s'encadre de montants tournés en spirale. Pour les dames s'invente une chaise basse à dos, sans accotoirs, la caquetoire, et en même temps se crée un siège à dos et accotoirs, quelquefois monté sur pivot, qui voisine avec les sièges en tenaille imités des sedie d'Italie. Tous les métiers d'art prennent part à cette mutation. La tapisserie, élément alors essentiel de l'ameublement, dévie de son principe multipolaire pour devenir un tableau, composé en fonction d'un point d'attrait privilégié. La céramique abandonne sa technique originelle du « vernissé » pour rivaliser avec la faïence émaillée italienne. Le tissu, l'orfèvrerie empruntent leurs modèles à l'Italie.
Le rayonnement de la Renaissance s'étend au loin, fût-ce avec un décalage chronologique. C'est à Palladio que l'architecture et, par suite, le mobilier anglais demandent leur renouvellement au début du xviie s. La Suède, à la même époque, suit son exemple, tandis qu'en Espagne Alonso Berruguete et son école substituent le classicisme de la Renaissance au style mozarabe imprégné de l'influence mauresque.
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Art.(W.fr.)
Renaissance artistique
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