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mardi 11 février 2020

GULAG: un trecut care nu mai trece si care, de fapt, nu e trecut


Goulag : le châtiment sans crime

« Goulag, une histoire soviétique », trois épisodes de 52 minutes de Patrick Rotman, sur Arte le 11février à 20 h 50 et sur arte.tv jusqu’au 10 avril.

Paris Match |
Verbitsky, un détenu parmi des millions d’autres.
Verbitsky, un détenu parmi des millions d’autres.Tomasz Kizny
Arte diffuse un documentaire saisissant de Patrick Rotman qui retrace toute l’horreur des camps soviétiques. Et le déni face aux millions d’innocents envoyés à la mort.
Pendant des années, on n’a rien su. Ou, plutôt, on n’a rien voulu savoir. Agrippée au parapet de l’utopie communiste, une intelligentsia occidentale stérile fuyait la réalité comme le choléra. Profonde et douillette tel un oreiller de plumes, sa bonne conscience ne voyait à l’Est que des héros purs comme la neige. Moscou était la nouvelle Rome d’une religion athée. Toute vérité contraire au dogme demeurait plus cadenassée qu’une serrure à trois points. L’œil liturgique et les phrases veloutées d’Aragon et des autres n’y changent pourtant rien : le paradis rouge n’était qu’un enfer blanc.

Extraction et enrichissement de l’uranium à Kolyma, en 1948. Le travail était top secret, les prisonniers n’étaient pas protégés des radiations.
Extraction et enrichissement de l’uranium à Kolyma, en 1948. Le travail était top secret, les prisonniers n’étaient pas protégés des radiations.
© Tomasz Kizny
De 1923 à 1954, 20 millions d’innocents furent enfermés par la « Direction générale des camps » ( « Glavnoe Ouprarvlenie Laguereï »), dont les premières lettres donnent le mot goulag. Plusieurs millions y moururent. Dans des conditions qui fendent le cœur. Cet archipel de la mort était un véritable pays à l’intérieur du pays. Avec ses provinces infernales réparties sur toute l’immensité russe et sibérienne. Le premier bagne s’ouvre en 1923 aux îles Solovki, à l’est de la Finlande, près du cercle polaire. Dès le premier jour règne une autre loi, impitoyable, celle du pouvoir soloviétique. Bientôt d’autres vont suivre. Sur le canal de la mer Blanche à la Baltique, à la Kolyma face à l’Alaska, dans les steppes où l’on construira un second Transsibérien, sur la Volga qu’on veut relier à la Moskova… Dans ces édens enchantés, l’hiver a douze mois. Le reste, c’est l’été. Qu’importe, Gorki et d’autres se laissent fasciner et les complexes concentrationnaires prolifèrent comme des métastases. Au point que l’industrie pénitentiaire devient un rouage essentiel de la production russe. Son administration est tentaculaire.

En 1937 et 1938, on exécute 50 000 personnes par mois

Dès 1935, on atteint le million de prisonniers. Sans compter le million de « déplacés spéciaux », cloîtrés dans les mêmes implacables régions. La Grande Terreur multipliera bientôt ces chiffres. En 1937 et 1938, on exécute 50 000 personnes par mois. Des trains entiers de « relégués » partent pour l’Est. Certains jours, on abat 1 500 suspects. De quoi ? Mystère. D’infraction à l’article 58, un mot-valise qui t’envoie à la mort pour le vol de deux pommes sous prétexte d’activité antisoviétique ! Comme rien ne marche en URSS, ni l’agriculture ni l’industrie, on attribue toutes les tares du système aux « saboteurs » financés par l’étranger. Autant d’esclaves à disposition. Une main-d’œuvre sans cesse renouvelée qui travaille jusqu’à l’épuisement. Le pire, c’est que pendant longtemps ça fonctionne.
Pour le canal de la mer Blanche, on creuse 227 kilomètres, dont 40 taillés dans la roche. Sans camions, sans engins mécaniques, sans machines qui gèlent. Des voies ferrées apparaissent, des routes, des villes. Avant la Seconde Guerre mondiale, à la Kolyma, qu’il faut des semaines pour atteindre, à l’extrême nord-est du continent, on produit 50 tonnes d’or par an. Tous les moyens sont bons. Chaque responsable de camp est un véritable tsar chez lui. Il y en a même qui se déplacent en Rolls ! En 1942, un quart des 2 millions de détenus meurent de faim, de froid, du typhus ou du choléra. Il n’y a pas de miroirs au goulag. Les femmes, éternelles proies sexuelles, ne s’y reconnaîtraient plus.

Dans son triptyque documentaire, Patrick Rotman ouvre les portes de l'enfer

En 1947, sur 15 000 enfants, 6 000 décèdent. La loi du plus fort règne. Seule la sauvagerie garantit la survie. Sans passé ni avenir, on est acculé au présent. Le Kremlin s’en moque. A la dictature du prolétariat a succédé celle du Parti, puis celle du secrétaire général. C’est Staline. Tout est dit. En Occident, après 1945, on sait. Mais, comme d’habitude, le silence et l’indifférence sont nos yeux et nos mains. Surtout ne pas froisser la sensibilité en papier de soie du PC. On pourrait désespérer Billancourt ! Il faudra la mort du « petit père des peuples » et le rapport Khrouchtchev pour que la gauche se résigne à soulever le couvercle du cercueil où la grande URSS avait enseveli ses martyrs. Des livres vont paraître et des écrivains tout dire.
Dire quoi ? Ce que les trois films d’Arte montrent de façon parfois insoutenable grâce à des images encore jamais vues. Patrick Rotman, le réalisateur du triptyque documentaire, avait déjà plusieurs fois ouvert les portes de l’enfer dans ses films sur la guerre d’Algérie, les Brigades internationales ou les survivants de la Shoah. Là, il a poussé la dernière. C’est la pire. Pour l’instant. Un jour, on saura ce qui se passe en Chine ou en Corée du Nord. On dira qu’on ne pouvait pas savoir. Comme d’habitude.
« Goulag, une histoire soviétique », Arte éditions/ Seuil, 39 euros.

1928, prisonniers du camp sur les îles Solovki.
1928, prisonniers du camp sur les îles Solovki.
© Archives soviétiques

Patrick Rotman : "Toute famille russe a frôlé ou connu le goulag"

Paris Match. Le goulag était presque un secret d’Etat. Où avez-vous trouvé cette masse d’images ?

Patrick Rotman. D’abord en regardant des quantités de documents russes. Même s’ils n’illustrent pas le goulag, ils en montrent les responsables. C’est ainsi qu’on a retrouvé le film de l’enterrement de Dzerjinski, le chef de la Tcheka, la police politique. Son cercueil est porté par Staline et Trotski ! Une image totalement taboue qui aurait dû disparaître. Et puis, il y avait des films de propagande. Quand on les observe aujourd’hui, on y entend bien le silence des zeks [prisonniers] au visage fermé et au regard absent malgré les orchestres et les spectacles montés par la propagande. Par ailleurs, depuis trente ans, l’association Memorial, fondée par Sakharov, a accompli un travail de fourmi pour récupérer dessins, vêtements, photos et toutes les traces de l’enfer concentrationnaire. Sans oublier qu’en 1941 les hommes du NKVD en fuite ont massacré Polonais, Baltes, Ukrainiens et autres – ce dont les actualités allemandes se sont régalées.

Il faudra la mort de Staline pour que les paupières daignent se soulever
En France, qui savait ?
Tout le monde aurait pu savoir. Le premier témoignage est un livre français paru en 1927 : “Un bagne en Russie rouge. Solovki, l’île de la faim, des supplices, de la mort”. Avant 1939, une cinquantaine d’ouvrages furent publiés à l’étranger. La Grande Terreur et la dékoulakisation avaient été les plus grands massacres en temps de paix de l’Histoire. En 1946, lorsque Kravchenko, un ancien haut cadre communiste passé à l’Ouest, publie “J’ai choisi la liberté !”, le PC français l’attaque en justice. Paul Eluard, Elsa Triolet, Louis Aragon, Tristan Tzara, Emmanuel d’Astier viennent défendre l’honneur de l’URSS. Mais en vain. Kravchenko gagne son procès. Il faudra la mort de Staline pour que les paupières daignent se soulever.

Et les Russes, que savaient-ils ?
Le goulag a concerné des dizaines de millions de personnes. Toute famille russe l’a frôlé ou l’a connu. Mais, même làbas, on n’a pas pris la mesure du système. D’autant que c’était un secret d’Etat. Sans oublier qu’il n’y avait presque jamais de retours. Quand ils étaient libérés, les prisonniers restaient sur place. Il n’y avait pas de droit de visite. D’ailleurs comment se rendre dans ces lieux perdus ? La Kolyma était trois fois plus grande que la France…

Pourquoi n’y a-t-il pas eu de révoltes ?
Vers la fin, en 1953, il y en a eu. Et après la fin de la guerre, on a vu des mouvements de résistance menés par les masses de prisonniers ukrainiens ou allemands. Mais ils ne recevaient aucun soutien de l’extérieur. Le pouvoir cadenassait l’information. D’ailleurs, il continue. Depuis trente ans, il met autant que possible des bâtons dans les roues de l’association Memorial. Quand Nicolas Werth, historien, spécialiste de l’URSS, auteur du “Livre noir du communisme”, coauteur de notre album, est allé à Norilsk sur les traces du goulag, il a été ramené manu militari à Moscou par le FSB.

Quels sont les livres à lire sur le goulag ?
On pense à Soljenitsyne. “L’archipel du goulag”, “Une journée d’Ivan Denissovitch” ou “Le pavillon des cancéreux”. Et puis il y a “Les récits de la Kolyma”, le chef-d’œuvre de Varlam Chalamov, une description insoutenable de l’enfer blanc racontée par un “crevard”. Sans oublier les livres de Julius Margolin, d’Evguenia Guinzbourg et les poèmes d’Ossip Mandelstam. Avec eux, on voit la réalité en face. Une lumière aveuglante pour des yeux d’aveugles.

« Goulag, une histoire soviétique », trois épisodes de 52 minutes de Patrick Rotman, sur Arte le 11février à 20 h 50 et sur arte.tv jusqu’au 10 avril.
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Un long voyage dans l’enfer du goulag, sur Arte

Des documents d’archives exceptionnels donnent vie à une série documentaire événement, divisée en trois parties.
Par   Publié hier à 18h30
Temps de



Des détenus sur l’île de Vaïgatch, dans l’océan Arctique, au début des années 1930.
Des détenus sur l’île de Vaïgatch, dans l’océan Arctique, au début des années 1930. TOMASZ KIZNY
ARTE - MARDI 11 FÉVRIER À 20 H 50 - SÉRIE DOCUMENTAIRE
De par leur narration à la fois limpide et instructive, la richesse de leurs archives et des témoignages recueillis, sans oublier la rigueur du montage et la qualité de l’habillage sonore, certains documentaires historiques diffusés à la télévision marquent les esprits. On pense notamment aux œuvres de l’Américain Ken Burns dont la série documentaire Vietnam, pour ne citer que la plus récente, avait fait sensation. A n’en pas douter, ce documentaire français consacré au goulag et divisé en trois parties de presque une heure chacune fera bientôt partie des « classiques » du genre.
Tout a été minutieusement travaillé pour faire de cette série un grand moment de télévision après avoir été un livre de référence
Paru en novembre 2019 aux éditions du Seuil, le livre Goulag, une histoire soviétique signé du trio Patrick Rotman, Nicolas Werth et François Aymé a précédé ce documentaire. Passionnante à lire, cette histoire d’un système concentrationnaire hors normes, s’étendant sur près de quatre décennies, ayant concerné plus ou moins directement 40 millions d’individus et fait environ quatre millions de victimes, devient encore plus forte à l’écran.
Grâce à des documents d’archives exceptionnels (photos clandestines, films de propagande notamment), ce long voyage en enfer prend soudain vie. La mise en scène soignée, avec la voix de Florence Pernel au commentaire, la bande-son, tout a été minutieusement travaillé pour faire de ce Goulag, une histoire soviétique, un grand moment de télévision après avoir été un livre de référence.
Le sujet est, de fait, propice aux documentaires ambitieux. En avril 2019, France 2 avait diffusé l’excellent Goulag(s), de Michaël Prazan et Assia Kovriguina. Les auteurs avaient choisi, à travers le voyage de Kovriguina, petite-fille d’ancien détenu, de donner en 77 minutes de la chair à ce travail de mémoire.

Un système économique à part entière

Avec ce nouveau documentaire, beaucoup plus long car ayant pour ambition de raconter une histoire intégrale de ce qui fut « un pays dans le pays », le trio Rotman-Werth-Aymé a choisi de respecter la chronologie. Cette approche se révèle nécessaire, tant l’histoire du goulag est complexe, intimement mêlée aux soubresauts ayant rythmé, entre le début des années 1920 et la fin des années 1950, la vie politique, économique, sociale, culturelle et militaire du peuple soviétique.
Pour ses grands projets d’expansion industrielle, Staline a profité d’une main-d’œuvre gratuite et nombreuse
Le goulag (acronyme en russe de Direction centrale des camps) n’a pas seulement été un système d’enfermement, de relégation ou de liquidation. Il a rapidement été utilisé comme un système économique à part entière. Pour ses grands projets d’expansion industrielle, Staline a profité d’une main-d’œuvre gratuite et nombreuse. Chemins de fer, canaux, villes, mines, forages, les zeks (abréviation de « détenus du canal », devenu terme générique désignant tous les déportés) ont travaillé dans des conditions inhumaines sur des chantiers disséminés à travers tout le pays-continent. Des cartes animées permettent de façon assez efficace de visualiser la localisation des centaines de camps, d’Ouest en Est. Et de constater leur prolifération au fil du temps.
Outre les archives (photos ou filmées) exceptionnelles qui font pénétrer à l’intérieur même des camps, des chantiers aussi démesurés que mortels et des étendues hostiles, la force des témoignages recueillis auprès de survivants apporte chair, sang et larmes à un récit qui semble plonger toujours plus loin dans l’horreur. Un grand moment de télévision consacré à un phénomène historique majeur du XXe siècle.
Goulag, une histoire soviétique, de Patrick Rotman, Nicolas Werth et François Aymé (Fr., 2019, 3 x 57-58 min). www.arte.tv/fr/videos/080114-001-A/goulag-une-histoire-sovietique-1-3

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